A-53-78
Jacqueline J. Loeb (Appelante) (Demanderesse)
c.
La Reine (Intimée) (Défenderesse)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges
Heald et Urie—Ottawa, le 8 juin 1978.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Des enseignants
en grève ont signé avec leur syndicat un contrat de travail pour
ne pas interrompre le versement des primes à la caisse de
pensions et autres contributions légales, grâce aux indemnités
de grève — Le litige porte sur la question de savoir si les
sommes reçues étaient des indemnités de grève et, à ce titre,
non imposables — Appel rejeté — Loi de l'impôt sur le revenu,
S.C. 1970-71-72, c. 63, art. 3.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
Bernard Shinder pour l'appelante (demande-
resse).
E. A. Bowie pour l'intimée (défenderesse).
PROCUREURS:
Goldberg, Shinder, Shmelzer, Gardner &
Kronick, Ottawa, pour l'appelante (demande-
resse).
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimée (défenderesse).
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Il s'agit en l'espèce
de l'appel formé contre un jugement de la Division
de première instance [[1978] 2 C.F. 737] qui a
débouté l'appelante de son action intentée contre
une cotisation établie à l'égard de l'année d'impo-
sition 1975, en application de la Partie I de la Loi
de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, c. 63.
Je souscris aux motifs prononcés par le savant
juge de première instance lorsqu'il a rejeté l'appel
formé contre la cotisation.
Attendu toutefois que l'espèce est manifeste-
ment appelée à faire jurisprudence, je tiens à
formuler brièvement les motifs qui, à mon avis,
justifient le rejet de l'appel.
Voici les faits:
a) l'appelante fait partie d'un groupe d'ensei-
gnants qui ont fait la grève au cours de l'année
d'imposition 1975,
b) avant la période de grève, chaque gréviste
contribuait à une caisse de pensions de retraite,
prévue par la loi provinciale et ouverte aux
enseignants comme aux cadres du syndicat en
cause,
c) afin de continuer à contribuer à la caisse de
pensions de retraite et de ne pas perdre leur
qualité de bénéficiaires pendant la grève, chaque
gréviste a signé avec le syndicat un contrat dé
travail. En vertu de ce contrat, le gréviste
engagé à titre de cadre syndical, a acquitté les
primes à la caisse de pensions de retraite et
autres contributions légales avec des sommes qui
eussent été des indemnités de grève mais qui
étaient considérées comme rémunération décou-
lant du contrat de travail.
Au dire de l'appelante, le contrat de travail
qu'elle a signé avec le syndicat n'était qu'un «arti-
fice» visant à assurer le paiement des primes à la
caisse de pensions de retraite durant la grève; il n'y
a eu effectivement aucun contrat de travail et les
sommes reçues du syndicat étaient des indemnités
de grève, donc non imposables.'
Je ne pense pas, à la lumière des plaidoiries,
qu'il soit loisible à l'appelante d'arguer de l'ab-
sence de cause du contrat. De toute façon, je ne
pense pas qu'une telle thèse soit étayée par les
faits. A mon avis, l'appelante ne pourrait la faire
valoir que si le contrat de travail était un
trompe-l'oeil.
Il ressort des faits établis par le savant juge de
première instance que le contrat de travail n'était
pas un «trompe-l'ceil» 2 et il est admis que, quand
bien même ce serait le cas, les sommes reçues par
l'appelante ont été versées par le syndicat en vertu
de ce contrat. S'il en est ainsi, il s'ensuit à mon
avis que le contrat de travail a créé un emploi et
' I1 n'est pas nécessaire en l'espèce, d'établir si les sommes
versées à titre d'«indemnités de grève» constituent un revenu
imposable.
2 Cf. Snook c. London & West Riding Investments, Ltd.
[1967] 1 All E.R. 518 et M.R.N. c. Cameron [1974] R.C.S.
1062.
que les sommes versées en vertu de ce contrat
constituent un revenu provenant d'un emploi. Il ne
s'agit pas en l'espèce d'un cas où un contrat peut
être valide sans être une source de bénéfices assu-
jettis à l'impôt, tel un contrat d'achat et de vente
n'ayant aucun rapport avec l'activité commerciale
de l'intéressé.' Rien ne justifie un contrat de tra
vail créant un rapport juridique entre l'employeur
et employé aux fins des pensions de retraite mais
non aux fins de l'impôt sur le revenu. De même,
rien ne permet de conclure que telles sommes
versées constituent un salaire aux fins des pensions
de retraite, mais non un revenu provenant d'un
emploi et imposable. S'il y a contrat de travail, la
rémunération qui en découle constitue par défini-
tion un revenu assujetti à la Partie I de la Loi de
l'impôt sur le revenu."
* * *
LE JUGE HEALD y a souscrit.
* * *
LE JUGE URIE y a souscrit.
'Cf. Griffiths (Inspector of Taxes) c. J. P. Harrison (Wat-
ford), Ltd. [1962] 1 All E.R. 909, Bishop (Inspector of Taxes)
c. Finsbury Securities, Ltd. [1966] 3 All E.R. 105, et FA & AB
Ltd. c. Lupton (Inspector of Taxes) [1971] 3 All E.R. 948.
4 Voir l'article 3 de la Loi de l'impôt sur le revenu.
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