T-4983-76
Canadian Wirevision Limited (Demanderesse)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Collier—
Vancouver, les 14, 15, 16 et 22 septembre 1977 et
le 3 janvier 1978.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Déductions —
La demanderesse, compagnie de télévision par câble, fait appel
contre le rejet par le Ministre de sa déduction en vertu de l'art.
125.1 au titre de la fabrication ou de la transformation au
Canada — Les signaux livrés par la demanderesse sont-ils des
»marchandises»? — Les marchandises alléguées ont-elles fait
l'objet d'une vente? — Y a-t-il eu transformation des mar-
chandises en vue de la vente? — Loi de l'impôt sur le revenu,
S.C. 1970-71-72, c. 63, art. 125.1 modifiée par S.C. 1973-74,
c. 29 — Règlements de l'impôt sur le revenu, DORS/73-495,
art. 5202.
La demanderesse, compagnie de télévision par câble, a
réclamé, pour son année d'imposition 1974, au titre de la
fabrication ou de la transformation au Canada, une déduction
de l'impôt qu'elle serait par ailleurs tenue de payer en vertu de
l'article 125.1(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Dans sa
cotisation, le Ministre n'a pas admis la déduction et la deman-
deresse fait appel aux fins d'obtenir l'annulation de cette partie
de la cotisation. Voici les points litigieux entre les parties: (1)
Les signaux transmis par la demanderesse à ses abonnés sont-ils
des «marchandises»? (2) Les marchandises alléguées ont-elles
fait l'objet d'une vente? (3) Y a-t-il eu transformation des
marchandises aux fins de la vente?
Arrêt: l'appel est rejeté. Les signaux transmis par la deman-
deresse à ses abonnés ne sont pas des marchandises. L'expres-
sion «articles destinés à la vente» est employée dans l'article
125.1 dans son sens ordinaire et désigne des marchandises ou
produits, des biens meubles tangibles. L'arrangement entre la
demanderesse et ses abonnés n'implique pas la vente de mar-
chandises, mais plutôt un contrat de service. Il n'est pas néces-
saire, aux fins du présent procès, de rendre une décision relative
au troisième point litigieux, à savoir si les activités de la
demanderesse, captant et livrant des signaux, tombent dans le
sens ordinaire du terme «transformation».
Arrêt mentionné: Commission hydroélectrique de Québec
c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes
et l'accise [1970] R.C.S. 30. Arrêt examiné: Le Noordam
(n° 2) [1920] A.C. 904.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
John G. Smith et M. W. Shepard pour la
demanderesse.
T. E. Jackson, c.r., et J. Williamson pour la
défenderesse.
PROCUREURS:
Douglas McK. Brown, c.r., a/s Russell &
DuMoulin, Vancouver, pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE COLLIER: La demanderesse est une
compagnie de télévision par câble, exploitant son
entreprise à Vancouver, Burnaby et Richmond
(C.-B.). Pour son année d'imposition 1974, elle a
réclamé, en vertu du paragraphe 125.1(1) de la
Loi de l'impôt sur le revenu', une déduction, au
titre de la fabrication ou de la transformation au
Canada de certains articles. Dans sa cotisation, le
ministre du Revenu national n'a pas admis la
déduction. La demanderesse fait appel devant la
Cour aux fins d'obtenir l'annulation de cette partie
de la cotisation.
Le paragraphe 125.1(1) se réfère au «... bénéfi-
ces de fabrication et de transformation au Canada
...0 , lequel est ainsi défini dans le paragraphe (3):
125.1 ...
(3) Dans le présent article
a) «bénéfices de fabrication et de transformation au Canada»
d'une corporation pour une année d'imposition signifie le
pourcentage de tous les montants dont chacun est le revenu
que la corporation a tiré pour l'année d'une entreprise exploi-
tée activement au Canada, déterminé en vertu des règles
prescrites à cette fin par voie de règlement établi sur la
recommandation du ministre des Finances, qui doit s'appli-
quer à la fabrication ou à la transformation au Canada
d'articles destinés à la vente ou à la location; et
b) «fabrication ou transformation» ne comprend pas
(i) l'exploitation agricole ou la pêche,
(ii) l'exploitation forestière,
(iii) la construction,
(iv) l'exploitation d'un puits de pétrole ou de gaz,
(v) l'extraction de minéraux d'une ressource minérale,
(vi) le traitement, jusqu'au stade du métal primaire ou son
équivalent, des minerais provenant d'une ressource
minérale,
(vii) la production de minéraux industriels,
(viii) la production ou la transformation d'énergie électri-
que ou de vapeur en vue de la vente,
(ix) le traitement du gaz, si celui-ci est traité dans le cadre
de l'exploitation, par un service public, d'une entreprise de
vente ou de distribution du gaz, ou
' S.R.C. 1952, c. 148 modifié par S.C. 1970-71-72, c. 63 et
subséquent, (la «nouvelle» Loi). L'article 125.1 a été ajouté par
S.C. 1973-74, c. 29, art. 1.
(x) toute fabrication ou transformation de marchandises
en vue de la vente ou de la location, si, pour une année
d'imposition d'une corporation à l'égard de laquelle l'ex-
pression s'applique, moins de 10% de ses recettes brutes de
toutes les entreprises exploitées activement au Canada
provenait
(A) de la vente ou de la location d'articles qu'elle a
fabriqués ou transformés au Canada, et
(B) de la fabrication ou de la transformation au Canada
d'articles destinés à la vente ou à la location, autres que
des articles, qu'elle devait vendre ou louer elle-même.
[Mis en italiques par mes soins.]
La Partie LII des Règlements de l'impôt sur le
revenu traite du bénéfice de la fabrication et de la
transformation au Canada. La définition des «acti-
vités admissibles», donnée dans l'article 5202 des
Règlements, s'applique ici:
5202... .
«activités admissibles. signifie
a) n'importe quelles des activités suivantes, lorsqu'elles sont
exercées au Canada dans le cadre des opérations de fabrica
tion ou de transformation au Canada (à l'exception des
activités énumérées aux sous-alinéas 125.1(3)b)(i) à (ix) de
la Loi) de marchandises en vue de leur vente ou de leur
location à bail:
(i) la conception technique des produits et des installations
de production,
(ii) la réception et l'emmagasinage des matières premiè-
res,
(iii) la production, l'assemblage et la manutention des
marchandises en voie de transformation,
(iv) l'inspection et l'emballage des produits finis,
(v) la surveillance axiale,
(vi) les activités de soutien de la production y compris la
sécurité, le nettoyage, le chauffage et l'entretien de l'usine,
(vii) le contrôle de la qualité et de la production,
(viii) la réparation des installations de production, et
(ix) la lutte antipollution,
b) toutes les autres activités qui sont exercées au Canada
directement dans le cadre des opérations de fabrication ou de
transformation au Canada (à l'exception des activités énumé-
rées aux sous-alinéas 125.1(3)b)(i) à (ix) de la Loi) de
marchandises en vue de leur vente ou de leur location à bail,
et
e) la recherche scientifique, suivant la définition qu'en donne
l'article 2900,
mais ne comprend aucune des activités suivantes:
d) l'emmagasinage, l'expédition, la vente et la location à bail
des produits finis,
e) l'achat de matières premières,
f) l'administration, y compris les activités relatives aux écri-
tures et au personnel,
g) les opérations d'achat et de revente,
h) le traitement des données, et
i) la fourniture d'installations aux employés, y compris les
cafétérias, les cliniques et les installations de récréation;
A l'aide d'appareils perfectionnés, la demande-
resse capte dans l'air des signaux de message
transmis par un certain nombre d'émetteurs de
télévision, et livre ces signaux de message reconsti-
tués aux appareils individuels des abonnés à son
système de télévision par câble. 2 Autant que je le
sache, voici les points litigieux entre les parties:
(1) Les signaux transmis par la demanderesse à
ses abonnés sont-ils des marchandises?
(2) Les marchandises alléguées ont-elles fait
l'objet d'une vente?
(3) Y a-t-il eu transformation des marchandises
aux fins de la vente?
Je vais tout d'abord examiner si les signaux sont
des «marchandises» au sens de la loi. Le problème
est difficile. Il faut décrire les activités des compa-
gnies de télévision par câble telles que la
demanderesse.
Les signaux proviennent d'un émetteur-trans-
metteur. Les renseignements visuels et auditifs qui
forment une émission de télévision sont convertis
en signaux électriques. En vocabulaire technique,
on appelle ceux-ci des signaux d'entrée. La plupart
de ceux-ci ne peuvent pas être envoyés directement
dans le canal de communication. En l'espèce, ce
canal est constitué par l'atmosphère ordinaire et,
enfin, par un câble. Pour effectuer une transmis
sion satisfaisante à partir de l'antenne d'émission,
les signaux de message sont imprimés sur des
ondes électromagnétiques portantes. Cette trans
formation ou modification en ondes de haute fré-
quence est appelée, en langage technique, modula
tion.
A ce stade, les signaux portant des renseigne-
ments sont dans l'air. L'appareil récepteur du
spectateur de télévision est la destination ultime de
l'émission. En l'espèce, le récepteur peut être l'an-
tenne du possesseur de l'appareil de télévision, ou
les appareils beaucoup plus perfectionnés d'exploi-
tants comme la demanderesse.
Chaque poste de réception capte une partie de
l'énergie électrique des signaux de renseignements
transmis. La personne réceptrice ne s'intéresse pas
à la quantité infinitésimale d'énergie électrique
2 Cette présentation est une simplification excessive des faits
essentiels, mais elle est une façon commode de préciser le litige.
ainsi captée. Elle s'intéresse plutôt au contenu des
signaux—ce qu'en jargon technique on appelle
renseignements mutuels. Ainsi que l'a dit le Dr
Jull pour le compte de la défenderesse:
[TRADUCTION] Quoique de l'énergie soit nécessairement trans-
mise, elle l'est en petite quantité; ce qui compte, ce sont les
nombreux renseignements transmis par ces signaux.
L'énergie captée par chaque récepteur n'est plus
alors à la disposition des autres. S'il y avait un
nombre suffisant de récepteurs placés en des
endroits convenables, ils pourraient, théorique-
ment, capter la totalité de l'énergie transmise, et
d'autres récepteurs ne pourraient rien en capter.
Mais cette hypothèse ne correspond pas à la
réalité.
Le récepteur convertit les signaux reçus dans la
version reconstituée des signaux initialement trans-
mis par l'émetteur. Puis l'appareil de télévision
reconvertit les signaux de message en message de
renseignements. En principe, on voit et entend
alors l'émission de télévision initialement enregis-
trée par l'émetteur.
A ce stade, je déclare accepter la distinction
conceptuelle avancée pour le compte de la deman-
deresse: ce qui est transmis et reçu n'est pas un
programme de télévision au sens ordinaire de cette
expression. Ce qui intéresse la compagnie de télévi-
sion par câble et le téléspectateur ce sont les
signaux de télévision concernant «les renseigne-
ments mutuels» que j'ai essayé de décrire.
Lorsqu'un signal donné de renseignement est
dans le canal de communication à lui affecté, qu'il
s'agisse d'air ou de câble ou des deux à la fois (et
même antérieurement et postérieurement à ce
stade), il peut être contaminé ou troublé. On dis-
tingue trois catégories d'agents perturbateurs.
Il y a interférence lorsque le signal quitte son
canal pour entrer dans un ou plusieurs autres, ou
encore lorsqu'il est transmis suivant plusieurs che-
mins. L'écart minime entre les temps d'arrivée des
signaux produit ce qu'on appelle habituellement
des effets d'«écho».
Les appareils d'émission et de réception impar-
faits peuvent aussi causer des distorsions dans les
signaux. Lorsqu'une partie du système de commu
nication est constituée par des câbles, comme dans
le cas de la demanderesse, l'appareil et les appa-
reils auxiliaires créent par leur nature même des
distorsions dans les signaux.
Les bruits forment la troisième source de pertur
bation. Ils proviennent de causes naturelles se trou-
vant à l'intérieur même du système de communica
tion ou à l'extérieur. Plus le rapport signal/bruit
(RSB) est élevé, meilleur sera le résultat pour le
téléspectateur, qu'il ait son propre récepteur ou
qu'il soit relié au système de la demanderesse.
En termes généraux, les compagnies de télévi-
sion par câble utilisent plusieurs moyens de lutte
contre les troubles et perturbations. Elles érigent
des antennes de réception perfectionnées en des
endroits convenables. Certaines de ces antennes
ont été conçues pour capter un seul canal de
communication et rejeter les autres, ce qui réduit
ou élimine les débordements de signaux d'un canal
à l'autre. On réduit les interférences par trajets
multiples en choisissant des lieux convenables
d'érection des antennes, et aussi par réception en
diversité, ce qui oblige à placer des antennes de
réception en deux endroits ou davantage. Ce pro-
cédé est basé sur l'hypothèse qu'à tout moment,
l'un au moins de ces endroits est exempt des
interférences par trajets multiples qui causent des
distorsions aux signaux. On peut combiner les
signaux captés ou utiliser seulement les meilleurs
d'entre eux. Les compagnies de télévision par câble
reçoivent des signaux d'émission variés en diffé-
rents endroits et emploient les câbles pour trans-
mettre les signaux de message reconstitués aux
abonnés individuels.
A la réception, les compagnies filtrent et ampli-
fient les signaux reçus. Elles font de leur mieux
pour ne pas changer les renseignements qu'ils con-
tiennent. En d'autres termes, elles se donnent pour
but de livrer au téléspectateur final un reflet aussi
fidèle que possible de l'image et du son initiaux
enregistrés par la caméra de télévision et les appa-
reils auditifs. Après les opérations ainsi décrites, le
signal reçu est livré par câble aux spectateurs. Ce
système de distribution a des limitations intrinsè-
ques. Celles-ci sont à l'origine du bruit et d'une
atténuation des images et du son. Le rapport
signal/bruit tend à décroître. Les compagnies de
télévision par câble s'efforcent d'éviter les pertur
bations des signaux dans la zone située entre leur
réception et le téléspectateur, i.e. dans le système
même du câble. Parmi les moyens employés à cet
effet, il faut citer l'amplification et le filtrage,
effectués à un degré assez avancé 3 .
J'ai jusqu'ici décrit les opérations générales
d'une compagnie type de télévision par câble.
Cette description est applicable à l'entreprise de la
demanderesse.
Celle-ci a produit de nombreux documents rela-
tifs à ses opérations postérieures à la capture des
signaux d'émission. Cette déposition avait pour but
de démontrer l'existence d'opérations de «transfor-
mation» requises par la loi pour donner droit à une
déduction fiscale. M. Saperstein et M. Bethel ont
pleinement décrit l'aspect technique de ces opéra-
tions, lesquelles sont expliquées à l'aide des pièces
6 à 14.
Je ne me propose pas de résumer ici cette
preuve. La défenderesse n'en a guère contesté la
validité. Le principal litige consiste à déterminer si
les différentes étapes suivies et les techniques
appliquées constituent des opérations de «transfor-
mation» au sens de la loi. Dr Jull a plutôt employé
le mot [TRADUCTION] «conditionnement». Les
témoins cités par la demanderesse ont adopté le
terme de «transformation», et cela se comprend.
Heureusement, je n'ai pas à dire laquelle de ces
vues opposées, dans cette industrie et ces profes
sions, est la meilleure. Ma tâche consiste à déter-
miner ce que le législateur a entendu par le mot
«transformation». Je continuerai cette analyse plus
tard.
Je reviens au premier litige: les signaux livrés
par la demanderesse à ses abonnés sont-ils des
«marchandises»?
Je réponds par la négative.
Les deux parties se sont référées à d'autres lois
traitant de «marchandises» et à des décisions judi-
ciaires fondées sur ces lois 4 . A mon avis, ces
opinions d'origine législative et jurisprudentielle
n'apportent pas de solution ici. Lord Sumner a
3 L'amplification et le filtrage sont aussi faits au point de
départ du système d'émission.
4 Voir par ex. Commission hydroélectrique de Québec c. Le
sous -ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise
[1970] R.C.S. 30, où l'aélectricité» était classée parmi les
«marchandises» au sens des dispositions pertinentes de la Loi
sur la taxe d'accise.
ainsi présenté la question dans Le Noordam (n»
2) 5 , où il s'agit de savoir si des obligations au
porteur et des coupons saisis comme butins de
guerre étaient des «marchandises» au sens d'une
ordonnance en conseil:
[TRADUCTION] A première vue, le terme «marchandises»
peut sembler une description impropre. Il faut, cependant,
remarquer que ce mot a une signification très générale et
indéfinie et qu'il tire son sens surtout de son contexte. Leurs
Seigneuries se sont référées à différentes lois où ce mot est
défini ou énoncé comme comprenant des choses spécifiques. On
s'est en particulier fondé sur le Naval Prize Act de 1864 car il
énonce, comme contenu du terme «marchandises», «toute chose
soumise à l'adjudication pour un prix». Cette définition ne fait
pas plus avancer la matière. Lorsque, comme ici, une loi définit
un mot comme contenant certaines choses, on en conclut tout
naturellement que dans son sens ordinaire, le mot employé seul
n'inclut pas la chose en question. En outre, on ne voit pas
pourquoi la clause de définition du Naval Prize Act de 1864
doit être considérée comme explicative de la terminologie
employée dans une ordonnance en conseil qui n'en a pas fait
mention.
Leurs Seigneuries sont d'avis que la considération la plus
importante dans l'interprétation d'une ordonnance en conseil
est la nature et le champ d'application de l'ordonnance même.
Le contenu du mot «marchandises» varie dans une grande
mesure suivant son contexte et suivant la nature de l'instrument
juridique où il figure. Selon qu'il s'agit d'un testament ou d'une
police d'assurance maritime, d'un avis de mariage ou d'un tarif
de chemin de fer, du titre d'une action en homologation ou d'un
texte législatif relatif aux droits d'un créancier pratiquant une
saisie, le mot peut revêtir le sens le plus étroit ou le plus large.
La question consiste à déterminer son contenu en l'espèce.
A mon avis, l'expression «articles destinés à la
vente» est employée dans l'article 125.1 dans son
sens ordinaire et désigne des marchandises ou
produits, ou, pour employer la terminologie juridi-
que, des biens meubles tangibles 6 .
Pour la Cour d'instance inférieure, dans le
procès intéressant la Commission hydroélectrique
de Québec, le président Jackett (à présent juge en
chef de cette cour) a fait les commentaires sui-
vants relativement à la difficulté de classer l'éner-
gie électrique parmi les marchandises':
[ 1920] A.C. 904, aux pages 908 et 909.
6 [TRADUCTION] «Le droit relatif à la vente des marchandi-
ses s'applique seulement à des choses tangibles», Fridman, Sale
of Goods in Canada (1973) Carswell, page 10.
Le sous-ministre du Revenu national c. Commission
hydroélectrique de Québec 68 DTC 5221, aux pages 5223 et
5224. La Cour suprême du Canada a accueilli l'appel. A mon
avis, les remarques du président Jackett s'appliquent en
l'espèce.
[TRADUCTION] Notons, avant d'examiner les faits, qu'alors
que l'article 30 impose la taxe en question sur le prix de vente
des «marchandises» dans un contexte où le terme «marchandi-
ses» est évidemment employé au sens habituel de marchandises
ou articles (lesquels comprennent probablement tous biens
meubles tangibles), les parties reconnaissent que le terme «mar-
chandises», dans l'article 30 et, ce qui est plus important encore
pour l'intimée en l'espèce, dans le paragraphe a) de l'annexe V,
doit être interprété comme englobant l'«électricité», laquelle,
suivant la définition du Shorter Oxford English Dictionary (3'
édition) et une interprétation prédominante, est «une condition
spéciale de molécules d'un corps et de l'éther qui les entoure»
(Selon le Petit Larousse, le term «électricité» est un «Nom
donné à l'une des formes de l'énergie»), même si cette «condi-
tion spéciale» peut difficilement être considérée comme corres-
pondant à l'un quelconque des sens habituels du mot «marchan-
dises» dans la langue anglaise. Les parties admettent que le
terme «marchandises» dans ces dispositions doit être compris
comme comprenant l'«électricité», parce qu'en vertu de l'article
32(1), la taxe imposée par l'article 30 ne s'applique pas à la
vente ou à l'importation des «articles» mentionnés à l'annexe III
et l'une des «articles» mentionnés dans ladite annexe est «élec-
tricité» (voir paragraphe 3, Partie VI, annexe III). Les parties
admettent que le raisonnement suivi dans Dominion Press,
Limited c. Le ministre des douanes et de l'accise (1928) A.C.
340 [1 DTC 127] est applicable, ce qui oblige à conclure que le
terme «marchandises» dans ledit article 30 doit être interprété
comme englobant toutes choses énumérées comme «articles»
dans l'annexe à laquelle se réfèrent les dispositions d'exemption
(article 32(1)) et qu'en conséquence, le même terme de «mar-
chandises», employé dans d'autres dispositions du même sys-
tème fiscal, i.e. l'annexe Voit aussi être interprété comme
comprenant l'électricité. Comme les parties au présent appel
sont d'accord sur ce point, j'adopte ce point de vue sans
exprimer aucun avis sur sa valeur. Il faut remarquer, cepen-
dant, qu'en raison même du faite que l'électricité n'a aucune
des caractéristiques habituelles des biens meubles tangibles
auxquels se réfèrent ordinairement les termes «articles» et
«marchandises», des difficultés spéciales surviennent dans l'ap-
plication au problème posé par le présent appel du paragraphe
a) de l'annexe V.
A mon avis, les observations ci-dessus s'appli-
quent avec la même vigueur aux signaux de rensei-
gnements fournis aux abonnés de la demanderesse
en l'espèce.
Voici des commentaires faits dans Benjamin's
Sale of Goods 8 relativement à l'énergie électrique
et d'autres formes d'énergie:
8 The Common Law Library, n° 11 (édit. 1974) Sweet et
Maxwell, par. 77 (page 54). La demanderesse s'est référée à
une décision rendue par J. O. Weldon, c.r., de la Commission
de révision de l'impôt, dans Maritime Electric Co. Ltd. c.
M.R.N. 65 DTC 282. Dans cet arrêt, il a été jugé que l'«énergie
électriques était comprise dans le terme «marchandises»
employé dans l'article 40A(2)a) de la Loi de l'impôt sur le
revenu alors en vigueur. L'article 40A(2)a) a été édicté en 1962
et abrogé en 1964. A mon avis, cette décision ne s'appliquerait
pas nécessairement ici, ni quant aux faits, ni quant au principe.
Sur un fondement semblable, il faut noter aussi Great Lakes
Power Company Ltd. c. North Canadian Enterprises Ltd.
[1972] 3_O.R. 770 (J.C.A. Vannini).
[TRADUCTION] 77 Électricité et d'autres formes d'énergie.
L'énergie, qu'elle soit mécanique, électrique ou sous toute autre
forme, peut être achetée et vendue. La jurisprudence l'a men-
tionnée comme une «chose» et un «article» et aussi une «denrée»,
mais aucune décision ne l'a classée parmi les «marchandises».
Dans Bentley Bros. c. Metcalfe & Co., l'énergie mécanique
était fournie, grâce à l'emploi d'un arbre de transmission, par le
locateur au locataire, et le premier donnait aussi en location au
second la machine que faisait fonctionner cette énergie. On a
soutenu que, comme l'énergie était consommée pendant le
processus, elle était achetée et non louée, et qu'en outre, il y
avait une obligation contractuelle implicite de fournir l'énergie
convenable pour l'utilisation par le locataire.
11 est évidemment difficile d'attribuer à l'énergie toutes les
caractéristiques juridiques d'un objet matériel. Ainsi, elle ne
peut faire l'objet de possession per se, elle peut être gardée ou
emmagasinée seulement à la condition de modifier l'état physi
que ou chimique d'autres caractéristiques qui font elles-mêmes
l'objet de possession.
Il n'est pas nécessaire de ranger dans une caté-
gorie juridique précise l'arrangement conclu entre
la demanderesse et ses abonnés, sauf pour dire
qu'à mon avis, il n'implique pas la vente des
marchandises. Il s'agit plutôt d'un contrat de ser
vice. Il suffira de dire qu'il s'agit d'une transaction
autre qu'un contrat de vente des marchandises 9 .
Nous avons ainsi résolu les deux premiers litiges.
Je vais examiner le troisième: y a-t-il eu trans
formation des marchandises? Tenant compte de
mes conclusions sur d'autres matières du procès, je
n'ai pas à exprimer un avis sur ce point. Au cas
cependant où la matière devrait être examinée
davantage, il est souhaitable que j'exprime mon
point de vue, prenant en considération les nom-
breuses preuves y relatives. Pour ce faire, je prends
pour acquis que les signaux de renseignements
livrés aux abonnés sont des marchandises.
J'ai eu beaucoup moins de difficulté à rendre
une décision sur cet aspect du problème. Je suis
convaincu que les activités de la demanderesse
quand elle capte des signaux et les livre aux abon-
nés, répondent bien au sens habituel et raisonnable
du terme «transformation».
Pour le compte de la défenderesse, le Dr Jull a
admis que l'amplification et le filtrage sont, dans
un sens large, des actes de transformation des
signaux. Les preuves produites montrent que la
9 Voir Benjamin's Sale of Goods (précité) par. 24, 25, 34, 39,
40, 70, 71, 72.
demanderesse, dans ses opérations, accomplit très
souvent ces actes. Le Dr Jull a préféré qualifier les
autres activités de [TRADUCTION] «conditionne-
ment». Mais il a ajouté:
[TRADUCTION] Toute opération accomplie sur des signaux
électriques peut être décrite comme une transformation, au sens
large de ce terme, mais, au sens habituel du mot, la transforma
tion des signaux s'applique ordinairement à des opérations bien
plus complexes.
A mon avis, le législateur en employant le mot
«transformation» ne pensait pas aux opérations
plus complexes envisagées par le Dr Jull. Il l'a
employé dans le sens habituel de traitement et
préparation, mise en forme commerciale. Voici des
décisions qui établissent ce point de vue:
Federal Farms Ltd. c. M.R.N. 1 °, W. C. Thompson & Sons Ltd.
c. M.R.N." et Admiral Steel Products Ltd. c. M.R.N. 12
Je vais examiner maintenant deux autres matiè-
res. Au moment du dépôt du présent appel contre
la cotisation, la demanderesse attaquait la manière
dont le Ministre traite le coût des «câbles de
chute». A l'audience, elle a parlé de «coûts de
chute». Elle a également attaqué la manière dont
le Ministre a calculé les intérêts.
Ces deux matières ont été résolues par accord.
La défenderesse a admis la méthode de calcul
des intérêts appliquée par la demanderesse.
En ce qui concerne les coûts de chute, les parties
se sont mises d'accord sur ce qui suit:
[TRADUCTION] Nous requérons l'accueil de l'appel de 1974,
dans la mesure où il concerne le traitement de lignes de chute,
et le renvoi de la matière devant le ministre du Revenu national
pour établissement d'une nouvelle cotisation à condition que les
coûts extérieurs, à savoir ceux relatifs aux lignes de chute
reliant les câbles de télévision aux demeures à famille unique,
au compteur central, ou à la partie centrale d'édifices à occupa
tion multiple, tels que des appartements, et qui se montent à 25
p. 100 du total des coûts de raccordement, soient traités comme
des dépenses de capital, et que les coûts intérieurs, à savoir ceux
relatifs aux lignes de chute reliant l'extérieur des demeures à
famille unique, le compteur central ou la partie principale des
édifices à occupation multiple, aux appareils individuels de
télévision dans les appartements ou autrement, et qui se mon-
tent à 75 p, 100 du total des coûts de raccordement, soient
admis comme des dépenses.
1 ° [1966] R.C.É. 410, le juge Cattanach, aux pages 415 à
417.
" 66 DTC 291 (Commission d'appel de l'impôt).
12 66 DTC 174 (Commission d'appel de l'impôt).
Ainsi qu'il a été convenu entre les parties, la
cotisation sera renvoyée au Ministre qui établira
une nouvelle cotisation en ce qui concerne le calcul
des coûts de chute et des intérêts.
En ce qui concerne le litige principal, l'appel est
rejeté.
La défenderesse a droit aux dépens.
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