T-775-78
Radio Inter-Cité Inc. et Radio Drummond Limi-
tée (Requérantes)
c.
Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommu-
nications canadiennes (Intimé)
et
Radio des Plaines Limitée (Mise-en-cause)
Division de première instance, le juge Walsh—
Montréal, le 27 février; Ottawa, le 2 mars 1978.
Brefs de prérogative — Prohibition — La décision du CRTC
approuvant le premier transfert d'actions objet d'un examen
judiciaire et d'un appel — Seconde audition fixée pour étudier
un nouveau transfert des mêmes actions — Les requérantes
sollicitent un bref de prohibition pour suspendre l'audition —
Les requérantes soutiennent que le second transfert rendrait
illusoire l'appel et porterait préjudice à leurs droits — Loi sur
la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 18 et 28.
Les requérantes demandent contre l'intimé un bref de prohi
bition qui lui enjoindrait de suspendre l'audience fixée au 4
avril 1978 concernant la demande de transfert d'actions présen-
tée par la mise-en-cause. Le CRTC avait approuvé un premier
transfert de ces mêmes actions mais, à la suite de cette décision,
les requérantes ont présenté une demande d'examen judiciaire
et ont également interjeté appel de cette décision devant la
Cour d'appel. Les requérantes cherchent à faire suspendre
l'audience jusqu'à ce que la Cour d'appel ait rendu sa décision,
faisant valoir que l'approbation du second transfert d'actions
rendrait l'appel illusoire et porterait préjudice à leurs droits.
Arrêt: la demande est rejetée. En réalité, les requérantes
demandent la délivrance du bref sur une base quia timet. La
question d'à-propos ne peut être prise en considération pour
décider s'il faut délivrer un bref de prohibition lorsque les faits
de l'affaire ne justifient pas, sur le plan juridique, la délivrance
d'un tel bref. Si l'appel et la demande en vertu de l'article 28
sont rejetés, il n'y aura alors aucune raison de s'opposer à
l'audition d'une demande concernant un second transfert. De la
même façon, le Conseil pourrait, de sa propre initiative, suite à
des observations, accepter de suspendre l'audition. Il se peut
également que la Cour d'appel ait entendu l'affaire et rendu sa
décision avant la date de l'audition. De plus, le CRTC était
obligé, sur le plan juridique, de fixer une date pour l'audition; le
fait de différer l'audition pour des questions tout à fait étrangè-
res au bon exercice de ses fonctions équivaudrait à un refus
d'exercer sa compétence. La décision touchant la tenue d'une
audience, la date de cette audience et toutes remises de l'au-
dience sont des questions purement administratives non soumi-
ses au contrôle de la Cour.
Arrêt examiné: Le Canadien Pacifique c. La province de
l'Alberta [ 1950] R.C.S. 25.
DEMANDE.
AVOCATS:
Jacques Rossignol pour les requérantes.
Denis Hardy pour l'intimé.
Bernard Courtois pour la mise-en-cause.
PROCUREURS:
Lapointe, Rosenstein, Konigsberg & Delorme,
Montréal, pour les requérantes.
Gourd, Mayrand & Brunet, Montréal, pour
l'intimé.
O'Brien, Hall, Saunders, Montréal, pour la
mise-en-cause.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Les requérantes demandent
contre l'intimé un bref de prohibition qui lui
enjoindrait de suspendre l'audience fixée au 4 avril
1978 concernant la demande n° 780230900 présen-
tée par Radio des Plaines Limitée, jusqu'à ce que
la Cour d'appel fédérale ait rendu une décision
dans les procédures portant le n° du greffe
A-239-77. Le président des requérantes expose les
faits dans son affidavit joint à la présente
demande. Il y affirme que le 14 décembre 1976,
l'intimé, ci-après appelé CRTC, a entendu la
demande n° 760861500 de la mise-en-cause, Radio
des Plaines Limitée, qui visait à apporter un chan-
gement dans le contrôle de la compagnie en sollici-
tant l'approbation du transfert de 5,205 actions
ordinaires, soit 61.2 p. 100 de ces actions, et de
4,890 actions privilégiées, soit 63.8 p. 100 de ces
actions, par cinq de ses sept actionnaires aux deux
actionnaires restant et à cinq nouveaux actionnai-
res. Le 30 mars 1977, le CRTC a approuvé le
transfert. Le 14 avril 1977, les requérantes ont
présenté, en vertu de l'article 28 de la Loi sur la
Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2° Supp.), c. 10, une
demande d'examen et d'annulation de la décision,
demande qui a reçu le n° du greffe A-239-77, et, le
7 juillet 1977, les requérantes ont formé, sous le n°
A-476-77, un appel devant la Cour d'appel fédé-
rale à l'encontre de ladite décision. Par jugement
du juge en chef en date du 5 octobre 1977, les
deux demandes ont été jointes pour audition sous
le n° du greffe A-239-77. Le 19 janvier 1978,
l'avocat des requérantes a été avisé, suivant les
directives du juge en chef, que si elles ne prenaient
pas de dispositions avant le 15 février 1978, la
Cour devrait envisager la possibilité de prendre des
mesures à l'égard de ces demandes, en gardant à
l'esprit les exigences de l'article 28(5) de la Loi sur
la Cour fédérale suivant lesquelles la demande
doit être entendue et jugée sans délai et d'une
manière sommaire. Suite à cet avis, les requérantes
ont déposé leur exposé le 15 février 1978, mais à la
date de l'audition devant cette cour de la présente
demande aux fins d'obtenir un bref de prohibition
dans les présentes procédures, soit le 27 février
1978, l'avocat de l'intimé a signalé qu'il n'en avait
pas encore reçu copie et qu'il n'était pas en mesure
d'y répondre. Quoi qu'il en soit, il est évident que,
si l'intimé fait preuve d'une certaine diligence,
l'affaire pourrait, d'ici peu, être prête pour audi
tion devant la Cour d'appel.
Dans l'intervalle, le 13 février 1978, le CRTC a
reçu une nouvelle demande d'autorisation de trans-
férer des actions de Radio des Plaines Limitée aux
termes de laquelle trois personnes proposent
d'acheter toutes les actions que détiennent sept
actionnaires en vertu du transfert déjà approuvé
par le CRTC. En conséquence de cette demande,
le CRTC a publié un avis d'audition publique de la
demande qui doit avoir lieu le 4 avril 1978 9h du
matin.
Les requérantes soutiennent que si, par suite de
cette audition, le CRTC approuvait la nouvelle
demande de transfert desdites actions, l'appel à la
Cour d'appel fédérale concernant l'approbation du
premier transfert serait illusoire et le transfert
porterait préjudice à leurs droits.
Les faits ne sont pas vraiment contestés et il n'y
a aucun doute que si les requérantes obtenaient
une décision favorable dans leur appel ou demande
en vertu de l'article 28 devant la Cour' d'appel et
que cette décision devienne finale, on se trouverait
dans une situation difficile si, dans l'intervalle, le
CRTC avait autorisé les acquéreurs desdites
actions en vertu de sa première décision à les
transférer à des tiers par suite d'une seconde déci-
sion. L'avocat des requérantes soutient qu'il vaut
mieux arrêter les procédures de la seconde
demande devant le CRTC jusqu'à ce que les
appels soient tranchés, qu'attendre qu'une seconde
décision soit rendue pendant que lesdits appels sont
en instance et entamer alors des procédures de
certiorari ou former un autre appel ou une autre
demande en vertu de l'article 28 contre cette déci-
sion. Je ne crois pas, cependant, que l'on puisse
prendre en considération la question d'à-propos
pour décider s'il faut délivrer un bref de prohibi
tion lorsque les faits de l'affaire ne justifient pas,
sur le plan juridique, la délivrance d'un tel bref. En
réalité, les requérantes en demandent la délivrance
sur une base quia timet. Si l'appel et la demande
en vertu de l'article 28 sont rejetés, il n'y aura
alors aucune raison de s'opposer à l'audition d'une
demande concernant un second transfert. De la
même façon, le Conseil lui-même pourrait suite à
des observations formulées par les requérantes, de
sa propre initiative, accepter de suspendre l'audi-
tion fixée au 4 avril 1978. Dans l'une ou l'autre
éventualité, il ne serait pas nécessaire d'avoir
recours à un bref de prohibition pour ordonner la
suspension de l'audience. Il est même possible que
la Cour d'appel ait entendu l'affaire et rendu sa
décision avant le 4 avril 1978.
Ce n'est toutefois pas la seule raison pour
laquelle un bref de prohibition ne doit pas être
délivré. L'avocat de la mise-en-cause a signalé que
le CRTC était obligé de fixer une date pour l'audi-
tion de la demande de transfert des actions et que,
s'il ne le faisait pas, il pouvait y être forcé par
mandamus. Il a ajouté que sa cliente s'opposerait à
toute remise de l'audience en attendant l'issue: d'un
appel concernant le premier transfert, qui pourrait,
on le conçoit, être portée en appel devant la Cour
suprême, ce qui soulève la possibilité de longs
retards au préjudice de la mise-en-cause et des
acquéreurs des actions dont elle veut, par la
demande en question, faire approuver l'acquisition.
A cet égard, il a fait référence à l'arrêt de la Cour
suprême Le Canadien Pacifique c. La province de
l'Alberta' dont voici une partie du sommaire:
[TRADUCTION] Étant une cour d'archives, la Commission des
transports ne peut différer la décision d'une demande d'aug-
mentation des taux de fret en se fondant sur des questions tout
à fait étrangères au bon exercice de ses fonctions qui consistent
à trancher cette demande: Cela équivaudrait en réalité à un
refus d'exercer sa compétence.
L'avocat de l'intimé a fait remarquer que la déci-
sion touchant la tenue d'une audience, la date de
cette audience et toutes remises de l'audience sont
des questions purement administratives non soumi-
ses au contrôle de la Cour. Je suis d'accord avec
cette opinion et conclus qu'aucun bref de prohibi
tion ne peut ni ne doit être émis en l'espèce.
' [1950] R.C.S. 25.
La demande de bref de prohibition est donc
rejetée avec dépens.
ORDONNANCE
La demande de bref de prohibition est rejetée
avec dépens.
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