T-516-74
International Factory Sales Service Limited
(Demanderesse)
c.
Le navire Alexandr Serafimovich et Far Eastern
Steamship Company (Défendeurs)
Division de première instance, le juge suppléant
Smith—Vancouver, les 7 et 10 avril et le 30 mai
1975.
Droit maritime—Perte et endommagement de têtes de
machines à coudre pendant leur déchargement—Défendeurs
admettant leur responsabilité mais invoquant la limite de $500
par colis prévue à la Loi sur le transport des marchandises par
eau—Les machines étaient emballées dans des cartons dis-
tincts et placées dans ou sur trois palettes, à raison de 50
chacune—Chaque carton est-il un colis?—Une palette conte-
nant 50 cartons est-elle un colis?—La valeur d'une machine
est de $43.05 É.U.—Loi sur le transport des marchandises par
eau, S.R.C. 1970, c. C-15, Règle 5 de l'art. IV de l'annexe—
Carriage of Goods by Sea Act, U.S. Code 1970, 46-1300, art.
4(5).
La demanderesse réclame des dommages-intérêts pour la
perte et l'endommagement de têtes de machines à coudre; la
valeur de chaque machine est de $43.05 É.U.; les machines
étaient emballées dans des cartons distincts et placées dans ou
sur trois palettes, à raison de 50 chacune. Les défendeurs
admettent leur responsabilité mais invoquent la limite de $500
par colis prévue à la Règle 5 de l'article IV de l'annexe à la Loi
sur le transport des marchandises par eau.
Arrêt: la demanderesse a droit aux dommages-intérêts. La
limite de $500 n'est plus satisfaisante étant donné la dévalua-
tion de la monnaie depuis 1936, date de son adoption, et les
changements dans le genre, les dimensions et la forme des colis
à la suite des progrès techniques. La plupart des jugements
relatifs à la définition du mot «colis» sont américains. Il est
évident que la question de savoir si un gros conteneur, une
palette ou un paquet plus petit placé dans ou sur un conteneur
ou une palette est un «colis» au sens de la Règle 5 (article 4(5)
de la Loi américaine) dépendra des faits de chaque affaire, et
plus particulièrement de l'intention des parties telle qu'elle
ressort des documents de transport, des déclarations des parties
et des négociations. La description des marchandises en cause
(inventaire d'emballage et facture, facture des douanes, con-
naissement) révèle que c'est chaque carton, et non chaque
palette, qui doit être considéré comme un «colis». Le fait qu'on
ait numéroté les cartons et le fait qu'ils aient été visibles de
l'extérieur des palettes renforce l'opinion selon laquelle la des
cription des marchandises révèle que l'élément dominant dans
l'esprit des parties était les 150 têtes de machines à coudre,
chacune emballée dans un carton protecteur séparé.
Arrêt suivi: Johnston Company Limited c. Le navire «Tin-
defjell» [1973] C.F. 1003. Arrêts analysés: Standard
Electrica S.A. c. Hamburg Sudamerikanische Dampf-
schiffahrts and Columbus Lines Inc. [1967] A.M.C. 881;
Leather's Best Inc. c. The «Mormaclynx» [1971] 2 L1.
L.R. 476; Acushnet Sales Co. c. S.S. «American Legacy»
and United States Lines Inc. (Cour du district de N.Y.,
non publié, 21 mai 1974); et Primary Industries Ltd. c.
Barber Lines AIS Skibs et AIS Tropic [1974] A.M.C.
1444.
ACTION.
AVOCATS:
D. F. McEwen pour la demanderesse.
R. R. Walsh pour les défendeurs.
P. Gordon pour la tierce partie.
PROCUREURS:
Ray, Wolfe, Connell, Lightbody & Reynolds,
Vancouver, pour la demanderesse.
Macrae, Montgomery, Spring & Cunning-
ham, Vancouver, pour les défendeurs.
Davis & Cie, Vancouver, pour la tierce partie.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT SMITH: Il s'agit d'une
demande de dommages-intérêts pour la perte de
têtes de machines à coudre et les dommages subis
pendant leur déchargement du navire Alexandr
Serafimovich à Vancouver (C.-B.), le 28 mai
1973. A l'audience, la demanderesse n'a fondé sa
demande que sur la rupture du contrat par les
défendeurs. D'autre part, au cas où ils seraient
jugés responsables, les défendeurs ont intenté les
mêmes poursuites contre un tiers, Empire Steve-
doring Co. Ltd., dont les préposés et les employés
déchargeaient le navire lorsque la perte est surve-
nue. Les plaidoiries relatives au litige entre les
défendeurs et la tierce partie n'étaient pas termi-
nées à la date de l'audience le 7 avril 1975 et le
'procès ne porte donc que sur le litige entre la
demanderesse et les défendeurs. A la demande des
parties, le règlement du litige entre les défendeurs
et la tierce partie a été remise à une date
ultérieure.
A l'audience les parties ont soumis un énoncé
conjoint des faits que voici:
[TRADUCTION] 1. Une copie du connaissement KVO-4, pièce
«A», est annexée aux présentes; en vertu de ce connaissement,
la défenderesse Far Eastern Steamship Company a transporté,
à bord du navire défendeur aALEXANDR SERAFIMOVICH», 3
palettes contenant au total 150 cartons de têtes de machines à
coudre, de Kobe (Japon) jusqu'à Vancouver (Colombie-Britan-
nique).
2. Lors du chargement à Kobe, les 3 palettes, contenant au
total 150 cartons de têtes de machines à coudre, semblaient en
bon état.
3. La demanderesse est propriétaire des 3 palettes contenant au
total 150 cartons de têtes de machines à coudre.
4. Pendant le déchargement à Vancouver, une palette conte-
nant 50 cartons de têtes de machines à coudre est tombée
par-dessus bord.
5. Quarante-neuf cartons sont tombés à l'eau dans le port de
Vancouver.
6. Sur les 45 cartons, 4 seulement ont pu être retirés du port de
Vancouver, mais les têtes de machines à coudre qui s'y trou-
vaient étaient très rouillées.
7. En plus des 49 cartons perdus dans le port de Vancouver, 3
des cartons livrés au consignataire contenaient des socles et des
bras supérieurs brisés et tordus.
8. Les parties admettent que si les défendeurs n'ont pas le droit
de limiter leur responsabilité, les dommages-intérêts payables à
la demanderesse seront de $2,886.75.
Les défendeurs admettent leur responsabilité,
mais ils prétendent avoir le droit de limiter cette
responsabilité en vertu de la Règle 5 de l'article IV
de l'annexe à la Loi sur le transport des marchan-
dises par eau, S.R.C. 1970 c. C-15. Cette Règle
dit notamment:
5. Le transporteur comme le navire ne seront tenus en aucun
cas des pertes ou dommages causés aux marchandises ou les
concernant, pour une somme dépassant cinq cents dollars par
colis ou unité, ou l'équivalent de cette somme en une autre
monnaie, à moins que la nature et la valeur de ces marchandi-
ses n'aient été déclarées par le chargeur avant leur embarque-
ment et que cette déclaration ait été insérée au connaissement.
En l'espèce, le connaissement (pièce P-4) men-
tionnait la nature des marchandises—on peut donc
présumer que les défendeurs en avaient connais-
sance—mais n'indiquait pas leur valeur.
Tous les documents de transport indiquent que
les machines à coudre étaient emballées dans des
cartons distincts et placées dans ou sur trois palet
tes, à raison de 50 chacune. D'après le témoignage
de A. H. Moore, secrétaire-trésorier de la deman-
deresse, que je considère digne de foi, les boîtes
étaient en carton épais, de forme rectangulaire et
mesuraient 16 pouces par 9 pouces par 12 pouces.
Depuis quelques années, selon une entente avec les
fournisseurs japonais, les cartons , contenaient un
moulage de styromousse s'ajustant autour des
machines à coudre emballées, et étaient ensuite
empilés sur les palettes. Ces dernières sont de
simples plate-formes de bois mesurant environ 4
pieds par 3 pieds et demi, assujetties à des plan-
ches de 2 pouces par 4 pouces, placées de telle
sorte que les bras d'un chariot à fourche puissent
facilement glisser sous la plate-forme. On utilise
des rubans d'acier sur la longueur et la largeur
pour attacher ensemble les cartons et les fixer à la
palette. Des équerres en fer ou en bois sont placées
sur les bords et les coins vulnérables pour empê-
cher la pression des rubans d'acier d'endommager
les cartons. Ceux-ci ne sont pas complètement
recouverts, et tous portent un numéro différent;
dans ce cas, il s'agissait de la suite ininterrompue
des numéros 151 300. Ils étaient tous visibles et
n'importe qui aurait pu les compter en faisant le
tour de la palette.
L'issue du litige dépendra de la réponse à la
question de savoir si, dans les circonstances,
chaque carton est un colis au sens de la Règle 5 de
l'article IV (précitée) ou si c'est la palette conte-
nant les 50 cartons qui doit être considérée comme
le colis. D'après la facture, pièce P-2, la demande-
resse avait payé chaque machine à coudre $43.05
en dollars américains. Par conséquent, si l'on con-
sidérait chaque carton contenant une machine à
coudre comme un colis, la limitation de la respon-
sabilité du transporteur à $500 par colis ne serait
pas applicable en l'espèce; le transporteur ne béné-
ficierait donc d'aucune limitation de responsabi-
lité. Par contre, si l'on considérait la palette conte-
nant 50 cartons et 50 machines à coudre comme
un colis, la valeur des 50 machines à coudre sur la
palette serait supérieure à $2,000 et la responsabi-
lité du transporteur serait limitée à un maximum
de $500 par palette.
Avant de chercher à déterminer le sens du mot
«colis» en l'espèce, je signale que pour deux raisons,
la limitation de $500 par colis n'est plus satisfai-
sante. Premièrement, la règle remonte à une con
vention internationale signée à la Haye en 1924,
s'appliquant à chaque état qui l'adoptait. La
Grande-Bretagne adopta les Règles de la Haye dès
1924, mais ce n'est qu'en 1936 que le Canada et
les États-Unis votèrent des lois afin de s'y soumet-
tre. Le but de la limitation de $500 était d'accor-
der une certaine protection au propriétaire de la
cargaison en fixant un montant qui, à cette
époque, semblait équitable et raisonnable, au-des-
sous duquel les compagnies de transport maritime
ne pouvaient pas limiter leur responsabilité pour
perte de la cargaison ou pour dommages causés à
celle-ci. Depuis 1936, l'argent s'est considérable-
ment dévalué. Si la somme de $500 était un mon-
tant juste et équitable en 1936, elle ne l'est certai
nement plus en 1975. En second lieu, les auteurs
de la règle des $500 par colis" avaient sans doute à
l'esprit des colis du genre, de la dimension et de la
forme d'usage commun à l'époque, alors qu'au-
jourd'hui les changements techniques ont totale-
ment changé la situation. Il semble qu'à cette
époque on n'utilisait pas de palettes du genre de
celles qui nous occupent; en outre, les gros conte-
neurs métalliques ont fait leur apparition depuis
quelques années seulement. Les dimensions de ces
conteneurs varient beaucoup; la largeur et la hau
teur en sont souvent de 8 pieds mais la longueur
peut être de 40 pieds ou plus. En outre, il semble
qu'on soit actuellement en train de mettre au point
d'autres cadres encore plus grands. Dans le cas de
conteneurs mesurant 8 pieds par 8 pieds par 40
pieds offrant un volume de transport de 2,640
pieds cubes, il est évident que si un tel conteneur
bien rempli représente un colis au sens de la Règle
5 de l'article IV de l'annexe de la Loi sur le
transport des marchandises par eau (précitée), la
règle des $500 n'accordera que rarement, voire
jamais; une protection raisonnable au propriétaire
de la cargaison. Pour être protégé, le propriétaire
de cargaison devra payer un taux de fret plus élevé
ou se procurer une assurance qui coûtera probable-
ment plus cher à cause de la valeur relativement
peu élevée du droit de subrogation de la compagnie
d'assurance contre la compagnie de transport
maritime.
Les tribunaux canadiens ont rarement traité de
la question de l'application de la règle des $500 au
transport par conteneurs ou par palettes. Aux
États-Unis cependant les juges ont décidé dans
plusieurs affaires qu'un conteneur correspondait à
un colis, ce qui est également vrai pour une
palette. Les décisions ne vont pas toutes dans le
même sens mais il me semble évident, de toute
façon, que la dévaluation de la monnaie et, dans
certains cas, les changements de méthodes de
transport ont défavorisé les propriétaires de cargai-
son au profit des compagnies de transport
maritime.
Plusieurs juges ont émis l'opinion que les métho-
des de transport de marchandises ont tellement
changé et changent encore tellement qu'il faudrait
totalement revoir la règle des $500 et parvenir à
un nouvel accord international. Il est fort probable
que la solution viendra d'une approche complète-
ment différente du problème de la protection mini-
male à accorder •aux propriétaires de cargaison.
Cependant, il est peu probable que, même avec les
meilleures résolutions et de la bonne volonté, on
puisse parvenir à une solution internationale avant
plusieurs années. En attendant, les tribunaux doi-
vent prendre la situation telle qu'elle se présente.
Ils ne peuvent modifier le montant légal de $500;
seul le législateur peut le faire. Il est toujours
difficile d'appliquer une règle conçue pour une
situation donnée, à des circonstances tout à fait
différentes qui n'avaient pas été envisagées au
moment de son adoption mais qui se sont manifes-
tées depuis. C'est un des rôles des tribunaux. Dans
la présente affaire, cette cour doit s'efforcer de
déterminer et appliquer, compte tenu des circons-
tances de la cause, le vrai sens du mot «colis» à
l'article IV, Règle 5 (précitée) relativement à l'uti-
lisation de palettes et, autant que possible, elle doit
essayer de lui donner un sens conforme à l'inten-
tion du législateur.
Pour ce faire, j'étudierai quelques jugements, la
plupart rendus par des tribunaux américains, en
raison de la rareté de précédents canadiens dans ce
domaine. La disposition législative américaine cor-
respondante se trouve au paragraphe (5) de l'arti-
cle 4 de la United States Carriage of Goods by
Sea Act U.S. Code 1970, 46-1300, dont voici le
premier paragraphe:
[TRADUCTION] (5) Le transporteur comme le navire ne seront
tenus en aucun cas responsables des pertes ou dommages causés
aux marchandises ou les concernant, pour une somme dépas-
sant $500 par colis, en monnaie ayant cours légal aux États-
Unis, ou, si les marchandises ne sont pas expédiées sous forme
de colis, par unité courante de fret, à moins que la nature et la
valeur de ces marchandises n'aient été déclarées par le chargeur
avant leur embarquement• et que cette déclaration ait été
insérée au connaissement.
On voit tout de suite que ce paragraphe ressem-
ble beaucoup à la version canadienne précitée, sans
y être identique. La différence la plus importante
se trouve dans l'expression de la loi américaine,
«unité courante de fret». A l'endroit correspondant,
la loi canadienne utilise simplement le mot «unité»,
qui signifie unité de marchandises et non unité de
fret. Puisqu'il s'agit de marchandises expédiées par
colis, cette différence a peu d'importance en l'es-
pèce. La limite de $500 par colis ne diffère qu'en
fonction de la variation du taux de change des
dollars américain et canadien, et le but poursuivi
par le législateur est le même dans les deux lois.
Les avocats n'ont pu trouver d'affaires identi-
ques à la présente cause; moi non plus. Cependant,
l'avocat de la demanderesse a cité plusieurs juge-
ments de tribunaux américains qui m'ont été très
utiles. J'en citerai trois par ordre chronologique.
Voici la première: Standard Electrica, S.A. c.
Hamburg Sudamerikanische Dampfschiffahrts; il
s'agit d'une décision du 19 avril 1967 de la cour
d'appel américaine du deuxième circuit publiée
dans American Maritime Cases [1967] A.M.C.
881.
Dans cette affaire, il s'agissait de l'expédition de
9 palettes contenant chacune 6 cartons de 40
syntonisateurs de téléviseurs. Les 6 cartons étaient
attachés à la palette. Sept des neuf palettes ont été
perdues. Les dimensions des palettes étaient simi-
laires à celles de la présente affaire.
Dans son jugement, le juge en chef Lumbard dit
à la page 884:
[TRADUCTION] La requérante prétend qu'une palette est un
simple instrument utilisé avec un chariot à fourche et d'autres
appareils afin de faciliter le chargement.
Au bas de la même page, il déclare:
[TRADUCTION] La prétention de la requérante ne tient pas
compte d'un bon nombre d'éléments. Premièrement, elle ne
tient pas compte des termes utilisés par les parties. Le reçu
provisoire, le connaissement et la lettre de réclamation de la
requérante indiquent tous que les parties considéraient chaque
palette comme un colis. Dans le reçu provisoire, les «Inscrip-
tions et numéros» indiquaient: «1/9 #» et le «Nombre de colis»
indiquait «9 palettes». La facture du chargeur à la requérante
décrivait les marchandises comme suit:
«Numéros des colis: 1 /9
Quantité: 9
Après avoir constaté la perte, la requérante envoya une lettre
au mandataire de l'intimée, se plaignant du fait que «seulement
2 colis ont été déchargés» sur «une cargaison de 9 colis».
A la page 885, il ajoutait:
[TRADUCTION] Deuxièmement, c'est le chargeur et non le
transporteur qui avait choisi de placer les cartons sur une
palette, apparemment pour que la manutention en soit plus
facile et plus sûre.
et au bas de la page:
[TRADUCTION] Troisièmement, elle ne tient pas compte du fait
que l'article 4(5) prévoit expressément que le chargeur peut à
son choix assurer la pleine valeur des marchandises en décla-
rant simplement au connaissement leur nature et leur valeur et,
si nécessaire, en payant un tarif plus élevé pour éviter ainsi une
limitation «qui date».
Enfin, puisqu'en l'espèce le mot «colis» comprend à juste titre
lei palettes assemblées pour le transport en cause, il n'est pas
important, à notre avis, que les rédacteurs n'aient pas prévu
cette application précise au moment de l'adoption de cette
disposition, il y a 30 ans.
Il est évident que le fait que, dans cette affaire,
tous les documents décrivaient les palettes sous le
mot colis a beaucoup influencé le savant juge.
Le juge Feinberg était dissident. Ses motifs de
jugement commencent à la page 886:
[TRADUCTION] Les 1,680 syntonisateurs pour téléviseurs, d'une
valeur de $16,800, n'ont jamais été livrés au consignataire
requérant et l'intimée reconnaît être responsable de la perte.
Cependant l'intimée peut limiter sa responsabilité à $3,500. Par
conséquent, sans avoir commis de faute, l'appelante perdrait
$13,300. Pour des motifs insuffisants, l'opinion majoritaire
accepte ce résultat inéquitable et néglige les principes direc-
teurs de l'article 4(5) de la COGSA.
L'adoption de l'article 4(5) en 1936 avait pour but de protéger
les personnes ayant un intérêt dans la cargaison, comme l'appe-
lante. Avant cette date, les transporteurs maritimes pouvaient
limiter à des montants insignifiants leur responsabilité pour
perte de cargaison.
Puis, au bas de la page 887:
[TRADUCTION] Normalement, je m'attendrais à ce qu'un colis
renferme complètement les marchandises en cause. En l'espèce,
les syntonisateurs étaient complètement renfermés dans des
cartons, chaque carton étant évidemment un colis. Le fait que 6
cartons étaient rassemblés sur une plate-forme et recouverts
d'une planche «pour empêcher que le reste de la cargaison et les
[quatre] rubans [métalliques] n'enfoncent les deux cartons du
dessus» ne transforme pas les six cartons en un colis unique
puisque les côtés de la palette n'étaient pas recouverts.
Puis aux pages 888 et 889:
[TRADUCTION] Aucun des motifs de la majorité ne suffit à
justifier ce résultat inéquitable ... on peut dire tout au plus
qu'il n'est pas certain que les parties considéraient les palettes
comme des colis au sens de la Loi; par exemple, l'agent de
l'intimée parlait de «la perte de 42 cartons.»
Deuxièmement, l'opinion majoritaire signale que c'est le
chargeur, apparemment pour des raisons de commodité et de
sécurité, et non le transporteur, qui avait décidé de placer les
cartons sur une palette. Cette remarque ne semble pas perti-
nente. La majorité admet que les transporteurs eux-mêmes
tirent avantage de l'utilisation des palettes; en effet, dans la
note 4, on mentionne d'autres «possibilités intéressantes» offer-
tes par de larges unités d'expédition, qui sembleraient convenir
aussi bien au transporteur qu'au chargeur. La majorité n'atta-
che aucune importance à la question de savoir quelle partie a
chargé la cargaison à bord du navire, par contre elle accorde
une importance cruciale au nombre d'unités reçues du chargeur
qu'elle considère égal au nombre de colis, au motif qu'ail n'y a
pas lieu de mentionner le nombre de cartons intérieurs dans...
les documents de transport ....» Pour ce faire, il faut présumer
qu'un carton n'est pas une unité et—en qualifiant ces cartons
facilement visibles de «cartons intérieurs»—qu'ils ne sont pas
des colis.
Troisièmement, la majorité suggère que ce chargeur aurait
pu assurer la pleine valeur des marchandises en déclarant leur
nature et leur valeur et, si nécessaire, en payant un tarif plus
élevé. Mais si chaque carton était un colis, il ne serait pas
nécessaire de faire une déclaration spéciale à un tarif plus élevé,
puisque chaque carton vaut moins de $500. Accorder ainsi de
l'importance à l'absence de déclaration, c'est faire une pétition
de principe quant à l'interprétation du mot «colis».
Quatrièmement, la majorité admet que la limitation de $500
par colis peut être devenue inadéquate et son application iné-
quitable, mais elle affirme que c'est le congrès, et non les
tribunaux, qui doit la modifier. Elle est certainement devenue
inadéquate; les progrès techniques et la baisse de la valeur du
dollar ont changé la signification de la limitation de responsabi-
lité à un minimum de $500 que le Congrès avait accordé aux
personnes ayant un intérêt dans les cargaisons. Mais je ne vois
pas pourquoi nous devrions accentuer l'aspect inéquitable de
cette situation. Il est peut-être bon de demander une révision
législative mais en attendant, nous devrions interpréter la loi
existante en fonction des faits en cause, conformément au but
poursuivi par le législateur. Nous ne devrions pas renoncer à
cette fonction judiciaire.
Enfin la majorité justifie ce résultat parce qu'il donnerait au
mot «colis» un sens plus uniforme. Je ne sais trop quelle est
cette définition «certaine» de colis sur laquelle s'appuie la
majorité, mais j'estime de toute façon qu'il n'est pas désirable
de sacrifier le but visé par le législateur et l'équité, à une la
certitude qui souvent se révèle éphémère.
Je réformerais.
D'après moi, le raisonnement des motifs dissi
dents est plus convaincant que celui du jugement
majoritaire.
La deuxième affaire, Leather's Best Inc. c. The
«Mormaclynx» [1971] 2 Ll. L.R. 476 porte sur
l'expédition dans un conteneur appartenant au
transporteur défendeur, de 99 balles de cuir d'une
valeur de $155,192.47. Il semble que le conteneur
et son contenu ont été volés après le déchargement
à destination. Le juge en chef Friendly déclara à la
page 485:
[TRADUCTION] Les défendeurs se fondent principalement sur
la décision rendue à la majorité dans l'affaire Standard Elec-
trica, dont nous avons cité un extrait, selon lequel, alors que le
chargeur avait constitué neuf palettes, chacune contenant six
boîtes en carton remplies de minuteries pour téléviseurs, c'était
la palette plutôt que les boîtes en carton qui constituait le
«colis». Mais plusieurs facteurs distinguent l'affaire Standard
Electrica de la présente. La dimension des palettes n'a rien à
voir avec celle du conteneur; ces palettes avaient été constituées
par le chargeur; et
... le reçu provisoire, le connaissement et la lettre de récla-
mation du demandeur indiquent tous que les parties avaient
considéré chaque palette comme un colis. [375 F. 2' à la page
946].
Nous admettons que cette distinction n'est pas clairement
satisfaisante; elle ne règle pas la question qui se serait posée si,
par exemple, Freudenberg avait chargé tes balles dans un
conteneur se trouvant dans ses locaux ou si le connaissement
n'avait pas précisé qu'il s'agissait de balles. Le juge Hays a
cependant avancé un argument de poids dans sa dissidence dans
l'affaire Encyclopaedia Britannica, voir fn. 16, «considérer le
conteneur comme un colis, c'est assurer une certaine uniformité
et une certaine certitude», du moins dans les cas où il contient
des marchandises appartenant à un seul chargeur. Il est aussi
vrai que l'argument classique relatif à la position économique
forte du transporteur et à la faiblesse de celle du chargeur ne
correspond peut-être plus à la réalité, du moins dans les cas où
il s'agit du transport de conteneurs complètement remplis par le
chargeur. Le chargeur s'assure pour toute valeur dépassant la
limitation de responsabilité (éventuellement pour la valeur
totale) et pour autant qu'on sache, en décidant que chaque
balle constitue un «colis», on fait faire une aubaine à l'assureur
de la cargaison, qui est en fait le demandeur, en l'espèce, s'il
avait calculé ses primes en se fondant sur le fait que la
responsabilité de la Mooremac était limitée à $500. Enfin, nous
ne pouvons cependant pas éluder le fait que l'article 4(5) du
COGSA avait pour but de fixer la responsabilité du transpor-
teur à un chiffre raisonnable en dessous duquel il ne pouvait pas
descendre et que le mot «colis» se rapporte plus logiquement à
l'unité dans laquelle le chargeur avait emballé les marchandises
ainsi qu'il l'indique qu'aux grands objets de métal dans lequel le
transporteur les a fait «emballer» et qui, par leurs fonctions,
font plutôt partie du navire.
La Cour a confirmé le jugement du tribunal
inférieur selon lequel, vu les faits, la cargaison de
99 balles dans un conteneur devrait être considérée
comme une cargaison de 99 colis, non pas d'un
seul colis.
Cette affaire ressemble en plusieurs points à la
présente bien qu'il s'agisse d'un grand conteneur
et, en l'espèce, de palettes beaucoup plus petites.
La troisième affaire, Acushnet Sales Co. c. S.S.
«American Legacy», fut entendue par un juge de
district à New York, le 21 mai 1974. Ni l'avocat
de la demanderesse, ni moi-même n'avons pu
découvrir si la cause avait été publiée dans un
recueil de jurisprudence.
Il s'agissait, dans cette affaire, d'une cargaison
de 134 cartons de balles de golf d'une valeur de
$24,071.79 attachés à 9 palettes jetées après usage.
Le savant juge y cite notamment les affaires
Standard Electrica et Mormaclynx, et dit ensuite:
[TRADUCTION] Pour l'essentiel, voici ce que nous pouvons
déduire de ces affaires—la question de savoir s'il s'agit d'un
colis ne dépend pas seulement de la description physique de la
présentation des marchandises aux fins de l'expédition, mais
dépend plus précisément des rapports entre les parties et de la
signification des documents de transport et des relations
contractuelles.
Puis à la page 4: -
[TRADUCTION] Le juge Friendly a insisté sur le fait que, dans
l'affaire Mormaclynx, les parties savaient parfaitement qu'elles
traitaient alors d'une quantité déterminée de cartons. Il déclara
à la page 815:
En effet, il semble que les documents de transport dans cette
affaire [Standard Electrica] n'indiquaient nullement au
transporteur le nombre de cartons.
Il fit remarquer en outre que dans l'affaire qui lui était soumise
(Mormaclynx) les parties avaient été informées du nombre de
cartons et avaient négocié sur cette base.
à la page 5:
[TRADUCTION] En l'espèce, je n'ai absolument aucune diffi
culté à conclure sur les faits, pour la plupart incontestés, que les
parties parlaient d'une cargaison de 134 cartons et que le
transporteur avait admis qu'il s'agissait d'une cargaison de 134
cartons.
Puis aux pages 5 et 6:
[TRADUCTION] Alors qu'il avait la garde des cartons à Hono-
lulu, il y eut apparemment un vol et 50 cartons disparurent.
A mon avis, il faut conclure inévitablement que le transporteur
était responsable de la perte, qu'il avait négocié avec le char-
geur en fonction d'une cargaison de cartons et que la doctrine
de limitation de la responsabilité par colis ne devrait pas être
appliquée pour la seule raison que ces cartons avaient été
attachés sur des palettes à jeter après usage, apparemment pour
faciliter le transport par camion et la manutention.
En l'espèce, chaque carton était individuellement attaché par
des rubans d'acier et même s'il était fixé à une des 9 palettes,
tout le chargement n'était assemblé de cette manière que pour
faciliter le transport par camion. Les camionneurs et les débar-
deurs manient plus facilement les cartons de cette taille fixés à
des palettes plutôt que carton par carton. Il était plus économi-
que, plus facile et plus rapide de le faire de cette façon.
Chaque carton pesait 82 ou 83 livres. Ils avaient 19 pouces de
largeur, 32 pouces de longeur et 8 1 / 4 pouces de profondeur.
En ce qui concerne la manutention, il est simplement beaucoup
plus rationnel de les manier ainsi. La palette déposée en preuve
est du même genre que celle utilisée par le fabricant pour y
attacher des cartons; on peut la jeter après usage; elle est faite
de bois bon marché et n'a pas été conçue pour plus d'une
utilisation. Ce n'était pas une palette du genre qu'utilisent les
déchargeurs.
Dans la présente affaire, le témoignage de Moore
dit à peu près la même chose, c'est-à-dire que les
palettes étaient en bois de basse qualité et n'étaient
pas conçues pour plus d'une utilisation.
Il ajoute à la page 7:
[TRADUCTION] Ces cartons étaient numérotés séparément et
attachés séparément. Ils étaient assez peu couverts et protégés.
Chaque carton était attaché avec des rubans d'acier, puis
numéroté à la machine. Les cartons étaient placés sur des
palettes de bois, deux par rangée et sept en hauteur. Seuls les
deux cartons de la sixième rangée étaient attachés ensemble
pour faciliter le travail du chariot à fourche. Des bandes liaient
les cartons à la palette.
Il est évident que ces cartons étaient tous visibles et consti-
tuaient chacun une unité de transport, indépendamment des
palettes.
Il est tout aussi évident que l'emballage et la numérotation de
chaque carton et les documents de transport eux-mêmes révè-
lent tous de façon uniforme que les parties avaient l'intention
de considérer les cartons comme des unités de transport
fonctionnels.
Tous ces faits sont très similaires à ceux de
l'espèce.
Après l'exposé des faits par les avocats des
parties, j'ai permis à l'avocat des défendeurs, avec
l'accord de l'avocat de la demanderesse, de citer
une autre affaire américaine et entendu les argu
ments des deux parties sur ce nouvel élément. Il
s'agit de l'affaire Primary Industries Ltd. c.
Barber Lines A/S Skibs [1974] 2 A.M.C. 1444,
une décision de la Civil Court de New York, un
tribunal inférieur de compétence limitée.
Cette affaire portait sur le transport d'un certain
nombre de saumons d'étain attachés en groupe de
22 sur des palettes. Le tribunal a décidé que les
palettes, et non les saumons d'étain, constituaient
des colis.
Les faits ressemblent beaucoup à ceux de l'es-
pèce à une exception près qui, je crois, est décisive.
Les saumons étaient de blocs d'étain simples sans
emballage, attachés aux palettes. On ne pouvait
donc appliquer le mot «colis» qu'à une seule chose,
c'est-à-dire la palette. Je ne crois pas que cette
affaire aide beaucoup les défendeurs.
Les avocats ont parlé longuement d'une affaire
canadienne, Johnston Company Limited c. Le
navire «Tindefjell», publiée sous la référence
[1973] C.F. 1003. Cette affaire portait sur l'expé-
dition de 316 cartons de chaussures placés dans
deux grands conteneurs de métal. Selon le connais-
sement, la cargaison était constituée de deux con-
teneurs comprenant respectivement 143 et 173
cartons. Le juge Collier y cite longuement l'affaire
Mormaclynx, et affirme à la page 1009:
Les défendeurs prétendent que, d'après la loi canadienne, un
conteneur est un colis; il est tout à fait superflu de savoir
combien de colis le conteneur contient; la demanderesse aux
présentes avait loué les deux conteneurs auprès d'un tiers, les
avait remplis avec ses marchandises et avait livré pour transport
deux conteneurs ou colis. A mon sens, les arguments avancés
sont de nature trop générale. Dans une large mesure, il faut se
reporter aux faits de chaque espèce et, tout aussi important, il
faut s'assurer de l'intention des parties quant au contrat de
transport. Je pense qu'il convient, dans une affaire telle que
celle-ci, de déterminer si le propriétaire de la cargaison et le
transporteur ont considéré qu'aux fins de la limitation de
responsabilité, le conteneur est un seul colis ou si le critère était
le nombre de colis placés dans le conteneur.
A la page 1011, il cite un extrait de l'affaire
Mormaclynx; il s'agit du paragraphe (précité) que
voici:
[TRADUCTION] Nous admettons que cette distinction n'est pas
pleinement satisfaisante; elle ne règle pas la question qui se
serait posée si, par exemple, Freudenberg avait chargé les balles
dans un conteneur se trouvant dans ses locaux ou si le connais-
sement n'avait pas précisé qu'il s'agissait de balles. Le juge
Hays a cependant avancé un argument de poids dans sa
dissidence dans l'affaire Encyclopaedia Britannica, voir fn. 16,
«considérer le conteneur comme un colis, c'est assurer une
certaine uniformité et une certaine certitude», du moins dans les
cas où il contient des marchandises appartenant à un seul
chargeur. Il est aussi vrai que l'argument classique relatif à la
position économique forte du transporteur et à la faiblesse de
celle du chargeur ne correspond peut-être plus à la réalité, du
moins dans les cas où il s'agit du transport de conteneurs
complètement remplis par le chargeur. Le chargeur s'assure
pour toute valeur dépassant la limitation de responsabilité
(éventuellement pour la valeur totale) et pour autant qu'on
sache, en décidant que chaque balle constitue un «colis», on fait
faire une aubaine à l'assureur de la cargaison, qui est en fait le
demafideur en l'espèce, s'il avait calculé ses primes en se fon
dant sur le fait que la .responsabilité de la Mooremac était
limitée à $500. Nous ne pouvons cependant pas éluder le fait
que l'article 4(5) du COGSA avait pour but de fixer la
responsabilité du transporteur à un chiffre raisonnable en des-
sous duquel il ne pouvait pas descendre et que le mot «colis» se
rapporte plus logiquement à l'unité dans laquelle le chargeur
avait emballé les marchandises ainsi qu'il l'indique qu'aux
grands objets de métal dans lequel le transporteur les a fait
«emballer» et qui, par leurs fonctions, font plutôt partie du
navire. Vu les circonstances de cette affaire, nous décidons donc
que la mention figurant au coin inférieur gauche du connaisse-
ment était une limitation invalide de la responsabilité prévue à
la COGSA.
Il dit ensuite:
La décision rendue dans l'affaire The Mormaclynx s'accorde
avec deux décisions européennes qui furent toutes les deux
citées par le juge Judd, juge de première instance dans l'affaire
The Mormaclynx, et dont les conclusions ont été confirmées
par la Cour d'appel. A mon avis, c'est dans l'intention des
parties qu'il faut chercher l'explication de ces décisions. Quand
le chargeur sait que ses marchandises vont être transportées en
conteneurs, qu'il précise dans le contrat (en .utilisant en général
un connaissement) le type de marchandises et le nombre de
boîtes transportées dans le conteneur, et que le transporteur
accepte cette description et ce comptage, alors, à mon sens,
l'intention des parties était que le nombre de colis aux fins de la
limitation de responsabilité soit le nombre de boîtes spécifié. Je
m'empresse d'ajouter que pour découvrir l'intention des parties,
on doit tenir compte de tous les faits et pas seulement de la
rédaction du connaissement: le type de conteneur, qui l'a
fourni, qui l'a scellé, s'il était scellé à sa livraison au transpor-
teur, savoir si le transporteur a pu vérifier le compte, les
négociations antérieures; afin de déterminer l'intention des
parties dans un contrat donné, il peut être nécessaire d'étudier
toutes ces questions et beaucoup d'autres encore que je n'ai pas
mentionnées.
Dans la présente affaire, la demanderesse n'avait aucune
raison de déclarer dans le connaissement une valeur supérieure
à celle de $500 par colis prévue dans les Règles de la Haye. La
valeur de chaque carton de chaussures ne dépassait pas $500. Il
me semble en découler logiquement que la demanderesse vou-
lait bénéficier de la responsabilité pécuniaire minimum énoncée
par les règles en portant à la connaissance du transporteur le
nombre de colis transportés, bien que, par souci de commodité
et pour d'autres raisons, on les ait réunis dans un grand cadre.
Le transporteur aurait pu refuser de délivrer un connaissement
portant une telle description, et il aurait pu exiger un dénom-
brement. De toute façon, il a toujours la faculté d'ajuster ses
tarifs en conséquence.
D'après moi, il convient de distinguer ce cas des décisions
américaines portant sur les conteneurs et où l'on a décidé que le
conteneur était, un colis. Dans l'affaire Royal Typewriter Co. c.
MIV Kulmerland [1972] A.M.C. 1995 le connaissement indi-
quait [TRADUCTION] «1 conteneur censé contenir de l'outillage».
On n'y trouvait aucune indication relative au nombre de car
tons ou signalant l'intention du chargeur de contracter sur cette
base. Dans l'affaire Rosenbruch c. American lsbrandtsen Lines
Inc. (1973) 357 F. Supp. 982, le connaissement comportait une
description tout aussi vague, sans énumération.
En me basant sur les faits figurant au mémoire spécial, je
décide que les conteneurs n'étaient pas des «colis» aux fins du
calcul de la limitation pécuniaire.
Les défendeurs font également valoir que si les conteneurs ne
sont pas des «colis», ce sont des «unités» et la limitation est
quand même de $1000. Ils se fondent sur une décision récente
de la Cour suprême du Canada: Falconbridge Nickel Mines
Ltd. c. Chimo Shipping Limited ... [(1973) 37 D.L.R. (3')
545]. Dans cette affaire, un tracteur et un générateur ont été
transportés à bord d'un navire de Montréal à la baie Déception
(Québec).
A la page 1014, il ajoute:
Je ne pense pas que l'arrêt Falconbridge règle les questions
en cause ici. La difficulté dans cette affaire réside dans le fait
que ces grosses machines n'étaient pas «emballées» au sens
ordinaire. Dans la présente affaire, la cargaison de chaussures a
été placée dans des cartons ou colis au sens ordinaire et
classique de ce mot. Je n'ai aucun doute que, si les boîtes en
carton n'avaient pas été réunies en un seul grand cadre, les
parties auraient reconnu que le transporteur avait accepté
d'être juridiquement responsable des 316 colis. Dans les cas où,
comme dans l'affaire Falconbridge, la cargaison ne peut pas
être «emballée», il me semble que c'est le mot «unité» qu'il
convient d'utiliser pour caractériser une machine ou un appareil
complet.
A la page 1015 il conclut de cette façon:
Compte tenu de la description des marchandises insérée au
connaissement, j'estime qu'en l'espèce, les conteneurs n'étaient
pas «une unité de marchandises» ou un «élément de cargaison»
(expressions utilisées par la Cour suprême pour caractériser les
machines dans l'arrêt Falconbridge). Ici, les conteneurs sont
tout simplement une méthode moderne de transporter des colis.
D'après toutes les affaires précitées, il est clair
que la question de savoir si un gros conteneur, une,
palette ou un paquet plus petit placé dans ou sur
un conteneur ou une palette, est un «colis» au sens
de la Règle 5 de l'article IV, dépendra des faits et
des circonstances de chaque affaire. Elle dépendra
plus particulièrement, de l'intention des parties
telle qu'elle ressort des documents de transport,
des déclarations des parties et des négociations.
A l'examen des divers documents soumis en
l'espèce, nous concluons que:
La pièce P-1 est un inventaire d'emballage
rédigé par les préposés du vendeur; il ne lie pas le
transporteur. Il est toutefois intéressant parce qu'il
nomme le navire, mentionne le demandeur comme
consignataire et contient la description suivante
des marchandises:
[TRADUCTION] Têtes de machines à coudre automatiques pour
usage domestique; moteur encastré, accessoires ordinaires.
Sans marque
Modèle Koyo #615B
(IFSS modèle #567) 150 ensembles
3 palettes (chaque palette contenant 50 cartons
total 150 cartons)
A gauche de cette description, on trouve deux
séries de lettres et de chiffres:
P/N' 4-6
(C/No 151-300)
Selon la preuve présentée à la Cour, la deuxième
ligne indique que les cartons étaient numérotés
consécutivement de 151 300. La première ligne
signifie probablement que les palettes portaient les
numéros 4, 5 et 6.
La pièce P-2 est une facture préparée par les
mêmes préposés et donne exactement la même
description des marchandises.
La pièce P-3 est une facture approuvée par les
douanes canadiennes, commençant par ces mots:
[TRADUCTION] Facture de trois (3) palettes de têtes de machi
nes à coudre pour usage domestique ...
La description des marchandises est exactement
la même que celle des pièces P-1 et P-2. Cette
facture indique aussi la valeur marchande de
chaque ensemble et la valeur des 150 ensembles
ainsi que 5 postes de frais d'exportation. Une copie
du connaissement est annexée à la facture (on me
l'a décrit comme un connaissement provisoire); il a
été émis par la défenderesse Far Eastern Steam
ship Company. Sous la rubrique «colis» on trouve
les mots et les chiffres suivants:
[TRADUCTION] 3 palettes
(150 cartons)
et juste à côté, sous la rubrique «Description»:
[TRADUCTION] Têtes de machines à coudre automatiques pour
usage domestique (chaque palette contenant 50 cartons).
Sous ces deux mentions, on trouve les mots
suivants:
Dire:—trois (3) palettes seulement.
Le document contient aussi les mêmes numérota-
tions qu'aux pièces P-1 et P-2. On y remarque
également qu'on a accordé un rabais pour paletti-
sation, de $3 par 40 pieds cubes, soit un total de
$13.88. Plus exactement, la somme de $187.31 de
fret ne peut s'appliquer que si ce rabais a été
accordé.
La pièce P-4 est le connaissement, soit le contrat
d'expédition obligatoire. Il est, à toutes fins prati-
ques rédigé dans les mêmes termes que le connais-
sement provisoire.
La pièce P-5 est l'avis signifié par l'Empire
Stevedoring Company à la demanderesse, lui indi-
quant l'arrivée des marchandises. La description
des marchandises sous les rubriques «PKGS» et
«Description» est la même qu'aux pièces P-3 et
P-4, ainsi que leur numérotation.
Alors que les termes du connaissement définitif,
pièce P-4, pourraient être interprétés d'une façon
ou de l'autre et bien que la latitude de choix soit
étroite, d'après moi, la description des marchandi-
ses dans ces pièces, y compris la pièce P-4, révèlent
que c'est chaque carton, plutôt que la palette à
laquelle sont attachés 50 cartons, qui doit être
considéré comme le «colis». On y retrouve toujours
non seulement les mots «3 palettes», mais aussi les
mots «150 cartons». Indubitablement, si chaque
carton avait été arrimé séparément sur le navire,
comme on le faisait habituellement pour les pre-
mières importations de machines à coudre par la
demanderesse, chacun d'eux aurait été un «colis».
Chaque machine à coudre était emballé dans un
carton protecteur conçu avec soin et qui la recou-
vrait complètement. D'après le témoignage de
Moore, la palettisation de 50 cartons était simple-
ment une question de commodité de transport. Elle
pouvait aussi réduire les risques de dommage aux
cartons. Il semble aussi que la palettisation n'en-
traîne qu'une légère réduction du fret et permet
des chargements et déchargements plus rapides de
la cargaison, par conséquent, une économie de
frais d'arrimage; elle signifie aussi que le navire
sera prêt à reprendre la mer plus rapidement. Ce
système devrait donc être à l'avantage du proprié-
taire de la cargaison comme à celui du
transporteur.
J'accepte le témoignage de Moore. Le fait qu'on
ait numéroté les cartons et le fait qu'ils aient été
visibles de l'extérieur des palettes renforce mon
opinion selon laquelle la description des marchan-
dises révèle que l'élément dominant dans l'esprit
des parties était les 150 têtes de machines à
coudre, chacune emballée dans un carton protec-
teur séparé, et non la palette de bois où l'on avait
empilé et attaché 50 cartons. Cette conclusion est
beaucoup plus conforme à l'intention du législa-
teur que ne pourrait l'être la conclusion contraire.
Si je n'étais pas parvenu à cette conclusion, ce
simple fait aurait probablement éliminé tout doute
subsistant.
Le jugement sera donc en faveur de la demande-
resse pour le montant convenu de la perte, soit
$2,886.75, avec les intérêts et dépens réclamés.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.