T-37-78
Ian Macaulay Maclennan (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Collier—
Vancouver, le 26 juillet et le 30 août 1978.
Douanes et accise — Retour d'un résident canadien après
plusieurs années passées à l'étranger — Acquisition d'un
bâtiment motorisé à l'étranger — Acompte versé sans prise de
possession — Déclaration en douane indiquant que les mar-
chandises suivraient — Bâtiment importé, par la suite saisi et
déclaré confisqué — Le demandeur est-il assujetti aux droits
de douane prévus au numéro tarifaire 70320-1? — Le bâti-
ment est-il exempté des conditions prévues audit numéro
tarifaire par l'article 3 du Règlement sur les résidents revenant
au pays (marchandises importées par d'anciens résidents qui
reviennent au pays après cinq ans de résidence à l'étranger)? —
Tarif des douanes, S.R.C. 1970, c. C-41, liste A, numéro
tarifaire 70320-1 — Loi sur les douanes, S.R.C. 1970, c.
C-40, art. 2(3) — Règlement sur les résidents revenant au
pays, DORS/71-193, art. 3 — Règle 475 de la Cour fédérale.
Le demandeur, un citoyen canadien qui avait vécu à l'étran-
ger pendant plusieurs années, a, avant son retour, acheté un
bâtiment motorisé aux États-Unis. Il avait versé un acompte
sur le prix du bâtiment et a indiqué, sur sa déclaration en
douane, que les marchandises suivraient, car il n'avait pas
l'usage ou la possession du bâtiment. Celui-ci fut plus tard
mouillé à Vancouver. Quelques mois plus tard, Revenu Canada
(Douanes et accise) a informé le demandeur que le bâtiment
avait été saisi et que soit le bâtiment soit une caution en tenant
lieu était confisqué. Le demandeur en a appelé de la décision du
Ministre devant cette cour. Il s'agit de savoir si le demandeur
est assujetti aux droits de douane prévus au numéro tarifaire
70320-1 ou si le bâtiment est «exempté» des conditions prévues
audit numéro tarifaire en application de l'article 3 du Règle-
ment sur les résidents revenant au pays.
Arrêt: l'appel est accueilli. Aucune disposition n'exige une
période, si courte soit-elle, de possession et d'usage pour que
l'exemption s'applique. Si le législateur avait voulu imposer une
période, si courte soit-elle, de possession et d'usage à l'étranger,
il lui aurait été facile d'incorporer cette condition dans le
numéro tarifaire ou dans le Règlement.
QUESTION par voie de mémoire spécial.
AVOCATS:
C. C. Sturrock pour le demandeur.
G. C. Carruthers pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Birnie, Sturrock & Bowden, Vancouver, pour
le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE COLLIER: Saisi de cette affaire, le 26
juillet 1978, par mémoire spécial déposé en appli
cation de la Règle 475, je me suis prononcé en
faveur du demandeur en réponse à la question qui
m'a été soumise. J'ai alors indiqué que je ferais
connaître ultérieurement les motifs par écrit. Les
voici.
L'exposé des faits convenu entre les parties porte
ce qui suit (je ne reproduis pas les pièces qui y sont
annexées):
[TRADUCTION] 1. Le demandeur est un homme d'affaires,
demeurant au 55-2212 Folkestone Way, en la ville de West
Vancouver, province de Colombie-Britannique.
2. Le demandeur, qui est canadien, quitta le Canada vers
novembre 1968 et cessa dès lors de résider dans ce pays.
3. Le demandeur a vécu dans différents pays étrangers de
novembre 1968 février 1976. Son dernier pays de résidence
avant son retour le 16 février 1976 au Canada était les États-
Unis d'Amérique.
4. En janvier 1976, le demandeur acheta, par l'entremise de la
Western Marine à Bellingham dans l'État de Washington, un
Sea Ray, bâtiment motorisé de vingt-quatre pieds, au prix,
équipement compris, de $14,292 en monnaie des É.-U., plus
$650 de fret, soit un prix total de $14,942.
5. Par la suite, le demandeur a versé, conformément au contrat
de vente, la somme de $1,500 titre d'acompte prévu audit
contrat.
6. Le demandeur a versé ledit acompte au moyen d'un chèque
bancaire au montant de $1,500 acheté à la Columbine State
Bank, en la ville de Denver, État du Colorado, et viré par
télégramme au compte n° 35046-50 de la Western Marine chez
la Seattle First National Bank, succursale de Bellingham, ville
de Bellingham, État de Washington.
7. Ci-joint ledit chèque bancaire à titre de pièce «A».
8. Le 16 février 1976, le demandeur, rentrant au Canada en
tant que résident revenant au pays, a dûment rempli une
déclaration en douane sur formule B/4 en déclarant comme
«marchandises à suivre» le bâtiment susmentionné avec son
équipement et en y indiquant tous les numéros matricules
pertinents.
9. Ci-joint ladite déclaration en douane à titre de pièce «B».
10. Par la suite, le constructeur dont les chantiers se trouvent
en la ville de Phoenix, État de l'Arizona, livra ledit bâtiment
qui fut mouillé dans le port de plaisance de Seattle, en la ville
de Seattle, État de Washington, jusqu'au 3 avril 1976. Aux
environs de cette date, le demandeur a conduit ledit bâtiment
jusqu'à un point de mouillage en la ville de Vancouver, province
de Colombie-Britannique.
11. Par notification sur formule K30, Revenu Canada (Doua-
nes et accise) a, le 8 mars 1977, informé le demandeur que ledit
bâtiment avait été saisi vers le 27 janvier 1977 et que soit ce
bâtiment soit une caution d'un montant de $10,328.16 pourrait
être confisqué. La méthode de calcul de la caution est exposée
sur formule B17-1 des Douanes et accise.
12. Ci-joint les copies desdites formules K30 et B17-1 à titre de
pièce «C» et de pièce «D« respectivement.
13. A la suite de la notification de la saisie susmentionnée, le
demandeur a déposé son affidavit dans le délai de trente jours
fixé par l'article 161 de la Loi sur les douanes, S.R.C. 1970, c.
C-40 afin que l'affaire puisse être soumise au Ministre pour
décision en application de l'article 162 de la Loi.
14. Bien qu'il ait acquis ledit bâtiment avant son retour au
Canada le 16 février 1976, le demandeur reconnaît qu'il n'en
avait pas matériellement «la possession et l'usage« à cette date.
15. Par lettre sur formule K-29 en date du 18 octobre 1977,
Revenu Canada (Douanes et accise) informa le demandeur
qu'il a été décidé, en vertu de l'article 163 de la Loi sur les
douanes:
que les marchandises pourraient être dédouanées contre ver-
sement, dans les trente jours, de la somme de $10,328.16 qui
sera confisquée, faute de quoi ces marchandises seraient
confisquées.
16. Ci-joint une copie de ladite lettre sur formule K-29 à titre
de pièce «E».
17. A la suite de la notification de la décision susmentionnée, le
demandeur a informé le Ministre par lettre en date du 4
novembre 1977 qu'il n'acquiescerait pas à cette décision et il lui
a demandé de soumettre l'affaire à la Cour en application de
l'article 165 de la Loi sur les douanes.
18. Par lettre en date du 23 décembre 1977, le demandeur a
été officiellement informé que le Ministre ne soumettrait pas
l'affaire à la Cour. C'est ainsi que le présent appel a été
interjeté devant la Cour en application de l'article 150 de la Loi
sur les douanes.
19. Le numéro tarifaire pertinent, en l'occurrence le n°
70320-1, du Tarif des douanes porte:
Marchandises (à l'exclusion des boissons alcooliques, des ciga-
res, des cigarettes et du tabac fabriqué) importées par un
membre des Forces canadiennes ou un employé du gouverne-
ment du Canada, ou par un ancien résident du Canada qui
revient résider au pays, et acquises par lui durant une
absence du Canada d'au moins une année pour son usage
personnel ou domestique et lui ayant effectivement appar-
tenu à l'étranger et ayant été en sa possession et à son usage
pendant au moins six mois avant son retour au Canada
Tarif de préférence britannique En fr.
Tarif de la nation la plus favorisée... ..... En fr.
Tarif général En fr.
Le Ministre peut par voie de règlement exempter toutes
marchandises ou catégories de marchandises de la période de
six mois relative à la propriété, la possession et l'usage que
prescrit le présent numéro.
20. L'article 3 du Règlement sur les résidents revenant au pays
porte:
3. L'exigence relative à la propriété, la possession et
l'usage pendant une période de six mois, que renferme le
numéro tarifaire 70320-1 de la liste «A» du Tarif des doua-
nes, ne s'applique pas
a) à un trousseau de mariée importé par un nouveau marié;
b) aux cadeaux de noces importés par les récipiendaires; ou
c) aux marchandises importées par d'anciens résidents du
Canada
(i) qui sont devenus citoyens d'un pays étranger, ou
(ii) qui ont résidé à l'étranger au moins cinq ans avant
leur retour au Canada.
21. La question soumise à la Cour par voie de mémoire spécial
est la suivante:
Sur la foi de l'exposé des faits convenu entre les parties, le
demandeur est-il assujetti aux droits de douane en applica
tion de la Loi sur les douanes, S.R.C. 1970, c. C-40 et du
numéro 70320-1 du Tarif des douanes, ou ledit bâtiment
est-il «exempté» des conditions prévues audit numéro tarifaire
en application de l'article 3 du Règlement sur les résidents
revenant au pays établi en application dudit Tarif des
douanes?
Le litige est centré sur la question de savoir si,
afin de bénéficier de l'exemption, le demandeur
doit avoir eu la possession et l'usage du bâtiment
avant son retour au Canada, pendant un certain
temps tout au moins.
Son avocat soutient que les dispositions du
numéro tarifaire 70320-1 du Tarif des douanes et
de l'article 3 du Règlement sont évidentes et sans
équivoque: l'article 3 du Règlement dispense, de
toute évidence, de la condition prévue au numéro
tarifaire en matière de possession et d'usage.
De son côté, l'avocat de la défenderesse soutient
qu'il faut considérer l'esprit de la loi qui, à son
avis, vise à assurer les recettes de l'État et à
protéger l'économie canadienne contre les importa
tions de l'étranger; que si le demandeur et d'autres
se trouvant dans le même cas sont exemptés, rien
ne les empêchera dès lors d'accumuler des mar-
chandises et de les introduire au Canada en fran
chise; et que l'acceptation de l'interprétation
donnée par le demandeur reviendrait à favoriser
un résident revenant au pays par rapport à un
«immigrant» (voir le numéro tarifaire 70505-1).
La défenderesse invoque également le paragra-
phe 2(3) de la Loi sur les douanes', qui porte:
2. ...
(3) Toutes les expressions et dispositions de la présente loi ou
de toute loi relative aux douanes doivent recevoir, suivant leurs
véritables sens, intention et esprit, l'interprétation équitable et
' S.R.C. 1970, c. C-40.
libérale la plus propre à assurer la protection du revenu et la
réalisation des objets pour lesquels la présente loi ou cette loi a
été édictée.
Son avocat invoque les textes français des dispo
sitions légales et des numéros tarifaires pertinents
en faisant valoir qu'ils sont plus clairs que les
textes anglais correspondants, que, judicieusement
interprétés, ils corroborent la thèse avancée par la
défenderesse et que, pour ces raisons, ils doivent
prévaloir.
A mon avis, les textes anglais sont aussi clairs
que les textes français et les deux disent la même
chose.
Je ne vois aucune disposition qui exige une
période, si courte soit-elle, de possession et d'usage
pour que l'exemption s'applique. Adopter la thèse
de la défenderesse reviendrait à attribuer au
numéro tarifaire en cause et à l'article 3 du Règle-
ment des dispositions qui n'y figurent pas.
Si le législateur avait voulu imposer une période,
si courte soit-elle, de possession et d'usage à
l'étranger, il lui aurait - été facile d'incorporer cette
condition dans le numéro tarifaire en cause ou
dans le Règlement.
Par ces motifs, ma réponse formelle à la ques
tion qui m'a été soumise par voie de mémoire
spécial est la suivante:
Le demandeur n'est pas assujetti aux droits de douane en
application de la Loi sur les douanes, S.R.C. 1970, c. C-40 et
du numéro tarifaire 70320-1 du Tarif des douanes. Ledit
bâtiment est exempté des conditions prévues audit numéro
tarifaire en application de l'article 3 du Règlement sur les
résidents revenant au pays établi en application dudit Tarif des
douanes.
Le demandeur, s'il estime y avoir droit, peut
intenter une action en vue d'un jugement en sa
faveur.
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