A-235-78
Bruce Dale Robertson (Requérant)
c.
Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration
(Intimé)
Cour d'appel, les juges Heald et Ryan et le juge
suppléant MacKay—Toronto, les 14 et 15 juin;
Ottawa, le 11 septembre 1978.
Examen judiciaire — Immigration — Ordonnance d'expul-
sion rendue contre le requérant — Celui-ci a été reconnu
coupable en 1971 d'une infraction punissable, en vertu du Code
criminel en vigueur à cette époque, d'une peine d'une durée
maximale d'emprisonnement de dix ans — Disposition du
Code criminel modifiée par la suite de façon à prévoir une
durée maximale d'emprisonnement inférieure à dix ans —
L'ordonnance d'expulsion rendue conformément à l'art. 19(1)c)
de la Loi sur l'immigration de 1976 doit-elle être annulée? —
Ordonnance d'expulsion annulée — Loi sur l'immigration de
1976, S.C. 1976-77, c. 52, art. 19(1)c) — Loi sur la Cour
fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), c. 10, art. 28.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
Alan D. Levy pour le requérant.
B. Segal pour l'intimé.
PROCUREURS:
Alan D. Levy, Toronto, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Il s'agit ici d'une demande
présentée en vertu de l'article 28, visant à réexami-
ner et infirmer une ordonnance d'expulsion rendue
le 12 mai 1978 contre le requérant par Robert
Parkes, arbitre désigné en vertu de la Loi sur
l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, c. 52.
A la suite des plaidoiries, la Cour a ordonné aux
avocats de soumettre des mémoires sur la question
de savoir si l'arbitre avait commis une erreur de
droit en appliquant à l'espèce les dispositions de
l'article 19(1)c) de la Loi sur l'immigration de
1976. Les mémoires ont été reçus. Après les avoir
examinés et avoir entendu les arguments des avo-
cats à l'audience, j'ai conclu que l'arbitre avait, en
vérité, commis une erreur de droit en appliquant
les susdites dispositions' au présent litige.
Le requérant a été déclaré coupable d'avoir eu
en sa possession en 1971 des biens volés et il a été
condamné à six mois d'assujettissement à une
ordonnance de probation. Les biens volés valaient
plus de $50, et l'article 313a) du Code criminel en
vigueur à cette époque prévoyait «une durée maxi-
male d'emprisonnement» de dix ans pour cette
infraction. L'article 313a) a été modifié par la
suite de façon à prévoir une durée maximale d'em-
prisonnement de dix ans au seul cas où la valeur
des biens volés excéderait $200. En l'espèce les
parties n'ont pas soulevé la question de savoir si les
biens valaient réellement moins de $200, la preuve
ayant démontré que la valeur au détail de ceux-ci
n'excéderait pas $150, tandis qu'au prix de gros
leur valeur serait d'environ $45 $60.
Il appert aussi que la peine maximale prévue
pour la possession de biens volés, si l'infraction
avait été commise en 1978, comporterait une peine
d'emprisonnement de deux ans en vertu des dispo
sitions de l'article 313b) du Code criminel.
L'article 19(1)c) de la Loi sur l'immigration de
1976 est entré en vigueur le 10 avril 1978. Il se
réfère aux ".. . personnes qui ont été déclarées
coupables d'une infraction qui constitue ... une
infraction ...». [C'est moi qui souligne.]
A mon avis, l'article 19(1)c) ne peut être invo-
qué pour expulser une personne qu'au cas où cel-
le-ci a été déclarée coupable d'une infraction pour
laquelle la peine maximale prévue, à la date où
l'ordonnance d'expulsion a été prononcée, était de
dix ans. Le verbe «constitue» employé au présent
vient étayer cette opinion, ainsi que l'article 10 de
' la Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, c. I-23, dont
voici le libellé:
' 19. (1) Ne sont pas admissibles
c) les personnes qui ont été déclarées coupables d'une infrac
tion qui constitue, qu'elle ait été commise au Canada ou à
l'étranger, une infraction qui peut être punissable, en vertu
d'une loi du Parlement, d'une peine maximale d'au moins dix
ans d'emprisonnement, à l'exception de celles qui établissent
à la satisfaction du gouverneur en conseil qu'elles se sont
réhabilitées et que cinq ans au moins se sont écoulés depuis
l'expiration de leur peine;
10. La loi est censée toujours parler et, chaque fois qu'une
matière ou chose est exprimée au présent, il faut l'appliquer
aux circonstances au fur et à mesure qu'elles surgissent de
façon à donner effet au texte législatif ainsi qu'à chacune de ses
parties, selon son esprit, son intention et son sens véritables.
J'estime en conséquence, pour les motifs ci-dessus,
que l'ordonnance d'expulsion en cause doit être
infirmée.
* * *
LE JUGE RYAN: J'y souscris.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY: J'y souscris.
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