A-36-78
Mireille Dansereau (Requérante)
c.
L'Office national du film et Pierre-André Lacha-
pelle (Intimés)
Cour d'appel, les juges Pratte, Ryan et Le Dain—
Montréal, le 27 avril; Ottawa, le 12 mai 1978.
Examen judiciaire — Relations du travail — Refus de
l'Office national du film de reconduire le contrat de la pigiste
— Grief présenté en vertu de la Loi sur les relations de travail
dans la Fonction publique — La plaignante a allégué que le
refus contrevient à la convention collective — Elle a prétendu
avoir le droit de demeurer au service de l'Office parce qu'il y
avait du travail et qu'on a employé d'autres pigistes à des
tâches qu'elle-même aurait pu faire — Grief rejeté par l'arbi-
tre — Cette décision doit-elle être annulée? — Loi sur la Cour
fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), c. 10, art. 28.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
M. Freiheit pour la requérante.
Pierre Delage pour l'Office national du film.
Personne n'a comparu pour Pierre-André
Lachapelle.
PROCUREURS:
Stikeman, Elliott, Tamaki, Mercier & Robb,
Montréal, pour la requérante.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'Office national du film.
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE PRATTE: Cette demande faite en vertu
de l'article 28 est dirigée contre une décision pro-
noncée par un arbitre agissant en vertu de la Loi
sur les relations de travail dans la Fonction publi-
que, S.R.C. 1970, c. P-35. Par cette décision l'ar-
bitre a rejeté le grief que la requérante avait
présenté à la suite du refus de l'Office national du
film de reconduire son contrat de travail.
La requérante avait été engagée par l'Office
pour un terme d'un an qui devait prendre fin le 18
janvier 1977 et qui fut prolongé d'un commun
accord jusqu'au 28 février 1977. Il est constant
que, pendant la durée de son emploi, la requérante
faisait partie d'une unité de négociation représen-
tée par le Syndicat général du cinéma et de la
télévision, section O.N.F., et que ses conditions de
travail étaient régies par la convention collective
relative aux employés de la catégorie technique
conclue le 13 novembre 1975 par ce syndicat et
l'Office national du film. Cette convention collec
tive contenait, entre autres, les deux clauses
suivantes:
13.03 Un employé mis à pied a priorité de rappel durant une
période de dix-huit (18) mois à compter de la date de sa mise à
pied. L'ancienneté n'est pas interrompue si l'employé est rap-
pelé en deçà de cette période.
40.01 L'employeur maintient le principe et la pratique de
retenir les services d'employés réguliers et de pigistes. Il est
convenu que les services de pigistes ne doivent pas être retenus
dans le but de contourner les dispositions de la convention
collective ou pour mettre fin à l'emploi des employés réguliers.
Lorsque la requérante apprit que son contrat de
travail ne serait ni prolongé ni renouvelé après
le 28 février 1977, elle présenta un grief où elle
affirmait avoir le droit de demeurer à l'emploi de
l'Office. Alléguant qu'on avait du travail à lui
confier, puisqu'on employait plusieurs pigistes à
des tâches qu'elle-même pouvait très bien accom-
plir, elle prétendait que le refus de l'Office de
continuer à l'employer contrevenait à l'article
40.01 de la convention collective. C'est ce grief
qu'a rejeté la décision dont la requérante demande
l'annulation.
La décision attaquée est, à mon avis, bien fondée
et, à cause de cela, la demande de la requérante
doit être rejetée.
La requérante avait été engagée pour un terme
précis. Son emploi devait donc normalement pren-
dre fin de lui-même à l'expiration du temps con-
venu. Cela, l'avocat de la requérante ne l'a pas
contesté. Il a prétendu, cependant, que pareil con-
trat contrevient à la convention collective en ce que
la stipulation d'un terme aurait pour effet de faire
perdre à l'employé le droit que lui confère l'article
13.03 d'être réengagé par priorité. Cet argument
ne vaut pas. L'article 13.03 accorde un droit à
l'employé qui a été mis à pied. L'article 2.10 de la
convention définit ainsi l'expression «mise à pied»:
2.10 «Mise à pied» signifie la cessation de l'emploi faute de
travail;
L'employé engagé pour un temps déterminé n'est
pas mis à pied lorsque le terme de son engagement
arrive à expiration, car si son emploi cesse à ce
moment-là ce n'est pas en raison du manque de
travail mais en vertu des termes mêmes du contrat
d'engagement. Cet employé ne bénéficie donc
d'aucun droit en vertu de l'article 13.03 lorsque le
temps pour lequel on l'a employé arrive à sa fin.
En d'autres mots, on ne peut dire que le contrat
d'engagement pour un terme spécifié contrevienne
à l'article 13.03 de la convention.
Mais, soutient l'avocat de la requérante, c'est
parce que l'on a engagé des «pigistes» pour effec-
tuer des travaux' que la requérante aurait pu
accomplir que celle-ci a perdu son emploi. L'em-
ploi de pigistes a donc causé préjudice à la requé-
rante et constitue une violation de l'article 40.01
de la convention.
L'arbitre a, avec raison me semble-t-il, rejeté cet
argument. L'article 40.01 consacre le droit de
l'employeur d'engager des pigistes; il lui interdit
cependant d'exercer ce droit «dans le but de con-
tourner les dispositions de la convention collective
ou pour mettre fin à l'emploi des employés régu-
liers.» Il est clair que, dans ce cas, on n'a pas
engagé de pigistes pour «contourner les dispositions
de la convention» puisque rien dans la convention
n'accordait à la requérante le droit à un renouvel-
lement ou une prolongation de son emploi. Quant à
la question de savoir si, en l'espèce, des pigistes
avaient été employés «pour mettre fin à l'emploi»
de la requérante, l'arbitre y a répondu négative-
ment parce que, à son avis, la preuve qui lui avait
été apportée n'établissait «aucune relation de cause
à effet entre l'engagement de pigistes et la cessa
tion d'emploi de Mme Dansereau qui aurait pu
indiquer que l'employeur avait l'intention, en
embauchant des pigistes, de mettre fin à l'emploi
de Mme Dansereau.» Je ne vois rien à redire à cette
partie de la décision de l'arbitre qui est fondée sur
une constatation de fait dont le dossier ne permet
pas de contester l'exactitude.
Pour ces motifs, je rejetterais la requête.
* * *
LE JUGE RYAN: Je suis d'accord.
* * *
LE JUGE LE DAIN: Je suis d'accord.
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