T-2244-75
La Reine (Demanderesse)
c.
National Indian Brotherhood (Défenderesse)
Division de première instance, le juge en chef
adjoint Thurlow—Ottawa, le 12 septembre et le 16
octobre 1978.
Impôt sur le revenu — Pénalités cotisées pour omission de
déduire et de verser l'impôt dont les employés étaient redeva-
bles — Employés indiens de plein droit travaillant en dehors
des réserves pour une corporation sise hors des réserves mais
s'occupant d'affaires relatives à des Indiens — Ces Indiens de
plein droit sont-ils assujettis à l'impôt sur le traitement que
leur a versé la défenderesse et celle-ci est-elle requise d'en
déduire les montants? — Loi sur les Indiens, S.R.C. 1970, c.
I-6, art. 87, 90 — Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c.
148.
Il s'agit d'un appel d'un jugement de la Commission de
révision de l'impôt qui a accueilli un appel contre des cotisa-
tions pour les années d'imposition 1970, 1971 et 1972. La
défenderesse, une organisation sans but lucratif ayant son siège
social à Ottawa, a un certain nombre d'employés ayant le statut
d'Indien. Quoique ceux-ci établissaient une résidence, au moins
temporaire, à Ottawa, ils résidaient tous dans des réserves,
certains y conservaient leur demeure, et il y a des indications
qu'à l'expiration de leur emploi, ils y retourneraient. Il ne s'agit
pas de cotisations d'impôt sur le revenu, mais de pénalités et de
montants imposés par le ministre du Revenu national par suite
de l'omission, de la part de la défenderesse, de déduire et(ou)
de verser au receveur générald Çanada les montants exigibles
au titre de leur assujettissement à l'impôt. Il s'agit de détermi-
ner si la défenderesse était requise, par la Loi de l'impôt sur le
revenu et les Règlements, de déduire ces montants du traite-
ment de ses employés et de les verser au receveur général.
Arrêt: l'appel est accueilli. En ce qui concerne l'allégation
que l'alinéa 90(1)a) de la Loi sur les Indiens était applicable au
traitement des employés indiens de la défenderesse parce que le
financement de ses opérations provenait en grande partie d'af-
fectations de crédit faites par le Parlement, de sorte que ce
traitement pouvait être considéré comme des biens situés sur
une réserve, il n'est pas possible de considérer le traitement en
question comme «les biens personnels qui ont été achetés par Sa
Majesté» au sens de l'alinéa 90(1)a). L'allégation que cet alinéa
doit être interprété comme s'il se lisait «biens personnels qui ont
été ... des deniers ... votés par le Parlement» ne peut être
admise car, du point de vue grammatical, le membre de phrase
«achetés par Sa Majesté avec» régit tout le reste de l'alinéa. La
défenderesse a allégué que le travail des employés indiens et ses
activités au profit des Indiens et de la défense de la culture
indienne devaient être considérés comme un prolongement de la
vie communautaire indienne et comme exercés sur une réserve,
et qu'en conséquence leur traitement devait être considéré
comme un bien situé sur une réserve. L'exemption prévue par
l'article 87 ne s'étend pas au-delà du sens habituel des mots et
expressions utilisés dans cet article. Nonobstant l'évolution
historique de l'exemption et la situation spéciale des Indiens
dans la société canadienne, aucun fondement juridique ne
permet d'étendre l'exemption par référence à une quelconque
extension imaginaire des réserves ou à ce que l'on peut considé-
rer comme fait sur des réserves. Un droit incorporel, comme le
droit à un traitement, n'a véritablement pas de situs. Mais
lorsque, pour une fin déterminée, la loi a jugé nécessaire de lui
en attribuer un, et en l'absence de toute disposition contraire
dans le contrat ou dans tout autre document, les tribunaux ont
établi que le situs d'une simple dette contractuelle est la
résidence du débiteur ou le lieu où il se trouve. Comme, avant
le versement, le traitement des Indiens en question était une
dette découlant d'un contrat ordinaire et due par une corpora
tion ne résidant pas sur une réserve, il n'était pas «situé sur la
réserve» au sens du paragraphe 87(1).
Distinction faite avec l'arrêt: Greyeyes c. La Reine [1978]
2 C.F. 385. Arrêts examinés: Commissioner of Stamps c.
Hope [1891] A.C. 476; New York Life Insurance Co. c.
Public Trustee [1924] 2 Ch. 101.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
W. Lefebvre et J. P. Fortin, c.r., pour la
demanderesse.
M. J. Menczer et J. H. Wyatt pour la
défenderesse.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la
demanderesse.
Wyatt, Menczer & Burnet, Ottawa, pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF ADJOINT THURLOW: Il s'agit
d'un appel d'un jugement rendu par la Commis
sion de révision de l'impôt qui a accueilli un appel
contre des cotisations pour les années d'imposition
1970, 1971 et 1972. Ce n'était pas des cotisations
d'impôt sur le revenu mais de pénalités et de
montants dont, selon le ministre du Revenu natio
nal, la défenderesse était redevable pour avoir omis
de déduire dans certains cas, et, dans d'autres cas,
de verser au receveur général du Canada des mon-
tants que la Loi de l'impôt sur le revenu' et les
Règlements l'obligeaient de déduire des traite-
ments de ses employés indiens et de verser au titre
de leur assujettissement à l'impôt.
' S.R.C. 1952, c. 148 modifié.
Aucun des montants n'est contesté. Le litige
consiste à déterminer si la défenderesse était
requise par la Loi et les Règlements d'opérer ces
déductions du traitement de ses employés et de les
verser au receveur général.
La défenderesse est une organisation sans but
lucratif constituée en corporation en vertu de la
Loi sur les corporations canadiennes 2 et se com
pose de représentants de communautés indiennes
des provinces et des territoires. Elle a son siège
social à Ottawa mais exerce son activité dans tout
le Canada. Seuls les Indiens y sont admis et peu-
vent en former le comité exécutif. En bref, elle a
pour but d'aider et de représenter les Indiens pour
la solution des problèmes auxquels ils font face et
de défendre la culture et les valeurs indiennes. Un
ou plusieurs ministères du gouvernement du
Canada fournissent, sous forme de subventions, la
plus grande partie des fonds nécessaires à ses
activités. Dans l'exercice de celles-ci, la défende-
resse emploie un certain nombre de personnes
indiennes ou non indiennes. Aucun problème ne se
pose pour les employés non indiens. Seuls les
employés ayant le statut d'Indien en vertu de la
Loi sur les Indiens' sont concernés.
Toutes ces personnes résidaient dans des réser-
ves indiennes avant d'entrer au service de la défen-
deresse et il est établi qu'à l'expiration de leur
emploi, elles doivent y retourner. Dans certains
cas, sinon dans tous, elles conservaient leur
demeure dans les réserves pendant la durée de leur
emploi. Elles exécutaient leurs fonctions à Ottawa
et ailleurs, à l'intérieur ou à l'extérieur des réserves
partout au Canada, mais, au moment de leur
entrée en service, elles établissaient une résidence,
au moins temporaire, à Ottawa ou dans les
environs.
La défenderesse allègue qu'en vertu de la Loi
sur les Indiens, ces employés étaient exempts de
tout impôt sur le revenu relativement à leur traite-
ment en tant qu'employés de la défenderesse et
qu'elle n'était pas obligée d'opérer de déductions
relatives à leur traitement et d'en verser le mon-
tant. La Couronne soutient que les employés
n'étaient pas exempts et qu'en tout cas, la défende-
resse était obligée, par application de la Loi de
l'impôt sur le revenu, d'opérer ces déductions et
2 S.R.C. 1970, c. C-32.
3 S.R.C. 1970, c. I-6.
d'en verser le montant, le droit d'exemption, s'il
existe, devant être soulevé et établi par les Indiens
concernés, si nécessaire, par un appel contre les
cotisations qui leur sont adressées. Si cette théorie
était bien fondée, il ne serait pas nécessaire de
traiter du droit d'exemption dans le présent appel,
mais, comme les débats ont surtout porté sur
l'exemption et comme les avocats des deux parties
ont demandé une décision sur ce point, même si
elle ne liait pas les employés indiens concernés qui
pourraient soulever ce point dans leur propre appel
contre les cotisations, je vais traiter tout d'abord
de cet aspect de la question en prenant pour
hypothèse que, si les employés indiens étaient
exempts d'impôt, la défenderesse était justifiée de
ne pas opérer de déductions et de ne pas en verser
le montant.
L'allégation de la défenderesse relative à
l'exemption des Indiens est fondée sur l'article 87
de la Loi sur les Indiens dont voici le libellé:
87. Nonobstant toute autre loi du Parlement du Canada ou
toute loi de la législature d'une province, mais sous réserve du
paragraphe (2) et de l'article 83, les biens suivants sont exemp
tés de taxation, savoir:
a) l'intérêt d'un Indien ou d'une bande dans une réserve ou
des terres cédées; et
b) les biens personnels d'un Indien ou d'une bande situés sur
une réserve;
et nul Indien ou bande n'est assujetti à une taxation concernant
la propriété, l'occupation, la possession ou l'usage d'un bien
mentionné aux alinéas a) ou b) ni autrement soumis à une
taxation quant à l'un de ces biens. Aucun droit de mutation par
décès, taxe d'héritage ou droit de succession n'est exigible à la
mort d'un Indien en ce qui concerne un bien de cette nature ou
la succession audit bien, si ce dernier est transmis à un Indien,
et il ne sera tenu compte d'aucun bien de cette nature en
déterminant le droit payable, en vertu de la Loi fédérale sur les
droits successoraux, chapitre 89 des Statuts revisés du Canada
de 1952, ou l'impôt payable en vertu de la Loi de l'impôt sur
les biens transmis par décès, sur d'autres biens transmis à un
Indien ou à l'égard de ces autres biens.
Cette disposition exempte de taxation les biens
d'un Indien situés sur une réserve et l'Indien lui-
même à l'égard des mêmes biens. Mais il faut
remarquer que, qu'il s'agisse de taxation des biens
ou d'un individu relativement à ses biens (sauf en
ce qui concerne la Loi fédérale sur les droits
successoraux et la Loi de l'impôt sur les biens
transmis par décès, qu'il n'est pas nécessaire
d'examiner en l'espèce), l'exemption s'applique
seulement aux biens situés sur une réserve. Il faut
aussi remarquer que, exemption faite de la Loi
fédérale sur les droits successoraux et de la Loi de
l'impôt sur les biens transmis par décès, aucune
loi fiscale fédérale n'est spécifiquement mention-
née.
L'article 90 élargit quelque peu l'exemption. En
voici le libellé:
90. (1) Pour l'application des articles 87 et 89 4 , les biens
personnels qui ont été
a) achetés par Sa Majesté avec des deniers des Indiens ou
des fonds votés par le Parlement à l'usage et au profit
d'Indiens ou de bandes, ou
b) donnés aux Indiens ou à une bande en vertu d'un traité ou
accord entre une bande et Sa Majesté,
sont toujours tenus pour situés sur une réserve.
(2) Toute opération tendant à transporter le titre à un bien
considéré, selon le présent article, comme situé sur une réserve,
ou tout intérêt dans un semblable bien, est nulle à moins qu'elle
n'ait lieu avec le consentement du Ministre ou ne soit conclue
entre des membres d'une bande ou entre une bande et l'un de
ses membres.
(3) Quiconque conclut une opération déclarée nulle par le
paragraphe (2) est coupable d'une infraction; est aussi coupable
d'une infraction quiconque détruit, sans le consentement écrit
du Ministre, un bien personnel considéré, selon le présent
article, comme situé sur une réserve.
La présence de l'article 90 dans la Loi est un
signe (s'il en est besoin) que l'article 87 doit être
interprété suivant le sens ordinaire des mots et
expressions y employés et que, sauf dans la mesure
de l'extension spécifiée dans l'article 90, l'exemp-
tion ne va pas au-delà du contenu habituel de ce
sens 5 .
La défenderesse a commencé par alléguer que
l'article 90 s'applique en l'espèce. Elle n'a pas visé
l'alinéa 90(1)b) mais elle a soutenu que, comme
ses opérations étaient principalement financées par
des affectations du Parlement à l'usage et au profit
des Indiens, l'alinéa 90(1)a) était applicable au
traitement de ses employés indiens de sorte que
leur traitement pouvait être considéré comme des
biens situés sur une réserve, et il s'ensuivait que
° L'article 89 exempte les biens des bandes indiennes et des
Indiens situés sur une réserve des privilèges ou des saisies en
faveur ou à la demande de personnes autres que des Indiens.
5 Voir Francis c. La Reine [1956] R.C.S. 618 où le juge
Kellock s'est ainsi prononcé à la page 631:
[TRADUCTION] Il est tout à fait clair d'après cet article
que c'est la situation véritable des biens personnels situés sur
une réserve que vise l'article 86 et que toute argumentation
portant sur une situation imaginaire est incompatible avec
l'esprit de cet article.
l'Indien en tant que tel serait exempt de taxation
relativement à son traitement. L'avocat a invoqué
Greyeyes c. La Reine 6 , mais je ne crois pas que
cette décision appuie son raisonnement parce
qu'elle a été rendue sur le fondement de l'alinéa
90(1)b) et qu'on avait admis que le montant de la
bourse ou du subside que le Ministre cherchait à
inclure dans le calcul du revenu de la bénéficiaire
à des fins fiscales lui avait été versé en application
d'une entente et d'un traité entre la bande de la
bénéficiaire et «Ottawa» [sic].
A mon avis, il n'est pas possible de considérer le
traitement en question comme «les biens person-
nels qui ont été achetés par Sa Majesté» au sens de
l'alinéa 90(1)a) et je ne peux pas admettre l'allé-
gation de l'avocat que ledit alinéa doit être inter-
prété comme s'il se lisait «biens personnels qui ont
été ... des deniers . votés par le Parlement» car
j'estime que, du point de vue grammatical, le
membre de phrase «achetés par Sa Majesté avec»
régit tout le reste de l'alinéa. La disposition n'est
donc pas applicable.
La défenderesse a ensuite allégué que, que le
paragraphe 90(1) soit ou non applicable,
l'article 87 s'applique et exempte les employés
indiens de tout impôt concernant leur traitement.
Si je comprends bien, l'avocat de la défenderesse a
soutenu que, même si le siège social de la défende-
resse était à Ottawa et ses employés résidaient
dans cette ville ou ses environs lorsqu'ils étaient à
son service, leurs travaux et les activités de la
défenderesse au profit des Indiens et de la défense
de la culture indienne devaient être considérés
comme un prolongement de la vie communautaire
indienne et comme exercés sur la réserve, et qu'en
conséquence le droit des employés indiens à leur
traitement devait être considéré comme un bien
personnel de ces employés, situé sur la réserve d'où
vient chaque Indien et à laquelle il retournera
quand son emploi aura pris fin.
J'ai déjà indiqué qu'à mon avis, l'exemption
prévue par l'article 87 ne s'étend pas au-delà du
sens habituel des mots et expressions utilisés dans
cet article. Nonobstant l'évolution historique de
l'exemption et la situation spéciale des Indiens
dans la société canadienne, aucun fondement juri-
dique ne permet d'étendre l'exemption par réfé-
6 [1978] 2 C.F. 385.
rence à une quelconque extension imaginaire des
réserves ou à ce que l'on peut considérer comme
fait sur des réserves. Suivant mon interprétation,
et supposant que la Loi de l'impôt sur le revenu
impose des personnes dans leurs relations avec les
biens et qu'un traitement, ou le droit de toucher un
traitement est un bien, le litige consiste à détermi-
ner si le traitement reçu par un Indien, ou auquel
celui-ci a droit, constitue un «bien personnel» de
l'Indien «situé sur une réserve».
A mon avis, il faut examiner cette question par
rapport au traitement auquel un Indien avait droit
avant qu'il ne lui soit versé et jusqu'au moment où
il lui a été versé. Après le versement, il ne s'agit
plus d'un traitement, mais d'un certain montant
entre les mains du bénéficiaire. Même si l'Indien
l'a immédiatement emporté à une réserve et l'y a
laissé, ceci ne change en rien son situs en tant que
traitement, lorsqu'il s'agissait d'un traitement. Il
s'agit donc de déterminer si, en l'espèce, le traite-
ment, payé aux employés à Ottawa par le moyen
de chèques tirés sur une banque d'Ottawa par une
corporation ayant son siège social et son lieu de
résidence à Ottawa, peut être considéré comme
situé sur une réserve, c'est-à-dire la réserve de
l'Indien ayant droit au traitement.
Un droit incorporel, comme le droit à un traite-
ment, n'a véritablement pas de situs. Mais lorsque,
pour une fin déterminée, la loi a jugé nécessaire de
lui en attribuer un, et en l'absence de toute disposi
tion contraire dans le contrat ou dans tout autre
document, les tribunaux ont établi que le situs
d'une simple dette contractuelle est la résidence du
débiteur ou le lieu où il se trouve. Voir Cheshire,
Private International Law, 7e édition, pages 420 et
suivantes.
Dans Commissioner of Stamps c. Hope', le lord
Field s'est ainsi prononcé au nom du Conseil privé:
[TRADUCTION] Quoiqu'elle soit un droit incorporel et fasse
partie intégrante des biens meubles sur lesquels l'homologation
confère un pouvoir de gestion, une dette n'est en soi, bien
entendu, liée à aucun emplacement déterminé; mais les tribu-
naux de ce pays ont depuis longtemps décidé, et ceci est une
règle bien établie régissant toute question relative à la détermi-
nation du tribunal habilité à conférer l'autorité requise, qu'une
dette est bien liée à un emplacement découlant de sa nature et
conformément à celle-ci, et, suivant une règle faite et bien
établie, on distingue entre dette contractuelle et dette née d'un
acte formel. Dans le premier cas, comme elle est simplement un
7 [1891] A.C. 476, aux pages 481 et 482.
droit incorporel,—de l'argent à recouvrer d'un débiteur, et rien
de plus,—la dette ne pouvait avoir d'autres relations avec un
emplacement déterminé que la résidence même du débiteur où
sont censés se trouver les biens pouvant servir à son exécution,
et on a donc conclu qu'elle était un bien ayant une valeur et
ressortissant à la juridiction locale où résidait le débiteur; mais
cette résidence est évidemment de caractère changeable et
fugitif, et dépend des déplacements du débiteur et, dans la
mesure où une dette découlant d'un acte formel avait une sorte
de vie matérielle permettant de préciser son emplacement et
dans la mesure où elle était de nature plus importante qu'une
dette née d'un contrat, il a été depuis longtemps établi qu'une
telle dette était un bien ayant une valeur lorsqu'elle était
«visible», i.e. dans le ressort de la juridiction où l'acte était
trouvé au moment du décès. Voir Wentworth, The Office of
Executors, édition de 1763, pages 45, 47, 60(1) [sic].
Dans New York Life Insurance Company c.
Public Trustee 8 , le lord juge Atkin s'est exprimé
de la façon suivante:
[TRADUCTION] Évidemment, la question de l'emplacement
ou de la localisation d'une dette ou d'un droit incorporel est
difficile car elle implique l'examen de ce qu'il faut considérer
comme des fictions juridiques. En réalité, on ne peut pas
attribuer un emplacement à une obligation ou à un droit
incorporel; cependant, à un très grand nombre de fins, on doit
déterminer l'emplacement d'une obligation ou d'un droit incor-
porel, et, dans ce pays, on a établi certaines règles découlant de
la pratique des autorités ecclésiastiques dans l'octroi de lettres
d'administration, parce que la juridiction desdites autorités
était limitée au point de vue territorial. L'ordinaire n'était
compétent que dans un territoire déterminé et pour savoir s'il
devait ou non délivrer des lettres d'administration, il fallait voir
si les biens se trouvaient ou non dans son ressort, et, en ce qui
concerne les contrats ordinaires, le critère consistait à se
demander où résidait le débiteur. On sait bien que, de façon
générale et conformément à notre loi, un débiteur doit chercher
son créancier pour s'exécuter; mais il semble évident qu'on a
choisi la résidence du débiteur pour déterminer l'emplacement
de la dette parce que c'était là que le créancier pouvait vérita-
blement faire exécuter le paiement de la dette. Je crois que c'est
là une considération très importante. En conséquence, dans le
cas d'une personne ordinaire, cette règle a établi depuis long-
temps qu'une simple dette contractuelle, dans les circonstances
ordinaires, se situe au lieu de résidence du débiteur; c'est le lieu
où, dans les circonstances ordinaires, l'exécution est possible,
parce que seule une poursuite contre le débiteur permet de
recouvrer le montant.
Dans Snow c. La Reine 9 , le juge Collier a
appliqué cette règle en suivant le précédent établi
par Petersen c. Cree et Canadian Pacific Express
Co."' Il en est de même de la décision rendue dans
Avery c. Cayuga" où le juge en chef de l'Ontario
8 [1924] 2 Ch. 101, à la page 119.
9 78 DTC 6335.
10 (1941) 79 C.S. (Qué.) 1.
" (1913) 13 D.L.R. 275.
Meredith a jugé qu'un dépôt, fait par un Indien
résident dans une réserve, dans une banque non
située sur la réserve, n'est pas situé sur la réserve;
le juge s'est ainsi prononcé à la page 276:
[TRADUCTION] Que le dépôt soit un bien situé en dehors de
la réserve, au sens de l'art. 99, voilà un point qui ne semble pas
discutable: Commissioner of Stamps c. Hope [1891] A.C. 476,
aux pages 481 et 482; Lovitt c. Le Roi 43 R.C.S. Can. 106; Le
Roi c. Lovitt (1911), 28 Times L.R. 41.
Des avis contraires ont été exprimés dans Arm-
strong Growers' Ass'n c. Harris 12 et Crepin c.
Delorimier' 3 , mais je ne crois pas qu'ils l'empor-
tent sur les autorités précitées.
Comme, avant le versement, le traitement des
Indiens en question était une dette découlant d'un
contrat ordinaire et due par une corporation ne
résidant pas sur la réserve, je suis d'avis qu'il
n'était pas «situé sur la réserve» au sens du para-
graphe 87(1).
Il s'ensuit que l'exemption alléguée n'est pas
applicable et il n'est donc pas nécessaire de traiter
de la question consistant à déterminer si la défen-
deresse était, en tout cas, requise par la Loi de
l'impôt sur le revenu d'opérer des déductions et de
les verser au receveur général.
L'appel sera accueilli et les cotisations seront
rétablies. Comme cette affaire avait le caractère
d'une cause type et comme la Couronne n'a pas
demandé les dépens, il ne sera pas alloué de
dépens.
12 [1924] 1 D.L.R. 1043.
13 (1930) 68 C.S. (Qué.) 36.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.