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A-384-78
Le procureur général du Canada (Requérant)
c.
Gilles Giguere (Intimé)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, le juge Pratte et le juge suppléant Hyde—Montréal, le 12 décembre 1978.
Examen judiciaire Assurance-chômage Réduction des heures de travail entraînant une réduction de la rémunération Juge-arbitre statuant que la réduction constituait un arrêt de rémunération Demande d'annulation de la décision du juge-arbitre Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2« Supp.), c. 10, art. 28 Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-71-72, c. 48, art. 2(1)n), 17(2)b), 58r) Loi régissant l'emploi et l'immigration, S.C. 1976-77, c. 54, art. 26(7) modifiant art. 2(1)n) Règlements sur l'assurance-chô- mage, DORS/72-114, art. 148(1).
Le procureur général attaque la décision d'un juge-arbitre qui, confirmant un conseil arbitral, a jugé que l'intimé avait droit aux prestations d'assurance-chômage qu'il réclamait. L'intimé a cessé, le 2 novembre 1977, de travailler à plein temps pour son employeur mais il a continué, après cette date, à travailler pour lui à temps partiel. Son salaire a été réduit de $125 $25 par semaine. Prétendant que cette réduction de ses heures de travail et de son salaire constituait un arrêt de rémunération, l'intimé réclama des prestations d'assurance-chô- mage. La Commission rejeta sa prétention qui, cependant, fut favorablement accueillie par le Conseil arbitral aussi bien que par le juge-arbitre. C'est cette décision du juge-arbitre qui fait l'objet du présent examen.
Arrêt: la demande est accueillie. En modifiant l'article 2(1)n) comme il l'a fait, le Parlement a manifesté l'intention que soient considérées comme constituant un «arrêt de rémuné- ration», non pas toutes les réductions des heures de travail mais seulement celles-là qui se traduiraient par la diminution de salaire que prescriraient les Règlements de la Commission. Il est évident que l'effet de la nouvelle définition a été subor- donné, par le Parlement lui-même, à l'adoption des règlements appropriés. En l'absence de pareils règlements, la définition est dénuée d'effet. On ne peut dire que l'amendement à l'article 2(1)n) a eu pour effet de rendre «ultra vires» l'article 148(1) des Règlements. Même si tel était le cas, cela n'aiderait pas l'intimé parce qu'il resterait toujours que les Règlements ne préciseraient pas la réduction devant résulter d'une réduction des heures de travail pour que celle-ci puisse constituer un arrêt de rémunération.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
J. M. Aubry pour le requérant. A. Collard pour l'intimé.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour le
requérant.
Gauthier, Bergeron & Collard, Magog, pour l'intimé.
Voici les motifs du jugement prononcés en fran- çais à l'audience par
LE JUGE PRATTE: Le procureur général du Canada attaque la décision d'un juge-arbitre qui, confirmant un conseil arbitral, a jugé que l'intimé avait droit aux prestations qu'il réclamait en vertu de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-71-72, c. 48.
En vertu de l'alinéa 17(2)b) de la Loi, un assuré n'a droit de recevoir des prestations d'assurance- chômage que s'il y a eu «arrêt de la rémunération provenant de son emploi.» L'intimé a cessé, le 2 novembre 1977, de travailler à plein temps pour son employeur mais il a continué, après cette date, à travailler pour lui à temps partiel, environ deux heures par jour. Son salaire s'en trouva diminué d'autant: il passa de $125 à $25 par semaine. Prétendant que cette réduction de ses heures de travail et de son salaire constituait un arrêt de rémunération, l'intimé réclama les prestations d'assurance-chômage. La Commission rejeta sa prétention qui, cependant, fut favorablement accueillie par le Conseil arbitral aussi bien que par le juge-arbitre. C'est cette décision du juge-arbitre qui fait l'objet de ce pourvoi.
Il est constant que, avant que la Loi ne soit amendée le 11 septembre 1977, l'intimé n'aurait pu prétendre qu'il y avait eu arrêt de rémunéra- tion. En effet, à cette époque l'alinéa 2(1)n) défi- nissait l'expression «arrêt de rémunération» de la façon suivante:
2. (1) Dans la présente loi,
n) «arrêt de rémunération» désigne l'arrêt de la rémunération d'un assuré lorsque celui-ci cesse d'être à l'emploi d'un employeur par suite de mise à pied ou pour toute autre raison;
Cette définition, qui indiquait déjà clairement qu'il ne pouvait y avoir arrêt de rémunération d'un assuré à moins que celui-ci ne cesse d'être à l'em- ploi de son employeur, était complétée par le para- graphe 148 (1) des Règlements sur l'assurance-
chômage, DORS/72-114,' qui se lisait en partie comme suit:
148. (1) ... un arrêt de rémunération survient quand, après une période d'emploi, l'assuré est licencié ou cesse d'être au service de son employeur, et se trouve ou se trouvera à ne pas avoir travaillé pour cet employeur durant une période de sept jours ou plus, à l'égard de laquelle aucune rémunération prove- nant de cet emploi ... ne lui est payable ni attribuée.
Si le juge-arbitre et, avant lui, le Conseil arbi- tral ont jugé que la diminution des heures de travail de l'intimé équivalait à un arrêt de rémuné- ration, c'est parce que la Loi régissant l'emploi et l'immigration, S.C. 1976-77, c. 54, art. 26(7), a modifié l'article 2(1)n) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage. Depuis cet amendement, qui est entré en vigueur le 11 septembre 1977, l'article 2(1)n) se lit comme suit:
2. (1) Dans la présente loi,
n) «arrêt de rémunération» désigne l'arrêt de la rémunération d'un assuré lorsque celui-ci cesse d'être à l'emploi d'un employeur par suite de mise à pied ou pour toute autre raison, ou une réduction de ses heures de travail entraînant une réduction de rémunération telle que prescrite;
Suivant ce texte, il n'est plus nécessaire, pour qu'il y ait arrêt de rémunération, que l'employé cesse d'être à l'emploi de son employeur, il suffit que ses heures de travail soient réduites à la condition, cependant, que cette réduction entraîne une réduc- tion de rémunération «telle que prescrite» par règlement. 2 Or il arrive que la Commission n'a pas adopté de règlement pour donner effet à l'amende- ment de sorte que les règlements ne contiennent aucune disposition précisant quelle doit être la réduction de rémunération résultant d'une diminu tion d'heures de travail pour que cette diminution constitue un arrêt de rémunération. Si, malgré cela, le juge-arbitre a conclu qu'il y a eu, en l'espèce, arrêt de rémunération, c'est pour des motifs qu'il exprime ainsi dans sa décision:
1 Aux termes de l'article 58r) de la Loi,
58. La Commission peut, avec l'approbation du gouver-
neur en conseil, établir des règlements
r) précisant dans quels cas et à quel moment se produit un arrêt de rémunération;
2 L'article 2(1)u) précise en effet que 2. (1) Dans la présente loi,
u) «prescrit» signifie prescrit par règlement;
L'alinéa 58(r) permet à la Commission d'établir des Règle- ments «précisant dans quels cas et à quel moment se produit un arrêt de rémunération». Le paragraphe 148(1) précité n'a pas été amendé par la Commission à la suite de l'amendement de l'alinéa 2(1)n) de la Loi.
Il y a donc anomalie dans le sens que la Loi prévoit mainte- nant qu'une réduction de rémunération «telle que prescrite» signifie un arrêt de rémunération, et la réduction en question n'est pas prescrite aux Règlements.
Si le législateur a cru bon de modifier la définition de l'arrêt de rémunération, c'est avec l'intention qu'on lui donne effet. La nouvelle définition est manifestement plus libérale et permet aux prestataires de travailler à temps partiel sans être automa- tiquement frappés d'exclusivité. La Commission se doit donc de modifier les Règlements en conséquence. A la suite de l'amen- dement de l'alinéa 2(1)n) de la Loi, le paragraphe 148(1) des Règlements est maintenant ultra vires en autant qu'il va à l'encontre de la nouvelle définition.
Je regrette de ne pouvoir partager l'opinion du juge-arbitre.
En modifiant l'alinéa 2(1)n) comme il l'a fait, le Parlement a manifesté l'intention que soient consi- dérées comme constituant un «arrêt de rémunéra- tion», non 'pas toutes les réductions d'heures de travail mais seulement celles-là qui se traduiraient par la diminution de salaire que prescriraient les Règlements de la Commission. Cela étant, il me semble évident que l'effet de la nouvelle définition a été subordonné, par le Parlement lui-même, à l'adoption des règlements appropriés. En l'absence de pareils règlements, la définition me paraît dénuée d'effet.
Je ne vois pas, dans ces circonstances, comment on peut dire que l'amendement à l'alinéa 2(1)n) a eu pour effet de rendre «ultra vires» le paragraphe 148(1) des Règlements. Mais même si tel était le cas, cela, à mon sens, n'aiderait pas l'intimé parce qu'il resterait toujours que les Règlements ne pré- ciseraient pas la réduction devant résulter d'une réduction d'heures de travail pour que celle-ci puisse constituer un arrêt de rémunération.
Pour ces motifs, je ferais droit à la demande, je casserais la décision du juge-arbitre et je lui ren- verrais l'affaire pour qu'il la décide en prenant pour acquis que, en l'espèce, il n'y a pas eu arrêt de la rémunération provenant de l'emploi de l'intimé.
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LE JUGE EN CHEF JACKETT y a souscrit.
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LE JUGE SUPPLÉANT HYDE y a souscrit.
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