T-1189-77
Marvin R. V. Storrow (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Collier—
Vancouver, le 26 octobre et le 17 novembre 1978.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Déductions —
Frais de déménagement — La différence des prix de vente et
d'achat pour les ancienne et nouvelle résidences est-elle
déductible à titre de frais de déménagement? — Loi de l'impôt
sur le revenu, S.C. 1970-71-72, c. 63, art. 62(1) et (3).
Le demandeur qui a occupé un nouvel emploi à Vancouver, a
vendu sa résidence à Ottawa. La somme en provenant a été
substantiellement inférieure à celle qu'il a dû verser pour
l'acquisition à Vancouver d'une résidence plus modeste et pos-
sédant dans l'ensemble les mêmes caractéristiques que celle
d'Ottawa. La question principale est de savoir si la différence
entre les prix de vente et d'achat ainsi que les intérêts hypothé-
caires sur cette somme constituent des frais de déménagement
déductibles.
Arrêt: l'appel est rejeté. Les dépenses contestées ne consti-
tuaient pas des frais de déménagement selon la signification
ordinaire ou habituelle de l'expression. Les dépenses ou les frais
que cette expression comprend sont des débours ordinaires
engagés par un contribuable qui, en fait, change de résidence.
Seules sont déductibles les dépenses engagées en vue du dépla-
cement physique du contribuable, de sa maisonnée et de ses
biens à la nouvelle résidence. L'expression ne comprend pas
(sauf si le paragraphe 62(3) le fait ressortir de façon explicite)
des choses comme l'augmentation du coût de la nouvelle habi
tation par rapport à l'ancienne (que ce soit en vertu de la vente,
du bail ou autrement). Elle ne comprend pas non plus les frais
d'installation d'articles ménagers de l'ancienne maison dans la
nouvelle, ou le coût de rajustement qui y sont afférents (comme
les tentures, les tapis, etc.). Les frais de déménagement, comme
le permet le paragraphe 62(3), ne comprennent pas, les dépen-
ses ou les frais occasionnés à la suite de l'acquisition d'une
nouvelle résidence.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
B. J. Wallace pour le demandeur.
P. N. Thorsteinsson pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Lawson, Lundell, Lawson & McIntosh, Van-
couver, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE COLLIER: Le demandeur, avocat et
procureur au service de la défenderesse, a travaillé
à Ottawa où il a résidé jusqu'au mois de juillet
1975. A cette date, il a déménagé en Colombie-
Britannique où il a occupé un nouvel emploi à
Vancouver. Il a vendu sa résidence à Ottawa pour
en acquérir une autre à Vancouver.
Il allègue qu'il a engagé une dépense de
$32,282.08 titre de frais de déménagement. Son
nouvel employeur a contribué jusqu'à concurrence
de $3,000. Lors du calcul de son revenu imposable
pour l'année 1975, il a réclamé une déduction de
$29,283.08.
En établissant la cotisation et la nouvelle cotisa-
tion, le ministre du Revenu national a admis cer-
taines déductions, mais en a refusé d'autres. C'est
à l'égard de ces dernières que l'appel est interjeté.
Les sommes contestées figurent comme suit au
paragraphe 6 de la déclaration:
[TRADUCTION] a) la somme de $22,750 représentant le sur
plus versé par le demandeur pour l'acquisition de sa nouvelle
résidence, par rapport à la somme qu'il a tiré de la vente de
son ancienne résidence,
b) la somme de $1,094.84 représentant les intérêts hypothé-
caires versés en 1975, et imputables sur le montant de
$22,750 dont il est question au paragraphe précédent,
c) la somme de $135.20 représentant les droits exigibles
versés en 1975 au bureau d'enregistrement pour l'inscription
du titre de la nouvelle résidence du demandeur,
d) la somme de $15 versée en 1975 pour l'installation du
téléphone dans la nouvelle résidence du demandeur,
e) la somme de $22.50 versée en 1975 pour l'installation de
la télédistribution dans la nouvelle résidence du demandeur,
f) la somme de $107.49 versée en 1975 pour l'installation
d'une machine à laver la vaisselle dans la nouvelle résidence
du demandeur,
g) la somme de $112 versée en 1975 pour l'installation de
nouvelles serrures aux portes extérieures de la nouvelle rési-
dence du demandeur.
A l'audience, la défenderesse a accepté les mon-
tants figurant aux postes d) et e); les divergences
importantes portent évidemment sur les postes a)
et b).
Les parties ont convenu des faits suivants:
[TRADUCTION] 1. L'ancienne résidence du demandeur à
Ottawa était une maison en brique de deux étages comprenant
quatre chambres à coucher, d'une superficie intérieure dépas-
sant les 2,000 pieds carrés, construite dans le secteur Alta Vista
vers 1961;
2. La nouvelle résidence que le demandeur a acquise à Vancou-
ver (Colombie-Britannique) est une maison de deux étages,
recouverte de stuc, comprenant trois chambres à coucher, d'une
superficie intérieure inférieure à 2,000 pieds carrés, construite
vers 1928 dans le district de Shaughnessy;
3. La nouvelle résidence du demandeur est plus petite, la
qualité de sa construction étant moins bonne et plus ancienne,
cependant, à tous autres égards, les deux maisons possèdent des
caractéristiques essentiellement semblables quant au genre, à
l'utilité, à l'état, à la superficie de terrain et à la commodité de
l'emplacement par rapport au lieu de l'emploi du demandeur;
4. La différence entre la somme que le demandeur a tirée de la
vente de son ancienne résidence et celle qu'il a dû verser pour
l'acquisition de sa nouvelle résidence dépend uniquement de
l'écart du niveau des prix existant au printemps de 1975 dans le
domaine de l'immobilier entre les villes d'Ottawa et de Vancou-
ver. En fait, selon tous les indices à l'exception du critère fondé
sur le marché de l'immobilier, l'ancienne résidence du deman-
deur aurait dû avoir une valeur supérieure à celle de sa nouvelle
résidence.
Je cite maintenant les parties que j'estime
importantes des dispositions applicables de la Loi
de l'impôt sur le revenu' telles qu'elles existaient
en 1975. Elles s'énoncent comme suit:
62. (1) Lorsqu'un contribuable a,
a) à une date donnée,
(i) cessé d'exploiter une entreprise ou d'être employé dans
le ou les lieux, suivant le cas, situés au Canada, où,
habituellement, il exploitait ainsi une entreprise ou était
ainsi employé, ...
et a commencé à exploiter une entreprise ou à être employé
dans un autre lieu situé au Canada (appelé ci-après son
«nouveau lieu de travail»), ...
et a, de ce fait, déménagé d'une résidence sise au Canada où,
avant le déménagement, il résidait habituellement pendant les
jours de travail ordinaires (appelée ci-après son «ancienne
résidence») pour venir occuper une autre résidence sise au
Canada où, après le déménagement, il a résidé habituellement
(appelée ci-après sa «nouvelle résidence»), de sorte que la
distance entre son ancienne résidence et son nouveau lieu de
travail soit supérieure d'au moins 25 milles à la distance entre
sa nouvelle résidence et son nouveau lieu de travail, il peut
déduire, lors du calcul de son revenu pour l'année d'imposition
au cours de laquelle il a déménagé de son ancienne résidence
pour venir occuper sa nouvelle résidence, ou pour l'année
d'imposition suivante, les sommes qu'il a payées à titre ou au
titre des frais de déménagement engagés pour déménager de
son ancienne résidence pour venir occuper sa nouvelle rési-
dence, dans la mesure où
(3) Dans le paragraphe (1), «frais de déménagement» com-
prend toutes dépenses engagées à titre ou au titre
S.R.C. 1952, c. 148, modifié par S.C. 1970-71-72, c. 63 (la
«nouvelle» Loi).
a) de frais de déplacement (y compris les dépenses raisonna-
bles pour repas et logement) engagés pour le déménagement
du contribuable et des membres de sa maisonnée, qui se
transportent de l'ancienne résidence à la nouvelle résidence
du contribuable,
b) de frais de transport et d'entreposage des meubles du
contribuable qui doivent être transportés de son ancienne
résidence dans sa nouvelle résidence,
c) de frais de repas et de logement, près de l'ancienne
résidence ou de la nouvelle résidence, engagés par le contri-
buable et les membres de sa maisonnée pendant une période
maximale de 15 jours,
d) de frais de résiliation du bail, si bail il y a, en vertu
duquel il était le locataire de son ancienne résidence, et
e) de frais relatifs à la vente de son ancienne résidence.
L'expression «frais de déménagement» n'est défi-
nie d'aucune autre façon dans le texte de loi.
La question principale de cet appel est de savoir
si les sommes supplémentaires que le contribuable
a engagées, lors de son déménagement, en vue
d'acquérir une nouvelle résidence qui se comparaît
assez bien à son ancienne résidence étaient des
... sommes qu'il a payées à titre ou au titre des frais de
déménagement engagés pour déménager de son ancienne rési-
dence pour venir occuper sa nouvelle résidence ...
Je suis d'accord avec quelques-uns des premiers
arguments que l'avocat du demandeur a fait valoir
en ces termes:
a) Lorsqu'un article qui contient une définition
utilise le verbe «comprend» comme au paragra-
phe 62(3), alors l'expression qu'on veut définir
comprend non seulement les choses qu'on
déclare comprises, mais aussi les autres choses
[TRADUCTION] «.. que le mot signifie dans son
sens ordinaire.» 2
b) Les mots «frais de déménagement» doivent
être interprétés selon le sens ordinaire et courant
qu'ils peuvent avoir dans le contexte de la loi en
question 3 .
Le demandeur allègue que les frais de déména-
gement constituent une dépense en vue de changer
d'habitation; cette dépense comprend tous les frais
qui sont directement et uniquement liés au démé-
nagement, et ce, à compter du moment de la
décision du départ jusqu'à la réinstallation. Les
sommes supplémentaires engagées pour l'acquisi-
2 Le Roi c. B.C. Fir and Cedar Lumber Co. Ltd. [ 1932] A.C.
441, à la p. 448 (C.J.C.P.).
3 Voir: Driedger, The Construction of Statutes, 1974, (But-
terworth's, Canada) p. 67. Cross, Statutory Interpretation,
1976, (Butterworth's, England) p. 29 et suiv.
tion d'une résidence comparable à Vancouver, les
intérêts sur ces sommes, les frais d'enregistrement,
les frais d'installation d'un lave-vaisselle et de
nouvelles serrures ont tous été occasionnés, dit-on,
par suite du déménagement d'une résidence à une
autre.
La défenderesse prétend par contre, que les
montants en cause ne sont pas réellement des
dépenses; ils ne sont que des frais extraordinaires
occasionnés en l'espèce en vue de remplacer un
élément d'actif, soit l'ancienne résidence.
Je suis d'accord en général avec la prétention de
la défenderesse.
A mon avis, les dépenses contestées ne consti-
tuaient pas des frais de déménagement selon la
signification ordinaire ou habituelle de l'expres-
sion. Les dépenses ou les frais que cette expression
comprend sont, à mon avis, des débours ordinaires
engagés par un contribuable qui, en fait, change de
résidence. L'expression ne comprend pas (sauf si le
paragraphe 62(3) le fait ressortir de façon expli-
cite) des choses comme l'augmentation du coût de
la nouvelle habitation par rapport à l'ancienne
(que ce soit en vertu de la vente, du bail ou
autrement). Elle ne comprend pas non plus les
frais d'installation d'articles ménagers de l'an-
cienne maison dans la nouvelle, ou le coût de
remplacement et de rajustement qui y. sont affé-
rents (comme les tentures, les tapis, etc.). Les frais
de déménagement, comme le permet le paragraphe
62(3), ne comprennent pas, à mon avis, les dépen-
ses ou les frais occasionnés à la suite de l'acquisi-
tion d'une nouvelle résidence. Seules sont déducti-
bles les dépenses engagées en vue du déplacement
physique du contribuable, de sa maisonnée et de
ses biens à la nouvelle résidence.
Le refus du Ministre d'admettre les postes a),
b), c), f) et g), qui figurent à la déclaration est
confirmé. La cotisation est renvoyée au Ministre
afin qu'il établisse une nouvelle cotisation pour ce
qui est des déductions relatives aux postes d) et e).
La défenderesse a droit aux dépens.
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