T-2824-72
Weight Watchers International Inc. (Demande-
resse)
c.
Morray Burns, Adelaide Daniels, Harold Daniels,
Bernard C. Kurtz, Sam Kwinter, Weight Watch
ers of Ontario Limited, Adelaide Daniels Enter
prises Limited, Counterweight Limited, Weight
Watchers (Atlantic) Limited, Weight Watchers of
New Brunswick Limited, Weight Watchers of
Newfoundland Limited, Canadian Association of
Organizations for Weight Watchers, Bernard C.
Kurtz Limited, Weight Wise Limited (Défen-
deurs)
Division de première instance, le juge Kerr—
Ottawa, les 19 et 28 août 1975.
Pratique—Demande d'ordonnance constituant une charge
sur les dépens accordés au défendeur—Règle des «lacunes»—
Analogie avec les Règles de pratique de l'Ontario—Règles 5 et
1900 de la Cour fédérale—Règle 696 des Règles de pratique et
de procédure de l'Ontario.
L'avocat du défendeur sollicita une ordonnance constituant
une charge sur les dépens accordés au défendeur Burns pour le
règlement de ses frais non encore payés. Il semble que l'adresse
de Burns est inconnue.
Arrêt: l'ordonnance est accordée; en l'absence d'une règle
spéciale de cette cour, on peut, en vertu de la Règle 5, statuer
par analogie avec la Règle 696 des Règles de pratique et de
procédure de l'Ontario. Les frais taxés que la Cour a ordonné à
la demanderesse de payer au défendeur Burns constituent «des
biens recouvrés ou conservés par les soins d'un avocat» au sens
de la Règle 696.
Arrêt approuvé: Doyle c. Doyle (1975) 4 O.R. (2°) 111.
REQUÊTE.
AVOCATS:
K. Plumley pour la demanderesse.
W. F. Green pour le défendeur Burns.
PROCUREURS:
Gowling & Henderson, Ottawa, pour la
demanderesse.
W. F. Green, Toronto, pour le défendeur
Burns.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE KERR: L'avis de requête est ainsi
rédigé:
[TRADUCTION] SACHEZ qu'une requête sera présentée par M.
Weldon F. Green devant cette cour, au palais de justice de la
ville de Toronto, le lundi 14 avril, 1975, à 11h ou dès que la
requête pourra être entendue, en vue d'obtenir, conformément à
la Règle 5 de la Cour fédérale et à la Règle 696 de la Cour
suprême de l'Ontario, un jugement déclaratoire portant que
ledit M. Weldon F. Green, avocat du défendeur Morray Burns,
a droit à un privilège sur les dépens taxés accordés audit
défendeur par cette cour dans la susdite ordonnance du juge
Kerr, pour garantir le paiement audit avocat des frais, honorai-
res et débours relatifs à l'action et aux requêtes visées dans
cette ordonnance alors que ledit défendeur Morray Burns avait
retenu ses services comme avocat pour le défendre dans lesdites
action et requêtes; et que les frais de cette requête soient taxés
entre avocat et client et ajoutés au montant pour lequel ledit
privilège est accordé; ou en vue d'obtenir toute ordonnance que
la Cour estimera juste.....
Cette requête a été entendue conjointement avec
une requête de la demanderesse aux fins d'obtenir
une ordonnance modifiant mon ordonnance du 11
octobre 1973 et déclarant que la demanderesse n'a
aucun frais à payer au défendeur Morray Burns.
J'ai rejeté aujourd'hui ladite requête de la deman-
deresse; les motifs et mon ordonnance sont déposés
au greffe. En conséquence, dès maintenant, mon
ordonnance du 11 octobre 1973 demeure inchan-
gée et cette décision en tient compte.
Me Green veut obtenir un privilège sur ladite
ordonnance relative aux dépens du 11 octobre
1973, pour garantir le paiement de ses frais, hono-
raires et débours dans la mesure où ils sont
impayés, et pour avoir le droit d'exécuter ce privi-
lège par voie de taxation du mémoire de frais et
d'exécution ou de toute autre manière que la Cour
pourra ordonner.
Il semble que Me Green ignore l'adresse actuelle
du défendeur Morray Burns et on pense qu'il se
trouve aux États-Unis. Le juge Collier a autorisé
la signification substitutive de l'avis de requête.
A l'audience, l'avocat a invoqué la Règle
1900(1) et (3) de la Cour fédérale dont voici les
dispositions pertinentes:
Règle 1900. (1) Sous réserve des autres dispositions des pré-
sentes Règles, les jugements ou ordonnances condamnant à un
paiement en espèces, et non à une consignation d'argent à la
cour, peuvent être exécutés par application de l'une ou plusieurs
des procédures suivantes, savoir:
c) ordonnance constituant une charge,
(3) Les paragraphes (1) et (2) s'entendent sans préjudice à
toute autre procédure applicable pour l'exécution d'un juge-
ment ou d'une ordonnance y mentionnés ou que prévoit l'article
56 de la Loi.
L'article 56(1) de la Loi sur la Cour fédérale
est ainsi libellé:
56. (1) En sus de tous brefs d'exécution ou autres que les
Règles prescrivent pour l'exécution des jugements ou ordonnan-
ces de la Cour, celle-ci peut décerner des brefs visant la
personne ou les biens d'une partie et ayant la même teneur et le
même effet que ceux qui peuvent être décernés par l'une
quelconque des cours supérieures de la province dans laquelle
un jugement ou une ordonnance doivent être exécutés; et
lorsque le droit de cette province exige, pour l'émission d'un
bref, une ordonnance d'un juge, un juge de la Cour peut rendre
une ordonnance semblable en ce qui concerne un tel bref
lorsque la Cour doit en décerner un.
Il ne semble pas que les Règles de la Cour aient
expressément prévu une ordonnance constituant
une charge, du genre de celle que l'on réclame.
Cependant, il y a la Règle 5 de la Cour fédérale,
ainsi libellée:
Règle 5. Dans toute procédure devant la Cour, lorsque se pose
une question non autrement visée par une disposition d'une loi
du Parlement du Canada ni par une règle ou ordonnance
générale de la Cour (hormis la présente règle), la Cour déter-
minera (soit sur requête préliminaire sollicitant des instruc
tions, soit après la survenance de l'événement si aucune requête
de ce genre n'a été formulée) la pratique et la procédure à
suivre pour cette question par analogie
a) avec les autres dispositions des présentes Règles, ou
b) avec la pratique et la procédure en vigueur pour des
procédures semblables devant les tribunaux de la province à
laquelle se rapporte plus particulièrement l'objet des
procédures.
selon ce qui, de l'avis de la Cour, convient le mieux en l'espèce.
Voici la Règle 696 des Règles de pratique et de
procédure de la Cour suprême de l'Ontario:
[TRADUCTION] 696. (1) Lorsqu'un avocat a occupé pour un
client dans une cause ou affaire, soit en demandant, soit en
défendant, la Cour peut, sur requête sommaire, déclarer que
l'avocat ou ses représentants personnels, a droit à un privilège
sur les biens recouvrés ou conservés par ses soins, pour garantir
le paiement de ses frais, honoraires et débours, afférents à
ladite cause, affaire ou procédure, et tous transferts ou actes
passés en vue de faire échec à ce privilège ou qui pourraient
avoir pour effet de faire échec à ce privilège ou droit, sont
absolument nuls et sans effet en ce qui concerne ce privilège,
sauf s'ils ont été faits à titre onéreux par un acheteur de bonne
foi, qui n'en a pas été notifié.
(2) La Cour peut rendre une ordonnance de taxation de ces
frais, honoraires ou débours et affecter lesdits biens à leur
paiement.
On n'a attiré mon attention sur aucune décision
de cette cour traitant directement de la question.
Me Plumley, avocat de la demanderesse, s'est
opposé à la requête, en soutenant principalement
que la Cour n'avait pas compétence pour rendre
une ordonnance constituant une charge, que ni
l'article 56 de la Loi sur la Cour fédérale, ni la
Règle 1900 de la Cour fédérale et ni la Règle 696
de la Cour suprême de l'Ontario ne sont applica-
bles, que le pouvoir de rendre une ordonnance
constituant une charge est discrétionnaire et ne
s'exerce que s'il y a des fonds consignés à la Cour
ou des biens recouvrés ou conservés grâce aux
efforts de l'avocat et qu'il s'agit là d'une mesure de
protection; et que le droit de Morray Burns de
faire taxer ses frais ne constitue pas «un bien
recouvré ou conservé» par les soins d'un avocat. Me
Plumley a cité les arrêts suivants: Dales c. Byrne
(1916) 35 O.L.R. 495 la page 500; Scholey c.
Peck, re Metcalfe and Sharpe (1893) 68 L.T. 118,
cité à l'arrêt Re L & D Cartage & Development
Co. Ltd. c. Sterling Construction Co. Ltd. [1963]
2 O.R. 420; Re: Bulmor (1926) 30 O.W.N. 71;
Homstead & Gale, Vol. 3, Règle 696, aux pages
2565 2570.
Me Green a cité l'arrêt Doyle c. Doyle', du juge
O'Leary de la Haute Cour de justice de l'Ontario,
dont je cite les extraits suivants:
[TRADUCTION] La Règle 696 confère à la Cour un pouvoir
discrétionnaire; à première vue, néanmoins, un avocat a droit à
une ordonnance lui accordant un privilège à titre de garantie
pour son travail car, comme le juge d'appel Middleton l'avait
déclaré dans l'arrêt Conklin c. Milhousen (1928) 33 O.W.N.
351, «si les dépens sont en principe alloués à une partie, ils sont
gagnés par l'avocat».
En substance, les questions sur lesquelles je dois statuer dans
cette requête sont:
a) Les dépens accordés par un jugement sont-ils des «biens
recouvrés par les soins de l'avocat» de sorte que celui-ci a
droit, en vertu de la Règle 696, à un privilège sur les dépens
accordés par ledit jugement pour ses frais afférents à l'action
qui a donné lieu au jugement.....
Il ressort de l'arrêt Nevills c. Ballard [(1898), 18 P.R. (Ont.)
134], et d'autres décisions telles que Faithful c. Ewen (1878), 7
Ch. D. 495, et Cole c. Eley [1894] 2 Q.B. 350, qu'une dette
constatée par un jugement est considérée comme un «bien
recouvré» au sens de la Règle 696.
En conséquence, je conclus que les dépens accordés par
jugement sont des biens recouvrés par les soins de l'avocat.
1 (1975) 4 O.R. (2°) 111, aux pages 114 et 115.
A mon avis, cette cour doit statuer sur cette
question par analogie avec la pratique et la procé-
dure de la Cour suprême de l'Ontario, particulière-
ment avec sa Règle, 696.
Je pense également que les frais taxés que j'ai
ordonné à la demanderesse de payer au défendeur
Morray Burns le 11 octobre 1973, constituent des
«biens recouvrés ou conservés par les soins» de Me
Green, au sens de ladite Règle 696.
En conséquence, une ordonnance sera rendue,
déclarant que Me Green a droit à un privilège sur
les dépens taxés accordés au défendeur Morray
Burns par l'ordonnance de cette cour en date du 11
octobre 1973, pour le paiement de ses frais, hono-
raires et débours, dans la mesure où ils sont encore
dus, relatifs à l'action et aux requêtes qui y sont
visées, alors qu'il agissait en qualité d'avocat de
Morray Burns pour assurer sa défense; et ordon-
nant à la demanderesse de payer à Me Green les
frais de cette requête, taxés entre parties, sauf
accord sur leur montant, qui seront ajoutés aux
autres frais taxés auxquels le privilège s'applique.
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