T-4479-78
William Patrick Radey (Requérant)
c.
La Reine, le surintendant Norman D. Inkster, de
la Gendarmerie royale du Canada, et le commis-
saire Robert Simmons, aussi de la Gendarmerie
royale du Canada (Intimés)
Division de première instance, le juge Decary—
Ottawa, les 24 et 30 octobre 1978.
Brefs de prérogative — Prohibition — Compétence — Ins
truction par la G.R.C. d'accusations ressortissant au service —
Demande visant à interdire au surintendant de poursuivre le
procès du requérant et d'interdire aussi au commissaire de
décider de préparer d'autres accusations contre le requérant et
d'engager une instance contre lui pour les faire valoir — La
prescription de six mois sur déclaration sommaire de culpabi-
lité s'applique-t-elle aux infractions présumées? Loi sur la
Gendarmerie royale du Canada, S.R.C. 1970, c. R-9, art. 25a),
o), 31, 32(1),(2) et 52 — Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, e.
I-23, art. 27(1) et (2) — Code criminel, S.R.C. 1970, c. C-34,
art. 721(2).
DEMANDE.
AVOCATS:
William B. Gill, c.r. pour le requérant.
Duff Friesen pour les intimés.
PROCUREURS:
Gill Cook, Calgary, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE DECARY: Considérant la requête, l'af-
fidavit et les observations des avocats au sujet de
ladite requête, laquelle demande délivrance d'un
bref de prohibition à l'encontre de l'officier prési-
dant le procès, le surintendant Inkster de la Gen-
darmerie royale du Canada, pour lui interdire de
poursuivre le procès du requérant et pour que soit
aussi délivré un bref de prohibition à l'encontre du
commissaire Robert Simmons de la Gendarmerie
royale du Canada pour lui interdire de décider de
préparer d'autres accusations contre le requérant
et d'engager une instance contre lui pour les faire
valoir.
Et, considérant, entre autres:
Que les accusations portent sur de présumées
infractions qui se seraient produites les 24 mars,
6 mai et 2 juin 1977;
Que les accusations ont été portées le 11 septem-
bre 1978; qu'il s'est écoulé entre les dates des
présumées infractions et celle où les accusations
ont été portées de 15 à 18 mois;
Que le 5 octobre 1978, le requérant a présenté
une requête où il alléguait que l'officier prési-
dant le procès était incompétent vu que la pres
cription de six mois pour les infractions punissa-
bles sur déclaration sommaire de culpabilité
était applicable aux présumées infractions;
Que le 6 octobre 1978, l'officier présidant le
procès rejeta la requête estimant qu'il était com-
pétent pour connaître des accusations;
Que fut alors accordée une requête en ajourne-
ment du procès afin de porter l'instance devant
la présente cour et que le procès fut reporté au
11 décembre 1978.
Considérant qu'il ressort:
Que le paragraphe 27(2) de la Loi d'interpréta-
tion, S.R.C. 1970, c. I-23 se lit comme suit:
27. ...
(2) Toutes les dispositions du Code criminel relatives aux
actes criminels s'appliquent aux actes criminels créés par un
texte législatif, et toutes les dispositions du Code criminel
relatives aux infractions punissables sur déclaration som-
maire de culpabilité s'appliquent à toutes les autres infrac
tions créées par un texte législatif, sauf dans la mesure où ce
dernier en décide autrement.
Que la Loi sur la Gendarmerie royale du
Canada, S.R.C. 1970, c. R-9, n'en dispose pas
autrement en sa Partie II où se trouvent les
alinéas 25a) et o) sur le fondement desquels les
accusations ont été portées; les alinéas 25a) et o)
sont libellés comme suit:
25. Tout membre qui
a) désobéit ou refuse d'obéir aux ordres légitimes de
quelque autre membre qui est son supérieur en grade ou
est investi d'une autorité sur lui, ou frappe ou menace de
frapper cet autre membre;
o) se conduit de façon scandaleuse, infâme, honteuse,
impie ou immorale; ou
est coupable d'une infraction qualifiée d'infraction majeure
ressortissant au service et peut être jugé et puni ainsi que le
prescrit la présente Partie.
Que la Loi sur la Gendarmerie royale du
Canada, loin de déclarer que le Code criminel
ne s'applique pas, réfère expressément, dans son
article 31, dont le texte suit, aux dispositions du
Code criminel relatives aux déclarations som-
maires de culpabilité:
31. Chaque fois qu'il apparaît à un officier ou un membre
chargé de commander un détachement ou contingent qu'une
infraction ressortissant au service à été commise, il doit
tenir, ou faire tenir, l'enquête qu'il estime nécessaire. Aux
fins d'une telle enquête, un officier peut interroger toute
personne sous serment ou par voie d'affirmation et contrain-
dre des témoins à comparaître de la même manière que si
l'enquête était une procédure devant des juges de paix sous
le régime des dispositions du Code criminel relatives aux
déclarations sommaires de culpabilité.
Que l'alinéa 27(1)b) de la Loi d'interprétation
se lit comme suit:
27. (1) Quand un texte législatif crée une infraction,
b) l'infraction est réputée une infraction pour laquelle le
contrevenant est punissable sur déclaration sommaire de
culpabilité si rien dans le contexte n'indique que l'infrac-
tion est un acte criminel; et
Qu'il n'y a rien aux paragraphes 32(1) et (2) de
la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada qui
indique que l'infraction n'en soit pas une qui soit
punissable sur déclaration sommaire de culpabi-
lité, cet article étant libellé comme suit:
32. (1) Lorsqu'il apparaît à un officier qu'un membre a
commis une infraction mineure ressortissant au service et
qu'il devrait être jugé pour l'infraction, l'officier doit faire
rédiger une accusation par écrit et la faire signifier au
membre.
(2) Lorsque, en raison d'une enquête prévue à l'article 31,
il apparaît à un officier qu'un membre a commis une
infraction majeure ressortissant au service, un rapport doit
être présenté au Commissaire, et, si ce dernier est d'avis que
le membre devrait être jugé pour l'infraction, il doit ordon-
ner qu'une accusation écrite soit rédigée et signifiée au
membre. En donnant cet ordre, le Commissaire doit désigner
l'officier qui présidera au procès.
Qu'en fait, il n'y a rien dans la Partie II de la
Loi sur la Gendarmerie royale du Canada qui
indique que l'infraction ne soit pas punissable
sur déclaration sommaire de culpabilité; que,
comme il n'y a rien en ce sens dans la Partie II
de cette loi et vu l'alinéa 27(1)b) de la Loi
d'interprétation, le requérant est donc ainsi
punissable, le cas échéant;
Que les infractions punissables sur déclaration
sommaire de culpabilité se prescrivent par six
mois en vertu du paragraphe 721(2) du Code
criminel, S.R.C. 1970, c. C-34 que voici:
721. ...
(2) Aucune procédure ne doit être intentée plus de six
mois après que l'objet des procédures a pris naissance.
Qu'interpréter l'alinéa 27(1)b) et le paragraphe
27(2) de façon que les infractions qu'on repro-
che au requérant ne puissent être prescrites
donnerait un résultat fort étrange si l'on prend
en compte que les infractions de la Partie III de
la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada,
comme celles de corruptions, de se faire passer
pour un membre de cette police, etc., sont toutes
punissables sur déclaration sommaire de culpa-
bilité et se prescrivent par deux ans en vertu de
l'article 52 dont voici le libellé:
52. Nulles poursuites à l'égard d'une infraction tombant
sous le coup de la présente Partie ne doivent être entamées
plus de deux ans après l'époque où le sujet des poursuites a
pris naissance.
Que l'instance a été «intentée plus de six mois
après que l'objet des procédures a pris nais-
sance» vu qu'elle a été engagée 15 18 mois plus
tard;
Que l'instance ayant été engagée plus de six
mois après que l'objet de celle-ci ait pris nais-
sance, elle est nulle et non avenue et l'officier
présidant le procès n'est pas compétent pour
juger le requérant.
Pour les motifs ci-dessus, il est interdit à l'offi-
cier présidant le procès, l'intimé Inkster, de pour-
suivre le procès du requérant vu qu'il n'est pas
compétent pour connaître des accusations, le tout
avec dépens.
La demande d'un bref de prohibition à l'encon-
tre du commissaire Robert Simmons pour lui
interdire d'ordonner de préparer d'autres accusa
tions contre le requérant et d'engager une instance
contre lui pour les faire valoir est prématurée et
sans fondement; elle est donc rejetée avec dépens.
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