T-2272-78
J. Adrien Lavoie (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Addy—
Québec, le l er décembre; Ottawa, le 13 décembre
1978.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Déductions —
Pension alimentaire — La pension alimentaire versée en 1974
incluait le paiement d'une somme globale et finale de l'avoir
du demandeur dont un montant de $60,000 dü à titre de
compensation pour une propriété expropriée ainsi qu'une
somme de $12,495 d'intérêts accrus sur ce montant — Alléga-
tion selon laquelle la taxe sur un tiers de la somme de $12,495
soit ($4,160.83) devrait être payée par l'épouse — La somme
de $4,160.83 est-elle déductible à titre de pension alimentaire
pour l'année d'imposition 1975, année au cours de laquelle les
intérêts ont été versés au demandeur? — Loi de l'impôt sur le
revenu, S.C. 1970-71-72, c. 63, art. 60.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
Irenée Simard, c.r. pour le demandeur.
Pierre Barnard pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Irenée Simard, c.r., Québec, pour le deman-
deur.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE ADDY: Il s'agit en l'occurrence de
déterminer si le montant de $4,160.83 réclamé par
le demandeur en déduction du revenu pour l'année
d'imposition 1975, titre de pension alimentaire
pour son épouse, rencontre les exigences de l'arti-
cle 60 de la Loi de l'impôt sur le revenu'.
Les faits ne sont pas contestés. Par jugement
provisoire de divorce de la Cour supérieure de la
province du Québec le demandeur fut condamné à
payer à son épouse $100 par semaine. Par juge-
ment définitif en date du 17 octobre 1975, il fut
condamné à lui payer la somme de $11,000 en
dettes y compris certains arrérages du montant
hebdomadaire de $100 par semaine et en plus une
'S.C. 1970-71-72, c. 63.
somme globale et finale de $33,000 titre de
pension alimentaire. Cette somme de $33,000
représentait un tiers de l'avoir net du demandeur
que la Cour estimait alors à $130,000. Compris
dans cette somme de $130,000, se trouvait un
montant de $60,000 que la province du Québec lui
devait en compensation pour une propriété expro-
priée et aussi le montant de $12,495 d'intérêts
accrus.
Sitôt le jugement rendu, c'est-à-dire en 1974, le
demandeur versa à son épouse le plein montant
que la Cour l'avait condamné à payer. Le capital
et les intérêts dus au demandeur pour l'expropria-
tion ne lui furent cependant versés par la province
que le 26 mars 1975.
Puisque le montant du jugement de $33,000 en
faveur de son épouse était calculé sur un tiers de
son avoir et que cet avoir comprenait un tiers des
intérêts accrus de $12,495, sur la compensation qui
lui était due, le demandeur allègue que la taxe sur
un tiers de la somme de $12,495, c'est-à-dire
$4,160.83, devait être payée par son épouse et non
par lui. Il déduisit donc cette somme de $4,160.83
à titre de pension alimentaire pour l'année d'impo-
sition 1975 puisque les intérêts lui furent versés
durant cette année-là.
L'article 60b) de la Loi se lit comme suit:
60. ...
b) toute somme payée dans l'année par le contribuable, en
vertu d'un arrêt, d'une ordonnance ou d'un jugement rendus
par un tribunal compétent ou en vertu d'un accord écrit, à
titre de pension alimentaire ou autre allocation payable
périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire,
des enfants issus du mariage ou à la fois du bénéficiaire et
des enfants issus du mariage, si le contribuable vivait séparé,
en vertu d'un divorce, d'une séparation judiciaire ou d'un
accord écrit de séparation, du conjoint ou de l'ex-conjoint à
qui il était tenu de faire le paiement, le jour où le paiement a
été effectué et durant le reste de l'année;
L'expression «toute somme payée dans l'année»
signifie qu'une déduction pour pension alimentaire
ne peut être réclamée que pour l'année d'imposi-
tion au cours de laquelle la somme a été versée. En
l'occurrence, le demandeur réclame une déduction
pour l'année d'imposition 1975 pour des argents
qui furent versés par lui en 1974. La déduction
réclamée ne rencontre donc pas les exigences de
l'article.
De plus, une somme globale versée pour acquit-
ter une obligation de pension alimentaire n'est pas
«une allocation payable périodiquement» comme
l'exige l'article en question. Voir l'arrêt Veliotis c.
La Reine 2 . Dans cette cause, l'honorable juge
Pratte cite le jugement de l'honorable juge Catta-
nach à la page 278 de l'arrêt M.R.N. c. Trottier 3 ,
jugement qui fut maintenu en appel par la Cour
suprême du Canada (voir Trottier c. M.R.N. 4 ).
Enfin, même si l'on considère seulement les
intérêts, sans tenir compte de l'article 60b), il est
évident que l'épouse ne jouissait d'aucun droit de
propriété dans les intérêts, ni avant ni après le
jugement définitif. Le jugement lui donnait droit
de recevoir une somme globale de $33,000. Les
intérêts d'ailleurs avaient été calculés par la Cour
même comme formant partie de l'avoir total du
demandeur. On trouve donc ici une situation qui
exigerait l'application du principe que la Cour
suprême du Canada a elle-même appliqué dans la
cause Woodward's Pension Society c. M.R.N. s.
L'honorable juge Judson au nom de tous les mem-
bres de la Cour déclarait à la page 228:
[TRADUCTION] Les revenus de l'appelante lui appartenaient en
propre et ils étaient exempts de toute réclamation légale de qui
que ce soit. Après les avoir perçus, elle les a utilisés conformé-
ment à ses objectifs déclarés. Le savant juge a décidé à juste
titre que le principe énoncé dans Mersey Docks & Harbour
Board c. Lucas (1882-3), 8 App. Cas. 891 s'appliquait en
l'espèce.
Pour ces trois motifs, la Cour rejette l'action du
demandeur avec dépens et confirme la cotisation
additionnelle de $4,160.83 dont il est question.
JUGEMENT
La Cour, après avoir pris connaissance des pro-
cédures, des pièces versées au dossier, entendu les
témoins et les parties par leurs procureurs, rejette
l'action du demandeur avec dépens et confirme la
cotisation additionnelle de $4,160.83 imposée par
le ministre du Revenu national contre le deman-
deur pour l'année d'imposition 1975.
2 74 DTC 6190.
3 [1967] 2 R.C.É. 268.
° [1968] R.C.S. 728.
5 [1962] R.C.S. 224.
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