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A-122-75
John Graham & Company Limited, Ernest L. Bushnell et John Graham fils (Requérants)
c.
Le Conseil de la Radio-Télévision canadienne (Intimé)
Cour d'appel, les juges Thurlow et Urie et le juge suppléant Ryan—Ottawa, les 23, 24 et 27 octobre et le 12 décembre 1975.
Examen judiciaire et appel—Décision du CRTC approuvant (le transfert d'actions assujetti à une condition—Le Conseil a-t-il excédé ses pouvoirs?—La décision est-elle entachée d'une erreur de droit?—A-t-on manqué aux principes de la justice naturelle?—Peut-on dissocier la condition et l'appro- bation?—S'agit-il d'une décision de nature administrative?— Loi sur la radiodiffusion, S.R.C. 1970, c. B-11, art. 17 et 26— Loi sur la Cour fédérale, art. 28.
Dans sa décision approuvant le transfert projeté d'actions de la B Limited de la W Limited et ses associées à la S Limited, le CRTC a exigé comme condition que S accepte d'amener B à se dessaisir de son entreprise de télévision par câble à Rockland (Ont.) ainsi que des intérêts qu'elle détient dans Laurentian et Skyline Cablevision. Le Conseil devait étudier la question dans le cas de chaque titulaire au moment du renouvellement de la licence. Les requérants affirment que (1) la condition avait pour effet de priver les compagnies B, Laurentian ou Skyline de leurs droits de voir leurs demandes de renouvellement de licen ces étudiées équitablement. Elle transformait une simple demande d'approbation d'un transfert d'actions en une demande visant en outre à imposer de nouvelles conditions à leurs licences existantes et puisque ces dernières n'étaient pas soumises à un examen pour une des raisons prévues à l'article 17, le Conseil a excédé ses pouvoirs; et que (2) le CRTC a manqué aux principes de la justice naturelle parce que l'avis d'audience n'indiquait pas qu'on discuterait, au cours de l'audi- tion de la demande de transfert d'actions, de la question du dessaisissement et parce que celle-ci n'a pas été directement abordée à l'audition. L'intimé allègue que (3) les requérants n'ont pas qualité et que (4) la décision du Conseil est purement de nature administrative et n'est pas sujette à un examen judiciaire.
Arrêt: l'appel est accueilli et la question est soumise de nouveau au Conseil afin qu'il rende sa décision sur la demande sans inclure aucune condition que n'autorise pas la Loi sur la radiodiffusion. Quant à (3), le Conseil a permis aux requérants d'intervenir. Sa participation à l'audition et l'«intérêt prouva- ble» qu'a la compagnie Graham dans l'issue de l'audience en font une «partie» à la demande en vertu de l'article 28. La firme peut parfaitement interjeter appel en vertu de l'article 26 de la Loi sur la radiodiffusion. En ce qui concerne (4), l'article 26 prévoit un appel sur une question de droit ou sur une question de compétence; la demande présentée en vertu de l'article 28 ne peut être accueillie.
Quant à (1), la condition avait pour effet d'imposer à chaque licence une condition supplémentaire, et elle privait en fait les titulaires de leur droit de demander le renouvellement pur et
simple de leurs licences. La condition n'a pas été imposée à une audience tenue pour attribuer ou renouveler une licence ou dans le but de modifier celle de B en y ajoutant la condition, conformément à l'article 17, mais elle a été imposée au cours d'une audition convoquée seulement pour étudier une demande d'approbation d'un transfert d'actions d'un seul des titulaires. On n'avait présenté aucune demande de renouvellement et on n'avait pas à le faire. Le Conseil n'avait pas compétence pour imposer une condition portant atteinte à l'une des licences détenues ou contrôlées par B. On a porté atteinte aux licences en vigueur ou à leur renouvellement de la façon suivante (a) le Conseil a implicitement ajouté une nouvelle condition à cha- cune des licences, refusant en fait aux titulaires le droit d'en demander le renouvellement pur et simple; et/ou (b) il a imposé avant toute demande de renouvellement une restriction au droit du titulaire à cet égard. D'une façon ou de l'autre, l'exercice du pouvoir discrétionnaire du Conseil était «bloqué». (3) On n'a pas à trancher la question du défaut d'observance d'un principe de justice naturelle.
Enfin, il ressort de la simple lecture de la décision que la condition était essentielle à l'approbation et il faut infirmer l'ensemble de cette décision.
Le juge Thurlow: Le fait que le Conseil avait résolu de ne pas accorder à des entreprises contrôlées par les mêmes personnes des licences d'émission de radiodiffusion et de réception de radiodiffusion était sans importance dans le cas des licences des compagnies B, déjà accordées. Dans le cas d'une compagnie déjà titulaire d'une licence, l'ingérence du Conseil dans les conditions de cette licence pourrait être très préjudiciable et aux termes de l'article 17(1)b), on ne peut intervenir qu'à la demande du titulaire.
Arrêts appliqués: Le procureur général du Manitoba c. L'Office national de l'énergie [1974] 2 C.F. 503; Confed eration Broadcasting (Ottawa) Limited c. Le CRTC [1971] R.C.S. 906 et Okanagan Helicopters Ltd. c. La Commission canadienne des transports [1975] C.F. 396. Arrêt approuvé: Maurice c. London County Council [1964] 2 Q.B.D. 362.
EXAMEN judiciaire et appel. AVOCATS:
J. Richard pour les requérants.
C. Thomson et C. C. Johnston pour l'intimé.
J. Sopinka pour la Standard Broadcasting.
J. L. McDougall pour la Western
Broadcasting.
PROCUREURS:
Gowling & Henderson, Ottawa, pour les requérants.
Campbell, Godfrey & Lewtas, Toronto, pour l'intimé.
Fasken & Calvin, Toronto, pour la Standard Broadcasting.
Henry & Brown, Toronto, pour Nathan A. Taylor.
Herridge, Tolmie, Gray, Coyne & Blair, Ottawa, pour la Bushnell Communications Ltd.
Fraser & Beatty, Toronto, pour la Western Broadcasting.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE THURLOW: Je souscris en grande partie aux motifs du juge Urie et je suis d'accord avec sa conclusion.
Premièrement, en ce qui concerne la qualité pour agir, c'est la Standard qui a demandé l'appro- bation du Conseil, avec l'accord des trois compa- gnies titulaires, mais la John Graham & Company Limited, actionnaire de la compagnie Bushnell, avait autant le droit de s'opposer à ladite approba tion, devant le Conseil, que la Standard, qui n'était pas encore actionnaire, avait le droit de la deman- der. Devant cette cour, la John Graham & Com pany Limited, après avoir obtenu la permission d'interjeter appel en vertu du paragraphe 26(1) de la Loi sur la radiodiffusion, avait, à mon avis, même qualité pour agir que la Standard, qui avait obtenu l'approbation du Conseil par la décision en appel.
Deuxièmement, en ce qui concerne la nature administrative de la fonction qu'exerce le Conseil, il me semble que l'octroi d'une permission exigée à titre d'une condition de la licence constitue l'exer- cice d'une fonction découlant de l'article 17 de la Loi sur la radiodiffusion relativement à l'octroi des licences mais que la condition réserve au Con- seil. Il s'agit, à mon avis, d'un aspect du choix des titulaires de licences. Je pense que la condition se rapporte à la situation du titulaire au sens de l'alinéa 17(1)a) et il me semble que lorsque la permission du Conseil est requise en vertu de ladite condition, ce dernier doit décider si l'on devrait continuer à accorder la licence au titulaire, compte tenu du changement projeté quant au contrôle de l'entreprise titulaire. Ainsi selon moi, la décision d'accorder une telle permission est une décision au sens du paragraphe 26(1) de la Loi sur la radio- diffusion et sujette à un appel conformément à cette disposition.
Les compagnies titulaires Bushnell, Ottawa- Cornwall et Laurentian s'étant jointes à la demande présentée au Conseil par la Standard, il s'agit donc de leur demande aussi bien que de celle de la Standard. La décision rendue les liait donc autant que la Standard et imposait à Bushnell en particulier l'obligation de se soumettre à la condi tion imposée au nouvel actionnaire. Cette exigence est devenue une condition de la licence de la Bushnell (seul moyen de pression dont dispose le Conseil à l'égard de cette compagnie) et une res triction à la possibilité ou au droit de faire renou- veler la licence sans se heurter à une telle entrave. La compagnie n'avait pas demandé une telle con dition et n'avait pas les moyens de s'y opposer. Par conséquent, cela revenait donc à imposer à la compagnie par le nouvel actionnaire majoritaire et par le nouveau Conseil d'administration, une poli- tique qui ne servait pas nécessairement au mieux les intérêts de ladite compagnie ni ceux de ses actionnaires, et à laquelle celle-ci n'était pas obli gée de se soumettre, que ce soit en vertu des termes de sa licence ou autrement.
Le fait que le Conseil avait résolu de ne pas accorder à des entreprises contrôlées par les mêmes personnes des licences d'émission de radio- diffusion et de réception de radiodiffusion était pertinent à la demande qui lui était soumise dans la mesure seulement cette politique entrait en ligne de compte lorsqu'il s'agissait de décider si l'on devait autoriser la Standard, entreprise d'émission de radiodiffusion, à prendre le contrôle de la Bushnell, entreprise d'émission et de récep- tion de télévision. A mon avis, elle ne s'appliquait pas dans le cas des licences des compagnies Bush- nell, déjà accordées nonobstant cette politique. Ces compagnies étaient en droit de, s'attendre à ce que leurs licences soient renouvelées à échéance pourvu qu'elles aient observé leurs conditions et exploité les entreprises de façon satisfaisante 1 . Une inter vention dans cette situation au nom d'une politique applicable à l'octroi des licences est très différente du respect de cette politique à l'égard des deman- des de licence, car dans le cas d'une compagnie
1 Voir l'avis public du Conseil, daté du 2 juin 1972, cité dans les motifs du juge Urie.
déjà titulaire d'une licence, l'ingérence du Conseil dans les conditions de cette licence pourrait nuire considérablement aux intérêts du titulaire et à ceux de ses actionnaires; selon moi, aux termes de l'article 17(1)b), on ne peut intervenir qu'à la demande du titulaire de la licence. Il s'ensuit que la condition imposée était invalide et n'était pas obligatoire, dans la mesure du moins elle était censée avoir un effet immédiat. De plus, je trouve qu'elle constituait un obstacle injustifié au renou- vellement des licences des compagnies titulaires et, pour cette raison également, elle est invalide.
Enfin, je suis d'accord avec le juge Urie lorsqu'il affirme que la condition est essentielle à l'approba- tion et qu'on ne peut la retrancher sans usurper la fonction qu'a le Conseil d'accorder ou de refuser son consentement.
J'accueillerais l'appel et, comme l'a proposé le juge Urie, je renverrais la question au Conseil pour nouvel examen.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE URIE: Il s'agit d'une demande d'exa- men et d'annulation, en vertu de l'article 28, d'une décision du Conseil de la Radio-Télévision cana- dienne (ci-après appelé «le Conseil») rendue le 13 mars 1975 qui approuvait le transfert de 894,802 actions ordinaires de la Bushnell Communications Limited (ci-après appelée «Bushnell») de la West ern Broadcast Holdings Limited et ses associées (ci-après appelée «Western») à la Standard Broad casting Corporation Limited (ci-après appelée «Standard»). Il s'agit également d'un appel de cette décision conformément à l'article 26 de la Loi sur la radiodiffusion, cette cour ayant accordé sa permission par ordonnance datée du 16 avril 1975. Conformément à l'ordonnance du juge en chef en date du 5 septembre 1975, il y a eu jonction de la demande et de 'appel, les deux devant être considérés comme un seul et même acte de procédure.
Pour bien comprendre sur quoi se basent la demande et l'appel, il est nécessaire d'examiner les faits en détail. La requérante John Graham & Company Limited est un actionnaire nominatif de la Bushnell, tout comme le requérant Ernest L.
Bushnell. Ce dernier, à toutes les époques en cause, était le président du conseil d'administra- tion et l'un des administrateurs de la Bushnell. Le requérant John Graham fils est président de la John Graham & Company Limited et c'est à ce titre qu'il a comparu à l'audience du Conseil tenue à Toronto le 26 février 1975, après avoir déposé une demande d'intervention conformément aux règles du Conseil. Le requérant Ernest L. Bushnell a aussi comparu à l'audience, non pas à titre personnel, semble-t-il, mais en sa qualité de diri- geant et administrateur de la Bushnell. Celle-ci est une compagnie publique constituée en vertu des lois de la province de l'Ontario; à la clôture des affaires le 15 décembre 1974, son capital-actions comptait 1,718,527 actions ordinaires émises et en circulation, détenues par environ 437 actionnaires nominatifs. Au moment de la demande de trans- fert des actions de la Bushnell qui nous occupe, Ottawa-Cornwall Broadcasting Limited (ci-après appelée «Ottawa-Cornwall») était une filiale en propriété exclusive de la Bushnell. Cette dernière, à la même époque, détenait aussi 75 pour cent des actions ordinaires comportant droit de vote de Laurentian Cablevision Limited (ci-après appelée «Laurentian») et 25 pour cent de ses actions privi- légiées. De plus, la Bushnell détenait 25.3 pour cent des actions ordinaires émises et en circulation de Skyline Cablevision Limited (ci-après appelée «Skyline») et toutes ses actions privilégiées émises et en circulation.
Ottawa-Cornwall est titulaire d'une licence émise par le Conseil conformément à la Loi sur la radiodiffusion et à ses règlements; cette licence l'autorise à exploiter une entreprise d'émission de radiodiffusion (télévision) desservant Ottawa, Cornwall et Deseronto, trois villes situées en Onta- rio, et vient à expiration le 30 septembre 1976. Bushnell est titulaire d'une licence émise par le Conseil, l'autorisant à exploiter une entreprise de réception de radiodiffusion par câble pour desser- vir Rockland, en Ontario, ladite licence expirant également le 30 septembre 1976.
La Skyline est aussi titulaire d'une licence de réception de radiodiffusion par câble destinée à desservir une partie de la région de la Capitale nationale. Cette licence expire également le 30 septembre 1976.
La Laurentian a également une licence de réception de radiodiffusion lui permettant de des- servir Aylmer, Lucerne, Deschênes et Hull, situées dans la province de Québec, et cette licence arrive aussi à son terme le 30 septembre 1976. Cette dernière compagnie possède également une licence additionnelle de réception de radiodiffusion pour desservir Touraine, dans la province de Québec, laquelle, en juin 1975, a été prolongée jusqu'au 30 septembre 1976.
Chacune des licences susmentionnées est assu- jettie à la condition suivante:
[TRADUCTION] Cette licence est accordée à condition que la propriété ou le contrôle réel de la licence d'entreprise de radiodiffusion ne soit pas transféré sans la permission du Conseil de Radio-Télévision canadienne.
La Standard, une compagnie publique dont les actions sont négociées à la Bourse de Toronto, détient par l'intermédiaire de filiales en propriété exclusive, des licences délivrées par le Conseil pour l'exploitation, à Montréal et à Toronto, d'entrepri- ses d'émission de radiodiffusion (radio). La West ern, qui est aussi une compagnie publique, détient par l'entremise de ses filiales et compagnies affi- liées, des licences de radiodiffusion dans quatre villes canadiennes et des licences de télévision dans deux autres villes.
En vertu d'un accord de gré à 'gré conclu le 14 janvier 1975, la Standard a convenu d'acheter à la Western 894,802 actions ordinaires de la Bushnell comprenant au moins 52 pour cent des actions émises et en circulation de la compagnie. Selon cet accord:
a) la Standard devait demander immédiatement au Conseil d'approuver la transaction;
b) le Conseil devait approuver la demande sans réserve ni condition au plus tard le 31 mars 1975;
c) de la date de la convention jusqu'à la conclu sion du marché, la Western s'engageait à ne discuter avec personne d'autre que la Standard, ni à divulguer à qui que ce soit, des renseigne- ments relatifs à la vente et à l'achat des actions de la Bushnell; et
d) la convention serait inapplicable et de nul effet si le Conseil n'approuvait pas sans réserve ni condition la transaction relative à la prise de contrôle de la Bushnell par la Standard au plus
tard le 31 mars 1975.
La Standard, conformément à son engagement, a déposé auprès du Conseil un document rédigé selon la formule fournie par le Conseil et intitulée «Demande d'autorisation de transfert d'actions d'une compagnie autorisée à exploiter une entre- prise de radiodiffusion au Canada en vertu de la Loi sur la radiodiffusion.» Cette formule de demande comportait trois parties—la partie A que devait remplir la compagnie titulaire, la partie B que devait remplir chaque cessionnaire désireux d'acquérir des actions et la partie C à remplir par la personne autorisée à signer dans tout organisme le transfert projeté des actions aurait un reten- tissement sur le contrôle de la titulaire.
Sa lettre d'envoi, en date du 15 janvier 1975 se lit comme suit:
[TRADUCTION] Le 15 janvier 1975.
M. Guy Lefèbvre,
Directeur-général,
Gestion de licence et administration,
Conseil de la Radio-Télévision canadienne,
100 rue Metcalfe,
Ottawa, Ontario.
Monsieur Lefèbvre,
Nous incluons les documents suivants au sujet d'une
demande présentée par la Standard Broadcasting Corporation
Limited, en vue de l'achat à la Western Broadcast Holdings
Ltd. et associés, de 894,802 actions ordinaires de la Bushnell
Communications Limited (52%):
1. Deux (2) copies de la «partie de la formule du CRTC, rédigées et signées par des cadres des compagnies pertinentes pour
(a) Bushnell Communications Limited
(b) Ottawa-Cornwall Broadcasting Limited
(c) Laurentian Cablevision Limited
2. Quatre (4) copies de la «partie de la formule du CRTC, rédigées et signées par des cadres de la Standard Broadcasting Corporation Limited, y compris le contrat d'achat entre la Standard et la Western.
3. Deux (2) copies de la «partie de la formule du CRTC, rédigées et signées par des cadres de l'Ottawa-Cornwall Broad casting Limited, avec des remarques additionnelles de la Standard.
4. Deux (2) copies de la liste des actionnaires de la Bushnell et
quatre (4) copies de la liste des actionnaires de la Standard.
Nous espérons que le tout vous satisfera.
Sincèrement vôtre,
(signé) J.M. Packham
Document inclus Secrétaire-trésorier
Apparemment une copie de l'offre d'achat a été déposée à ce moment. On ne conteste aucun des faits susmentionnés.
Après avoir reçu ladite demande, le Conseil a publié un avis d'audience publique dans la Gazette du Canada et dans les journaux ayant une circula tion générale dans les régions desservies par les titulaires, conformément à l'article 5 de ses règles de procédure. L'avis d'audience publique ne faisait allusion qu'à une demande de transfert, directe- ment ou indirectement, de la propriété réelle et du contrôle des compagnies Bushnell, Ottawa-Corn- wall et Laurentian et des entreprises de radiodiffu- sion qu'elles exploitent, au moyen du transfert des actions de la Bushnell de la Western et ses compa- gnies associées à la Standard.
A la suite de l'audience publique tenue à Toronto le 26 février 1975, le Conseil a rendu sa décision le 13 mars 1975 dont on interjette appel et dans laquelle . il a approuvé la demande sous réserve de la condition suivante:
Conseil exigera comme condition d'approbation de ces demandes que Standard accepte d'amener Bushnell à se dessai- sir de son entreprise de télévision par câble à Rockland (Ont.) ainsi que des intérêts qu'elle détient dans Laurentian Cablevi- sion Ltd. et dans Skyline Cablevision Limited. Le Conseil examinera la question du dessaisissement de ces intérêts dans le cas de chaque titulaire de licence lors du renouvellement de la licence, dans le but d'établir le moment approprié chaque dessaisissement devra être fait.
Les requérants, dans l'exposé de leur argumen tation, ont déclaré que les points contestés sont les suivants:
a) Le CRTC a excédé sa compétence en rendant sa décision.
b) Le CRTC a rendu une décision entachée d'erreur de droit.
c) Le CRTC en rendant sa décision n'a pas observé un des principes de la justice naturelle.
Le Conseil intimé a admis qu'il s'agit des points litigieux, mais il a également soulevé les questions suivantes:
a) Les requérants n'ont pas qualité pour faire cette demande et interjeter appel.
b) La décision du Conseil, de nature purement administra tive, n'était pas sujette à un examen judiciaire.
La Standard et la Western ont déposé des avis d'intention de participer aux débats et des exposés
des points d'argumentation exprimant leur accord sur les points litigieux soulevés par les requérants, sans se prononcer à leur égard, mais elles ont ajouté ce qui suit:
La disposition concernant le dessaisissement et l'ordonnance approuvant le transfert des actions sont séparables.
Brièvement exposée, voici la thèse des requé- rants: la condition obligeant la Bushnell à se des- saisir de ses intérêts dans son entreprise de télévi- sion par câble à Rockland (Ontario) ainsi que de ses intérêts dans la Laurentian et la Skyline en leur qualité de titulaires de licences de radiodiffu- sion par câble, ce dessaisissement devant être étudié au moment du renouvellement de la licence dans le but d'établir le moment approprié ou chaque dessaisissement devra être fait, avait pour effet de priver les compagnies Bushnell, Lauren- tian et Skyline de leurs droits respectifs de voir leurs demandes de renouvellement de licences étu- diées équitablement. C'est-à-dire qu'à leur avis, la condition susmentionnée transformait une simple demande d'approbation d'un transfert d'actions en une demande visant en outre à imposer de nouvel- les conditions à leurs licences existantes. Les requérants, se fondant sur l'article 17 de la Loi sur la radiodiffusion, alléguant que le Conseil ne peut imposer des conditions qu'au moment de l'attribu- tion des licences ou lorsqu'il envisage de révoquer, suspendre ou modifier une licence, ou au moment d'une demande de renouvellement. Les requérants affirment que, puisque la décision contestée impose en fait une condition à chacune des licences existantes bien qu'elles ne soient pas soumises à un examen pour une des raisons prévues à l'article 17, le Conseil a excédé ses pouvoirs et que sa décision doit être annulée.
Deuxièmement, les requérants allèguent que le Conseil a manqué aux principes de la justice natu- relle parce que l'avis d'audience n'indiquait pas qu'on discuterait, au cours de l'audition de la demande de transfert d'actions, de la nécessité pour la Bushnell de se dessaisir de ses intérêts, directs ou indirects, dans les entreprises de radio- diffusion par câble et parce que la question n'a pas été directement abordée à l'audition.
Avant d'étudier ces prétentions, il convient d'examiner deux objections de l'intimé, la première étant que les requérants n'ont pas qualité pour présenter une demande en vertu de l'article 28 ni
pour interjeter appel conformément à l'article 26 de la Loi sur la radiodiffusion. Voici les extraits pertinents de ces articles:
28. (1) Nonobstant l'article 18 ou les dispositions de toute autre loi, la Cour d'appel a compétence pour entendre et juger une demande d'examen et d'annulation d'une décision ou ordonnance, autre qu'une décision ou ordonnance de nature administrative qui n'est pas légalement soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire, rendue par un office, une com mission ou un autre tribunal fédéral ou à l'occasion de procédu- res devant un office, une commission ou un autre tribunal fédéral, au motif que l'office, la commission ou le tribunal
a) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
b) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du dossier; ou
c) a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon absurde ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
(2) Une demande de ce genre peut être faite par le procu- reur général du Canada ou toute partie directement affectée par la décision ou l'ordonnance, par dépôt à la Cour d'un avis de la demande dans les dix jours qui suivent la première communication de cette décision ou ordonnance au bureau du sous-procureur général du Canada ou à cette partie par l'office, la commission ou autre tribunal, ou dans le délai supplémen- taire que la Cour d'appel ou un de ses juges peut, soit avant soit après l'expiration de ces dix jours, fixer ou accorder.
26. (1) Appel d'une décision ou d'une ordonnance du Con- seil peut être interjeté devant la Cour d'appel fédérale sur une question de droit ou sur une question de compétence, après que la permission en a été obtenue de cette Cour sur demande présentée dans le délai d'un mois à compter du prononcé de la décision ou de l'ordonnance dont on entend interjeter appel ou dans le délai plus long qu'accorde cette Cour, dans des circons- tances particulières.
(2) Aucun appel ne peut être interjeté après qu'une permis sion de ce faire a été obtenue en vertu du paragraphe (1), à moins qu'il ne soit formé à la Cour d'appel fédérale dans les soixante jours à compter de l'ordonnance accordant permission d'appeler.
Je souligne qu'une demande présentée en vertu de l'article 28 peut être faite «par le procureur général ou toute partie directement affectée par la décision ou l'ordonnance ...», alors que l'article 26 ne mentionne pas qui peut interjeter appel d'une décision ou d'une ordonnance du Conseil.
Bien qu'aucun des requérants ne soit partie à l'action, en ce sens que la Loi sur la radiodiffusion ne les oblige pas à comparaître, à témoigner ni à déposer des plaidoyers comme s'il s'agissait d'une procédure judiciaire, le Conseil leur a permis d'.in-
tervenir, de déposer «une intervention» et d'exposer leurs prétentions à l'audience'.
Le requérant, John Graham & Company Limit ed a déposé des pièces justificatives établissant qu'il représentait 17 pour cent des actionnaires minoritaires. Les autres requérants représentent 12 pour cent de ces actionnaires. Selon moi, ces seuls faits démontrent qu'ils sont aussi directement con cernés par l'issue de la demande de transfert d'une participation majoritaire dans la Bushnell que l'était la Standard, qui demande la ratification de ce transfert. Cette décision pourrait fort bien influer sur la valeur de leurs actions en termes de gains, de plus-value ou de moins-value et de parti cipation aux affaires de la compagnie. Il s'agit donc d'un «intérêt prouvable», auquel on fait allu sion, dans un autre contexte, dans l'arrêt Le pro- cureur général du Manitoba c. L'Office national de l'énergie [1974] 2 C.F. 503 la page 518. Sa participation à l'audition, en plus de cet intérêt prouvable, en fait évidemment une «partie» à la demande en vertu de l'article 28. Il est douteux que ce raisonnement s'applique à John Graham à titre personnel et, dans une moindre mesure, à Ernest L. Bushnell, mais il n'est pas nécessaire d'établir leur qualité pour agir, puisque nous avons conclu que la compagnie avait le droit de présenter cette demande.
Pour les mêmes raisons, je conclus que John Graham & Company Limited peut parfaitement interjeter appel en vertu de l'article 26 de la Loi sur la radiodiffusion, bien que cet article ne pré- cise pas qui peut le faire. Cette compagnie et les personnes qu'elle représente ont un grief réel à formuler parce que la décision peut nuire à leurs intérêts. Ce ne sont pas des «gêneurs» qui se mêlent de choses qui ne les regardent pas. Par conséquent,
2 Bien que l'article 19(3) de la Loi autorise le Conseil à tenir une audition publique au sujet de toute question pour laquelle ce dernier estime qu'une telle audition est souhaitable, les règlements relatifs à la conduite de ces auditions semblent ne s'appliquer qu'aux demandes d'attribution, de modification ou de renouvellement des licences et aux interventions devant être déposées par «toute personne intéressée à une demande». Les avocats ont admis que le Conseil a adopté ces règlements pour la demande de transfert des actions et rien, par conséquent, ne dépend de cet apparent défaut de pouvoir quant à la procédure adoptée.
la compagnie a le droit d'interjeter appel. Voir Okanagan Helicopters Ltd. c. La Commission canadienne des transports [1975] C.F. 396 et Maurice c. London County Council [1964] 2 Q.B.D. 362.
En second lieu, l'intimé affirme que la décision du Conseil, de nature purement administrative, n'était pas sujette à un examen judiciaire. Selon moi, il faut également rejeter cette prétention. Elle serait peut-être admissible si la Cour n'était saisie que d'une demande présentée, en vertu de l'article 28, mais ce n'est pas le cas. L'article 26 de la Loi sur la radiodiffusion prévoit un appel devant cette cour sur une question de droit ou sur une question de compétence, après que la permission en a été obtenue. Comme je l'ai déjà dit les requérants ont obtenu la permission d'interjeter appel. L'objection de l'intimé fondée sur les dispositions de l'article 28 ne peut donc être maintenue. (Okanagan Heli copters Ltd. c. La Commission canadienne des transports) (précitée).
Avant de traiter des questions de fond de l'ap- pel, il est nécessaire de nous reporter à certains autres faits qui peuvent être essentiels à l'étude des points soulevés en appel et des arguments s'oppo- sant aux allégations de défaut de compétence, d'erreur, de droit ou d'inobservance d'un principe de la justice naturelle.
La Western a acheté près de 47 pour cent des actions de la Bushnell au cours de diverses transac tions effectuées sur le marché libre avant avril 1972. C'est pourquoi le Conseil a convoqué à Ottawa une audience publique afin d'établir si ladite acquisition opérait un changement dans le contrôle de la Bushnell. Le 2 juin 1972, le Conseil émit un «avis public» dans lequel il déclarait notamment qu'à l'audience publique, il avait été établi que la Western était alors en mesure d'exer- cer un contrôle réel sur Bushnell et sur ses titulai- res à une assemblée de ses actionnaires, bien que ce contrôle n'ait pas encore été exercé et qu'on n'ait pas demandé au Conseil d'approuver les tran sactions. Il déclarait aussi qu'une telle approbation était obligatoire, que ledit contrôle soit acquis par achat d'actions sur le marché libre ou par des transactions de nature privée.
En' octobre 1972, la Western et ses compagnies associées ont sollicité l'approbation du transfert du
contrôle réel et leur demande a été rejetée. Le Conseil a déclaré ce qui suit dans les «motifs» de sa décision:
Le Conseil répète son opinion que les stations de télévision devraient également se tenir à l'écart des activités de télévision par câble sauf dans des circonstances spéciales.
A la lumière de cette décision et des déclarations du président de Western, lors des audiences publiques, le Conseil s'attend à ce que Western dispose, aussi rapidement que possible, des actions de Bushnell qu'elle détient et qu'elle se défasse de tout contrôle qu'elle possède dans les entreprises de radiodiffusion en question.
Toutes les transactions relatives aux actions de Bushnell devraient s'opérer en tenant compte des réserves exprimées par le Conseil, dans son avis public du 2 juin 1972.
Dans sa décision du 26 mars 1974, le Conseil a rejeté une demande de transfert de 894,802 actions ordinaires de la Bushnell, détenues par la Western, à la I.W.C. Communications Limited. Dans les «motifs» de cette décision, le Conseil a déclaré:
Dans de nombreuses décisions qui remontent jusqu'en 1969, le conseil a, directement et implicitement, exprimé son avis selon lequel, sauf en certaines circonstances particulières, les entre- prises de télévision devraient être indépendantes des entreprises de télévision par câble pour ce qui est aussi bien de la propriété et du contrôle que de la détention importante d'actions (Déci- sions 69-197, 69-198, 70-145, 70-153, 70-157, 70-167, 70-168, 71-424, 72-316 et 74-35).
Dans sa décision du 5 juillet 1974, le Conseil a approuvé notamment l'acquisition du reste des actions ordinaires en circulation de la Laurentian Cablevision Limited, par la Bushnell, ce qui lui donnait la totalité des actions en circulation. Le Conseil a répété que sauf dans des circonstances particulières comme celles exposées dans la demande, il est préférable de séparer la propriété des entreprises de télévision et celle des entreprises de radiodiffusion par câble.
La demande de la Campeau Corporation Limit ed en vue de l'achat à la Western de 894,802 actions ordinaires de la Bushnell a été rejetée le 21 octobre 1974 et le Conseil a déclaré qu'il s'atten- dait à une autre demande, visant à ce que Western se défasse des actions de la Bushnell, au plus tard le 1 e1 avril 1975.
La demande d'approbation présentée par la Standard en janvier 1975 a provoqué la décision en appel.
On a exposé plus haut les deux prétentions des requérants. La première contient deux des trois
questions que toutes les parties reconnaissent être soumises à cette cour, c'est-à-dire que le Conseil, dans son jugement, a excédé sa compétence et a rendu une décision entachée d'une erreur de droit. Selon la seconde prétention, le Conseil, en rendant sa décision, n'a pas observé un des principes de la justice naturelle.
Examinons la première. En obligeant la Stan dard à demander l'approbation du transfert des actions majoritaires de la Bushnell, le Conseil prétendait agir conformément à la condition à laquelle j'ai déjà fait allusion et que contenaient les licences respectives des compagnies Bushnell, Ottawa-Cornwall, Laurentian et Skyline. Aucun texte de loi n'exige cette approbation mais il ne fait aucun doute que les articles 15 et 16 de la Loi sur la radiodiffusion donnent naissance au pouvoir d'inclure une telle condition 3 . La Loi n'accorde pas spécifiquement au Conseil le pouvoir d'imposer des sanctions ou des amendes pour refus de se confor- mer à ladite condition, mais dans son avis public susmentionné en date du 2 juin 1972, le Conseil expose clairement la méthode grâce à laquelle ii entend assurer le respect de cette condition. Les extraits pertinents se lisent ainsi:
Lorsque l'acquisition d'actions qui entraîne un changement dans le contrôle réel d'une compagnie titulaire de licence ou d'une de ses entreprises de radiodiffusion est faite sans l'appro- bation préalable du Conseil, celui-ci peut entreprendre des procédures de révocation ou au moment de la demande de renouvellement, considérer les mesures qui lui paraissent les plus conformes aux objectifs de la politique qui régit le système de la radiodiffusion canadienne.
Si Western poursuit son intention déclarée d'exercer un con- trôle sur Bushnell et ses compagnies titulaires de licence, le Conseil considérera, soit lors des procédures de révocation ou lors du renouvellement de licence, la situation de chacune des compagnies titulaires auxquelles Western participe directement ou indirectement, y compris Bushnell et ses compagnies titulai- res. Ces procédures auront pour but de déterminer si cette participation est conforme aux plus hauts intérêts du système de la radiodiffusion canadienne et si, en conséquence, les licences doivent être maintenues ou renouvelées et, si oui, à quelles conditions.
Les principaux actionnaires de Western doivent bien compren- dre que l'acquisition indirecte d'une entreprise de radiodiffusion se fait aux risques et périls du titulaire. Lorsque le Conseil approuve une demande de changement de contrôle direct ou indirect d'une entreprise de radiodiffusion, les titulaires peuvent . s'attendre à ce que le Conseil renouvelle leur licence à échéance à la condition que l'entreprise ait été exploitée de façon satisfai- sante. Lorsqu'il y a changement de contrôle sans l'approbation du Conseil, les compagnies titulaires de licence doivent s'atten-
d S.R.C. 1970, c. B-11.
dre à ce que le Conseil examine tous les aspects de toute influence exercée par ceux qui détiennent le contrôle. Par la suite, le Conseil pourra selon le cas, révoquer ou refuser de renouveler leur licence.
En exprimant ces considérations, le Conseil ne préjuge nulle- ment de la conclusion à laquelle il pourra arriver lors d'une demande de renouvellement ou à la suite d'une audience de révocation. Le Conseil considère toutefois que l'incertitude créée dans l'industrie de la radiodiffusion suite aux activités de Western, rend obligatoire la publication d'un avis public qui met à la disposition des parties intéressées des directives qui viennent s'ajouter à celles contenues dans les décisions antérieu- res du Conseil.
Je souligne que chacune des mesures que peut prendre le Conseil à l'égard d'une présumée viola tion d'une condition de la licence se rattache aux procédures habituelles en matière de licences. Il semble donc qu'à toutes fins pratiques, la condition mise à l'approbation du transfert des actions à la Standard, à savoir que la Bushnell se dessaisisse de ses intérêts directs et indirects dans les entreprises de télévision par câble, à un moment approprié devant être fixé lorsque chaque titulaire demande le renouvellement de sa licence, avait pour effet d'imposer à chaque licence une condition supplé- mentaire. Cette condition privait en fait les titulai- res de leur droit de demander le renouvellement pur et simple de leurs licences. Il en est ainsi nonobstant le fait qu'une licence ne peut être assujettie à une condition qu'au moment de son attribution ou de la modification de ses conditions à la demande d'un titulaire. (Voir l'article 17(1)a),b) et c) de la Loi sur la radiodiffusion) 4 .
4 17. (1) Dans la poursuite des objets du Conseil, le comité de direction, après avoir consulté les membres à temps partiel qui assistent à une réunion du Conseil, peut
a) attribuer des licences de radiodiffusion pour les périodes d'au plus cinq ans et sous réserve des conditions propres à la situation du titulaire
(i) que le comité de direction estime appropriées pour la mise en ouvre de la politique de radiodiffusion énoncée dans l'article 3, et
(ii) dans le cas de licences de radiodiffusion attribuées à la Société, que le comité de direction juge compatibles avec la fourniture, par l'intermédiaire de la Société, du service national de radiodiffusion envisagé par l'article 3;
b) à la demande d'un titulaire de licence, modifier toutes conditions d'une licence de radiodiffusion à lui attribuée;
c) renouveler des licences de radiodiffusion pour les périodes d'au plus cinq ans que le comité de direction estime raisonna- bles et sous réserve des conditions auxquelles les licences renouvelées étaient antérieurement assujetties ou de toutes autres conditions conformes à l'alinéa a);
La condition en cause n'a pas été imposée à une audience tenue pour l'étude d'une demande d'attri- bution ou de renouvellement d'une licence ou dans le but de modifier celle de Bushnell en y ajoutant, conformément à l'article 17, la condition qu'elle se dessaisisse de ses intérêts; selon la preuve, ladite condition a été imposée au cours d'une audition qui a clairement été convoquée pour étudier la demande d'approbation d'un transfert d'actions d'un seul des titulaires. Il ne s'agissait pas d'une demande de renouvellement ni d'une date proche de la date d'expiration ou de renouvellement des licences. De plus, le Conseil ne cherchait à en révoquer aucune. Dans ces circonstances, il semble qu'il n'avait pas compétence pour imposer une condition portant atteinte à l'une des licences déte- nues ou contrôlées par la Bushnell.
Dans l'affaire Confederation Broadcasting (Ottawa) Limited c. Le Conseil de la Radio-Télé- vision canadienne [1971] R.C.S. 906, la question était de savoir si le Conseil pouvait légalement assortir un renouvellement de licence d'une déci- sion rendue à la même date et portant que la fréquence du titulaire ferait l'objet d'une nouvelle attribution à la lumière des demandes y afférentes reçues avant une date spécifiée tombant durant la période de renouvellement. Le juge Laskin, main- tenant juge en chef, exprimant son opinion aussi bien que celle du juge Hall, s'est opposé à cette décision et a déclaré qu'en agissant ainsi, le Con- seil avait outrepassé ses pouvoirs. Aux pages 931-2, il dit:
A mon avis, la Loi donne au titulaire d'une licence qui n'a pas été révoquée ou suspendue pendant sa durée d'application le droit d'en demander le renouvellement. Le fait d'avoir qua- lité pour obtenir une licence et de conserver cette qualité met en cause des facteurs d'ordre économique évidents et on ne peut refuser le droit de demander le renouvellement d'une licence sous prétexte qu'il n'a qu'une valeur éphémère, le droit au renouvellement n'existant pas .... Cependant, je ne puis admettre qu'il soit possible d'accorder un renouvellement tout en déniant péremptoirement, au moment la prolongation est accordée, la qualité requise pour demander un autre renouvelle- ment avant l'expiration de la période de prolongation. La Loi sur la radiodiffusion ne confère nulle part un tel pouvoir expressément; et en raison de l'étendue de l'autorité accordée pour annuler, suspendre, renouveler et modifier des licences (un pouvoir dont je n'ai pas cru nécessaire de traiter), ainsi q‘ pour en attribuer, je ne crois pas que je serais fondé à conclure qu'un tel pouvoir est compris implicitement dans le pouvoir de renouveler. De fait, l'art. 17(1)(c) semble d'ailleurs l'exclure. Il en serait autrement si la titulaire avait consenti à un renouvelle- ment final et convenu de ne pas demander d'autre renouvellement.
Le raisonnement susmentionné, découlant de faits différents, ne s'en applique pas moins en l'espèce. Contrairement à la situation dans l'af- faire Confederation (précitée) on n'avait encore renouvelé aucune des licences de la Bushnell. Cependant, la décision du Conseil portait atteinte soit aux licences en vigueur soit à leur renouvelle- ment d'une au moins des deux façons suivantes:
(a) comme nous l'avons déjà mentionné, le Con- seil a implicitement ajouté une nouvelle condi tion à chacune des licences en vigueur, refusant en fait aux titulaires le droit de demander le renouvellement pur et simple de leurs licences ou
(b) il a imposé avant toute demande de renou- vellement une nouvelle restriction au droit du titulaire à cet égard.
D'une façon ou de l'autre, l'exercice du pouvoir discrétionnaire du Conseil était «bloqué» et la Loi sur la radiodiffusion ne lui confère ni directement ni indirectement le droit d'agir comme il l'a fait, tout au moins sans se conformer aux disposition de l'article 17 de la Loi.
Il s'ensuit donc que la décision du Conseil rendue le 13 mars 1975 ne peut être maintenue, tout au moins dans la mesure elle assujettissait à une condition de dessaississement l'approbation du transfert à la Standard des actions de la Bush- nell détenues par la Western. Je n'ai donc pas à déterminer si le Conseil a omis d'observer un principe de la justice naturelle, à l'égard des requé- rants en ne mentionnant pas dans l'avis d'audience tenue le 26 février 1975 qu'on y traiterait de l'obligation pour la, Bushnell de se dessaisir de ses intérêts dans ses entreprises de télévision par câble.
Il faut maintenant décider s'il faut annuler la décision enr entier ou si la partie contestée peut se séparer de l'approbation du transfert. A mon avis, il ressort de la simple lecture de la décision que la condition était essentielle à l'approbation. Il est clair qu'il n'aurait pas été question d'approuver ledit transfert si la Standard avait refusé de se soumettre à la condition imposée. Il s'agit donc d'une condition inséparable de l'approbation et la retrancher modifierait fondamentalement la déci- sion. Pour cette raison, il faut infirmer l'ensemble de cette décision.
Par conséquent, j'accueillerais l'appel et soumet- trais la question de nouveau au Conseil afin qu'il rende sa décision sur la demande dont il est saisi sans inclure aucune condition que n'autorise pas la Loi sur la radiodiffusion.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE RYAN: J'ai eu l'avantage de lire les motifs du jugement de mon collègue, le juge Urie. Il a exposé en détail les faits et les points en litige. Je suis d'accord avec lui sur la question de la qualité pour agir et je pense aussi qu'en l'espèce, il faut procéder au moyen d'un appel interjeté en vertu de l'article 26 de la Loi sur la radiodiffu- sions, et non par voie de demande en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale 6 .
Comme le juge Urie, je crois également que le Conseil n'avait pas le droit d'assujettir à la condi tion mentionnée dans sa décision en date du 13 mars 1975 (CRTC-75-78), l'approbation du trans- fert de la Western à la Standard de la propriété ou du contrôle réel des compagnies Bushnell, Ottawa- Cornwall Broadcasting Limited et Laurentian Cablevision Limited et des entreprises de radiodif- fusion qu'elles exploitaient.
Pour plus de commodité je cite de nouveau la condition dont dépendait l'approbation du Conseil et qu'a exposée le juge Urie dans ses motifs:
Le Conseil exigera comme condition d'approbation de ces demandes que Standard accepte d'amener Bushnell à se dessai- sir de son entreprise de télévision par câble à Rockland (Ont.) ainsi que des intérêts qu'elle détient dans Laurentian Cablevi- sion Ltd. et dans Skyline Cablevision Limited. Le Conseil examinera la question du dessaisissement de ces intérêts dans le cas de chaque titulaire de licence lors du renouvellement de la licence, dans le but d'établir le moment approprié ou chaque dessaisissement devra être fait.
Le Conseil devait différer toute mesure relative- /ment à l'inobservation de cette condition jusqu'à la (demande de renouvellement des licences en cause. L'ordre formulé dans la condition n'en était pas moins formel. «Le Conseil exigera comm e condi tion d'approbation de ces demandes que Standard
S.R.C. 1970, c. B-11 et ses modifications. BRIC. 1970, c. 10 (2° supplément).
accepte d'amener Bushnell à se dessaisir de son entreprise de télévision par câble à Rockland (Ont.) ainsi que des intérêts qu'elle détient dans la Laurentian Cablevision Ltd. et dans Skyline Cablevision Limited.» Cette décision n'était pas sujette à révision. Il est vrai qu'au moment de la demande de renouvellement de la licence, le Con- seil doit examiner la question du dessaisissement mais seulement, faut-il souligner, «... dans le but d'établir le moment approprié chaque dessaisis- sement devra être fait.» L'expression «établir le moment approprié le dessaisissement devra être fait» prend toute son importance lorsqu'elle est prise en corrélation avec la phrase qui précède immédiatement l'énoncé de la condition en ques tion: «Lors de l'audience publique, le président de Standard a déclaré qu'il désirait garder les intérêts de Bushnell dans le domaine de la télévision par câble, mais qu'il était prêt à s'en dessaisir si on lui donnait une période de temps raisonnable pour ce faire.»
Selon moi, le vice principal de ladite condition est de constituer une entrave à l'exercice du pou- voir discrétionnaire qu'aux termes de la Loi, le Conseil a le devoir d'utiliser lorsqu'il s'agit d'ac- corder ou de refuser le renouvellement d'une licence à la lumière de tous les faits pertinents au moment est présentée la demande de renouvel- lement. Je ne crois pas suffisant de dire que le Conseil peut changer d'avis dans l'intervalle de temps précédant cette demande. Le titulaire, quant à lui, doit faire face à une décision exprimée sous la forme d'un ordre catégorique et, de son point de vue, toute demande sera futile s'il ne se conforme à la condition. Dans les circonstances la condition ne peut donc être admise.
J'ai eu plus de difficulté à déterminer si l'on pouvait dissocier l'approbation et la condition invalide. J'ai conclu que ce n'était pas possible. L'approbation et la condition importante à laquelle elle est assujettie sont liées. La décision d'approu- ver le renouvellement, privée de cette condition, ne serait pas la même.
Je suis d'accord qu'il faut accueillir l'appel et soumettre de nouveau la question au Conseil selon, les termes prescrits par le juge Urie.
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