A-46-74
Wardean Drilling Co., Limited (Appelante)
c.
Le ministre du Revenu national (Intimé)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, le juge
Pratte et le juge suppléant Manning—Calgary, les
2 et 3 mars 1978.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Déductions —
Exploration pétrolière et dépenses de forage — Vente du puits
de gaz de l'appelante — Est-ce que cette transaction équiva-
lait à une vente de tous les biens ou sensiblement tous les biens
de manière à priver l'appelante du droit à la déduction des
dépenses de forage et d'exploration pour les années à venir —
Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, art. 83A(8a).
Il s'agit d'un appel de la Division de première instance qui a
rejeté l'appel des cotisations établies en vertu de la Partie I de
la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition
1968 et 1969. L'objet du litige porte sur la prétention que la
principale entreprise de l'appelante en 1964 n'était pas une
entreprise gazière mais plutôt une combinaison d'une entreprise
gazière et d'une entreprise minière, et sur la prétention que la
vente du «puits» n'était pas une vente de tous les actifs ou
sensiblement tous les actifs utilisés par l'appelante dans l'exer-
cice de son entreprise. Si la vente du puits équivalait à la vente
de tous les actifs ou sensiblement tous les actifs, par le jeu de
l'article 83A(8a), les dépenses de forage et d'exploration que
l'appelante cherchait à déduire se perdraient avec le bien, par
contre, si la transaction n'équivalait pas à la vente de tous les
actifs ou sensiblement tous les actifs, l'appelante conservait le
droit de déduire ces dépenses de forage et d'exploration dans les
années à venir lorsque le revenu sera suffisant pour utiliser ces
crédits.
Arrêt: l'appel est rejeté. Le juge de première instance a
décidé que la principale entreprise de l'appelante en 1964 était
«une entreprise gazière», rejetant ainsi les prétentions de cette
dernière. Il existait une preuve étayant cette conclusion, et on
ne peut dire qu'elle était manifestement erronée. Le juge de
première instance a également décidé que la vente du puits en
1964 constituait une vente de «sensiblement tous les biens»
utilisés par l'appelante dans l'entreprise; il avait parfaitement
raison. On a soutenu que les parties pertinentes de l'article
83A(8a) devaient être interprétées comme ne s'appliquant pas à
la vente d'un seul bien producteur (même s'il constituait sensi-
blement tous les actifs utilisés dans les activités de l'entreprise)
si ladite vente ne portait pas aussi sur les livres et écritures de la
compagnie qui auraient permis à l'acheteur de profiter des
déductions de l'article 83A auxquelles il aurait eu droit en vertu
de l'article 83A(8a) si cette disposition s'était appliquée. Les
termes applicables de l'article ne permettent pas une interpréta-
tion aussi restrictive.
Distinction faite avec l'arrêt: Le ministre du Revenu natio
nal c. Consolidated Mogul Mines Ltd. [1969] R.C.S. 54.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
F. R. Matthews, c.r., pour l'appelante.
L. P. Chambers et C. G. Pearson pour
l'intimé.
PROCUREURS:
MacKimmie, Matthews, Calgary, pour l'ap-
pelante.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Appel est interjeté
d'un jugement de la Division de première instance
[[1974] 1 C.F. 336] qui a rejeté un appel des
cotisations établies en vertu de la Partie I de la Loi
de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, pour
les années d'imposition 1968 et 1969.
Le savant juge de première instance a repris
dans ses motifs de jugement les dispositions légis-
latives en cause et les faits qui ont donné lieu au
litige et je me propose de mentionner uniquement
ce qui me semble pertinent pour juger du bien-
fondé de l'appel interjeté devant la présente cour,
prenant pour acquis que chacun se souvient des
motifs du jugement de première instance.
A ce qu'il me semble, il est clair
(1) que l'appelante n'a droit aux déductions
prévues à l'article 83A et en litige ici que si son
entreprise principale consistait, au cours des
années d'imposition 1968 et 1969, dans
a) la production, le raffinage ou la mise en
vente du pétrole, des produits du pétrole ou du
gaz naturel, ou l'exploration ou le forage en
vue de découvrir du pétrole ou du gaz naturel
(ce qu'on appelle ci-après une «entreprise
gazière»), ou
b) l'exploitation minière ou l'exploration pour
la découverte de minéraux (ce qu'on appelle
ci-après une «entreprise minière»); et
•
(2) qu'en supposant que l'appelante ait autre-
ment droit à ces déductions, compte tenu des
conclusions atteintes sur les faits par la Division
de première instance selon laquelle
a) l'entreprise de l'appelante était, en 1964,
une «entreprise gazière», et
b) le «puits» vendu par l'appelante en 1964
constituait à lui seul «tous les biens ou sensi-
blement tous les biens» qu'elle utilisait dans
l'exercice de son entreprise,
et en supposant que ces conclusions soient main-
tenues, l'appelante, en raison de la vente de ce
«puits», a perdu le droit de faire lesdites déduc-
tions en vertu des derniers mots de l'article
83A(8a).
A la lumière des plaidoiries, il semblerait que ces
deux divisions des faits pertinents soulèvent des
controverses. Relativement à l'entreprise princi-
pale de l'appelante, voir le paragraphe A(2) de
l'avis d'appel et le paragraphe A(1)c) de la
réponse amendée. Relativement à l'article
83A(8a), voir l'article 3b) de la réponse amendée.
A l'ouverture du procès, l'avocat de l'appelante
a affirmé que le litige portait essentiellement sur
[TRADUCTION] «la question de savoir si la transac
tion d'avril 1964 équivalait à une vente de tous les
biens ou sensiblement tous les biens, dans quel cas
nous admettons qu'en vertu du paragraphe (8a) les
dépenses de forage et d'exploration que nous avons
cherché à déduire ... se perdent avec le bien», et il
a ajouté [TRADUCTION] «Notre thèse ... est qu'il
ne s'agissait pas d'une vente de tous les actifs ou
sensiblement tous les actifs que la compagnie utili-
sait dans l'exercice de son entreprise pétrolière,
gazière et minière, et qu'elle conserve donc le droit
de déduire ces dépenses de forage et d'exploration
dans les années à venir lorsque le revenu sera
suffisant pour justifier l'utilisation de ces crédits»,
et il a poursuivi en disant [TRADUCTION] «Voilà
tout le litige résumé en deux mots ...».
Si je comprends bien, en effet, l'avocat de l'ap-
pelante, avec le consentement de l'avocat de l'in-
timé, a limité le litige aux points suivants:
a) avait-il raison de soutenir que la principale
entreprise de l'appelante ne constituait pas en
1964 une «entreprise gazière» mais plutôt une
combinaison d'une «entreprise gazière» et d'une
«entreprise minière»; et
b) avait-il raison de soutenir que la vente du
«puits» n'était pas une vente de tous les actifs ou
sensiblement tous les actifs utilisés par l'appe-
lante dans l'exercice de son entreprise.
On n'a pas évoqué au début l'autre fait essentiel au
succès de l'appelante qui a été contesté par les
plaidoiries, à savoir qu'au cours des années d'impo-
sition 1968 et 1969, la principale entreprise de
l'appelante était soit une «entreprise gazière», soit
une «entreprise minière».
Le savant juge de première instance a rejeté la
prétention de l'appelante relativement à sa princi-
pale entreprise en 1964 et jugé que cette dernière
était, cette année-là, une «entreprise gazière». Je
suis d'avis que la preuve étayait cette conclusion;
on ne peut dire qu'elle soit manifestement erronée.
Avant d'arriver à cette conclusion, j'ai examiné
attentivement là prétention formulée par l'appe-
lante devant la présente cour, selon laquelle le
savant juge de première instance aurait omis d'ap-
pliquer le principe établi dans Le ministre du
Revenu national c. Consolidated Mogul Mines
Limited'. Selon moi, cette décision établit qu'une
personne peut exploiter une «entreprise minière» en
devenant, en fait, partenaire dans l'«entreprise
minière» de chacune des nombreuses compagnies
dont elle détenait une part importante des actions
et avec lesquelles elle avait conclu une entente ou
un contrat lui assurant, dans une large mesure, le
contrôle des autres activités minières de la compa-
gnie. La question de savoir si une personne exerce
une telle «entreprise minière» pose un cas d'espèce
et à mon avis, aucun fait n'établit ici que l'appe-
lante exerçait une telle entreprise en 1964. Selon
moi, l'arrêt Mogul n'établit pas qu'en droit qu'une
compagnie-mère soit une compagnie qui exerce
une «entreprise minière» uniquement parce que ses
filiales exercent une «entreprise minière», que les
directeurs des deux compagnies sont sensiblement
les mêmes, et qu'il y a possiblement eu des incur
sions mineures non coordonnées dans l'exploration
minière, comme le révèle le dossier en l'espèce.
Après avoir conclu que l'appelante exerçait en
1964 une «entreprise gazière», le savant juge de
première instance a estimé, après examen attentif
de la preuve, que la vente du «puits» en 1964
constituait une vente de «sensiblement tous les
biens» utilisés par l'appelante dans l'entreprise. A
[1969] R.C.S. 54.
mon avis, non seulement il n'est pas évident qu'il
ait fait erreur mais les faits établis au dossier
montrent clairement qu'il avait raison.
Devant la présente cour, on a soutenu, si j'ai
bien compris, que les parties pertinentes de l'arti-
cle 83A(8a) devaient être interprétées comme ne
s'appliquant pas à la vente d'un seul bien produc-
teur (même s'il constituait sensiblement tous les
actifs utilisés dans les activités de l'entreprise) si
ladite vente ne portait pas aussi sur les livres et
écritures de la compagnie qui auraient permis à
l'acheteur de profiter des déductions de l'article
83A auxquelles il aurait eu droit en vertu de
l'article 83A(8a) si cette disposition s'était appli-
quée. Selon moi, les termes applicables de l'article
ne permettent pas une interprétation aussi
restrictive.
En conséquence, je suis d'avis de rejeter l'appel
avec dépens.
Je dois dire en outre qu'à mon avis, même si
l'appelante a réussi à se soustraire aux dispositions
de l'article 83A(8a), la question de savoir si elle
peut se prévaloir de l'article 83A(3) et (3b) relati-
vement aux années d'imposition 1968 et 1969 est
encore entière si l'on tient compte de la nécessité
d'établir qu'au cours de ces années sa principale
entreprise était soit une «entreprise gazière», soit
une «entreprise minière». Même si des admissions
ont été faites au procès sur ce point (ce qui n'est
pas clair pour moi), il semblerait que, compte tenu
de la preuve, la seule activité lucrative de l'appe-
lante pendant ces années était l'exécution de «con-
trats de forage» qui ne constitue pas à première
vue une «entreprise gazière» ou une «entreprise
minière». 2 Cependant, il semble que ce point n'a
pas été soulevé en première instance; s'il l'avait
été, j'aurais été porté à renvoyer les cotisations à
l'intimé pour qu'il les examine en tenant compte de
cet aspect de la question. A ce propos, j'émets des
doutes au sujet de la proposition voulant que les
paragraphes (3) ou (3b) s'appliquent si l'«entre-
prise principale» était, au moment pertinent, une
2 Selon moi, la Cour suprême du Canada a établi que lors-
qu'une admission est contredite par la preuve, on doit considé-
rer que l'admission a été faite erronément. Voir Sinclair c. Blue
Top Brewing Co. Ltd. [1947] 4 D.L.R. 561, à la page 562, et
La Reine c. Le secrétaire d'État [1953] 1 R.C.S. 417, à la page
424.
combinaison d'une «entreprise gazière» et d'une
«entreprise minière» ou bien n'était ni une «entre-
prise gazière», ni une «entreprise minière».
* * *
LE JUGE PRATTE y a souscrit.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT MANNING y a souscrit.
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