A-363-77
Egmont Towing and Sorting Ltd. et Shields Navi
gation Ltd. (Demanderesses) (Appelantes)
c.
Heatley Boom Services Ltd. et Lawrence David
Heatley (Défendeurs) (Intimés)
Cour d'appel, les juges Pratte et Urie et le juge
suppléant MacKay—Vancouver, les 16 et 23 jan-
vier 1978.
Pratique — Secret professionnel prévu par la loi — Deux
documents en la possession des procureurs des demanderesses
non inclus dans la liste de documents dressée conformément à
la Règle 447(2) et le secret professionnel non invoqué —
Lesdits documents ne font pas partie de la catégorie des
documents qui, en vertu de la Règle, doivent figurer sur la liste
— Les demanderesses sont-elles dans l'impossibilité d'invo-
quer le secret professionnel au motif que la demande d'exemp-
tion n'a pas été faite de la façon prévue par les règles de la
Cour? — Règles 447(2) et 449(2) de la Cour fédérale.
APPEL.
AVOCATS:
A. B. Oland et G. Davies pour les appelantes
(demanderesses).
J. R. Cunningham et J. W. Perrett pour les
intimés (défendeurs).
PROCUREURS:
Owen, Bird, Vancouver, pour les appelantes
(demanderesses).
Macrae, Montgomery, Spring & Cunning-
ham, Vancouver, pour les intimés (défen-
deurs).
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE PRATTE: Appel est interjeté d'une
décision de la Division de première instance
[T-3208-76] ordonnant la production d'un docu
ment qu'elle a jugé non protégé par le secret
professionnel prévu par la loi.
Les demanderesses ont intenté une poursuite en
dommages-intérêts contre les défendeurs. Au cours
de l'interrogatoire préalable d'un administrateur
d'une des demanderesses, l'avocat des défendeurs a
appris l'existence de deux documents que les pro-
cureurs des demanderesses avaient alors en leur
possession. Il a demandé leur production et
ajourné l'interrogatoire après que l'avocat qui y
représentait les demanderesses eut accepté de
donner suite à cette demande. Quelques jours plus
tard cependant, l'avocat des demanderesses a
revisé sa position et refusé de produire les deux
documents au motif qu'ayant été préparés en pré-
vision du litige afin d'être soumis à l'avocat des
demanderesses, ils étaient couverts par le secret
professionnel prévu par la loi. Les défendeurs ont
alors demandé l'émission d'une ordonnance enjoi-
gnant de produire les deux documents en cause. La
Division de première instance a accueilli la
demande relativement à l'un des documents. C'est
cette décision que les demanderesses ont portée en
appel. Je dois cependant ajouter que les défendeurs
ont logé un appel distinct contre la partie de cette
décision ayant trait au document qui, de l'avis de
la Cour d'instance inférieure, n'avait pas à être
produit. Puisque ces deux appels sont, c'est le
moins qu'on puisse dire, intimement liés et soulè-
vent les mêmes questions, je disposerai des deux
par les présents motifs.
La prétention des défendeurs voulant que les
deux documents ne soient pas protégés par le
secret professionnel prévu par la loi repose, si j'ai
bien compris leur avocat, sur trois arguments:
(1) les documents n'ont pas été préparés dans
des circonstances qui permettent d'invoquer le
secret professionnel;
(2) les demanderesses n'ont pas invoqué le
secret professionnel de la façon prévue aux
Règles de la Cour et, pour cette raison, elles ne
peuvent bénéficier de cette protection; et
(3) en tout état de cause, même si cette protec
tion a déjà existé, on y a renoncé.
A mon avis, la preuve montre clairement que les
deux documents ont été préparés dans le but d'être
soumis à l'avocat des demanderesses à un moment
où l'on envisageait d'instituer des procédures. L'un
d'entre eux a été préparé à la demande des deman-
deresses, l'autre, à la demande d'un évaluateur,
employé des assureurs des demanderesses. Con-
trairement à ce que soutient l'avocat des défen-
deurs, j'estime par conséquent que les circons-
tances entourant la préparation des deux
documents permettent d'invoquer le secret profes-
sionnel.
Les défendeurs soutiennent en second lieu que
les demanderesses ne peuvent invoquer le secret
professionnel parce que la demande d'exemption
n'a pas été faite de la façon prévue aux Règles de
la Cour. Pour comprendre cet argument, il est
nécessaire de savoir que la liste de documents
déposée par les demanderesses conformément à la
Règle 447(2) ne mentionne pas expressément les
deux documents en cause ici. Les défendeurs pré-
tendent que les demanderesses ont ainsi omis de se
conformer à la Règle 449(2) et que ce vice de
procédure les empêche d'invoquer le secret profes-
sionnel. Voici le libellé de la Règle 449(2):
Règle 449... .
(2) Si l'on souhaite demander l'exemption de la production
de certains documents confidentiels privilégiés, la demande doit
obligatoirement être faite dans la liste des documents et les
motifs de la demande d'exemption doivent y être suffisamment
exposés.
Bien que je sois porté à croire que le défaut de se
conformer à cette règle n'empêche pas une partie
d'invoquer le secret professionnel, je n'ai pas, aux
fins du présent appel, à me prononcer sur ce point,
puisqu'on ne peut dire en l'espèce que les règles
n'ont pas été respectées. Selon mon interprétation
de la Règle 449(2), les seuls documents pour les-
quels il faut faire une demande d'exemption dans
la liste sont ceux qui, en vertu des règles, doivent
figurer sur la liste. En l'espèce, la liste des deman-
deresses a été déposée en vertu de la Règle 447(2)
et ne devait mentionner que les documents exigés
par les règles, c'est-à-dire, les documents qui pour-
raient être présentés comme preuve pour étayer
leur cause. Rien ne laisse supposer que les docu
ments qu'on cherche à faire produire sont de cette
nature; en conséquence, ils n'ont pas à figurer sur
la liste et on ne peut dire que les demanderesses ne
se sont pas conformées à la Règle 449(2).
Le dernier argument des défendeurs veut que les
demanderesses aient renoncé à l'exemption en
cause lorsque au cours d'un interrogatoire préala-
ble la personne interrogée et l'avocat des demande-
resses ont accepté que les deux documents soient
produits. Je ne puis partager ce point de vue. Rien
dans la preuve n'indique que les personnes qui ont
alors accepté de produire les documents savaient
qu'elles étaient exemptées de les produire ou qu'el-
les avaient le pouvoir de renoncer à cette exemp
tion au nom des demanderesses. Si tel avait été le
cas, je ne puis conclure, à partir de ce qui s'est
passé à l'interrogatoire préalable, qu'il y ait eu
renonciation liant les demanderesses.
Pour ces motifs, je suis d'avis d'accueillir l'appel
avec dépens, d'annuler le jugement de la Division
de première instance et de rejeter avec dépens la
demande des défendeurs visant à obtenir la pro
duction de documents.
* * *
LE JUGE URIE y a souscrit.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY y a souscrit.
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