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A-344-75
Quebec North Shore Paper Company et Quebec and Ontario Transportation Company (Appelan- tes) (Défenderesses)
c.
Canadien Pacifique Limitée et Incan Ships Limi ted (Intimées) (Demanderesses)
Cour d'appel, les juges Thurlow, Ryan et Le Dain—Montréal, le 21 novembre 1975; Ottawa,
le 22 décembre 1975.
Compétence—Dommages-intérêts—Contrat de construction et d'exploitation d'une gare maritime—L'appelante «Q et et l'intimée «I» ont convenu par contrat avec l'intimée «CP» d'exploiter un bac porte-trains pour «CP»—Défaut des appe- lantes de construire dans les délais mentionnés—Action pour rupture de contrat—Les appelantes demandent la radiation de la déclaration pour défaut de compétence—S'agit-il d'une entreprise purement locale?—Requête rejetée—Appel—La Cour a-t-elle compétence en vertu de l'art. 23 de la Loi sur la Cour fédérale?—Loi sur la Cour fédérale, art. 2, 3 et 23—Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, art. 91(29), 92(10)a) et 101.
Les appelantes ont convenu par contrat de construire et d'exploiter une gare maritime, devant être terminée le 15 mai 1975. Par contrat, l'appelante Q et O et l'intimée I se sont engagées dans une entreprise commune en vue d'exploiter le bac porte-trains et l'appelante Q et O et l'intimée I ont convenu par contrat avec l'intimée CP d'exploiter ce bac porte-trains pour CP. Toutes les parties reconnaissent qu'il faut considérer que les contrats font partie d'un projet global d'entreprise dans laquelle elles avaient toutes un intérêt. Les intimées réclament des dommages-intérêts pour défaut de s'acquitter d'obligations dans les délais stipulés. Les appelantes soutiennent que l'objet du contrat était situé strictement dans la province de Québec et constituait donc une entreprise locale. Les appelantes allèguent de plus qu'il ne s'agissait pas d'un cas d'extension d'une ligne de chemin de fer, mais du prolongement du chemin de fer par une ligne maritime, de caractère purement local, et demandent la radiation de la déclaration pour défaut de compétence. La Division de première instance a conclu à la compétence de la Cour et rejeté la requête. Les appelantes interjettent appel.
Arrêt: l'appel est rejeté, la Cour a compétence. Les articles de l'accord et les contrats subsidiaires d'entreprise commune et d'exploitation du navire, considérés comme un tout, constituent l'objet de l'action. L'obligation de QNS et de Q et O de construire une gare maritime et des installations connexes et de faire en sorte qu'elles puissent être utilisées dès le 15 mai 1975, ne constitue pas un accord distinct. Elle fait partie de la cause ou contrepartie de l'obligation de CP de transporter le papier- journal de QNS, à partir du chargement sur le bac porte-trains à Baie -Comeau, jusqu'à New York et Chicago, et de l'obliga- tion de I de construire et d'exploiter une gare à Québec conformément au contrat d'entreprise commune. Le but final est le transport de papier-journal par CP de Baie -Comeau à New York et Chicago, au moyen du bac porte-trains entre Baie -Comeau et la ville de Québec et de l'entreprise extra-pro-
vinciale de chemin de fer de CP, au-delà de Québec. En ce qui concerne CP, les articles de l'accord forment un contrat à long terme de transport international de marchandises, devant être exécuté partiellement par son entreprise de chemin de fer extra-provinciale. Un tel contrat constitue une partie essentielle de l'exploitation d'une telle entreprise et, à ce titre, relève de la compétence législative exclusive du Parlement—une matière relevant de la catégorie «ouvrages et entreprises reliant une province à une autre ou s'étendant au-delà des limites d'une province.»
Et le juge Thurlow: Les contrats conclus entre I et CP, I et QNS et I et Q et O sont tous incidents et nécessaires à la bonne exécution du but essentiel visé par les contrats et peuvent donc être considérés comme des matières tombant dans la catégorie, etc., à titre d'éléments incidents et nécessaires à l'exécution d'obligations contractuelles qui elles-mêmes relèvent de la caté- gorie «ouvrages et entreprises ...» , etc.
Distinction faite avec les arrêts: Renvoi relatif à la validité de la Loi sur les relations industrielles et sur les enquêtes visant les différends du travail [1955] R.C.S. 529 et Toronto c. Bell Canada [1905] A.C. 52. Arrêt appliqué: Commission du Salaire Minimum c. Bell Canada [1966] R.C.S. 767.
APPEL. AVOCATS:
P. M. Laing, c.r., et G. Nesbitt pour les
appelantes.
C. R. O. Munro, c.r., pour les intimées.
PROCUREURS:
Laing, Weldon, Courtois, Clarkson, Parsons & Tétrault, Montréal, pour les appelantes. Les Services juridiques du Canadien Pacifi- que pour les intimées.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE THURLOW: Pour les motifs prononcés par Monsieur le juge Le Dain, je souscris à son opinion selon laquelle, d'après les faits de l'espèce, la Cour a compétence pour entendre la demande de Canadien Pacifique Limitée contre les deux défenderesses pour inexécution du contrat. J'es- time que Canadien Pacifique Limitée a conclu ce contrat dans le cadre de l'exploitation de son réseau ferroviaire actuel et qu'il s'agit donc d'une matière tombant dans la catégorie des ouvrages et entreprises reliant une province à une autre ou s'étendant au-delà des limites d'une province, au sens de l'article 23 de la Loi sur la Cour fédérale.
J'ai eu plus de difficulté à comprendre de quelle façon l'action en dommages-intérêts de Incan Ships Limited pour des dommages résultant de la violation, du même contrat, et son action en annu- lation dudit contrat constituent une demande de redressement relative à une matière tombant dans la même catégorie de sujets. Je ne vois pas com ment les obligations contractuelles et les droits de Incan correspondent à cette description. Toutefois, on peut considérer que les contrats conclus entre Incan et Canadien Pacifique, Incan et Quebec North Shore Paper Company et Incan et Quebec and Ontario Transportation Company Limited sont incidents et nécessaires à la bonne exécution du but essentiel visé par les contrats, c'est-à-dire, le transport de papier-journal de Baie -Comeau à New York et à Chicago, au-delà des frontières provinciales et internationales. C'est pourquoi j'es- time qu'ils peuvent être considérés comme des matières tombant dans la catégorie des ouvrages et entreprises, etc., à titre d'éléments incidents et nécessaires à l'exécution d'obligations contractuel- les qui elles-mêmes relèvent de la catégorie, ouvra- ges et entreprises, etc. Compte tenu des jugements de la Cour suprême dans les arrêts Stevedoring', Commission du Salaire Minimum c. Bell Canada 2 et Kootenay and Elk Railway Co. c. Le Canadien Pacifique', il me semble qu'il s'agit de la meilleure interprétation. J'accorde une importance particu- lière au fait qu'en vertu des contrats, Incan et Quebec and Ontario Transportation Company doi- vent effectuer pour et au nom de Canadien Pacifi- que une partie du transport international du papier-journal que Canadien Pacifique a convenu avec Quebec North Shore Paper Company d'ache- miner de Baie -Comeau à New York et Chicago. Je souscris donc au rejet de l'appel.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE LE DAIN: Appel est interjeté d'un jugement de la Division de première instance 4 rejetant une requête visant la radiation de la décla-
[1955] R.C.S. 529.
2 [1966] R.C.S. 767.
3 [1974] R.C.S. 955.
4 [1976] 1 C.F. 405.
ration et le rejet de l'action pour défaut de compétence.
Il s'agit d'une action pour inexécution d'un con- trat; les intimées réclament des dommages-intérêts totalisant $35,987,385 et une décision judiciaire annulant les contrats. Les trois contrats en cause sont: le contrat principal, en date du 22 janvier 1974, ou «articles de l'accord», et deux contrats accessoires, datés du 13 février 1974 et du 26 mars 1974, appelés respectivement «contrat d'entreprise commune» et «contrat d'exploitation du navire». Il est admis que ces contrats doivent être considérés comme faisant partie d'un seul projet global d'en- treprise dans lequel toutes les parties ont un intérêt.
Le projet est décrit au préambule des Articles de l'accord comme suit:
Les articles suivants consistent dans une entente relative à l'exploitation de bacs porte-trains pour transporter du papier- journal de Quebec North Shore Paper Company, entre Baie - Comeau, (Québec) et la ville de Québec, devant être acheminé à New York (État de New York) et Chicago (État de l'Illinois) et autres destinations, et pour le transport de marchandises diverses en provenance et à destination d'endroits situés sur la rive nord du Saint-Laurent; leur but est de définir les obliga tions et responsabilités de Quebec North Shore Paper Com pany, Canadien Pacifique Limitée, Quebec & Ontario Trans portation Company, Limited et Inean Ships Limited, dans la mise en œuvre de ce projet.
Les contrats prévoient l'exploitation d'une forme particulière de transport maritime consistant en un automoteur transporteur de wagons (appelé «bac porte-trains») pouvant transporter 26 wagons con- tenant du papier-journal et effectuer annuellement 175 voyages aller retour entre Baie -Comeau et la ville de Québec, la construction et l'exploitation de gares maritimes à Baie -Comeau et à Québec, et le transport direct par Canadien Pacifique Limitée (ci-après appelée «CP») du papier-journal de Quebec North Shore Paper Company (ci-après appelée «QNS»), à partir du chargement sur le bac porte-trains à Baie -Comeau jusqu'à New York et Chicago, en utilisant le bac porte-trains de Baie - Comeau à Québec, puis le réseau ferroviaire du CP et de ses transporteurs correspondants.
Le bac porte-trains devait appartenir à une entreprise commune formée de Quebec and Ontario Transportation Company (ci-après appe- lée «Q&O») et Incan Ships Limited (ci-après appe- lée «Incan»), chargée de son exploitation.
QNS ou Q&O devait construire et exploiter la gare de Baie -Comeau et en être le propriétaire, de même que Incan devait construire et exploiter la gare de la ville de Québec et en être le proprié- taire. Les obligations de QNS ou de Q&O à cet égard et sur lesquelles porte la présente action en inexécution du contrat, sont stipulées à la clause 6.02 des articles de l'accord que voici:
[TRADUCTION] Q&O ou QNS achètera ou louera les terrains nécessaires et construira et exploitera une gare maritime à l'usage d'un bac porte-trains, apportera les modifications néces- saires aux entrepôts et aux installations destinées à diverses marchandises de transit à Baie -Comeau, ces installations devant être disponibles le 15 mai 1975.
En ce qui concerne l'engagement de CP de transporter le papier-journal de QNS, la clause 4.01 des Articles de l'accord précise ce qui suit:
CP s'engage à et accepte de transporter un minimum de 310,000 tonnes de papier-journal, expédié par QNS à partir de leur chargement sur le bac porte-trains à Baie -Comeau aux salles de presse du New York News à Manhattan et Brooklyn, à New , York, et à la voie de service du Chicago Tribune à Chicago, chaque année, pendant une période de 15 ans à compter de la date d'entrée en vigueur, sous réserve des disposi tions du paragraphe 7.02, des articles 10 et 11.01 des présentes. CP s'engage aussi à transporter des marchandises diverses en provenance et à destination d'endroits situés sur la rive nord du fleuve, pendant la même période.
Le contrat fixe les tarifs de transport direct payables par QNS à CP pour le transport de papier-journal de Baie -Comeau à New York et Chicago. Ces tarifs doivent être compétitifs en matière de transport par eau et sont sujets à l'approbation des organismes compétents investis de pouvoirs de réglementation. Le contrat fixe aussi le montant devant être versé par CP à l'en- treprise commune pour sa participation dans le transport direct; cette somme est divisée en plu- sieurs parts imputées à la gare de Baie -Comeau, à l'exploitation du bac porte-trains et à la gare de la ville de Québec.
L'entreprise commune s'engage à louer les wagons nécessaires à l'acheminement de papier- journal, [TRADUCTION] «en nombre suffisant pour transporter d'une manière efficace 310,000 tonnes de papier-journal par année de Baie -Comeau à New York ou à Chicago». Le coût pour l'entreprise commune de la location de ces wagons doit être défrayé par QNS jusqu'à concurrence d'un mon- tant maximum déterminé; tout coût en sus de ce montant doit être remboursé à l'entreprise com mune par CP.
En ce qui concerne les relations entre l'entre- prise commune et CP, voici ce que prévoit le contrat d'exploitation de navires, aux clauses 1
et 3:
1. Par les présentes, le CP retient les services de Q&O et Incan dans le cadre d'une entreprise commune, pour le transport de papier-journal de Baie -Comeau à Québec, devant être ache- miné vers New York et Chicago et le transport de marchandi- ses diverses par le bac porte-trains comme prolongement du réseau ferroviaire de CP, et ce, conformément aux articles d'accord et selon leurs dispositions; Q&O et Incan acceptent d'exploiter le bac porte-trains pour et au nom du CP conformé- ment aux articles d'accord et selon leurs dispositions.
3. Le CP fera une offre pour tout papier-journal et marchandi- ses expédiés par le bac porte-trains et leur transport se fera sous un connaissement direct normalisé du CP.
Dans leur action, les intimées allèguent qu'elles ont respecté leurs obligations en vertu des articles de l'accord, mais que les appelantes ont omis de s'acquitter de leur obligation de construire une gare maritime à Baie -Comeau et que leur retard a rendu impossible l'exécution de cette obligation. CP réclame la perte des profits qu'elle aurait réalisés pendant la durée du contrat et la perte relative aux autres arrangements rendus nécessai- res par le contrat. Incan réclame le montant des dépenses engagées dans la construction d'une gare à Québec, la location de wagons, l'achat d'un bac porte-trains et les pertes de profit qu'elle aurait réalisés pendant la durée du contrat. Les appelan- tes concluent de plus que les contrats doivent être annulés, déclarés non avenus et résolus à toutes fins que de droit.
Il s'agit dans cet appel de déterminer si la Cour fédérale du Canada a compétence pour entendre l'action en vertu de l'article 23 de la Loi sur la Cour fédérale qui se lit comme suit:
23. La Division de première instance a compétence concur- rente en première instance, tant entre sujets qu'autrement, dans tous les cas une demande de redressement est faite en vertu d'une loi du Parlement du Canada ou autrement, en matière de lettres de change et billets à ordre lorsque la Couronne est partie aux procédures, d'aéronautique ou d'ouvrages et entre- prises reliant une province à une autre ou s'étendant au-delà des limites d'une province, sauf dans la mesure cette compé- tence a par ailleurs fait l'objet d'une attribution spéciale.
Il s'agit donc de trancher la question de savoir si la demande de redressement en l'espèce se rattache à une matière tombant dans la catégorie des «ouvrages et entreprises reliant une province à une
autre ou s'étendant au-delà des limites d'une province».
Les termes «en matière de» (matter coming within any following class of subjects) à l'article 23 semblent correspondre au sens de l'expression «matières tombant dans les catégories de sujet» (Matters coming within the Classes of Subjects) employée aux articles 91 et 92 de l'Acte de l'Amé- rique du Nord britannique et devoir être interpré- tés dans la même optique. La version française de cette expression, à l'article 23 de la Loi sur la Cour fédérale,—«en matière de»—n'est pas con- forme à la version française des termes correspon- dants à l'Acte de l'A.N.B.—«matières tombant dans les catégories de sujets»—mais je ne pense pas que l'on doive accorder une importance parti- culière à cette différence. Il est raisonnable de conclure que l'article 23 prévoit que, lorsque le Parlement a compétence pour légiférer relative- ment à une matière parce qu'elle tombe dans les catégories de sujets énumérées à l'article 92(10)a) de l'Acte de l'A.N.B.—«Lignes de bateaux à vapeur ou autres bâtiments, chemins de fer, canaux, télégraphes et autres travaux et entrepri- ses reliant la province à une autre province ou à d'autres provinces, ou s'étendant au-delà des limi- tes de la province»—cette cour a compétence pour examiner une demande de redressement se rappor- tant à cette matière.
La demande de redressement doit être faite en vertu d'une loi du Parlement du Canada «ou autre- ment». A mon avis, les termes «ou autrement» signifient toute autre loi faisant partie des «lois du Canada» au sens de l'article 101 de l'Acte de l'A.N.B., seule disposition conférant au Parlement la compétence législative pour donner à la Cour la compétence pour administrer les lois du Canada. Cette restriction apparaît à l'article 3 de la Loi sur la Cour fédérale, qui qualifie la Cour de «tribunal supplémentaire pour la bonne application du droit du Canada» et à l'article 2 de la Loi, qui stipule que «`droit du Canada' a le sens donné à l'expres- sion `loi du Canada' à - l'article 101 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867.» L'expres- sion «lois du Canada», au sens de l'article 101 de l'Acte de l'A.N.B., comprend non seulement les lois fédérales existantes mais aussi toutes lois que le Parlement peut validement édicter, modifier ou abroger. Consolidated Distilleries Limited c. Le
Roi [1933] A.C. 508. Dans cet arrêt, l'intimée ne fondait pas sa demande de redressement sur une loi fédérale mais sur le droit civil des obligations du Québec. Les contrats litigieux prévoyaient tous qu'on devait les interpréter et les analyser, de même que toute controverse soulevée à leur égard, conformément aux lois de la province du Québec. Dans la mesure le droit civil du Québec s'appli- que à une matière tombant sous la compétence législative fédérale à l'égard d'une entreprise extra-provinciale aux termes de l'article 92(10)a) de l'Acte de l'A.N.B., il fait partie des lois du Canada au sens de l'article 101 de l'Acte de l'A.N.B., car le Parlement du Canada pourrait l'édicter, le modifier ou l'abroger. En d'autres termes, le Parlement peut légiférer en matière de contrats dans les domaines relevant de sa compé- tence à l'égard de ces entreprises. Laskin, Canadi- an Constitutional Law, 4e édition révisée, 1975, à la page 793.
A mon avis, ce sont les articles de l'accord et les contrats subsidiaires d'entreprise commune et d'exploitation du navire, considérés comme un tout, qui constituent le sujet de la demande de redressement ou l'objet de la présente action. Les intimées fondent leur demande en dommages- intérêts sur ces contrats dont elles réclament en outre l'annulation. L'obligation de QNS et de Q&O de construire une gare maritime et des installations connexes à Baie -Comeau et de faire en sorte qu'elles puissent être utilisées dès le 15 mai 1975, ne constitue pas un accord distinct ni divisible. Elle fait partie de la cause ou contrepar- tie de l'obligation de CP de transporter le papier- journal de QNS, à partir du chargement sur le bac porte-trains à Baie -Comeau, jusqu'à New York et Chicago, et de l'obligation de Incan de construire une gare à Québec et d'exploiter un bac porte- trains conformément au contrat d'entreprise com mune. Les dommages-intérêts réclamés par les intimées comprennent les dépenses engagées pour exécuter leurs obligations en vertu de ces contrats et les pertes de profit qu'elles auraient réalisés pendant la durée des articles de l'accord.
Il s'agit donc maintenant de déterminer si les articles de l'accord et les contrats connexes relè- vent de la catégorie des «ouvrages et entreprises reliant une province à une autre ou s'étendant au-delà des limites d'une province». Les contrats
portent-ils sur une entreprise au sens de l'article 23 de manière à donner compétence à la Cour?
A ce sujet, les appelantes soutiennent essentiel- lement que la gare maritime et les installations connexes devant être construites et exploitées à Baie -Comeau n'auraient pas fait partie d'une entreprise du genre de celle envisagée à l'article 23. Elles prétendent que la gare n'aurait pas fait partie intégrante de l'entreprise de transport par bac porte-trains et encore moins de l'entreprise de CP et que la gare était comparable à un entrepôt. Elles affirment que les entrepôts de l'expéditeur ne peuvent être considérés comme faisant partie de l'entreprise de transport qui doit transporter ses marchandises. Les appelantes soutiennent en outre qu'un simple lien physique ne suffit pas pour qu'une entreprise locale forme une partie inté- grante d'une entreprise extra-provinciale, il faut que cette dernière possède ou exploite ladite entre- prise locale. On a invoqué les arrêts La Cité de Montréal c. La Compagnie de tramways de Mont- réal [1912] A.C. 333; Luscar Collieries, Limited c. McDonald [1927] A.C. 925; The British Columbia Electric Railway Company Limited c. La Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada [1932] R.C.S. 161; Kootenay and Elk Railway Co. c. Le Canadien Pacifique [1974] R.C.S. 955. Selon les allégations des appelantes, l'existence d'un lien contractuel en vertu duquel les exploitants de l'entreprise locale doivent exécuter, à titre d'entrepreneurs indépendants, un rôle nécessaire au fonctionnement du service que les exploitants de l'entreprise extra-provinciale se sont engagés à fournir, ne suffirait pas. Une distinction fut établie à l'égard de l'arrêt Stevedoring, 5 relatif à des entreprises de marine marchande et d'arri- mage exploitées par des compagnies différentes, au motif que la décision dans cette affaire était fondée sur une compétence fédérale en matière de navigation et de marine marchande plutôt que sur la compétence conférée à l'égard d'entreprises au sens de l'article 92(10)a) de l'Acte de l'A.N.B.
Renvoi relatif à la validité de la Loi sur les relations industrielles et sur les enquêtes visant les différends du travail [1955] R.C.S. 529.
Les appelantes prétendent aussi qu'en ce qui concerne du moins la gare de Baie -Comeau et le bac porte-trains, il n'existait pas encore d'entre- prise, ni en fait ni en droit. Une distinction fut établie avec l'arrêt Toronto Corporation c. Bell Canada [1905] A.C. 52, au motif que dans cette affaire, la compagnie avait été constituée en vertu d'une loi fédérale lui donnant le pouvoir d'établir et d'exploiter une entreprise inter-provinciale. Il s'agissait du problème de l'ingérence d'une auto- rité provinciale ou municipale dans l'établissement d'une entreprise que le Parlement avait autorisée en vertu de sa compétence législative conférée par les articles 92(10)a) et 91(29) de l'Acte de l'A.N.B. En l'espèce, il ne s'agit que d'un contrat, qui crée l'obligation d'établir une entreprise, sans comporter le pouvoir statutaire de le faire. Pour que la Cour soit compétente en vertu de l'article 23 de la Loi sur la Cour fédérale, on a prétendu que la demande de redressement devait se rappor- ter à une entreprise extra-provinciale existante.
En revanche, les intimées affirment qu'un con- trat relatif au transport inter-provincial ou interna tional de marchandises suffit en lui-même à attri- buer une compétence législative au Parlement et, qu'en conséquence, la Cour fédérale a compétence. Elles prétendent qu'aucune législature provinciale ne peut légiférer à l'égard d'un tel contrat et que, puisque ce dernier tombe sous la compétence légis- lative fédérale, cette cour a compétence pour entendre une action en vue d'en obtenir l'exécu- tion. Cet argument revient à dire qu'aux fins de l'article 23 de la Loi sur la Cour fédérale, les articles de l'accord et les contrats accessoires pré- voient en fait l'établissement et l'exploitation d'un service de transport international qui constitue une entreprise au sens de cet article. De toute évidence, il faut établir une distinction entre un contrat de transport et l'entreprise de transport qui en assure l'exécution.
Compte tenu des conclusions auxquelles je suis parvenu sur la nature des articles de l'accord et des contrats accessoires, en ce qui concerne l'entreprise de chemins de fer extra-provinciale de CP, je n'estime pas nécessaire de traiter de tous les argu ments avancés par les appelantes et les intimées.
Il ne fait aucun doute que les contrats ont plusieurs aspects. Ils visent essentiellement à éta-
blir un service de bac porte-trains entre Baie - Comeau et la ville de Québec et à installer des gares maritimes à chacun de ces endroits. Cepen- dant, leur but final est le transport de papier-jour nal par CP de Baie -Comeau à New York et Chi- cago, au moyen du bac porte-trains entre Baie -Comeau et la ville de Québec et de l'entre- prise extra-provinciale de chemin de fer de CP au-delà de Québec. Les appelantes admettent que l'entreprise extra-provinciale de chemin de fer de CP est nécessairement impliquée et déclarent dans leur exposé de faits et de droit:
[TRADUCTION] Indubitablement, l'intimée Canadien Pacifi- que relie par son réseau ferroviaire deux et plusieurs provinces, s'étend au-delà des limites de la province de Québec et consti- tue une entreprise au sens de l'article 23 de la Loi sur la Cour fédérale et de l'article 92(10)a) de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.
Donc, en ce qui concerne CP, les articles de l'accord forment un contrat à long terme de trans port international de marchandises, devant être exécuté partiellement par son entreprise de chemin de fer extra-provinciale. Un tel contrat constitue une partie essentielle de l'exploitation d'une telle entreprise et à ce titre relève de la compétence législative exclusive du Parlement selon le critère établi dans l'arrêt Commission du Salaire Mini mum c. Bell Canada [1966] R.C.S. 767. Il s'agit donc d'une matière relevant de la catégorie «ouvra- ges et entreprises reliant une province à une autre ou s'étendant au-delà des limites d'une province» au sens de l'article 23 de la Loi sur la Cour fédérale. En conséquence, la Cour a compétence pour entendre cette action. Je rejetterais l'appel avec dépens.
* * *
LE JUGE RYAN: J'y souscris.
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