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A-684-77
Michel Proulx (Requérant) c.
La Commission des relations de travail dans la Fonction publique et Roland Tremblay (Intimés)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, le juge Le Dain et le juge suppléant Hyde—Montréal, le 3 février; Ottawa, le 15 mars 1978.
Examen judiciaire Fonction publique Relations du travail Congédiement du requérant Audition commune de ce grief et de ceux d'autres employés Les motifs de la décision de l'arbitre ne respectent pas les exigences des Règles de procédure de la C.R.T.F.P. La décision doit-elle être annulée en raison de la forme des motifs? Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), c. 10, art. 28 Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-35, art. 91, 99(3) Règlement et règles de procédure de la CR.T.F.P., DORS/75-604, art. 86(1).
Il s'agit d'une demande en vertu de l'article 28 visant à faire annuler le rejet, par la Commission des relations de travail dans la Fonction publique, du grief du requérant. L'arbitre a rendu une décision pour ce qui touche les nombreux griefs qui ont fait l'objet d'une audition commune à la demande du syndicat. Le requérant veut savoir si le fait que la «décision» ne respecte pas les exigences de l'article 86 des Règles ,de procédure de la Commission constitue un refus d'exercer sa compétence et si le défaut de donner un sommaire des arguments du requérant constitue une violation des principes de justice naturelle.
Arrêt (le juge Le Dain dissident): la demande est rejetée.
Le juge en chef Jackett (le juge suppléant Hyde souscrivant): Il n'y a pas eu violation des règles de justice naturelle qui entraînerait la nullité de la décision. Le rôle essentiel des motifs n'est pas d'assurer que justice est faite, mais d'essayer de faire réaliser aux parties (particulièrement la partie perdante) que l'affaire a été examinée d'une manière judiciaire, sans parti pris, et ainsi, en rendant les décisions plus facilement accepta- bles, faire en sorte qu'il soit plus probable que l'application régulière de la loi atteindra son objectif qui est de se substituer à l'anarchie. Considérée dans son ensemble, la décision est en substance conforme à l'article 86 du Règlement. Un simple écart de la forme prescrite qui ne résulte pas en une décision possiblement injuste ne suffirait pas, en soi, à annuler la décision d'un arbitre. De plus, il y a des doutes sérieux que l'article 99(3) ait autorisé la Commission à établir une formule rigide pour la forme des motifs de la «décision» d'un arbitre par opposition à la forme de la décision même qui dispose d'un grief et, même si la Commission avait eu ce pouvoir de régle- mentation, il y a des doutes que les règlements ainsi établis soient impératifs, par opposition à facultatifs.
Le juge Le Dain dissident: Les exigences formulées à l'article 86(1) du Règlement ont trait à la forme de la décision et relèvent donc du pouvoir que confère l'article 99 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique. La décision de l'arbitre ne respecte pas ces exigences et constitue une erreur de droit. L'obligation qu'impose une loi ou un règlement de donner les motifs d'une décision administrative doit être consi-
dérée comme impérative et non comme facultative. Un des principaux objectifs d'une exigence, formulée dans une loi ou un règlement, voulant qu'un tribunal administratif donne les motifs de sa décision est de fournir une base susceptible d'examen.
Distinction faite avec les arrêts: Comité d'Appel du Bureau Provincial de Médecine c. Chèvrefils [ 1974] C.A. 123; M.R.N. c. Wrights' Canadian Ropes Ltd. [1974] 1 D.L.R. 721. Arrêt appliqué: Mountview Court Properties Ltd. c. Devlin (1970) 21 P.& C.R. 689.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
Paul Lesage pour le requérant. André Bluteau pour les intimés.
PROCUREURS:
Trudel, Nadeau, Létourneau, Lesage & Cleary, Montréal, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF .IACKETT: Il s'agit d'une demande en vertu de l'article 28 visant à faire annuler une décision d'un président suppléant de la Commission des relations de travail dans la Fonc- tion publique en date du 15 septembre 1977.
Comme le prévoit l'article 90 de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique', le requérant a exposé un grief relativement à son renvoi comme employé du ministère des Postes pour cause d'inconduite alléguée contre lui. Ce grief ayant été rejeté au dernier palier de la procé- dure applicable aux griefs, le requérant a, en vertu de l'article 91 de cette loi, renvoyé le grief à l'arbitrage.
Le 29 décembre 1975, le président suppléant qui avait apparemment été nommé arbitre (ci-après appelé l'«arbitre») a accueilli une demande du syndicat représentant le requérant, à laquelle s'était opposé l'employeur, qui cherchait à obtenir une audition commune du grief du requérant et de celui de nombreux autres employés s'estimant lésés.
S.R.C. 1970, c. P-35.
Il appert que l'audition du grief du requérant eut lieu en janvier 1976. L'audition commune s'est poursuivie jusqu'en juillet 1977.
Le 19 avril 1977, l'arbitre a rejeté, avec motifs à l'appui, une requête du syndicat qui demandait la permission de présenter la preuve que des employés autres que les employés s'estimant lésés avaient commis la même infraction que ceux-ci sans que des mesures disciplinaires soient prises contre eux.
Le 15 septembre 1977, dans un document de 74 pages, l'arbitre rendait sa décision sur les diffé- rents griefs qui faisaient l'objet de l'audition com mune. Ce document rejetait le grief du requérant. Quelques jours plus tard, celui-ci introduisait la présente demande en vertu de l'article 28 pour faire annuler cette décision.
Suivant l'exposé du requérant devant cette cour, son grief a été rejeté comme suit:
Michel Proulx 166-2-2134
Congédié, ancienneté à juillet 1973, pas de dossier disciplinaire.
On lui reproche pour le 12 avril, les trois (3) mêmes incidents qu'à Faulkner, mais comme second et l'employeur a fait la preuve de ces incidents.
On lui reproche aussi d'avoir, le 13 avril expulsé des aides occasionnels sur le trottoir en face de l'édifice des postes.
De tous les témoins amenés en défense, un seul est sympathi- que, le témoin Lee et il ne contredit rien de ce qui s'est passé le 12 avril.
L'arbitre ne croit pas non plus pouvoir intervenir.
Si je comprends bien, par son exposé devant cette cour, le requérant soulève en fait deux ques tions, savoir:
1. Le fait que la «décision» ne respecte pas les exigences de l'article 86 des Règles de procédure de la Commission constitue-t-il un refus, de la part de la Commission, d'exercer sa compé- tence? et
2. Le défaut de se conformer à l'article 86 en ne donnant pas un sommaire des arguments du requérant constitue-t-il une violation des princi- pes de justice naturelle?
L'article 99(3) de la Loi sur les relations de travail dans, la Fonction publique autorise la Com mission des relations de travail dans la Fonction publique à établir des règlements relatifs à l'arbi-
trage des griefs et, notamment, en ce qui concerne «la forme des décisions rendues par les arbitres». L'article 86 des Règlement et règles de procédure de la Commission 2 se lit comme suit:
86. (1) La décision d'un arbitre ou d'un conseil d'arbitrage doit contenir
a) un sommaire du grief;
b) un sommaire des observations des parties;
c) la décision intervenue sur le grief; et
d) les motifs de la décision.
(2) Une décision rendue par un arbitre doit être signée par
lui.
L'exposé déposé en cette cour résume comme suit les prétentions du requérant fondées sur l'arti- cle 86 du Règlement:
11—La décision de la Commission rendue le 15 septembre
1977, sa face même, ne respecte pas les dispositions de l'article 86(1) du Règlement, en ce qu'elle ne contient pas un sommaire du grief, ne rapporte pas les prétentions des parties, ne fait pas état de la décision rendue sur le grief et n'est aucunement motivée;
12—Le Législateur en employant le terme «doit» dans la rédac- tion de l'article 86(1) du Règlement a voulu créé [sic] pour l'arbitre, une obligation impérative dont le défaut affecte l'exer- cice de sa juridiction;
13—En effet, l'article 28 la Loi d'Interprétation (1970 SRC chap. I-23) édicte que «dans un texte législatif, `doit' ou `devra' devant un infinitif exprime une obligation»;
14—Il en résulte donc pour la Commission, une obligation de faire, dont le défaut rend irrégulière [sic] l'exercice de sa juridiction qui entraîne la nullité de la décision rendue;
15—C'est ainsi que Dussault s'exprime à la page 1392 de son volume:
La première indication voulant que le Législateur a entendu tenir pour absolues, impératives et obligatoires certaines règles procédurales est l'emploi dans la Loi du terme «doit» au lieu du mot «peut». Ainsi lorsqu'un texte législatif dispose qu'un agent doit faire telle chose, accomplir tel geste en procédant de telle façon, une très forte présomption découle en faveur du caractère absolu de cette disposition.
16—La Cour d'Appel du Québec, d'autre part, dans l'affaire Gagné c. La Brique Citadelle, s'exprime ainsi par la voie de l'Honorable Juge Pratte:
A la lecture de l'article précité, l'on voit tout de suite qu'il ne s'agit pas d'une disposition supplétive, mais bien plutôt d'un commandement que les choses se passent de la manière indiquée et non pas autrement. Il est vrai que le texte ne défend pas expressément de déroger à la disposition, mais cette défense est implicitement comprise dans le commande- ment.
17—On voit donc que la doctrine et la jurisprudence ensei- gnent que le défaut par un organisme de respecter les obliga tions que la Loi lui impose quant à l'exercice de sa juridiction
2 Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P., DORS/75-604.
entraine la nullité de leurs décisions lorsqu'une telle violation cause de graves préjudices aux parties;
18—Nous soumettons bien respectueusement que le défaut par la Commission de respecter les dispositions impératives de l'article 86(1) du Règlement cause un grave préjudice au requérant, principalement celui de le mettre dans l'impossibilité d'évaluer juridiquement si la décision de la Commission est appelable en vertu de l'article 28 de la Loi dans la Cour Fédérale [sic], puisqu'il ne peut à la lecture de la décision, voir si la Commission a commis une erreur de droit, autre que celle concernant l'article 86(1) du Règlement, ou si elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon absurde ou arbitraire, sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance;
Dans l'examen des moyens fondés sur l'article 86 du Règlement, il faut se rappeler que, à la demande du syndicat agissant pour le compte du requérant et de nombreux autres employés s'esti- mant lésés, l'arbitre avait entendu tous les griefs ensemble en raison de l'argument rapporté par l'arbitre, suivant lequel il serait [TRADUCTION] «en mesure de rendre une décision dans chaque cas seulement après avoir entendu tous les témoigna- ges et avoir eu la possibilité d'examiner la peine qu'a imposée l'employeur à chaque employé s'esti- mant lésé». Ayant ainsi entendu tous les griefs ensemble, l'arbitre a rendu ses décisions dans un même document. Après avoir exposé le cours des événements, l'arbitre y consacre plus de dix pages à faire l'historique de l'affaire qui était commune à chaque cas, à expliquer ainsi qu'il suit les critères dont il s'est servi pour analyser les cas individuels:
CRITÈRES DE L'ANALYSE DE LA PREUVE
Pour analyser la preuve faite devant lui et en arriver à une décision tenant compte de tous les critères, l'arbitre a respecté certains principes de droit énumérés ci-après et s'est fabriqué une carte sur laquelle apparaît le nom de tous les plaignants avec les faits pertinents à leur cas, cette carte de comparaison sera expliquée plus loin.
et à expliquer les principes juridiques qu'il se proposait d'appliquer et la carte qu'il avait prépa- rée pour comparer la situation des employés s'esti- mant lésés, les uns par rapport aux autres. Il a alors introduit son examen des griefs individuels comme suit:
LA PREUVE ET LES FAITS DANS CHAQUE CAS
L'arbitre entend maintenant examiner chacun des cas des plaignants en particulier; les griefs ne seront pas récités mais il sera dit qu'elle [sic] est la mesure disciplinaire dont se plaint le plaignant, la mention de son ancienneté et de son dossier
disciplinaire sera faite de même que s'il est délégué syndical ou pas, l'acte qu'on lui reproche et la preuve qui fut faite.
Lorsque tous les cas auront été examinés, l'arbitre reviendra dans ses conclusions et décisions pour chaque cas statuant sur la mesure imposée à savoir si elle est adéquate ou pas et s'il y a lieu d'en substituer une autre.
(En ce qui concerne cette introduction il faut noter que l'arbitre dit que les griefs ne seront pas expo-
sés comme tels mais que la mesure disciplinaire dont on se plaint sera exposée.) Après cela, l'arbi- tre passe à l'examen des griefs respectifs et il convient de répéter ici ce qu'il a dit tant au sujet du grief de Gilbert Faulkner que de celui du requérant:
1 ° - GILBERT FAULKNER 166-2-2124
Congédié, ancienneté à mai 1968, dossier antérieur de répri- mandes et trois (3) suspensions, délégué syndical.
On lui reproche d'avoir été le 12 avril, leader dans une expulsion d'aides occasionnels, d'avoir été le leader pour avoir occasionné un arrêt de travail et s'emparer d'un bureau de secrétariat durant toute la journée et d'avoir bousculé des surveillants à la porte de l'édifice des postes et tout ceci au moment d'une visite des lieux par le Ministre des Postes.
Sur ces trois (3) reproches faits par l'employeur, la preuve a été faite de façon catégorique, le plaignant était le leader en cette occasion dans les trois (3) incidents qu'on lui reproche, il était même monté sur un chariot et haranguait la foule, c'est un cas l'arbitre ne croit pas devoir intervenir.
5°—MIcHEL PROULX 166-2-2134
Congédié, ancienneté à juillet 1973, pas de dossier
disciplinaire.
On lui reproche pour le 12 avril, les trois (3) mêmes incidents qu'à Faulkner, mais comme second et l'employeur a fait la preuve de ces incidents.
On lui reproche aussi d'avoir le 13 avril expulsé des aides occasionnels sur le trottoir en face de l'édifice des postes.
De tous les témoins amenés en défense, un seul est sympathi- que, le témoin Lee et il ne contredit rien de ce qui s'est passé le 12 avril.
L'arbitre ne croit pas non plus pouvoir intervenir.
A mon avis, il y a des doutes sérieux que l'article 99(3) ait autorisé la Commission à établir une formule rigide pour la «forme» des motifs de la «décision» d'un arbitre par opposition à la «forme» de la décision même qui dispose d'un grief. En outre, même si le pouvoir de réglementation de la Commission s'étend bien aux règlements concer- nant la «forme» des motifs d'un arbitre, je doute que les règlements ainsi établis soient impératifs, par opposition à facultatifs. C'est-à-dire que je
doute qu'un simple écart de la forme prescrite qui ne résulte pas en une décision possiblement injuste suffise, en soi, à annuler la décision d'un arbitre. Je fais toutefois abstraction de ces doutes parce que, prenant pour acquis que ces doutes n'ont pas de conséquences, je suis d'avis, lisant la décision de l'arbitre dans son ensemble et dans le contexte de la procédure prise comme un tout, que cette déci- sion est en substance conforme à l'article 86 du Règlement. A ce qu'il me semble, la lecture de la décision dans son ensemble montre clairement que certains arguments d'ordre général ont été avancés pour le compte de tous les employés s'estimant lésés et l'arbitre a clairement exprimé les principes qu'il appliquait dans chaque cas par suite de ces arguments. En ce qui concerne le requérant lui- même, une lecture de la décision montre sans aucun doute possible que les questions précises soulevées étaient:
a) les actes d'inconduite ont-ils été bien prouvés?
b) le renvoi est-il une mesure disciplinaire excessive?
A ce sujet, l'arbitre a expliqué quelle était l'incon- duite retenue contre le requérant (quoique son explication ne soit pas aussi claire qu'elle aurait pu l'être) et, au moyen de sa carte, comment il avait apprécié l'inconduite du requérant par rapport à celle des autres pour en arriver à sa conclusion sur la justification du renvoi compte tenu de cette conduite. 3
Je ne trouve aucun fondement à la prétention du requérant suivant laquelle le prétendu défaut d'ob- server l'article 86 du Règlement l'a empêché d'examiner la possibilité d'obtenir un redressement contre cette décision en ayant recours à l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale. L'arbitre, à ce qu'il me semble, a exposé de façon tout à fait claire ce qu'il a retenu contre le requérant et les principes juridiques et méthodes qu'il a appliqués pour ce faire.
La copie de la «carte» dans le dossier présenté à la Cour est illisible. Il appert que la copie expédiée au requérant l'est également. Cela ne justifie toutefois pas une plainte, même si les motifs sont une condition préalable à la validité de la décision, lorsque, de toute évidence, le requérant n'a pas essayé d'obtenir une copie lisible.
Les prétentions du requérant sont formulées comme suit dans son exposé touchant le second volet de son attaque contre la décision de l'arbitre:
19—Subsidiairement, sans préjudice à ce que ci-dessus plaidé, nous soumettons que le défaut par la Commission de se soumet- tre au paragraphe d) de l'article 86(1) soit de motiver sa décision, constitue en outre une violation des règles de justice naturelle qui veulent que non seulement justice doit être rendue mais qu'il doit apparaître que justice a été rendue;
20—Dans une décision récente, la Cour d'Appel du Québec, affirmait que le défaut par des organismes comme le Conseil de discipline du Collège des médecins et chirurgiens de la Province de Québec et le Comité d'Appel du Bureau Provincial des Médecins, (de motiver leurs décisions) lorsqu'expressément exigé par les règlements, constituerait une violation des règles de justice naturelle, entraînant la nullité de leurs décisions.
Comité d'Appel du Bureau Provincial de Médecine c. Paul- Emile Chevrefils. 1974 C.A. 123.
Page 127, Monsieur le Juge Gagnon:
Une telle juridiction disciplinaire doit être exercée en confor- mité de la Loi et des règles que la Corporation profession- nelle a jugé opportun d'imposer à ses organismes disciplinai- res et en respectent [sic] les prescriptions de la justice naturelle. J'irais jusqu'à dire qu'un tel organisme auquel le Législateur a donné des pouvoirs aussi considérables sur ses membres, doit observer strictement les règles de procédure applicable.
Le Collège, dans sa sagesse et pour la protection de ses membres amenés devant un Conseil de discipline a exigé que celui-ci motive sa décision. Dans l'espèce le Conseil de disci pline n'a pas satisfait à cette exigence et je suis d'avis qu'il s'agit de plus qu'une simple irrégularité et que sa décision était nulle et sans effet. (les soulignés sont de nous.)
21—Il nous apparaît inconcevable et également contraire aux principes de justice naturelle qu'un organisme comme la Com mission puisse rendre une décision comme celle rendue en la présente instance, alors que l'enquête du grief du requérant a duré près de deux (2) jours et que vingt (20) témoins ont été entendus nécessitant la transcription de cinq cent une (501) pages de notes sténographiques. Une telle attitude constitue à tout le moins, un abus de pouvoir de la Commission;
22—Le moins que l'on puisse dire de la décision rendue, est qu'il n'apparaît pas que justice a été rendue alors que l'article 86 du règlement a justement été édicté dans ce but;
Je ne vois aucune violation des principes de justice naturelle, si je les comprends bien, qui pourrait justifier l'annulation de la décision qui fait l'objet de la présente demande. Rien ne laisse entendre que le requérant n'a pas eu pleine possibi- lité de répondre aux allégations avancées contre lui. Rien ne laisse entendre que l'arbitre ait été partial. Ces deux branches de la justice naturelle
constituent, autant que je sache, les principes éta- blis de justice naturelle.
A mon avis, comme je l'ai expliqué précédem- ment, il n'est pas question ici de défaut de donner les motifs de la décision attaquée. Même si aucun motif n'avait été donné, cela, en soi, ne constitue- rait pas à mon avis une violation des règles de justice naturelle qui entraînerait la nullité de la décision. 4 (Dans certaines circonstances, l'absence de motifs pourrait fonder la conclusion qu'il y a eu, avant la décision, une violation des principes de justice naturelle qui constituerait un motif pour annuler la décision, mais c'est une question de preuve et non de droit positif—comparer M.R.N. c. Wrights' Canadian Ropes Ltd. 5 ) Si je com- prends bien, le rôle essentiel des motifs n'est pas d'assurer que justice est faite, mais d'essayer de faire réaliser aux parties (particulièrement la partie perdante) que l'affaire a été examinée d'une manière judiciaire, sans parti pris, et ainsi, en rendant les décisions plus facilement acceptables, faire en sorte qu'il soit plus probable que l'applica- tion régulière de la loi atteindra son objectif qui est de se substituer à l'anarchie. 6 Quoi qu'il en soit, même si un défaut de donner des motifs appropriés à cette fin constituait, en soi, une violation des principes de justice naturelle, ce défaut n'existe pas en l'espèce. La justice naturelle, si je com- prends bien, est une question de fond et non de forme.
Je suis d'avis qu'il faut rejeter la demande for- mulée en vertu de l'article 28.
* * *
° L'obligation qu'impose une loi d'exposer des motifs peut bien, dans certains cas, être une condition préalable à la validité d'une décision. C'était évidemment le cas dans la loi régissant l'extinction du statut juridique d'une personne que la Cour d'appel du Québec examinait dans Comité d'Appel du Bureau Provincial de Médecine c. Chèvrefils [1974] C.A. 123. On comprend facilement qu'un corps législatif peut exiger qu'une personne ne soit pas privée de son statut dans le monde économique à moins qu'on ne lui ait expliqué d'une manière déterminée que toutes les exigences—fixées par la loi et la procédure—ont été respectées.
5 [1947] 1 D.L.R. 721, aux pp. 731 et 732.
6 La formulation de motifs sert également, et c'est très important, à garantir que le tribunal s'est assuré qu'il a exa- miné tous les problèmes pertinents de la façon requise par les principes juridiques applicables. D'autres fonctions des motifs, comme celles de parer aux attaques légales contre la décision et créer la jurisprudence sont, à mon avis, de nature tout à fait secondaire.
LE JUGE SUPPLÉANT HYDE: Je suis d'accord.
* *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE LE DAIN (dissident): J'ai eu l'avantage de lire les motifs du juge en chef, mais je ne peux être d'accord avec la conclusion qu'il a tirée.
L'arbitre s'attaquait sans aucun doute à une tâche difficile en tentant d'examiner de façon
adéquate 95 griefs dans un seul document, mais à mon avis sa décision sur le grief du requérant ne respecte pas les exigences de l'article 86(1) des Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P. 7 Elle ne contient pas un sommaire des observations des parties ni un exposé suffisant des motifs de la décision. Elle ne fournit aucune base susceptible d'examen, ce qui, je pense, est un des principaux objectifs d'une exigence, formulée dans
une loi ou un règlement, voulant qu'un tribunal administratif donne les motifs de sa décision 8 .
Dans Mountview Court Properties Ltd. c. Devlin 9 , le lord juge en chef Parker a examiné
dans les termes suivants ce qui est requis lorsqu'il y a obligation de donner des motifs:
[TRADUCTION] La réponse à la question de savoir quels motifs sont suffisants dans un cas particulier dépend nécessaire- ment des faits de l'espèce. J'aborde la question de la manière suivante: des motifs ne sont pas incomplets simplement parce que chaque étape du raisonnement n'est pas exposée. Je pense en outre que des motifs ne sont pas insuffisants simplement parce qu'ils ne traitent pas de chaque point soulevé à l'audience devant le comité. De fait, j'adopte les mots qu'a employés le juge Megaw dans Re Poyser and Mills' Arbitration [[19641 2 Q.B. 467]. Il s'agissait d'une décision arbitrale, mais le juge Megaw dit [[19641 2 Q.B. 467, aux pp. 477 et 478]:
L'article 12 de la Tribunals and Inquiries Act 1958 avait pour but de permettre aux personnes dont les biens, ou les droits, étaient touchés par quelque décision administrative ou arbitrale prévue par la loi, de savoir, si la décision leur était défavorable, quels en étaient les motifs. Avant cela, les biens
7 86. (1) La décision d'un arbitre ou d'un conseil d'arbitrage doit contenir
a) un sommaire du grief;
b) un sommaire des observations des parties;
c) la décision intervenue sur le grief; et
d) les motifs de la décision.
8 Iveagh (Earl of) c. Minister of Housing and Local Govern ment [1962] 2 Q.B. 147, la p. 160; [1964] 1 Q.B. 395, aux pp. 405, 410 et 413; Westminster Bank Ltd. c. Beverley Borough Council [1969] 1 Q.B. 499, la p. 508.
9 (1970) 21 P.& C.R. 689, aux pp. 692 et 693.
et autres droits des gens pouvaient être gravement touchés par une décision d'un fonctionnaire. La décision pouvait être tout à fait juste, mais la personne contre qui elle était rendue pouvait se plaindre à juste titre qu'on ne lui avait pas dit pourquoi la décision avait été rendue. L'article 12 avait pour but de remédier à cette situation et d'y remédier relativement aux questions soumises à l'arbitrage en vertu de cette loi. Le Parlement a prévu qu'il fallait donner des motifs et, à mon avis, cela signifie des motifs appropriés et adéquats. Les motifs exposés doivent non seulement être intelligibles, mais aussi examiner les points importants qui ont été soulevés.
Un peu plus bas, il dit [Ibid. p. 478]:
Je ne dis pas que toute erreur mineure ou sans importance, ou que le défaut de donner des motifs concernant tout point particulier soulevé à l'instance,
—il parlait d'une erreur de droit évidente à la lecture d'une décision—«constituerait une raison suffisante pour en appeler à la compétence de cette cour.»
Exception faite de certains principes généraux que l'arbitre a examinés de façon adéquate dans son analyse introductive, il était saisi de deux questions relativement au grief du requérant:
1. La preuve démontre-t-elle les actes d'incon- duite invoqués par l'employeur pour justifier le renvoi?
2. La mesure disciplinaire que constitue le renvoi est-elle démesurée par rapport à l'incon- duite?
Au moyen d'un paragraphe identique de leur exposé respectif, les parties nous ont décrit l'im- portance de l'audition du grief du requérant et de la preuve présentée. Voici ce paragraphe:
L'audition du grief du requérant débuta le 13 janvier 1976 et se poursuivit les 20, 21 et 29 janvier de la même année. Au cours des dites auditions, l'employeur fit entendre douze (12) témoins, tandis que le requérant en appela huit (8). L'ensemble des témoignages nécessita la transcription de cinq cent une (501) pages de notes sténographiques (documents de la Com mission, pages 5 à 10);
L'arbitre a exposé sous la rubrique «LA PREUVE ET LES FAITS» ce qu'il se proposait de faire par voie d'analyse des points litigieux:
L'arbitre entend maintenant examiner chacun des cas des plaignants en particulier; les griefs ne seront pas récités mais il sera dit qu'elle [sic] est la mesure disciplinaire dont se plaint le plaignant, la mention de son ancienneté et de son dossier disciplinaire sera faite de même que s'il est délégué syndical ou pas, l'acte qu'on lui reproche et la preuve qui fut faite.
Lorsque tous les cas auront été examinés, l'arbitre reviendra dans ses conclusions et décisions pour chaque cas statuant sur
la mesure imposée à savoir si elle est adéquate ou pas et s'il y a lieu d'en substituer une autre.
Les conclusions sur le grief Proulx doivent être lues avec celles portant sur le grief Faulkner auquel elles font référence. Elles constituent ensemble cette analyse des points litigieux concer- nant le grief du requérant que l'on retrouve dans la décision de l'arbitre. Les passages en question sont les suivants:
5 ° -MICHEL PROULX 166-2-2134
Congédié, ancienneté à juillet 1973, pas de dossier
disciplinaire.
On lui reproche pour le 12 avril, les trois (3) mêmes incidents qu'à Faulkner, mais comme second et l'employeur a fait la preuve de ces incidents.
On lui reproche aussi d'avoir le 13 avril expulsé des aides occasionnels sur le trottoir en face de l'édifice des postes.
De tous les témoins amenés en défense, un seul est sympathi- que, le témoin Lee et il ne contredit rien de ce qui s'est passé le 12 avril.
L'arbitre ne croit pas non plus pouvoir intervenir. l°—GILBERT FAULKNER 166-2-2124
Congédié, ancienneté à mai 1968, dossier antérieur de répri- mandes et trois (3) suspensions, délégué syndical.
On lui reproche d'avoir été le 12 avril, leader dans une expulsion d'aides occasionnels, d'avoir été le leader pour avoir occasionné un arrêt de travail et s'emparer d'un bureau de secrétariat durant toute la journée et d'avoir bousculé des surveillants à la porte de l'édifice des postes et tout ceci au moment d'une visite des lieux par le Ministre des Postes.
Sur ces trois (3) reproches faits par l'employeur, la preuve a été faite de façon catégorique, le plaignant était le leader en cette occasion dans les trois (3) incidents qu'on lui reproche, il était même monté sur un chariot et haranguait la foule, c'est un cas l'arbitre ne croit pas devoir intervenir.
Sous la rubrique «CONCLUSIONS ET DÉCISIONS» à la fin de la décision de l'arbitre, on trouve après le nom du requérant la simple mention—«grief rejeté».
Les motifs ci-dessus ne sont guère plus, à mon avis, qu'une expression de la conclusion de l'arbitre sur les deux questions dont il était saisi—en d'au- tres mots, la décision elle-même. Il ne mentionne pas les questions touchant l'appréciation de la preuve ou l'à-propos de la mesure disciplinaire. De plus, ces motifs sont ambigus sur un détail impor tant: les conclusions de l'arbitre sur les actes du 13 avril, par opposition à ceux du 12 avril. Cette ambiguïté vient de l'absence de tout renvoi à la preuve des actes du 13 avril et de la phrase: «De
tous les témoins amenés en défense, un seul est sympathique, le témoin Lee et il ne contredit rien de ce qui s'est passé le 12 avril».
La «carte de comparaison» a peut-être été utile à l'arbitre pour établir ces comparaisons, mais elle rassemble sur une seule page des notes concernant 95 griefs et, en la réduisant à la taille d'un papier correspondance pour l'insérer dans la décision, on l'a manifestement rendue illisible. Je ne crois pas que ce soit simplement une question de clarté de photocopie; c'est évidemment une question de dimension. Quoi qu'il en soit, les renseignements notés sur la «carte de comparaison», comme il ressort de la description qu'on en donne aux pages 16 et 17 de la décision, sont de nature tellement sommaire qu'ils jettent peu, sinon pas du tout, de lumière sur les motifs de la décision.
L'obligation qu'impose une loi ou un règlement de donner les motifs d'une décision administrative est tellement importante qu'à mon avis, elle doit être considérée comme impérative et non comme facultative. Il semble constant dans la jurispru dence et chez les auteurs que cette exigence est impérative, en ce sens qu'un mandamus pourrait être délivré pour forcer quelqu'un à s'y conformer, mais il y a eu des divergences évidentes d'opinions sur la question de savoir si le défaut de se confor- mer à l'exigence constitue une erreur de droit 10 . J'opte pour l'opinion qui le considère comme une erreur de droit donnant ouverture à l'annulation d'une décision.
Je voudrais ajouter avant de conclure qu'à mon avis les exigences formulées à l'article 86(1) du Règlement ont trait à la forme de la décision et relèvent donc du pouvoir que confère l'article 99(3)d) de la Loi sur les relations de travail dans
10 Comparer Brayhead (Ascot) Ltd. c. Berkshire County Council [1964] 2 Q.B. 303, la p. 313; In re Poyser and Mills' Arbitration [1964] 2 Q.B. 467, la p. 478; Givaudan & Co. Ltd. c. Minister of Housing and Local Government [1967] 1 W.L.R. 250, la p. 257; Regina c. Industrial Injuries Com missioner, ex parte Howarth (1968) 4 K.I.R. 621, aux pp. 626 et 627; Mountview Court Properties Ltd. c. Devlin (1970) 21
P.& C.R. 689, aux pp. 693 695, et 696; In re Allen and Matthews' Arbitration [1971] 2 Q.B. 518, aux pp. 524 et 526; de Smith, Judicial Review of Administrative Action, 3' éd., 117, 130.
la Fonction publique".
Pour ces motifs, j'accueillerais la demande for- mulée en vertu de l'article 28, j'annulerais la déci- sion de l'arbitre concernant le grief du requérant et renverrais l'affaire à l'arbitre pour qu'il procède à un nouvel examen et rende une nouvelle décision qui respecte l'article 86 des Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P. et soit fondée sur la preuve et les arguments qui ont déjà été présentés.
" Voir In re Poyser and Mills' Arbitration (précité), à la p. 478, le juge Megaw dit, au sujet d'une obligation prévue par la loi de donner des motifs: [TRADUCTION] «A mon avis, il est exact de considérer cette disposition de la loi comme une disposition portant sur la forme que doit prendre la décision arbitrale».
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