T-1467-75
Quebec and Ontario Transportation Company
(Demanderesse)
c.
Le navire Incan St. Laurent et Incan Navigation
Limitée (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Walsh—
Vancouver, le 14 avril; Ottawa, le 5 mai 1978.
Compétence — Droit maritime — Contrats — Contrat
d'entreprise commune de construction d'un navire auquel sont
rattachés certains actes antérieurs et postérieurs constatant des
obligations supplémentaires — Cession de la propriété de la
moitié du navire à la demanderesse non complétée comme
requis par le contrat d'entreprise commune mais inexécution
des obligations stipulées dans les conventions connexes — La
demanderesse exige la moitié des bénéfices gagnés par le
navire et celle du prix de sa vente ainsi qu'une reddition de
compte — La Cour a-t-elle compétence pour connaître de la
demande et, si oui, l'action réelle est-elle appropriée? — Loi
sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 2,
22(1),(2)a),b) et 42.
La demanderesse et la défenderesse Incan sont convenues par
contrat que le navire défendeur leur appartient à parts égales et
qu'alors que le contrat de construction du navire avait été établi
au seul nom de la défenderesse Incan, les droits que cette
dernière a sur le navire, elle les détient autant pour elle que
pour la demanderesse. Incan devait remettre sa part, soit 50
pour 100, à la demanderesse le plus tôt possible. La demande-
resse a payé à Incan sa part du prix exigé pour la construction
du navire (la moitié). Outre ce contrat toutefois, un acte
antérieur, intitulé «Articles d'accord», et une convention ulté-
rieure, stipulaient d'autres obligations, reliées à la construction,
contractées et par la demanderesse et par la défenderesse
Incan. La défenderesse Incan a refusé de remettre la part de 50
pour 100 du navire apparemment à cause de l'inexécution de
ces obligations par la demanderesse, se contentant de faire
enregistrer Incan à titre de propriétaire de 64 actions du navire.
La demanderesse demande qu'il soit ordonné qu'elle soit ins-
crite comme propriétaire de la moitié du navire et qu'il soit
déclaré qu'elle a droit à la moitié des bénéfices gagnés par
celui-ci et à la moitié du prix de sa vente; elle demande aussi
une ordonnance de rendre compte desdits bénéfices et prix de
vente. La Cour doit décider si la Cour fédérale a compétence
pour connaître de la demande et si l'action réelle est appropriée.
Arrêt: l'action est rejetée. Quoique la demanderesse cherche
purement et simplement à fonder sa demande sur le contrat,
lequel est un contrat d'entreprise commune de construction
d'un navire, il est clair que ce contrat ne saurait être séparé de
l'acte antérieur intitulé «Articles d'accord» et de la convention
subséquente. La demanderesse réclame un droit de propriété
mais ne l'a pas encore acquis; en fait elle demande au tribunal
l'exécution du contrat pour faire reconnaître son droit. La Cour
est incapable de distinguer les faits de la présente espèce de
ceux de Capricorn, arrêt qui la lie, et donc elle doit conclure
que la Cour fédérale n'est pas compétente pour connaître de la
présente demande. De plus, vu qu'il a été décidé que la Cour
fédérale n'est pas compétente pour connaître d'une action en
résiliation de conventions et en dommages-intérêts, il serait
difficile de statuer que le présent tribunal est compétent pour
connaître d'une demande d'exécution des conventions et de
jouissance des avantages du droit de propriété en découlant.
Arrêt appliqué: Quebec North Shore Paper Co. c. Cana-
dien Pacifique Ltée [1977] 2 R.C.S. 1054. Arrêt suivi: Le
.Capricorn» c. Antares Shipping Corp. [1978] 2 C.F. 834.
Arrêts mentionnés: Intermunicipal Realty & Development
Corp. c. Gore Mutual Insurance Co. [1978] 2 C.F. 691; R.
c. Canadian Vickers Ltd. [1978] 2 C.F. 675.
ACTION.
AVOCATS:
J. Cunningham et G. Nesbitt pour la
demanderesse.
M. S. Bistrisky et B. Hoeschen pour les
défendeurs.
PROCUREURS:
Macrae, Montgomery, Spring & Cunning-
ham, Vancouver, pour la demanderesse.
Le contentieux, Canadien Pacifique Ltée,
Montréal et Vancouver, pour les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Sur ordonnance du juge Col
lier, en date du 25 janvier 1978, modifiée par
l'ordonnance du 10 avril de la même année, la
Cour a été saisie des questions de droit suivantes:
1. La Cour fédérale du Canada a-t-elle compé-
tence pour connaître de la demande de la
demanderesse?
2. En cas de réponse affirmative à la première
question, l'action réelle est-elle appropriée?
Ces questions de droit doivent être instruites en
présumant (1) que, pour les fins de l'espèce, les
faits allégués dans la déclaration sont vrais (2) que
les contrats suivants, auxquels les défendeurs et la
demanderesse sont parties, seront produits: a) celui
du 22 janvier 1974, b) celui du 13 février 1974 et
c) celui du 26 mars 1974 et (3) que copies des
cautionnements produits les 28 mai 1975 et 7
juillet 1977 seront annexées à l'ordonnance rendue
par le juge Collier le 5 juillet 1977 autorisant le
remplacement du premier cautionnement. L'or-
donnance dispose en outre qu'il est convenu que ce
sont là tous les faits nécessaires à la solution du
litige, qu'aucun autre fait ne sera avancé et que si
la demanderesse n'a pas gain de cause, il y aura
rejet de l'action tandis que dans le cas contraire,
les défendeurs s'abstiendront de soulever l'excep-
tion d'incompétence au procès.
La déclaration modifiée de la demanderesse dit
que, par contrat du 13 février 1974, la demande-
resse et la défenderesse Incan sont convenues,
entre autres, que le navire défendeur leur appar-
tient à parts égales. Le contrat stipule en outre
qu'alors que le contrat de construction du navire,
intervenu entre la défenderesse Incan et le cons-
tructeur, avait été établi au nom de la défenderesse
Incan, les droits que cette dernière a sur le navire,
elle les détient autant pour elle que pour la deman-
deresse et qu'elle lui en remettra sa part, soit 50%
le plus tôt possible. En exécution du contrat la
demanderesse a versé à la défenderesse Incan plus
de $2,000,000 en paiement de sa part du prix exigé
par le constructeur pour la construction du navire.
La défenderesse a refusé de remettre une part de
50% du navire défendeur à la demanderesse et, en
lieu et place, le 15 avril 1975, a fait enregistrer la
défenderesse Incan à titre de propriétaire de 64
actions du navire défendeur. La demanderesse
demande qu'il soit déclaré que, le 15 avril 1975,
elle avait droit d'être inscrite comme propriétaire
de la moitié du navire défendeur, qu'elle a droit à
la moitié des bénéfices gagnés par le navire pen
dant que la défenderesse Incan était inscrite
comme propriétaire ainsi qu'à la moitié du prix de
vente que cette dernière en a obtenu. Elle demande
de joindre à cette déclaration une ordonnance de
rendre compte desdits bénéfices et prix de vente et
que jugement soit rendu contre la défenderesse
Incan pour les montants dont elle, la demande-
resse, serait trouvée créancière lors de ladite reddi-
tion de compte, le tout avec intérêts et dépens.
Les défendeurs, se sont tout particulièrement
appuyés, pour contester la compétence du tribunal
sur l'arrêt de la Cour suprême: Quebec North
Shore Paper Company et al. c. Canadien Pacifi-
que Limitée et al.' Bien que dans l'intitulé de
cause, dans le recueil, le nom des parties soit
différent, cette action concernait les mêmes par
ties; le «et al.» se référait à la Quebec and Ontario
' [1977] 2 R.C.S. 1054.
Transportation Company Limited, codemande-
resse de la Quebec North Shore Paper Company,
et à la Incan Navigation Limitée codéfenderesse
du Canadien Pacifique Limitée. Dans cette action
donc, en Cour suprême, la demanderesse (alors
intimée) avait prétendu que l'article 23 de la Loi
sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c.
10, attribuait compétence à cette dernière cour
parce que les contrats conclus par les parties cons-
tituaient des «travaux et entreprises reliant la pro
vince à une autre ... ou s'étendant au-delà des
limites de la province». En rendant l'arrêt, le juge
en chef Laskin a conclu, à la page 1056, que les
obligations créées l'avaient été par contrat le 22
janvier 1974, contrat auquel s'étaient ajoutés ceux
des 13 février et 26 mars de la même année. Il a
cité le contrat du 22 janvier intitulé «Articles
d'accord» disant qu'il s'agissait là d'un acte
exhaustif prévoyant l'emploi de navires pour le
transport de papier journal par la Quebec North
Shore Paper Company Limited de Baie -Comeau à
destination de divers points aux États-Unis. La
construction d'une gare maritime à Baie -Comeau
constituait un élément essentiel de l'ensemble du
projet Les intimés font valoir qu'ils avaient exé-
cuté toutes leurs obligations contractuelles alors
que les appelants étaient défaillants et n'avaient
même pas commencé la construction de la gare le
14 mars 1975, date où a été instituée l'action en
dommages; ils demandaient donc la résiliation des
contrats. En outre l'éminent juge en chef, ajoutait
aux pages 1065 et 1066:
Si la loi est en elle-même valide et applicable, comme c'est de
toute évidence le cas pour la loi du Québec en l'espèce (les
parties ont en effet convenu que leur contrat serait régi par les
lois du Québec), elle ne constitue pas une loi fédérale et ne peut
être transposée dans le droit fédéral afin de donner compétence
à la Cour fédérale. Il y a compétence en vertu de l'art. 23 si la
demande de redressement relève du droit fédéral existant et non
autrement.
Il convient également de souligner que l'art. 101 ne traite pas
de la création des tribunaux pour connaître des sujets relevant
de la compétence législative fédérale, mais »pour assurer la
meilleure exécution des lois du Canada». Le terme »exécution»
est aussi significatif que le mot pluriel »lois». A mon avis, ils
supposent tous deux l'existence d'une législation fédérale appli
cable, que ce soit une loi, un règlement ou la common law,
comme dans le cas de la Couronne, sur lesquels la Cour
fédérale peut fonder sa compétence. L'article 23 exige que la
demande de redressement soit faite en vertu de pareille loi.
Cette exigence n'étant pas remplie en l'espèce, j'accueille le
pourvoi, j'infirme les jugements des tribunaux d'instance infé-
rieure et je déclare que la Cour fédérale n'a pas compétence
pour connaître des réclamations des intimées.
La demanderesse, en prétendant que la Cour
fédérale est compétente en l'espèce, déclare que ce
n'est pas en vertu des contrats en cause mais en
vertu de la compétence en matières maritimes qui
lui a été dévolue par l'article 22(2)a) et b) de la
Loi sur la Cour fédérale, lequel se lit comme suit:
22. .. .
(2) Sans restreindre la portée générale du paragraphe (1), il
est déclaré pour plus de certitude que la Division de première
instance a compétence relativement à toute demande ou à tout
litige de la nature de ceux qui sont ci-après mentionnés:
a) toute demande portant sur le titre, la possession ou la
propriété d'un navire ou d'un droit de propriété partiel y
afférent ou relative au produit de la vente d'un navire ou d'un
droit de propriété partiel y afférent;
b) tout litige entre les co-propriétaires d'un navire quant à la
possession ou à l'affectation d'un navire ou aux recettes en
provenant;
On a cité aussi l'article 22(1) que voici:
22. (1) La Division de première instance a compétence con-
currente en première instance, tant entre sujets qu'autrement,
dans tous les cas où une demande de redressement est faite en
vertu du droit maritime canadien ou d'une autre loi du Canada
en matière de navigation ou de marine marchande, sauf dans la
mesure où cette compétence a par ailleurs fait l'objet d'une
attribution spéciale.
On nous renvoie à l'expression «droit maritime
canadien» définie comme suit à l'article 2 de la
Loi:
2. ...
«droit maritime canadien» désigne le droit dont l'application
relevait de la Cour de l'Échiquier du Canada, en sa juridic-
tion d'amirauté, en vertu de la Loi sur l'Amirauté ou de
quelque autre loi, ou qui en aurait relevé si cette Cour avait
eu, en sa juridiction d'amirauté, compétence illimitée en
matière maritime et d'amirauté, compte tenu des modifica
tions apportées à ce droit par la présente loi ou par toute
autre loi du Parlement du Canada;
ainsi qu'à l'article 42 de la Loi dont voici le libellé:
42. Le droit maritime canadien existant immédiatement
avant le 1 e juin 1971 reste en vigueur sous réserve des modifi
cations qui peuvent y être apportées par la présente loi ou toute
autre loi.
Dans l'arrêt La Reine c. Canadian Vickers
Limited 2 , le juge en chef adjoint Thurlow a fait
l'historique du droit maritime au Canada et je n'ai
2 [1978] 2 C.F. 675.
pas l'intention de répéter ici les conclusions aux-
quelles il est arrivé. Qu'il me suffise de dire qu'en
tant que juridiction d'amirauté, la Cour de l'Échi-
quier, de 1891 à 1934, s'était vu attribuer, sans
que cela soit limitatif, une compétence en matière
d'amirauté, similaire à celle que détenait la Haute
Cour de Justice d'Angleterre en 1890. Après le
Statut de Westminster, 1931, l'Acte de l'Ami-
rauté, 1891 a été remplacé par S.C. 1934, c. 31,
lequel a maintenu la Cour de l'Échiquier dans sa
fonction de juridiction d'amirauté pour le Canada
avec la même compétence en la matière que la
Haute Cour de Justice de 1925 et même, en
certaines matières, avec une compétence quelque
peu élargie. Dans l'affaire Associated Metals &
Minerals Corporations c. L'«Evie W» [1978] 2
C.F. 710, le juge en chef Jackett se dit heureux de
faire sien l'exposé sur la nature et l'histoire du
droit maritime du juge en chef associé dans l'af-
faire La Reine c. Canadian Vickers Limited,
exposé complété par les informations fournies par
la décision du juge Gibson dans l'affaire Inter-
municipal Realty & Development Corporation c.
Gore Mutual Insurance Company [1978] 2 C.F.
691. En statuant que la Cour était compétente en
matière de contrat dans le cas des demandes en
justice découlant d'accords sur le transport des
marchandises par mer, l'éminent juge en chef a
étudié en profondeur les deux arrêts ayant fait
jurisprudence sur la question de compétence:
Quebec North Shore Paper Company et
McNamara Construction (Western) Limited c. La
Reine'. Il a écrit [aux pages 714 et 715]:
Selon les jugements rendus en 1976 et 1977 par la Cour
suprême du Canada, la loi provinciale générale n'est évidem-
ment plus susceptible de «modifications par le Parlement, mais
peut seulement devenir inopérante dans la mesure et pendant la
période où une loi du Parlement existe et est incompatible avec
ladite loi provinciale, relativement à cette catégorie spéciale
d'objets de la législation fédérale.
Il a conclu, eu égard à l'affaire dont il avait à
connaître [à la page 716]:
a) il y a au Canada un ensemble de droit positif appelé droit de
l'amirauté dont nous ne sommes pas sûrs des limites exactes,
mais ledit droit englobe évidemment un droit positif régissant
les contrats de transport des marchandises par mer;
Et il a ajouté [à la page 717]:
c) le droit de l'amirauté coexiste avec d'autres législations
«provinciales. relatives à la propriété et aux droits civils, et
parfois les chevauche, et, au moins dans certains cas, l'issue des
3 [1977] 2 R.C.S. 654.
procès varie suivant qu'on invoque l'une ou l'autre législation;
Au cours de l'instance on a cité aussi l'arrêt de
la Cour d'appel: Blanchette c. Canadien Pacifique
Limitée [1978] 2 C.F. 299, confirmant la décision
rendue par le juge Marceau, en Division de pre-
mière instance, le 18 novembre 1977, cité au
[1977] 2 C.F. 431; la décision Sivaco Wire & Nail
Company c. Atlantic Lines & Navigation Com
pany, Inc. °, confirmée récemment en appel, Skaa-
rup Shipping Corporation c. Hawker Industries
Limited, [1978] 2 C.F. 361, jugement de la Divi
sion de première instance rendu le 26 septembre
1977 par le juge Mahoney qui appliquait la juris
prudence Vickers (supra) et déclarait la Cour
fédérale incompétente en matière de contrat de
réparation d'un navire; et, finalement, Inter-
municipal Realty & Development Corporation c.
Gore Mutual Insurance Company (supra), déci-
sion rendue le 13 décembre 1977 par le juge
Gibson qui a reconnu la compétence de la Cour en
matière de contrat d'assurance maritime, con-
cluant qu'il s'agissait d'un contrat régi par le droit
maritime britannique lequel était incorporé au
droit maritime canadien. Après avoir étudié avec
soin les lois et la jurisprudence pertinentes, ce
dernier juge a écrit [aux pages 702 et 703]:
Il faudrait donc remarquer que, lorsque le Parlement vota de
nouveau en 1970 la loi maritime fédérale de droit positif et
juridictionnel, son pouvoir législatif avait augmenté dans une
très grande mesure, et le Parlement a exercé ce pouvoir accru et
cette compétence attribuée de telle sorte qu'à présent le code du
droit maritime fédéral positif dont l'application est dévolue à la
Cour fédérale du Canada comprend non seulement (1) «le droit
dont l'application relevait de la Cour de l'Échiquier du Canada,
en sa juridiction d'amirauté, en vertu de la Loi sur l'Amirauté
ou de quelque autre loi., mais aussi (2) le droit positif «qui en
aurait relevé si cette Cour avait eu, en sa juridiction d'ami-
rauté, compétence illimitée en matière maritime et d'amirauté,
compte tenu des modifications apportées à ce droit par la
présente loi ou par toute autre loi du Parlement du Canada..
Un long code de droit positif d'amirauté, dont une large
partie était non statutaire dans sa forme d'origine, a été ainsi
incorporé, par simple référence, dans le droit maritime cana-
dien et la Cour fédérale du Canada a reçu compétence pour
connaître des actions et poursuites relatives aux matières dudit
droit, en vertu de l'autorité législative de l'article 91 de l'Acte
de l'Amérique du Nord britannique, rubrique 10 «La naviga
tion et les expéditions par eau. (voir le juge Kerwin, dont c'était
alors le titre, dans An Act to Amend the Supreme Court Act
([1940] R.C.S. 49, la page 108); voir aussi Laskin: Canadian
Constitutional Law, 4' édition, 1973, la page 796) et en vertu
de l'article 101 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.
4 [1978] 2 C.F. 720.
En conséquence, et par suite de l'adoption d'un long code de
droit fédéral positif applicable en vertu du pouvoir dévolu par la
rubrique 10 de l'article 91 de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique, on peut poser comme prémisse valable la compé-
tence de la Cour fédérale du Canada en toute matière concer-
nant le droit maritime canadien; et ainsi le principe énoncé
dans les arrêts Quebec North Shore Paper Company c. Cana-
dien Pacifique Limitée ([1977] 2 R.C.S. 1054) et McNamara
Construction (Western) Limited c. La Reine ([1977] 2 R.C.S.
654) relativement à la proposition «l'existence d'une législation
fédérale applicable, que ce soit une loi, un règlement ou la
common law» est satisfait en ce sens que, par rapport au droit
maritime canadien, «la compétence judiciaire ... recouvre le
même domaine que compétence législative [fédérale]..
Enfin on a cité l'affaire La Reine c. Canadian
Vickers Limited (supra) où la demanderesse avait
fait valoir que la Division de première instance
était compétente en vertu de l'article 22(2)n) que
voici:
22. (2) ...
n) toute demande née d'un contrat relatif à la construction, à
la réparation ou à l'équipement d'un navire;
Le juge en chef adjoint Thurlow a écrit à la page
687:
A première vue, ces termes sont assez larges pour inclure la
réclamation d'un propriétaire contre un constructeur à propos
de dommages découlant de la rupture d'un contrat afférent à la
construction ou à l'équipement d'un navire. Mais il me semble
qu'il faut lire les alinéas du paragraphe (2), qui décrivent les
catégories de demandes qui sont de la compétence de la Cour,
sous la réserve que les demandes ne peuvent être reçues par la
Cour que lorsqu'elles sont fondées sur le droit maritime cana-
dien ou sur une autre loi fédérale, que cela soit mentionné dans
le paragraphe 22(1) ou ailleurs.
Après avoir cité la définition donnée par l'article 2
(supra) de l'expression «droit maritime canadien»,
il a ajouté:
L'article 42, qui est de droit positif, prévoit que:
42. Le droit maritime canadien existant immédiatement
avant le 1°' juin 1971 reste en vigueur sous réserve des
modifications qui peuvent y être apportées par la présente loi
ou toute autre loi.
Dans Capricorn, arrêt rendu le 24 février 1978
par la Cour d'appel, [1978] 2 C.E. 834, autorisa-
tion d'en appeler à la Cour suprême ayant été
accordée semble-t-il, le juge Le Dain, après avoir
rappelé que le jugement de première instance
disait pour droit [[1973] C.F. 955, la page 958]:
Autrement dit, en matière maritime, la compétence de la Cour
en vertu de l'article 22(1) va de pair avec le pouvoir législatif
du Parlement relatif à «la navigation et les bâtiments ou
navires»; cette compétence de la Cour ne se limite pas aux
sujets de cette catégorie à l'égard desquels le Parlement a déjà
légiféré.
a déclaré [à la page 838]:
A la suite des arrêts de la Cour suprême du Canada Quebec
North Shore Paper Company et McNamara Construction, les
conclusions de la Division de première instance ne peuvent plus
se fonder sur les motifs invoqués par le savant juge précité, à
savoir que la matière faisant l'objet de l'action relève de la
compétence législative du Parlement du Canada. Dans les
arrêts ci-dessus, la Cour suprême a conclu que la Cour fédérale
n'est compétente que dans les cas impliquant l'«existence d'une
législation fédérale applicable, que ce soit une loi, un règlement
ou la common law.»
Dans l'exercice de sa compétence d'amirauté en vertu de
l'article 22 de la Loi sur la Cour fédérale, la Cour applique le
«droit maritime canadien» tel que celui-ci a été défini à l'article
2 de la Loi et confirmé comme continuant le droit positif défini
à l'article 42.
Lui aussi distingue donc entre les articles 42,
article de fond, et 22, article de procédure attri-
buant en effet compétence à la Cour, mais seule-
ment s'il existe une règle de droit fédéral applica
ble à la demande, que ce soit en vertu de la loi,
d'un règlement ou de la common law.
Alors que l'arrêt de la Cour suprême Quebec
North Shore Paper Company c. Canadien Pacifi-
que Ltée (supra) portait sur l'article 23 de la Loi
sur la Cour fédérale, et ce n'est pas là une disposi
tion dont nous ayons à traiter dans la présente
espèce, l'issue de la cause dépend néanmoins du
point de savoir si les alinéas a) et b) (supra)
réaffirment des demandes qui auparavant étaient
fondées sur des lois antérieures ou sur la common
law car, si ce n'est pas le cas, il faudrait traiter ces
alinéas comme le juge en chef adjoint Thurlow a
traité l'alinéa n) et le juge Marceau, confirmé en
cela par la Cour d'appel, l'article 23 dans l'affaire
Blanchette (supra), soit statuer que ces articles
n'attribuent pas par eux-mêmes compétence à la
Cour.
Dans l'affaire Capricorn, une société dénommée
Delmar avait conclu un contrat de vente d'un
navire à la compagnie Antares laquelle avait versé
une partie du prix d'achat. L'action avait pour but
d'obtenir une déclaration disant qu'une vente qu'a-
vait faite Delmar à la compagnie Portland était
nulle et non avenue, qu'un contrat de vente avait
été conclu entre Antares et Delmar, qu'Antares
avait exécuté son obligation de verser un acompte
et qu'elle exigeait, en exécution du susdit contrat
intervenu entre elle et Delmar, la livraison du
navire et la constatation du transport à son nom du
titre de propriété par la passation d'un acte de
vente, avec dommages-intérêts pour inexécution de
contrat. Comme le signale le juge Le Dain, le
soi-disant contrat de vente ne stipulait pas la trans
lation de la propriété du navire et n'était donc pas
réellement un contrat de vente, mais une promesse
de vendre, Antares cherchant à établir la propriété
de Delmar sur le navire de sorte que celle-ci puisse
lui transporter par acte de vente le titre de pro-
priété. Le juge passe alors en revue la jurispru
dence américaine et en conclut que les juridictions
américaines d'amirauté se sont depuis longtemps
déclarées compétentes en matière d'actions pétitoi-
res et possessoires, mais qu'elles n'ont pas le pou-
voir d'ordonner l'exécution intégrale d'un contrat
ni de faire honorer un interest en equity. Les
tribunaux américains ont en outre jugé que le
contrat de vente d'un navire ne constitue pas une
matière maritime relevant de la compétence d'ami-
rauté, pas plus qu'une demande en dommages-
intérêts pour inexécution de contrat. Le juge écrit
que cela vient en partie de l'analogie entre le
contrat de vente d'un navire et le contrat pour sa
construction, soit le fait que ni dans l'un ni dans
l'autre cas ne soit impliquée quelque créance ou
obligation portant sur le commerce et la naviga
tion. Il ajoute que ce qu'il faut décider, c'est si
l'article 22(2)a) doit être interprété comme ne
visant que les actions pétitoires et possessoires, au
sens strict, ou s'il doit être étendu aux actions en
exécution intégrale d'un contrat de vente. Se tour-
nant ensuite vers le droit canadien, il écrit que les
actions en possession constituent une matière inhé-
rente à la compétence de la Cour d'amirauté, l'un
de leurs buts étant de rétablir dans la possession
du navire celui qui en a été illicitement privé.
Après avoir parlé des dispositions de l'Admiralty
Court Act, 1840 (3 & 4 Vict., c. 65) portant sur la
compétence, lesquelles ont été remplacées par l'ar-
ticle 22(1)a)(i) libellé un peu différemment du
Supreme Court of Judicature (Consolidation) Act,
1925, 15 & 16 Geo. 5, c. 49, il écrit que c'est là la
compétence qu'a exercée la Cour de l'Échiquier du
Canada en vertu de la Loi d'amirauté, 1934 (S.C.
1934, c. 31, art. 18(2) et annexe A). Il en conclut
qu'«en fait, la compétence relative aux actions en
possession était encore dérivée de la compétence
inhérente de la Cour de l'Amirauté, avec pouvoir
statutaire spécifique de statuer sur les questions de
titre ou de droit de propriété découlant d'actions
semblables». Il poursuit en disant [à la page 844]:
L'article 1(1)a) de l'Administration of Justice Act, 1956, 4
& 5 Eliz. 2, c. 46, (R.-U.) a étendu cette compétence de la
Haute Cour d'Angleterre en matière d'amirauté à [TRADUC-
TION] «toute réclamation relative à la possession ou au droit de
propriété d'un navire ou de toute partie d'un navire».
Il en conclut que vraisemblablement l'article
22(2)a) de la Loi sur la Cour fédérale a été inspiré
par cette modification dont l'effet fait voir claire-
ment qu'une demande portant sur un droit ou un
titre de propriété peut maintenant être engagée
indépendamment et séparément de l'action posses-
soire. Il ne considère pas toutefois que l'article
22(2)a) ait été destiné à élargir la compétence
d'amirauté reconnue antérieurement en matière de
propriété et de possession.
Le jugement cite un certain nombre d'affaires
britanniques, mais signale toutefois qu'il s'agit là
d'espèces où le droit de possession reposait sur un
prétendu droit ou titre de propriété. On cite
notamment l'affaire Le «Rose» 5 où l'acheteur d'un
navire vendu par les créanciers hypothécaires
s'était vu refuser l'enregistrement de son acte de
vente et avait engagé une action réelle pour se
faire déclarer propriétaire et obtenir la possession.
On cite aussi l'affaire canadienne intitulée Robil-
lard c. Le «St. Roch» 6 , laquelle était une action
réelle où l'on demandait la propriété et la posses
sion du navire défendeur tout en réclamant la
résolution de sa cession à l'intervenant. Le deman-
deur réclamait la propriété du navire en vertu d'un
titre que d'autres détenaient pour lui comme prête-
nom et en vertu duquel il était en possession du
navire alors que l'intervenant se prétendait titu-
laire du titre de propriété en vertu d'un acte de
vente enregistré. La Cour de l'Échiquier a dit pour
droit que l'acte de vente au profit de l'intervenant
était nul et non avenu et a déclaré le demandeur
propriétaire du navire, avec droit d'être enregistré
comme tel, ordonnant de le mettre en possession.
L'éminent juge a fait alors un distinguo crucial
pour la décision en disant [à la page 845]:
Je reconnais que l'on peut considérer l'Antares comme revendi-
quant un droit légitime au navire, droit découlant de la pro-
messe de vente, mais compte tenu de l'intention évidente de
transférer le droit de propriété par contrat, cette compagnie
n'aurait pas droit à une déclaration de propriété. Elle cherche à
obtenir une ordonnance de livraison du navire et de transfert du
droit de propriété par contrat de vente, ou, à défaut, un
jugement tenant lieu d'acte de vente. A mon avis, toute récla-
5 (1873) L.R. 4 A.&E. 6.
6 (1921) 21 R.C.É. 132.
mation du droit de propriété ou du titre constitue une demande
pour faire reconnaître ou confirmer par la Cour ledit droit de
propriété ou titre. Tel est bien le cas en l'espèce, lorsqu'on
demande que la Delmar soit déclarée propriétaire du navire,
mais ce n'est pas là la base de l'action; l'action ne peut être
intentée qu'en vertu des droits découlant de l'accord conclu
entre la Delmar et l'Antares. Dans l'ensemble, il s'agit d'une
action en exécution dudit accord.
Il poursuit alors en disant qu'on n'a appelé l'atten-
tion de la Cour sur aucune jurisprudence où une
action en exécution spécifique de contrat de vente
d'un navire ait été reconnue comme relevant de la
compétence en matière d'amirauté. Il dit [à la
page 846]:
Bien entendu, l'Admiralty Court en Angleterre et la Cour
fédérale ont le pouvoir d'ordonner l'exécution intégrale et de
faire observer des droits d'équité, et ceci peut suffire pour
distinguer avec le droit des États-Unis relativement aux points
litigieux du présent appel, mais, du seul fait de l'existence de ce
pouvoir dans des cas appropriés, il ne s'ensuit pas qu'une action
en exécution intégrale d'une promesse de vente, où l'intention
est clairement exprimée de transférer le droit de propriété par
un contrat de vente subséquent, doive être considérée comme
une réclamation du droit de propriété au sens de l'article
22(2)a).
Il en conclut ce qui suit [à la page 847]:
Je suis parvenu finalement à la conclusion que la demande
d'exécution intégrale du contrat de vente, la demande connexe
et subordonnée d'annulation de la vente faite par la Delmar à la
Portland, la demande de déclaration de la qualité de proprié-
taire de la Delmar, et la réclamation de dommages-intérêts ne
relèvent pas de la Cour fédérale en vertu de l'article 22(2)a). Je
ne pense pas non plus qu'il faut considérer cette action, qui,
dans son ensemble, est une action pour rupture de contrat,
comme une matière maritime, ce qui la ferait tomber dans la
règle générale d'attribution de compétence de l'article 22(1).
Et plus loin il ajoute:
Avoir compétence pour déterminer des questions de titre, de
droit de propriété et de possession, dont des questions découlant
de la loi sur la navigation en ce qui concerne l'enregistrement et
le transfert, est une chose; c'en est une autre d'avoir compé-
tence en matière de rupture de contrat.
Quant au second point en litige, l'éminent juge
écrit que s'il avait conclu à la compétence de la
Cour, il aurait conclu aussi que la demande aurait
pu être faite au moyen d'une action réelle, procé-
dure appropriée en cas de réclamation de la posses
sion ou de la propriété.
En l'espèce présente, l'avocat de la demande-
resse, lors des plaidoiries, a beaucoup insisté sur le
libellé du paragraphe 4 de la déclaration modifiée,
les faits y allégués devant être, pour les présentes
fins, présumés vrais. Ce paragraphe stipule que par
contrat écrit du 13 février 1974 la demanderesse et
la défenderesse Incan sont convenues du partage
de la «propriété» du navire à parts égales. Il faut
toutefois interpréter ce paragraphe à la lumière
des autres paragraphes de la déclaration, auxquels
on doit attacher la même importance. Le paragra-
phe 5 poursuit en disant que le contrat stipulait
que même si la convention passée entre la défende-
resse Incan et le constructeur du navire avait été
faite sous le nom de la défenderesse, les droits de
celle-ci sur le navire, elle les détenait: [TRADUC-
TION] «tant pour elle-même que pour la demande-
resse et qu'elle, la défenderesse Incan, en céderait
la moitié à la demanderesse aussitôt que possible».
Le paragraphe 7 déclare que la défenderesse Incan
a refusé la cession prévue de la moitié et qu'à la
place, le 15 avril 1975, elle a fait enregistrer la
défenderesse Incan comme propriétaire de 64
actions du navire défendeur. Manifestement la
demanderesse réclame un droit de propriété mais
ne l'a pas encore acquis; en fait elle demande au
tribunal l'exécution du contrat pour faire reconnaî-
tre son droit.
La demanderesse cherche purement et simple-
ment à fonder sa demande sur le contrat du 13
février 1974, lequel est un contrat d'entreprise
commune de construction et d'exploitation d'un
bac porte-trains, (le bâtiment défendeur) mais il
est clair que ce contrat ne saurait être séparé de
l'acte intitulé «Articles d'accord» du 22 janvier
1974 et de la convention subséquente du 26 mars
de la même année. Toutes les juridictions saisies en
ont décidé ainsi, y compris la Cour suprême dans
Quebec North Shore Paper Company c. Canadien
Pacifique Limitée (supra). Le contrat du 13
février 1974 se réfère fréquemment aux «Articles
d'accord», par exemple aux paragraphes 1.2, 1.3 et
spécialement 6.1 que voici:
[TRADUCTION] La présente convention est destinée à com-
pléter les Articles d'accord et non à les remplacer en tout ou en
partie; toutes les stipulations de ces derniers, y compris notam-
ment celles portant sur l'entreprise commune, doivent recevoir
tout leur effet.
Le paragraphe 1.02 des «Articles d'accord» prévoit
la construction d'une gare maritime à Baie -
Comeau, l'amélioration des installations d'entrepo-
sage, la construction, au coût de $3,500,000, d'un
local pour le transit des marchandises en général et
d'une gare maritime de $2,000,000 Québec. Le
paragraphe 1.03 stipulait que la Quebec and Onta-
rio et la Quebec North Shore construiraient la
gare maritime de Baie -Comeau et en deviendraient
propriétaires alors que la Incan Navigation ferait
de même pour la gare maritime de Québec. Le
paragraphe stipulait de plus, puisqu'il était prévu
que la Quebec and Ontario et la Quebec North
Shore d'une part, et Incan Navigation d'autre
part, devraient défrayer également les installations
et le bac porte-trains, il s'ensuivait que la Incan
Navigation devrait défrayer une plus grande part
du bac porte-trains que la Quebec and Ontario de
façon à ce que cette égalité soit obtenue. Mais la
gare maritime de Baie -Comeau n'a pas été cons-
truite et donc les contrats n'ont pas été exécutés;
on me laisse entendre que c'est à cause de cela que
la défenderesse Incan Navigation refuse mainte-
nant la cession de la moitié du droit de propriété
sur le navire à la Quebec and Ontario Transporta
tion Company comme le stipule la convention du
13 février 1974 prise hors contexte. Toutefois c'est
là un élément de fond du litige à trancher qui n'a
rien à voir avec la compétence du présent tribunal
à en connaître.
Même lorsqu'on regarde isolément le texte de la
convention du 13 février 1974, portant création de
l'entreprise commune, on voit que la demanderesse
ne peut prétendre être actuellement propriétaire
du navire. Le paragraphe 1.3 parle de l'exploita-
tion d'un bac porte-trains [TRADUCTION] «en pro-
priété indivise égale». Le paragraphe 1.5 dit que
tout le patrimoine de l'entreprise commune, y com-
pris le bac: [TRADUCTION] «sera présumé pro-
priété indivise égale». Le paragraphe 2.2 dit que
l'Incan cédera la moitié [TRADUCTION] «de ses
droits et obligations» à la Q & O et que, tant que
cette cession n'aura pas lieu, l'Incan continuera de
faire les paiements à Burrard (constructeur du
navire). En fait, ce n'est que le 15 avril 1975 que
l'Incan a été enregistrée à titre de propriétaire de
64 actions du navire défendeur; il est donc évident
que, lorsque les conventions ont été conclues, elle
n'était pas elle-même propriétaire et ne pouvait
céder 50% de son droit de propriété à la demande-
resse, même si telle avait été son intention. On ne
peut dire que la demanderesse soit devenue pro-
priétaire de parts du navire à quelque moment que
ce soit.
A cause de cela, je me sens incapable de distin-
guer les faits de la présente espèce de ceux de
Capricorn, arrêt qui me lie, et donc je dois con-
clure que la Cour fédérale n'est pas compétente
pour connaître de la présente demande. De plus, vu
que la Cour suprême a déjà dit pour droit dans
l'affaire Quebec North Shore Paper Co. c. Cana-
dien Pacifique Ltée (supra) que la Cour fédérale
n'est pas compétente pour connaître d'une action
en résiliation de conventions et en dommages-inté-
rêts, il serait difficile de statuer que le présent
tribunal est compétent pour connaître d'une
demande d'exécution des conventions et de jouis-
sance des avantages du droit de propriété en
découlant.
Lors des plaidoiries ont été soulevés deux autres
points qui méritent d'être mentionnés brièvement
bien qu'une décision à leur égard ne soit pas
nécessaire pour régler le litige.
1. Selon les défendeurs, comme le paragraphe 6.6
de la convention du 13 février 1974 stipule que
tout litige portant sur le contrat doit être résolu en
appliquant le droit de la province de Québec et
qu'une clause similaire apparaît au paragraphe
11.08 des «Articles d'accord» du 22 janvier 1974, il
s'ensuit que ce sont les tribunaux québécois qui
devraient être saisis.
Le juge Dubé a récemment réfuté un argument
semblable dans Santa Marina Shipping Co. S.A.
c. Lunham & Moore Ltd. [1979] 1 C.F. 24, rendu
le 10 février 1978. Dans cette affaire, une charte-
partie contenait une clause stipulant arbitrage à
Londres (Angleterre) des différends y relatifs; on
avait fait valoir que, la demande se fondant sur
une charte-partie régie par le droit anglais, aucune
norme juridique canadienne n'y était applicable et
en conséquence la Cour fédérale ne pouvait en
connaître. Le juge a écrit [à la page 30]:
La compétence de la présente cour pour juger une demande
relative au louage d'un navire par charte-partie étant établie, la
Cour est compétente pour ce faire quelle que soit la loi qui régit
le contrat lui-même. (On se souviendra que la défenderesse est
une société canadienne ayant un bureau à Montréal (Québec))
Si le contrat doit être interprété conformément au droit anglais,
ce dont je suis loin d'être convaincu, la Cour appliquera alors le
droit anglais au contrat. Le droit étranger devant être appliqué
devient alors une question de fait.
Si donc les défendeurs avaient été forcés de
s'appuyer sur cet argument, ils n'auraient pu avoir
gain de cause.
2. Comme second point, les défendeurs ont fait
valoir que même s'il était statué que la Cour
fédérale était compétente, l'action réelle n'aurait
pas été appropriée. Vu la conclusion à laquelle je
suis arrivé sur la question de compétence, il n'est
pas nécessaire de répondre à cette question mais,
de toute façon, il me semble que la réponse fournie
par l'article 43(2) de la Loi sur la Cour fédérale,
dont voici le texte, est claire:
43. ...
(2) Sous réserve du paragraphe (3), la compétence conférée
à la Cour par l'article 22 peut être exercée en matière réelle
pour toute demande relative à un navire, à un aéronef, à
d'autres biens ou à tout produit de leur vente qui a été consigné
au tribunal.
Attendu que, si la Cour était compétente ce
serait en vertu de l'article 22, il est donc évident
que l'action réelle serait alors appropriée.
Pour les motifs ci-dessus, la question doit rece-
voir la réponse suivante:
(1) Non.
ORDONNANCE
L'action de la demanderesse est rejetée avec
dépens.
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