T-3708-77
Reginald Hibbert Boardman (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Collier—
Edmonton, le 1" février; Ottawa, le 21 février
1979.
Impôt sur le revenu — Détermination de l'exercice financier
du demandeur — Le demandeur est un psychiatre au service
du gouvernement de l'Alberta en vertu d'un contrat d'entre-
prise — Son revenu était déclaré pour l'année ayant pris fin le
31 janvier plutôt que pour l'année civile — Il s'agit de savoir si
son revenu provenait d'un emploi ou d'une entreprise découlant
du contrat d'entreprise — Loi de l'impôt sur le revenu, S.C.
1970-71-72, c. 63, art. 248(1) — The Public Service Act,
S.R.A. 1970, c. 298, art. 20, 46.
Il s'agit d'un appel formé par le contribuable contre une
décision de la Commission de révision de l'impôt. Le deman-
deur, qui est psychiatre, déclarait son revenu en prenant pour
base l'année civile au temps où il était au service du gouverne-
ment de la Saskatchewan. Le 1e" août 1972, le demandeur
conclut avec la province de l'Alberta un contrat qui a été
renégocié à son expiration. Le demandeur estime que le revenu
gagné en vertu de ces contrats constitue «un revenu tiré d'une
entreprise dont il est l'unique propriétaire» et choisit le 31
janvier comme date à laquelle se termine l'exercice financier de
son entreprise. De son côté, le Ministre a pris l'année civile pour
base de la nouvelle cotisation de l'impôt sur le revenu du
demandeur. Devant la Commission de révision de l'impôt,
celui-ci soutient qu'il a été engagé par la province de l'Alberta
aux termes d'un contrat d'entreprise alors que de l'avis du
Ministre, son revenu imposable était tiré d'un emploi. La
Commission donna raison au Ministre.
Arrêt: l'appel est rejeté. La province de l'Alberta et le
demandeur voulaient manifestement que ce dernier soit consi-
déré comme un entrepreneur plutôt que comme un salarié. On
ne peut cependant tenir compte de l'intention des parties mais
du résultat de la transposition de cette intention dans la réalité.
Elles ont créé en l'espèce une relation de commettant à préposé.
Le contrat est régi par l'article 46 de la The Public Service Act
de l'Alberta.
Arrêts mentionnés: Morren c. Swinton and Pendlebury
Borough Council [1965] 2 All E.R. 349; Alexander c. Le
Ministre du Revenu National [1970] R.C.E. 138.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
H. G. Wolff pour le demandeur.
W. A. Ruskin pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Wolff, Elgert & Budnitsky, Edmonton, pour
le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE COLLIER: Il s'agit d'un appel porté par
le contribuable d'une décision de la Commission de
révision de l'impôt.'
Le demandeur est psychiatre. Il a été au service
de la province de la Saskatchewan jusqu'au 31
juillet 1972. Jusqu'à cette date, puisque son revenu
provenait «d'une charge ou d'un emploi», il l'avait
déclaré en prenant pour base l'année civile. A
compter du 1 » ' août 1972 cependant, il entra, par
contrat, au service de la province de l'Alberta, à
titre de psychiatre clinicien pour l'hôpital de
Ponoka (Alberta). Ce contrat prit fin le 31 janvier
1973. Un nouveau contrat fut alors négocié pour la
période du 1" février 1973 au 31 janvier 1975.
Le demandeur estime que le revenu gagné en
vertu de ces contrats constitue [TRADUCTION] «un
revenu tiré d'une entreprise dont il est l'unique
propriétaire . . . .» 2 Ayant choisi le 31 janvier
comme date à laquelle se termine l'exercice finan
cier de son entreprise, le demandeur a déclaré,
pour 1972, uniquement le revenu gagné jusqu'au
31 juillet, tandis que pour 1973, il a déclaré le
revenu gagné au cours de son exercice financier,
soit le revenu gagné entre le lei août 1972 et le 31
janvier 1973.
Le ministre du Revenu national l'a cotisé à
nouveau. Pour 1972, le Ministre a inclus dans le
revenu du demandeur ce que ce dernier avait
gagné en Saskatchewan et en Alberta au cours de
cette année civile là, tandis que pour 1973, il a
inclus ce que le demandeur avait gagné en Alberta
au cours de cette année civile là.
Le Ministre estime que le revenu imposable du
demandeur provenait d'un «emploi» et non d'une
entreprise et que ce revenu ne pouvait donc être
reporté qu'en prenant pour base l'année civile. Le
demandeur estime quant à lui avoir été au service
de la province de l'Alberta en vertu d'un contrat
' [1977] C.T.C. 2293.
2 Voir le paragraphe 4 de la déclaration. Voir aussi les
articles 9(1) et 11 de la «nouvelle» Loi de l'impôt sur le revenu,
S.C. 19 7 0-71-72, c. 63, et ses modifications.
d'entreprise et non d'un contrat de travail, et que
son revenu pouvait, par conséquent, être reporté en
fonction d'un exercice financier.
La Commission de révision de l'impôt donna
raison au Ministre. Le présent appel s'ensuivit.
Ici ni le ministère du Revenu ni le contribuable
n'ont prétendu à l'application de grands principes.
On me dit qu'il n'y a en jeu aucune somme vrai-
ment importante, pour l'une ou l'autre des parties.
Le demandeur n'a pas cherché à faire quelque
épargne en reportant certains revenus imposables à
une ou d'autres années et il n'en a effectivement
réalisé aucune. Le fisc, peu importe la façon dont
les déclarations ont été faites, est parvenu à perce-
voir le maximum.
Cela étant dit, j'ajouterai que le demandeur,
ainsi que le ministère auquel il est attaché, m'ont
clairement laissé entendre avoir l'intime conviction
que le demandeur et les autres personnes dans une
situation semblable ne sont pas des «salariés»
comme le suggère la défenderesse.
Le litige se ramène donc à la question épineuse:
y a-t-il eu contrat de travail ou contrat d'entre-
prise? Ces litiges sont ordinairement difficiles à
résoudre car il s'agit souvent de cas d'espèce.
Celui-ci ne fait pas exception.
En termes fiscaux, la situation du demandeur
est-elle conforme à la définition de l'expression
«entreprise ou affaire» énoncée à l'article 248 (1) de
la Loi?
Dans les années 60 et au début des années 70,
les services d'hygiène mentale de la province de
l'Alberta firent l'objet de certaines critiques. L'une
d'elles visait particulièrement les qualifications des
médecins au service de la province. A cette époque,
les psychiatres affectés aux divers services étaient
des fonctionnaires de carrière, salariés, ayant droit
à une pension et à d'autres bénéfices.
Le ministère responsable de ces services décida
de rehausser la qualité de son personnel. L'idée
d'engager par contrat du personnel qualifié fut
avancée. On voyait dans ces praticiens des «entre-
preneurs» et non des salariés, pouvant individuelle-
ment négocier leur propre traitement. Le but était
de les rémunérer au même niveau que les psychia-
tres de pratique privée. Le ministère ne voulait pas
que l'on voit en eux des fonctionnaires du gouver-
nement. En effet, les médecins ainsi étiquetés
étaient ordinairement considérés comme inférieurs
à ceux de la pratique privée. Sous l'ancien régime,
le ministère avait éprouvé de la difficulté à attirer
des gens qualifiés.
Il y a eu des améliorations. Des médecins quali-
fiés se sont présentés et ont signé des contrats. Ils
sont maintenant quarante.
Les autres fonctionnaires sont engagés par le
département du personnel. Ils adhèrent à des syn-
dicats de la fonction publique qui négocient pour
eux leurs augmentations salariales, dépendamment
du groupe auquel ils appartiennent. Ils peuvent
interjeter appel en cas de renvoi. Chaque nouveau
salarié doit prêter le serment prévu par l'article 20
de la The Public Service Acta. La plupart des
salariés de la fonction publique sont assujettis,
généralement parlant, à la The Public Service
Pension Act 4 . Il y avait, et il y a encore, obligation
pour ces salariés de contribuer à un fonds de
pension.
Les psychiatres, comme le demandeur, ne sont
pas engagés par le département du personnel de la
fonction publique. Ils ne sont pas non plus recrutés
par concours en vertu de la The Public Service
Act. Comme je l'ai dit précédemment, ils négo-
cient leur propre contrat. Il n'y a pas de stage.
Mais le premier contrat n'a habituellement qu'une
durée de six mois. Je traiterai plus loin des stipula
tions de ces engagements, qui portent sur le terme
de ces derniers. Le demandeur et ses collègues
savaient que leur traitement serait supérieur à
celui des psychiatres «salariés» d'alors. Ils savaient
aussi qu'ils n'auraient droit ni à une pension ni aux
autres avantages sociaux accordés aux médecins
«salariés». Ils ont conclu leur contrat sur cette
base. Le demandeur a dit au cours de l'instruction
qu'il savait qu'il ne serait pas un fonctionnaire. Il
se considérait comme étant à son compte.
Le demandeur fut intégré au personnel de l'hô-
pital de Ponoka (Alberta). A cet endroit, c'est le
médecin chef qui distribue les tâches à chacun.
Tout changement d'affectation relève également
de sa compétence. Chaque médecin jouit d'une
grande latitude dans l'exécution de sa tâche. Le
demandeur a été, au début, responsable du dépar-
a S.R.A. 1970, c. 298 et modifications.
4 S.R.A. 1970, c. 299 et modifications.
tement de médecine légale. Il est maintenant res-
ponsable des admissions à l'urgence. Il consacre en
outre une partie de son temps aux services commu-
nautaires de Ponoka, de Wetaskawin et de
Rimbey. II fait en sorte que ses activités aux
cliniques externes mentionnées ne viennent pas
déranger celles qu'il exerce à l'hôpital.
L'avocat de la défenderesse, au cours du débat,
a reconnu que la notion de «contrôle» ne pouvait en
l'espèce aider vraiment à déterminer s'il s'agissait
d'un contrat d'entreprise ou d'un contrat de tra
vail. On a admis que la province de l'Alberta,
d'après les preuves faites, n'exerçait qu'un «con-
trôle» fort limité sur la manière dont le demandeur
exerçait ses fonctions.
Au sujet du critère de contrôle, lord Parker, juge
en chef, a dit dans Morren c. Swinton and Pendle-
bury Borough Council s:
[TRADUCTION] Comme les nombreuses espèces dont les cours
ont eu à connaître l'ont montré, il n'est pas toujours facile de
déterminer quel est véritablement le lien juridique en jeu. Il
faut d'abord bien interpréter le contrat. Quelques fois on dit,
sans plus préciser, que ce qu'il faut se demander c'est si le
maître peut ordonner ou exiger que l'on fasse telle ou telle
chose, le contrat étant alors un contrat d'entreprise, ou si le
maître peut ordonner ou exiger non seulement que l'on fasse
telle ou telle chose mais qu'on la fasse de telle ou telle façon, le
contrat étant alors un contrat de travail. Ce raisonnement est
peut-être trop simple, aussi LORD THANKERTON dans Short c.
J. & W. Henderson, Ltd. ([1946] S.C. (H.L.) 24, la page 33)
a-t-il énoncé ce qu'il a appelé les quatre indices du contrat de
travail. Ce sont, et il cita le lord Justice -Clerk (LORD COOPER):
a) Le pouvoir discrétionnaire du maître de choisir son pré-
posé; b) le paiement d'un salaire ou d'une autre forme de
rémunération; c) le droit du maître de contrôler la méthode
d'exécution du travail; et d) le droit du maître de renvoyer ou
de suspendre le préposé.
Et LORD THANKERTON ajouta:
Le savant juge a ajouté qu'il peut y avoir contrat de travail
même si certains de ses éléments manquent ou ne sont
présents qu'en une forme inhabituelle; la caractéristique
principale d'un contrat de travail serait le droit du maître de
contrôler de quelque façon la méthode d'exécution du travail
et ce facteur de surveillance et de contrôle aurait fréquem-
ment été considéré comme décisif et caractéristique de la
nature du lien juridique en jeu.
La jurisprudence n'a pas cessé de souligner l'importance du
facteur de surveillance et de contrôle mais il est tout à fait clair
que ce n'est pas là le critère déterminant. Dans Cassidy c.
Minister of Health ([1951] 1 All E.R. 574; [1951] 2 K.B. 343),
LORD JUGE SOMERVELL en parla pour dire, comme le fit LORD
JUGE DENNING dans l'affaire postérieure Stevenson, Jordan &
Harrison, Ltd. c. MacDonald & Evans ([1952] 1 T.L.R. 101),
que manifestement la surveillance et le contrôle ne pouvaient
5 [1965] 2 All E.R. 349, à la page 351.
être le critère décisif lorsqu'on avait affaire à un professionnel
ou à un homme de métier. On a cité en exemple les comman
dants de navire, les machinistes, les architectes ou, comme en
l'espèce, les ingénieurs-conseils. Dans ces cas-là, il ne peut être
question pour le maître de dicter comment effectuer le travail;
il s'ensuit que l'absence de contrôle en ce sens ne peut, à toutes
fins utiles, servir de critère.
La clé du problème en l'espèce réside, à mon
avis, dans les deux contrats (pièce 1), intervenus
entre le demandeur et la province. En substance,
ils sont semblables. Je me référerai au deuxième.
Le demandeur, dans le contrat, est qualifié d'en-
trepreneur ou contractant. Le paragraphe 1 pré-
voit son engagement comme psychiatre clinicien
pour l'hôpital de Ponoka. Ses pouvoirs et ses fonc-
tions sont ceux que prévoit le sous-ministre compé-
tent. Dans l'exécution de ses fonctions, il est [TRA-
DUCTION] «sous les ordres du directeur des
services cliniques dudit département».
Le demandeur devait gagner $2,916 par mois.
Voici le paragraphe 3:
[TRADUCTION] Le contrat aura une durée de deux ans, à
compter du 1' février 1973, le terme étant fixé au 31 janvier
1975, moins qu'il ne soit résilié auparavant conformément à
ses stipulations. Les stipulations peuvent être renégociées au
terme de la première année.
Voici le paragraphe 4:
[TRADUCTION] Le contractant devra au mieux de ses capaci-
tés promouvoir les intérêts du Ministre et exécuter ses fonc-
tions; il aura droit chaque année à trois semaines de congés
payés ainsi qu'à un congé non rémunéré optionnel, accordé de
consentement mutuel, et à une semaine de congé d'études payé.
Les stipulations concernant les vacances sont sem-
blables à celles accordées aux médecins salariés.
Le paragraphe 5 traite des taux d'indemnité de
rappel au travail.
Le paragraphe 6 est libellé comme suit:
[TRADUCTION] Le contractant aura droit à un jour et demi
de congé de maladie par mois, cumulatif jusqu'à un maximum
de 36 jours pour la durée du contrat mais il n'aura pas droit
aux bénéfices de la The Public Service Pension Act ni à aucun
autre droit ou privilège accordé aux membres de la fonction
publique. Six jours de congés de maladie accumulés seront
reportés du précédent au présent contrat.
Les stipulations concernant les congés de maladie
sont semblables à celles applicables aux autres
salariés.
Voici les paragraphes 9, 10 et 11:
[TRADUCTION] Le Ministre reconnaît que le contractant
peut obtenir une chaire à temps partiel à l'université de la
province de l'Alberta mais le contractant convient qu'il n'exer-
cera pas en pratique privée de psychiatrie au cours de la durée
du contrat.
Les cotisations d'assurance-maladie, les cotisations de pen
sion et les contributions au régime de pensions du Canada sont
à la charge du contractant.
L'impôt sur le revenu sera déduit à la source à moins que le
contractant ne produise une exemption officielle obtenue du
gouvernement fédéral.
Le demandeur avait droit à ses frais de subsis-
tance et de déplacement au même taux que les
membres de la fonction publique (paragraphe 12).
Voici les paragraphes 13, 14, 15 et 17:
[TRADUCTION] Le Ministre peut, à sa discrétion, résilier le
contrat en donnant au contractant un avis de congé écrit de six
mois, qui n'a pas à être motivé, ou en lui payant ses émolu-
ments en lieu et place de l'avis de congé.
Le contractant peut, à sa discrétion, résilier le contrat en
donnant au Ministre un avis écrit de six mois, qui n'a pas à être
motivé.
Par dérogation aux clauses 13 et 14, le Ministre et le
contractant peuvent, à tout moment, convenir mutuellement de
mettre fin au contrat.
Le contrat peut toujours être reconduit par le Ministre pour
la durée qui sera alors convenue et aux conditions du présent
contrat ou aux conditions que le Ministre et le contractant
auront alors convenues. Le Ministre doit donner au contractant
un avis écrit de trois mois l'informant de son intention de le
reconduire.
L'ensemble du contrat m'amène à conclure qu'il
tient plus du contrat de travail que du contrat
d'entreprise.
Comme l'a souligné le président Jackett, aujour-
d'hui juge en chef, dans Alexander c. M.R.N. 6 :
Les avocats des deux parties ont largement et très utilement
fait mention de la jurisprudence relative à la distinction entre
un contrat de travail et un contrat de louage de services. Je ne
pense pas qu'il me soit nécessaire de faire au préalable état de
cette jurisprudence pour parvenir à une conclusion. Il semble
évident que ce qui peut dans un cas être une façon valable
d'envisager la solution du problème, n'est pas forcément utile
dans un autre cas. D'une part, un contrat de travail est un
contrat en vertu duquel une partie, le préposé ou l'employé,
convient, pour une période déterminée ou un temps indéfini, et
à temps complet ou à temps partiel, de travailler pour l'autre
6 [1970] R.C.É. 138, aux pages 152à 154.
partie, le commettant ou l'employeur. D'une part, un contrat de
louage de services est un contrat en vertu duquel une partie
accepte d'effectuer pour une autre un certain travail très précis,
stipulé au contrat. Un contrat de travail n'envisage ordinaire-
ment pas l'exécution d'un travail particulier mais stipule ordi-
nairement que le préposé offre ses services au commettant pour
une certaine période de temps. Un contrat de louage de services
envisage ordinairement, par contre, l'exécution d'un travail ou
d'une tâche nettement délimitée et n'exige ordinairement pas
que le contractant exécute personnellement quelque chose... .
Dans cette jurisprudence, le problème découle du fait qu'il
peut exister un contrat de travail présentant certaines des
caractéristiques habituelles d'un contrat de louage de services,
ou un contrat de louage de services présentant certaines des
caractéristiques d'un contrat de travail. Le contrat d'engage-
ment d'un préposé peut stipuler qu'il sera payé proportionnelle-
ment à la somme de travail qu'il accomplira, et lui laisser la
charge de louer et payer lui-même les auxiliaires qui lui seront
nécessaires. Voir à ce sujet le cas de la maîtresse de poste dans
Reference as to the Applicability of the Minimum Wage Act of
Saskatchewan to an employee of the Revenue Post Office.
Ainsi, bien qu'une personne qui passe un contrat d'entreprise
conserve ordinairement son propre lieu de travail, utilise sa
propre usine et son équipement et fournisse les matériaux
nécessités par le travail en question, l'un ou plusieurs de ces
éléments peut être éliminé par accord spécial, sans changer la
nature du contrat de louage de services. Ici, nous avons affaire
à un contrat qui peut être interprété soit comme un contrat de
travail avec quelques variantes par rapport au type normal, soit
comme un contrat de louage de services avec également quel-
ques variantes. Je dois donc rechercher un élément qui per-
mette de déduire sa véritable nature.
On m'a renvoyé à plusieurs autres décisions 7 .
Elles se sont révélées utiles mais non déterminan-
tes.
A mon avis, le demandeur était, au cours des
années en question, régi par un contrat de travail;
il était, du point de vue de la réalité économique et
financière, un salarié.
La cotisation du Ministre est confirmée de
même que la décision de la Commission de révision
de l'impôt.
J'en suis venu à cette conclusion sans hésitation
mais avec regret. La province de l'Alberta et le
7 Stevenson Jordan and Harrison, Ltd. c. Macdonald and
Evans [1952] 1 The Times L.R. 101 (C.A.). Ville de Montréal
c. Montreal Locomotive Works Ltd. [1946] 3 W.W.R. 748
(C.P.). Morren c. Swinton and Pendlebury Borough Council
[1965] 2 All E.R. 349 (Q.B.D.). Alexander c. M.R.N. [1970]
R.C.E. 138 (Cour de l'Échiquier). Ready Mixed Concrete
(South East), Ltd. c. Minister of Pensions and National Insur
ance [1968] 1 All E.R. 433 (le juge MacKenna). The Board of
the Kerrobert School Unit No. 44 of Saskatchewan c. M.R.N.,
Canadian Employment Benefits and Pension Guide, vol. 2
(C.C.H.) 6312 (Commission d'appel des pensions).
demandeur voulaient manifestement que ce der-
nier soit considéré comme un «entrepreneur» plutôt
que comme un salarié. On ne peut, malheureuse-
ment, tenir compte de l'intention des parties mais
uniquement du résultat de la transposition de cette
intention dans la réalité. En l'espèce elles ont créé,
comme je vois la chose, une relation de commet-
tant à préposé. Le contrat est donc régi, à mon
avis, par l'article 46 de la The Public Service Act
de l'Alberta.
Je ne sais pas pourquoi le ministère du Revenu a
choisi de cotiser à nouveau ici. L'action n'a fait
que surprendre la bonne foi du contribuable. Le
demandeur en tant que citoyen et contribuable de
la province de l'Alberta y est, pour les fins de
celle-ci, y compris l'exclusion du droit à une pen
sion, considéré comme un «entrepreneur».
Le ministre du Revenu national toutefois, pour
les fins de la loi fédérale et sans tenir compte du
conflit ainsi créé, a choisi de le considérer comme
un salarié.
Comme je vois la chose, la cotisation en cause
n'a pas l'effet de promouvoir les intérêts des con-
tribuables canadiens ni l'exécution et l'application
de la Loi de l'impôt sur le revenu. Tout ce qu'on
peut dire, d'après la preuve administrée et les
explications qui m'ont été données, c'est que pour
une raison ou pour une autre, des fonctionnaires
du ministère du Revenu ont estimé que, dans le cas
de ce contribuable, il fallait tenir des comptes
rigoureux.
L'action (l'appel) du demandeur est rejetée. La
défenderesse a droit à ses dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.