T-4271-74
Glen David Kramer et Lisa Josephine Kramer,
mineurs de moins de 18 ans, par leur représentant
ad litem, Helen Elizabeth Kramer, et ladite Helen
Elizabeth Kramer (Demandeurs)
C.
La Reine (Défenderesse)
et
Crewjet International Limited (Tierce partie)
Division de première instance, le juge Walsh—
Ottawa, les 24 juin et 4 juillet 1975.
Pratique—Instructions à tierce partie—Avocat de la défen-
deresse constatant que l'ordonnance rendue sur consentement
n'était pas conforme à la formule qu'il avait l'intention de
demander—Prétendant que le projet d'ordonnance modifiée
cause un préjudice à la défenderesse—L'erreur peut-elle être
corrigée?—Absence de fraude—Pour le bon ordre des procé-
dures, les ordonnances rendues dans quatre affaires sont
annulées et remplacées par de nouvelles ordonnances—Règles
2(3), 529, 1726, 1729, 1733 de la Cour fédérale.
L'avocat de la défenderesse écrivit à l'avocat de la tierce
partie, incluant un projet d'ordonnance d'instructions à tierce
partie. En réponse, il reçut une lettre à laquelle était jointe une
ordonnance d'instructions à tierce partie dûment signée et ne
remarqua pas qu'elle avait été considérablement modifiée.
Cette dernière fut ensuite approuvée par la Cour. L'avocat de
la défenderesse apprit plus tard que ce n'était pas la formule
d'ordonnance qu'il avait l'intention de demander. Ce dernier
prétend que l'ordonnance modifiée cause un préjudice à sa
cliente.
Arrêt: l'erreur a été commise de bonne foi. Nul ne prétend
qu'il y eut fraude et on ne demande pas la modification en
raison de faits postérieurs à l'ordonnance. Il faut donner à la
Règle 1733 une interprétation large. A défaut d'accord entre
les avocats, la Cour doit choisir la formulation de l'ordonnance.
Les instructions à tierce partie dépendent de la Règle 1729 et la
Cour dispose d'un large pouvoir discrétionnaire (la formule 55
ne devant être considérée qu'à titre de modèle); cependant,
cette formule est presque toujours utilisée dans cette cour et il
est préférable de la reprendre quand c'est possible, à moins qu'il
n'y ait une raison bien précise de modifier une ou plusieurs de
ses clauses. Pour le bon ordre des procédures, il faut annuler les
ordonnances et les remplacer par de nouvelles. Cependant, il ne
faut pas omettre les paragraphes facultatifs 5 et 6 qui permet-
tent à la tierce partie de comparaître à l'action principale et de
participer aux interrogatoires préalables.
Arrêt analysé: Suriano c. Suriano [1972] 1 O.R. 125.
REQUÊTE.
AVOCATS:
B. Crane pour les demandeurs.
P. Evraire pour la défenderesse.
E. W. Lane pour la tierce partie.
PROCUREURS:
Gowling et Henderson, Ottawa, pour les
demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Patterson, Lane & McDougall, Toronto, pour
la tierce partie.
Ce qui suit est la version française des motifs du
jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Une requête en annulation
d'une ordonnance d'instructions à tierce partie
rendue le 28 janvier 1975 par le juge Mahoney et
une requête pour de nouvelles instructions à tierce
partie ont été entendues en même temps et sur les
mêmes faits que des requêtes semblables dans les
affaires suivantes: Hannelore Buechler, Morris
Gogek et Cyril Rosenthal, exécuteurs de la suc
cession de feu Horst Maximilian Buechler et
Revel Builders (1972) Limited c. Sa Majesté la
Reine et Crewjet International Ltd., (no du greffe:
T-3134-74), Brethour Realty Services (1961)
Limited c. Sa Majesté la Reine et Crewjet Inter
national Ltd., (no du greffe: T-3133-74) et Bre-
thour Realty Services (1961) Limited c. Patrick
Maguire, Ubald Christin, Gordon Marchello,
Clause Caza et Sa Majesté la Reine et Crewjet
International Ltd., (no du greffe: T-3109-74).
La requête de ladite défenderesse, Sa Majesté la
Reine, pour obtenir l'annulation de l'ordonnance
d'instructions à tierce partie, est appuyée par l'af-
fidavit de son avocat qui affirme avoir écrit à
l'avocat de Crewjet International Ltd., la tierce
partie, le 9 janvier 1975 pour lui présenter un
projet d'ordonnance d'instructions à tierce partie
préparé conformément aux Règles 2(3), 1726 et à
la formule 54 1 des Règles de la Cour fédérale. Le
23 janvier 1975, ce dernier lui fit parvenir une
lettre à laquelle était jointe une ordonnance d'ins-
tructions à tierce partie dûment signée; l'avocat de
la défenderesse l'adressa ensuite à la Cour et le
juge Mahoney rendit l'ordonnance ainsi approuvée
lorsqu'elle lui fut présentée conformément à la
Règle 324. L'avocat de la défenderesse apprit plus
' Il est évident qu'on se réfère à la Règle 1729 et à la
formule 55.
tard que ce n'était pas la formule d'ordonnance
qu'il avait l'intention de demander. Lorsqu'il reçut
la formule du projet d'ordonnance approuvée au
nom de la tierce partie, il ne l'étudia pas et ne
remarqua pas les modifications apportées au projet
d'ordonnance soumis pour approbation; il ne
remarqua pas, non plus, dans la lettre qui l'accom-
pagnait, les mots: «approbations et ordonnances
d'instructions modifiées» [mis en italique par mes
soins]. Il prétend que le projet d'ordonnance modi-
fié et approuvé par le juge Mahoney cause un
grave préjudice à la défenderesse.
On ne conteste pas sérieusement que l'avocat
était de bonne foi lorsqu'il a commis cette erreur;
la Cour devra seulement déterminer si cette erreur
peut être corrigée et si, de toute façon, le projet
d'ordonnance soumis par l'avocat de la défende-
resse devrait remplacer l'ordonnance préparée par
l'avocat de la tierce partie, Crewjet International
Ltd., et rendue par le juge Mahoney, ou encore s'il
faut rendre une autre ordonnance adaptée aux
circonstances de l'action et quelque peu différente
des deux premières.
En ce qui concerne la procédure, la défenderesse
invoque la Règle 1733 qui se lit comme suit:
Règle 1733. Une partie qui a droit de demander en justice
l'annulation ou la modification d'un jugement ou d'une ordon-
nance en s'appuyant sur des faits survenus postérieurement à ce
jugement ou à cette ordonnance ou qui ont été découverts par la
suite, ou qui a droit d'attaquer un jugement ou une ordonnance
pour fraude, peut le faire, sans intenter d'action, par simple
demande à cet effet dans l'action ou autre procédure dans
laquelle a été rendu ce jugement ou cette ordonnance.
Cette disposition ressemble beaucoup à la Règle
529 des Règles de pratique de l'Ontario; on a cité
la jurisprudence relative à cette règle et, plus
particulièrement, l'affaire Suriano c. Suriano 2 où
le juge d'appel Kelly dit:
[TRADUCTION] C'est devant le tribunal de première instance
et non devant la Cour d'appel qu'il convient de contester un
jugement ou une ordonnance obtenu frauduleusement. Cette
requête n'entraîne pas une révision du dossier quant à la
régularité des procédures et à l'exactitude du droit étudié par le
tribunal de première instance. Une telle requête implique une
décision sur les questions soulevées par l'allégation de fraude,
questions totalement distinctes de celles qui furent tranchées
par le tribunal de première instance. Cette question nouvelle et
soumise pour la première fois doit être réglée par le tribunal de
2 [1972] 1 O.R. 125à la page 130.
première instance. Bien qu'une décision du tribunal de première
instance sur ce point puisse être portée en appel devant la
présente cour, la compétence de la Cour d'appel pour l'entendre
découle de la décision sur cette question et non du jugement
attaqué.
C'est donc au tribunal de première instance, plutôt
qu'à la Cour d'appel, de décider si un jugement ou
une ordonnance obtenu grâce à une fraude doit
être annulé. On ne prétend pas qu'un des avocats
des parties a obtenu frauduleusement l'ordonnance
du juge Mahoney; à vrai dire, on ne peut préten-
dre, non plus, que c'est à cause des faits posté-
rieurs à l'ordonnance qu'on en demande la modifi
cation, mais l'avocat de la défenderesse prétend
néanmoins que le même principe devrait être
appliqué. Étant donné les circonstances de cette
affaire, je suis d'avis qu'il faut donner à la Règle
1733 une interprétation large. Évidemment, puis-
qu'il n'a pas commis d'erreur, le juge Mahoney ne
pourrait pas corriger l'ordonnance en vertu de la
Règle 337(5) ou (6) relatif au nouvel examen de
jugements parce qu'on aurait négligé ou acciden-
tellement omis de traiter de questions par suite
d'erreurs d'écriture ou autres erreurs ou d'omis-
sions accidentelles. Le but des Règles de procédure
est d'assurer qu'une action sera entendue au fond
d'une façon ordonnée et que les questions soulevées
seront clairement exposées à la Cour; il serait donc
inacceptable que la défenderesse, Sa Majesté la
Reine, ou la tierce partie, Crewjet International
Ltd., subissent un préjudice parce qu'une ordon-
nance a été rendue sur consentement apparent des
avocats quant à sa formulation, alors qu'en vérité,
il n'y a pas eu de véritable accord entre les avocats
à ce sujet. A défaut d'accord entre les avocats, la
Cour doit choisir la formulation de l'ordonnance.
La formule 55 donne un modèle d'ordonnance
d'instructions à tierce partie et contient des para-
graphes facultatifs (5 et 6) traitant du droit qu'au-
rait la tierce partie de déposer une défense à
l'action principale et de participer aux interroga-
toires préalables entre demandeur et défendeur. Le
projet d'ordonnance préparé par l'avocat de la
défenderesse reprenait la formule 55, à l'exception
de ces deux paragraphes. Par contre, le projet
d'ordonnance préparé par l'avocat de la tierce
partie et approuvé par le juge Mahoney, qui
pensait qu'il avait fait l'objet d'un accord, diffère
totalement de cette formule et du projet d'ordon-
nance soumis par l'avocat de la défenderesse. Bien
que ladite ordonnance autorise la tierce partie à
déposer une défense à la déclaration des deman-
deurs, elle ne prévoit pas que la tierce partie sera
liée, quant au litige la concernant, par le jugement
final rendu dans l'action entre les demandeurs et la
défenderesse; elle accorde à la tierce partie vingt
jours pour déposer et signifier une défense à la
déclaration de la défenderesse au lieu des dix jours
prévus dans la formule 55; elle prévoit aussi qu'il
sera loisible à la tierce partie de comparaître et de
prendre part au procès sans rajouter les mots «dans
la mesure que peut prescrire le juge de première
instance» qu'on retrouve au paragraphe 7 de la
formule 55; cependant, elle ne prévoit pas que les
questions relatives à la tierce partie seront tran-
chées pendant ou après l'instruction de l'action
entre les demandeurs et la défenderesse comme le
juge de première instance peut le faire, selon le
paragraphe 4 de la formule 55; finalement, elle
s'éloigne de l'énoncé précis du paragraphe 9 de la
formule 55 quant aux frais de la demande. La cour
doit se conformer à la Règle 1729 pour donner des
instructions à la tierce partie et dispose d'un large
pouvoir discrétionnaire (la formule 55 ne devant
être considérée qu'à titre de modèle d'ordon-
nance); cependant cette formule a été rédigée avec
soin et elle est presque toujours utilisée dans cette
Cour, avec ou sans les paragraphes facultatifs; il
est préférable de la reprendre quand c'est possible,
à moins qu'il n'y ait une raison bien précise de
modifier une ou plusieurs de ses clauses. Puisque la
demande a été présentée au juge Mahoney en
vertu de la Règle 324 et qu'il n'y a eu ni argument
écrit ni débats, aucune de ces questions n'a été
portée à son attention. Par conséquent, je suis
d'avis que même si l'annulation des ordonnances
d'instructions à tierce partie qu'il a rendues dans
ces quatre causes implique une interprétation très
large de la Règle 1733, elle est nécessaire pour le
bon ordre de la procédure; les ordonnances
devraient donc être annulées et remplacées par de
nouvelles ordonnances.
Cependant, je ne suis pas d'accord avec l'avocat
de la défenderesse lorsqu'il demande l'omission des
dispositions facultatives 5 et 6 qui permettent à la
tierce partie de comparaître à l'action principale et
de participer aux interrogatoires préalables entre
demandeurs et défenderesse parce que, selon lui, la
tierce partie ne peut avoir aucun intérêt dans la
défense à l'action intentée par les demandeurs
contre Sa Majesté la Reine. Il faut signaler que
dans la présente action (no du greffe: T-4271-74),
à la suite de la décision du juge Mahoney, la tierce
partie a déjà soumis au dossier une défense à la
déclaration des demandeurs; elle prétend qu'en
contrepartie de $100,000, les demandeurs ont
dûment signé une quittance en date du 17 juin
1974 en faveur de Crewjet International Ltd. et
autres, et que cette quittance constitue un acquit-
tement partiel des dommages-intérêts que les
demandeurs pourraient avoir le droit de recouvrer
de ladite tierce partie et, jusqu'à concurrence dudit
montant, affecte son obligation de contribution ou
d'indemnisation envers la défenderesse. L'avocat
de la tierce partie affirme n'être aucunement
assuré que la défenderesse voudra ou pourra invo-
quer ce paiement en défense à l'action principale;
pour que la tierce partie puisse attirer l'attention
de la Cour sur cette question, on doit lui permettre
de comparaître à l'action principale. Bien qu'il
n'en soit pas de même dans les trois autres actions
portant les numéros de greffe T-3133-74,
T-3109-74 et T-3134-74, il est probable que toutes
ces actions seront entendues simultanément et, du
moins en partie, sur preuve commune; il semble
donc que la tierce partie, Crewjet International
Ltd., devrait être autorisée à comparaître non
seulement en qualité de tierce partie, défenderesse
à l'action intentée contre elle par Sa Majesté la
Reine, mais aussi dans les actions intentées par les
différents demandeurs contre Sa Majesté la Reine;
la défenderesse ne subira aucun préjudice grave du
fait de l'aide que pourrait lui apporter la tierce
partie qui, elle aussi, essaiera, dans ses plaidoiries,
d'obtenir le rejet des actions principales et, pen
dant les interrogatoires préalables, elle tentera
d'obtenir une preuve qui pourrait l'aider à ce faire.
Je ne vois aucune raison pour modifier le délai
de dix jours prévu à la formule 55 pour la présen-
tation des plaidoiries et je considère très important
de préciser que la tierce partie sera liée, quant au
litige la concernant, par le jugement final dans
l'action entre les demandeurs et la défenderesse,
que le juge du tribunal de première instance aura
le pouvoir discrétionnaire pour déterminer dans
quelle mesure la tierce partie pourra comparaître
et participer à l'audience et que les frais de la
demande d'instructions à tierce partie seront fixés
de la manière prévue au paragraphe 9 de la
formule 55. Les projets d'ordonnance soumis par
l'avocat de la défenderesse pour les instructions à
tierce partie dans les quatre affaires sont donc
acceptés; il faudra toutefois y ajouter les paragra-
phes 5 et 6 qui devront reproduire les termes des
paragraphes 5 et 6 de la formule 55 et changer la
numérotation des paragraphes 5, 6 et 7 qui devien-
dront les paragraphes 7, 8 et 9 pour correspondre à
l'ordre des paragraphes de la formule 55 d'où ils
ont d'ailleurs été tirés.
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