A-306-74
Société pour l'administration du Droit de Repro
duction Mécanique des auteurs, compositeurs et
éditeurs (S.D.R.M.) (Demanderesse) (Appelante)
c.
Trans World Record Corp. (Défenderesse)
(Intimée)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, le juge
Pratte et le juge suppléant Hyde—Montréal, les 5
et 6 novembre 1975.
Droit d'auteur Pratique Appel du refus d'ordonner la
remise à la Cour du matériel en cause jusqu'au jugement final
Règle de la Cour fédérale invoquée pour donner un effet
spécial à l'art. 21 de la Loi sur le droit d'auteur — Appel
rejeté sans frais car une faute de la défenderesse a rendu
inutile une grande partie du travail préparatoire — Loi sur le
droit d'auteur, S.R.C. 1970. c. C'-30, art. 21 — Règle 970(1)
de la Cour fédérale.
L'appelante affirme «détenir. un droit d'auteur sur un certain
nombre d'oeuvres musicales et a sollicité de la Division de
première instance une ordonnance prévoyant que soient remis à
la Cour jusqu'au jugement final les disques, les rubans, les
enregistrements et les matrices de ces oeuvres. L'appelante se
prétend propriétaire de ces articles en vertu de l'article 21 de la
Loi sur le droit d'auteur mais cherche à les faire saisir en vertu
de la Règle 470(1) de la Cour fédérale.
Arrêt: l'appel est rejeté. Comme dans le cas d'une injonction
interlocutoire, le juge de première instance doit s'interroger sur
the balance of convenience et on ne peut invoquer la Règle
470(1) pour donner un effet spécial à l'article 21 de la Loi sur
le droit d'auteur. Aucune adjudication des dépens car une faute
de l'intimée a rendu inutile une partie du travail prépara-
toire qui a été consacré à discuter de la compétence de la Cour
en cette affaire, question qui ne pouvait être tranchée à ce stade
des procédures.
APPEL.
AVOCATS:
Serge Tremblay et R. Reynolds pour
l'appelante.
David M. Bernstein et Y. A. G. Hynna pour
l'intimée.
PROCUREURS:
Martineau, Walker, Allison, Beaulieu, Mac -
Kell & Clermont, Montréal, pour l'appelante.
Bernstein, Feifer, Beaupré & Savoyan, Mont-
réal, et Gowling & Henderson, Ottawa, pour
l'intimée.
Voici les motifs du jugement de la Cour pro-
noncés en français à l'audience par
LE JUGE PRATTE: L'appelante affirme «détenir»
les droits d'auteur sur un certain nombre d'oeuvres
musicales. Elle a poursuivi l'intimée lui reprochant
d'avoir illégalement confectionné des disques et
rubans magnétiques reproduisant ces oeuvres. Dès
le début des procédures, elle a présenté une
requête demandant que ces disques et rubans faits
par l'intimée, ainsi que les matrices qui ont servi à
les fabriquer, soient saisis avant jugement et
demeurent sous la garde de la justice jusqu'au
jugement final dans l'action qu'elle a intentée à
l'intimée. L'appelante prétend que les, biens dont
elle a demandé la saisie lui appartiennent en vertu
de l'article 21 de la Loi sur le droit d'auteur'.
Cette requête a été rejetée par la Division de
première instance et c'est cette décision qui fait
l'objet de cet appel.
La requête de l'appelante était présentée en
vertu de la Règle 470(1) qui se lit comme suit:
Règle 470. (I) Avant ou après l'introduction d'une action, la
Cour pourra, à la demande d'une partie, rendre une ordonnance
pour la détention, la garde ou la conservation de biens qui font
ou doivent faire l'objet de l'action, ou au sujet desquels peut se
poser une question dans l'action; et une telle demande doit être
appuyée par un affidavit établissant les faits qui rendent néces-
saire la détention, la garde ou la conservation de ces biens et
doit être faite par voie de requête dont avis doit être donné à
toutes les autres parties.
L'avocat de l'appelante a affirmé que la requête
était également faite en vertu du Code de procé-
dure civile de la province de Québec. Il faut, tout
de suite, dissiper ce malentendu. Dans les cas
mentionnés à la Règle 5, la Cour peut régler la
procédure à suivre par analogie avec la procédure
en vigueur dans une province; mais il ne s'agit pas
ici d'un cas prévu à la Règle 5 puisque les Règles
de la Cour ne présentent, en la matière, aucune
lacune. Il n'y a donc pas lieu ici de se référer aux
dispositions du Code de procédure civile non plus
qu'aux décisions qui les ont interprétées.
L'avocat de l'appelante a soutenu que le juge de
première instance avait eu tort de décider cette
requête en prenant en considération un affidavit
déposé par l'intimée à l'appui d'une autre procé-
' S.R.C. 1970, c. C-30.
dure. Il n'est pas nécessaire de nous prononcer sur
cet argument. En effet, il nous apparaît clair que
pour en arriver à une décision en cette affaire le
premier juge devait d'abord s'interroger sur les
chances de succès de l'action intentée par l'appe-
lante; s'il en arrivait à la conclusion qu'il existait
un doute raisonnable que cette action réussisse, le
juge devait ensuite s'interroger sur the balance of
convenience (voir sur ce point le passage de la 3e
édition de Halsbury's, cité par le juge en chef
Cartwright dans Lido Industrial Products Ltd. c.
Melnor Manufacturing [1968] R.C.S. 769, à la
page 771). Si on aborde ainsi le problème, en
considérant seulement la preuve soumise par l'ap-
pelante, sans tenir compte de l'affidavit auquel,
d'après l'appelante, le premier juge n'aurait pas dû
se référer, il nous semble que la requête de l'ap-
pelante devait être rejetée. La Règle 470, qui
ressemble en cela à celles qui concernent les
injonctions interlocutoires, est une disposition, il
faut se le rappeler, qui a pour seul but de préserver
le statu quo, en assurant la conservation d'un bien
qui fait l'objet d'un litige. Cette règle ne peut être
utilisée, comme le voudrait l'appelante, pour
donner un effet spécial à l'article 21 de la Loi sur
le droit d'auteur.
L'appel, pour ces motifs, sera rejeté. Il sera
cependant rejeté sans frais car il apparaît (voir le
jugement du juge Addy à la page 365 du dossier
d'appel) que, par la seule faute de l'avocat de
l'intimée, une grande partie des mémoires des
parties et, sans doute, du travail préparatoire à
l'audition a été consacrée à discuter de la juridic-
tion de la Cour en cette affaire, une discussion
inutile puisqu'il est clair que cette question ne peut
être tranchée à ce stade des procédures.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.