A-250-74
Robert Maxwell Lingley (Demandeur)
c.
Une commission d'examen du Nouveau-Bruns-
wick (l'article 547 du Code criminel)
(Défenderesse)
Cour d'appel, les juges Pratte et Dubé, le juge
suppléant Jean—Campbellton, N.-B., le 6 juin
1975.
Examen judiciaire—La recommandation de la commission
d'examen, demandant que le requérant ne soit pas libéré,
est-elle susceptible d'examen en vertu de l'article 28?—Code
criminel, art. 542, 545, 547—Loi sur la Cour fédérale, art. 28.
La Cour n'a pas compétence pour annuler une recommanda-
tion ou rapport fait par une commission nommée conformément
à l'article 547 du Code criminel. Une telle recommandation
n'est ni une ordonnance ni une décision au sens de l'article 28
de la Loi sur la Cour fédérale.
EXAMEN judiciaire.
AVOCATS:
R. M. Lingley pour lui-même.
R. Speight pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés oralement par
LE JUGE PRATTE: Il n'est pas nécessaire de vous
entendre, Me Speight.
Il s'agit d'une demande, présentée en vertu de
l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, visant
l'examen et l'annulation d'une recommandation
faite par une commission nommée par le lieute-
nant-gouverneur du Nouveau-Brunswick en vertu
de l'article 547 du Code criminel.
En 1963, le requérant (qui est désigné à tort
comme «demandeur» dans l'intitulé de l'affaire) a
subi un procès pour meurtre au Nouveau-Bruns-
wick et a été déclaré non coupable pour cause
d'aliénation mentale. Conformément aux disposi
tions des articles 542 et 545 (à l'époque les articles
523 et 526) du Code criminel et sur ordonnance du
lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick, le
requérant a été placé sous garde et l'est encore.
Voici les articles 542 et 545 du Code criminel:
542. (1) Si, lors du procès d'un accusé inculpé d'un acte
criminel, il est déposé que l'accusé était aliéné au moment où
l'infraction a été commise et s'il est acquitté,
a) le jury, ou
b) le juge ou magistrat, quand il n'y a pas de jury,
doit constater si l'accusé était aliéné lors de la perpétration de
l'infraction et déclarer s'il est acquitté pour cause d'aliénation
mentale.
(2) S'il est constaté que l'accusé était aliéné au moment où
l'infraction a été commise, la cour, le juge ou le magistrat
devant qui le procès s'instruit doit ordonner que l'accusé soit
tenu sous une garde rigoureuse dans le lieu et de la manière que
la cour, le juge ou le magistrat ordonne, jusqu'à ce que le bon
plaisir du lieutenant-gouverneur de la province soit connu.
545. Lorsque, en application de la présente Partie, un accusé
est déclaré atteint d'aliénation mentale, le lieutenant-gouver-
neur de la province où l'accusé est détenu peut
a) rendre une ordonnance pour la bonne garde de l'accusé
dans le lieu et de la manière qu'il prescrit, ou
b) s'il est d'avis que la mesure est dans l'intérêt véritable de
l'accusé sans nuire à l'intérêt public, rendre une ordonnance
portant libération de l'accusé, soit inconditionnellement, soit
aux conditions qu'il prescrit.
L'article 547 prévoit en outre la nomination
d'une commission pour examiner le cas de chaque
personne qui est sous garde à la suite d'une ordon-
nance rendue en vertu de l'article 545. Voici un
extrait de l'article 547:
547. (1) Le lieutenant-gouverneur d'une province peut
nommer une commission pour examiner le cas de chaque
personne qui est sous garde dans un lieu de ladite province en
vertu d'une ordonnance rendue en conformité de l'article 545
ou du paragraphe 546(1) ou (2).
(5) La commission doit examiner le cas de chaque personne
mentionnée au paragraphe (1),
a) au plus tard six mois après qu'a été rendue l'ordonnance
visée dans ce paragraphe relativement à' cette personne, et
b) au moins une fois au cours de chaque période de six mois
qui suit la date où le cas a été antérieurement examiné, aussi
longtemps que cette personne reste sous garde en vertu de
l'ordonnance,
et la commission doit, immédiatement après chaque examen,
faire un rapport au lieutenant-gouverneur énonçant en détail
les résultats de cet examen et indiquant,
d) lorsque la personne sous garde a été trouvée non coupa-
ble, pour cause d'aliénation mentale, si, de l'avis de la
commission, cette personne est rétablie et, dans l'affirmative,
si à son avis, il est dans l'intérêt du public et dans l'intérêt de
cette personne que le lieutenant-gouverneur ordonne qu'elle
soit libérée absolument ou sous réserve des conditions que le
lieutenant-gouverneur peut prescrire, ou
Le lieutenant-gouverneur de la province du
Nouveau-Brunswick a nommé une commission
conformément à l'article 547, laquelle a, à plu-
sieurs reprises, examiné le cas du requérant.
Chaque fois, la commission a conclu que le requé-
rant n'était pas rétabli et qu'il n'était pas dans
l'intérêt du public qu'il soit libéré.
La présente requête est dirigée contre la recom-
mandation faite par la commission le 27 juin 1974.
Cette recommandation est contenue dans un rap
port ainsi rédigé:
[TRADUCTION] A: L'HONORABLE HEDARD ROBICHAUD, LIEUTE-
NANT-GOUVERNEUR DU NOUVEAU-BRUNSWICK
Monsieur,
J'ai l'honneur de présenter le rapport suivant de la commis
sion d'examen nommée conformément à l'article 527A du Code
criminel du Canada, actuellement l'article 547; dans le cas de
LINGLEY, Robert Maxwell
A la suite du dernier examen du cas du malade susmen-
tionné, un rapport, en date du 21 novembre 1973, avait été
soumis à votre Honneur.
Conformément aux exigences légales, le cas de cet homme a
été examiné à nouveau le 4 juin 1974 l'hôpital provincial de
Campbellton, par la commission ainsi composée:
D' R. R. Prosser, psychiatre,
A. J. Losier, avocat, et
H. W. Hickman, c.r., président.
M. Lingley était présent et représenté par un avocat de l'aide
juridique.
La commission a examiné la preuve soumise par le directeur
de clinique et le surveillant de salle, et, malgré le rapport
soumis par le directeur de clinique, elle n'est pas convaincue
qu'il y ait eu de changement dans l'état de cet homme ou qu'il
soit rétabli au sens de l'article 547 du Code criminel. Cette
commission a recommandé que le psychiatre de l'hôpital sou-
mette le patient à d'autres tests et qu'on envisage de le faire
examiner par un groupe de psychiatres indépendants qui com-
muniqueraient leur diagnostic à la prochaine réunion de la
commission.
FAIT le 27 juin 1974.
H. W. HICKMAN, C.T.
PRÉSIDENT—COMMISSION D'EXAMEN
ARTICLE 547 DU CODE CRIMINEL
Pour statuer sur cette requête, il n'est pas néces-
saire, à mon avis, d'examiner les divers moyens
avancés par le requérant dans son exposé des
moyens, puisque j'estime que cette cour n'est pas
compétente, en vertu de l'article 28 de la Loi sur
la Cour fédérale, pour examiner la recommanda-
tion d'une commission établie conformément à
l'article 547 du Code criminel.
L'article 28 donne à- la Cour d'appel fédérale
compétence pour examiner et annuler les ordon-
nances et décisions des tribunaux fédéraux autres
que les ordonnances et décisions de ces tribunaux
qui ne sont pas légalement soumises à un processus
judiciaire ou quasi judiciaire. Cette cour ne peut
donc pas examiner un acte accompli par un tribu
nal fédéral à moins qu'il ne s'agisse d'une part
d'une ordonnance ou décision et, d'autre part,
d'une ordonnance ou décision ayant le caractère
prévu à l'article 28. Il est certain que la recom-
mandation d'une commission nommée conformé-
ment à l'article 547 du Code criminel n'est pas une
ordonnance. Il me paraît également certain qu'une
telle, recommandation n'est pas une décision au
sens de l'article 28(1).
Des décisions antérieures de cette cour établis-
sent que beaucoup d'exposés d'opinion, communé-
ment appelés décisions, ne constituent pas des
décisions au sens de l'article 28 si, juridiquement,
ils ne tranchent pas une question et n'ont pas
d'effet obligatoire.' Une recommandation comme
celle qui est attaquée en l'espèce ne revêt pas ces
caractéristiques. Elle ne décide ni ne prétend déci-
der si une personne placée sous garde doit être
libérée; en vertu de la loi une telle décision doit
être prise par le lieutenant-gouverneur. En outre la
recommandation de la commission, n'étant qu'un
simple exposé d'opinion, ne lie personne; elle ne lie
pas le lieutenant-gouverneur, qui peut l'écarter, ni
même la commission puisque celle-ci peut certai-
nement modifier les points de vue exprimés dans
son rapport.
Pour ces raisons, je pense que cette requête,
présentée en vertu de l'article 28, doit être rejetée
au motif que cette cour n'a pas compétence, en
vertu de l'article 28(1), pour annuler une recom-
mandation ou rapport fait par une commission
nommée conformément à l'article 547 du Code
criminel.
• * *
LE JUGE DUBE a souscrit à l'avis.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT JEAN a souscrit à l'avis.
1 Voir: Le procureur-général du Canada c. Cylien [1973]
C.F. 1166; British Columbia Packers Ltd. c. Le
Conseil canadien des relations du travail [1973] C.F.
1194; In Re Danmor Shoe Co. Ltd. [1974] 1 C.F. 22;
Bay c. La Reine [1974] 1 C.F. 523.
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