A-405-77
La Reine (Appelante) (Demanderesse)
c.
Perry J. Reine (Intimé) (Défendeur)
Cour d'appel, les juges Heald et Urie et le juge
suppléant MacKay—Toronto, le 9 janvier;
Ottawa, le 8 mars 1979.
Compétence — Appel du rejet de la demande de jugement
par défaut contre l'intimé — L'intimé aurait contracté une
dette envers l'appelante par suite d'un paiement anticipé au
titre de la Loi sur les paiements anticipés pour le grain des
Prairies — Il échet d'examiner si la Cour avait compétence
pour connaître de l'action de l'appelante — Loi sur les paie-
ments anticipés pour le grain des Prairies, S.R.C. 1970, c.
P-18, art. 13.
Il s'agit d'un appel de la décision de la Division de première
instance qui a rejeté la demande de jugement présentée par
l'appelante contre l'ntimé. Cette demande de jugement par
défaut a été introduite à la suite d'une action intentée par
l'appelante contre l'intimé au sujet d'un paiement anticipé pour
du grain des Prairies, que l'intimé avait reçu en vertu de la Loi
sur les paiements anticipés pour le grain des Prairies. Le juge
de première instance a rejeté la demande de jugement au motif
que la Cour fédérale n'avait pas compétence pour entendre
l'action de l'appelante.
Arrêt: l'appel est accueilli. Le prêt en cause n'est pas un prêt
relevant de la common law. La cause d'action tout entière est
une création de la Loi et de son règlement d'application,
lesquels constituent en soi un code complet régissant ces opéra-
tions hautement spécialisées. Il ne s'agit pas, en l'espèce, d'une
réclamation fondée sur le droit civil ordinaire, à première vue
applicable à tous, mais plutôt d'une réclamation entièrement
fondée sur une législation fédérale existante. La Loi applicable
en l'espèce «est une loi particulière, adoptée pour déterminer les
droits de la Couronne et les obligations du producteur relative-
ment à un paiement anticipé effectué en vertu de la Loi et la
Couronne fonde sur celle-ci son action pour obtenir paiement
de l'intimé.» L'action de l'appelante est clairement fondée sur
une législation fédérale et, par conséquent, la Cour est
compétente.
Distinction faite avec l'arrêt: McNamara Construction
(Western) Ltd. c. La Reine [1977] 2 R.C.S. 654. Arrêt
mentionné: Associated Metals & Minerais Corp. c. L'
«Evie W» [1978] 2 C.F. 710.
APPEL.
AVOCATS:
T. B. Smith, c.r. et David Sgayias pour l'ap-
pelante (demanderesse).
L'intimé (défendeur) n'était pas représenté.
John J. Robinette, c.r., amicus curiae.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
l'appelante (demanderesse).
McCarthy & McCarthy, Toronto, amicus
curiae.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Il s'agit d'un appel d'une
décision de la Division de première instance
[[1978] 1 C.F. 356] rejetant la demande de juge-
ment présentée par l'appelante contre l'intimé.
Cette demande pour défaut de plaider a été intro-
duite à la suite d'une action intentée par l'appe-
lante contre l'intimé relativement à un paiement
anticipé pour du grain des Prairies perçu par l'in-
timé en vertu des dispositions de la Loi sur les
paiements anticipés pour le grain des Prairies,
S.R.C. 1970, c. P-18, dans sa forme modifiée
(appelée ci-après la Loi visée). La déclaration dans
cette action fait valoir, notamment que:
1. l'intimé a présenté une demande de paie-
ment anticipé conformément à la Loi visée;
2. l'intimé s'est engagé dans la demande, a) à
rembourser le paiement anticipé en déduisant la
moitié du paiement initial pour le grain livré par
lui à la Commission canadienne du blé et b) en
cas de défaut de sa part au sens de l'article 13
de la Loi visée, à rembourser tout solde dû à la
date du défaut du paiement anticipé, avec inté-
rêts sur celui-ci à compter de la date du défaut;
3. conformément à la Loi visée, la Commis
sion canadienne du blé, dès réception ou après
réception de la demande, a versé à l'intimé le
paiement anticipé;
4. l'intimé a omis de remplir les engagements
mentionnés au paragraphe 2 ci-haut et a été
réputé en défaut, conformément à l'article 13 (1)
de la Loi visée; et
5. l'intimé n'a pas remboursé le paiement
anticipé ni aucune partie de celui-ci.
Le savant juge de première instance a rejeté la
demande de jugement pour défaut de plaider au
motif que la Cour fédérale n'avait pas compétence
pour entendre l'action de l'appelante. Il semble que
sa conclusion soit fondée sur son interprétation des
principes établis par l'arrêt McNamara' et leur
application aux faits de l'espèce.
Après avoir cité de larges extraits des motifs du
juge en chef Laskin dans l'arrêt McNamara (pré-
cité), le savant juge de première instance s'est
exprimé en ces termes [aux pages 363 365]:
La question à trancher, selon le juge en chef, est celle de
savoir si la demande de redressement de la Couronne, en
l'espèce, «est fondée sur la législation fédérale applicable».
J'exposerai de façon concise mon opinion quant à l'arrêt
McNamara dans la mesure où il s'applique au présent litige.
Il ne suffit pas que l'obligation naisse par l'effet d'une loi.
En l'espèce, la Loi sur les paiements anticipés pour le grain
des Prairies autorise le versement de tels paiements et prescrit
les conditions dans lesquelles ils peuvent être faits par la
Commission en sa qualité de mandataire de Sa Majesté la
Reine du chef du Canada. Mais la Loi n'impose pas, en
elle-même, une obligation, et il n'en existe aucune, sauf celle
souscrite par l'emprunteur, obligation qui découle non de la
Loi, mais de l'engagement contractuel de rembourser souscrit
par l'emprunteur. L'obligation est fondée sur ]'«engagement>
exigé par la Loi et ne découle pas d'une obligation imposée par
la Loi elle-même, comme c'est le cas aux termes de la Loi de
l'impôt sur le revenu, de la législation fédérale concernant les
douanes et l'accise et autres textes législatifs semblables.
A mon avis, la présente cause est tout à fait semblable à la
réclamation de la Couronne fondée sur le cautionnement dans
l'affaire McNamara. L'engagement exigé du cultivateur
comme condition préalable du versement par la Commission
des paiements anticipés a les mêmes fondements que le caution-
nement dans l'affaire McNamara. De même que la Loi sur les
travaux publics requiert le dépôt d'un cautionnement, de même
la Loi sur les paiements anticipés pour le grain des Prairies
exige du producteur requérant de tels paiements qu'il souscrive
un «engagement». De même que la Loi sur les travaux publics
exige un cautionnement, ainsi la Loi sur les paiements antici-
pés pour le grain des Prairies exige un engagement de la part
de l'emprunteur et, de même que la Loi sur les travaux publics
ne comporte aucune disposition régissant l'exécution du cau-
tionnement, ainsi la Loi sur les paiements anticipés pour le
grain des Prairies n'en comporte aucune régissant l'exécution
de l'engagement.
Je ne crois pas que l'existence de l'article 15 du Règlement
auquel fait référence le procureur de la demanderesse améliore
davantage la situation de la Couronne dans la présente affaire,
pas plus que celle de l'article 17(4) de la Loi sur la Cour
fédérale ne l'améliorait dans l'affaire McNamara, où la Cou-
ronne était également demanderesse.
De plus, j'estime que les éléments de la présente affaire sont
identiques à ceux de l'affaire McNamara.
' McNamara Construction (Western) Limited c. La Reine
[1977] 2 R.C.S. 654.
La Cour suprême a unanimement conclu que l'action de la
Couronne pour inexécution d'un contrat ou l'action fondée sur
le cautionnement n'avaient aucun fondement légal.
De même, pour les motifs exprimés, je conclus que l'action de
la Couronne en l'espèce n'a aucun fondement légal et par
conséquent, la demande de jugement contre le défendeur pour
défaut de plaider doit être rejetée parce que, après étude de la
décision McNamara, j'estime que la présente cour n'a pas
compétence pour connaître de la déclaration.
Afin de vérifier l'exactitude de la conclusion du
savant juge de première instance selon laquelle
l'action de l'appelante en l'espèce n'a aucun fonde-
ment légal, il convient, selon moi, d'examiner l'ob-
jet de la Loi et du Règlement y afférent, puisque,
selon l'appelante, il s'agit de la législation fédérale
applicable qui donne à cette cour compétence pour
entendre l'action intentée par la Couronne. 2
En examinant la Loi visée, nous constatons, en
premier lieu, qu'en vertu de l'article 2(2), la Loi
visée doit «s'interpréter conjointement avec la Loi
sur la Commission canadienne du blé et, à moins
d'une intention contraire manifeste, tous les mots
et expressions de la présente loi ont le sens que leur
donne la Loi sur la Commission canadienne du
blé.» Cette loi exige que la Commission canadienne
du blé achète tout le blé, l'avoine et l'orge ... et
tels autres grains qui peuvent être inclus de temps
à autre sur instructions du gouverneur en conseil,
produits dans la région désignée (définie dans la
Loi visée comme la région formée des trois provin
ces des Prairies et de certaines parties désignées de
la Colombie-Britannique et de l'Ontario). En vertu
de la Loi visée et du Règlement y afférent, nul ne
doit livrer du grain à un élévateur à moins:
1. que la personne livrant le grain ne soit le
producteur réel du grain ou n'ait droit, à titre de
propriétaire, vendeur ou créancier hypothécaire,
à toute part s'y rattachant;
2. que la personne livrant le grain ne produise
au gérant de l'élévateur, à l'époque de la livrai-
son, un livret de permis émis par la Commission
en vertu duquel elle a droit de livrer le grain
2 Voir: Associated Metals & Minerais Corp. c. L'«Evie W»
[1978] 2 C.F. 710, aux pages 713 716, pour l'opinion du juge
en chef Jackett sur la portée des arrêts Quebec North Shore et
McNamara concernant la compétence de cette cour en vertu de
l'article 101 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique,
1867. Le juge en chef fait remarquer que dans ces deux arrêts,
le réclamant n'a pu fonder sa réclamation sur aucune législa-
tion fédérale existante.
dans la campagne agricole (du ler août au 31
juillet inclusivement) au cours de laquelle est
effectuée la livraison;
3. que le grain n'ait été produit dans la campa-
gne agricole au cours de laquelle est effectuée la
livraison, sur les terres décrites dans le livret de
permis, ou dans toute autre campagne agricole,
sur quelque terre que ce soit;
4. que le grain ne soit livré au point de livraison
mentionné dans le livret de permis; et à moins
que
5. la quantité de grain livré, avec tout le grain
de la même catégorie livré en vertu du livret de
permis, n'excède pas le contingent établi par la
Commission à l'égard de ce point de livraison
pour le grain de la catégorie livré à l'époque de
sa livraison (voir l'article 17(1) de la Loi sur la
Commission canadienne du blé, S.R.C. 1970, c.
C-12).
Des dispositions, restrictions et conditions simi-
laires sont imposées à la livraison de grain aux
wagons de chemins de fer (voir l'article 18 de la
Loi visée). La Commission doit entreprendre le
placement de tout le grain livré aux élévateurs ou
aux wagons de chemins de fer et les producteurs
reçoivent leur quote-part des revenus provenant de
la vente du grain qu'ils ont livré, déduction faite de
leur quote-part des frais d'administration de la
Commission. 3 De plus, la Loi déclare spécifique-
ment que la Commission est constituée en corpora
tion pour l'organisation ordonnée des marchés
interprovincial et extérieur du grain cultivé au
Canada. 4 Le terme «contingent», au sens de la Loi,
signifie «la quantité de grain dont la livraison est
autorisée à même le grain produit sur une terre
décrite dans un livret de permis, telle que la Com
mission la détermine au besoin, que cette quantité
soit exprimée comme quantité pouvant être livrée
en provenance d'un nombre spécifié d'acres ou
autrement;» (voir l'article 2(1)). «Acres du contin
gent» s'entend comme «les acres spécifiées avec
l'accord de la Commission, relativement à tout
grain, comme étant la base établie pour la livraison
3 Cette description générale du fonctionnement de la Loi est
tirée des motifs de la décision du juge Locke, Murphy c. La
Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique [1958]
R.C.S. 626, la page 630.
4 Voir l'article 4(4) de la Loi sur la Commission canadienne
du blé.
de ce grain en vertu d'un livret de permis visant la
terre y décrite».
De ce qui précède, il ressort qu'en vertu du
mécanisme de mise en marché ordonnée du grain
cultivé par les producteurs de l'Ouest, la quantité
de grain qu'un fermier des Prairies peut livrer dans
une campagne agricole donnée est strictement con-
trôlée et limitée par les contingents établis par la
Commission canadienne du blé. Les contingents
que cette dernière fixe pour une année donnée
correspondent, bien entendu, à la demande, cana-
dienne et étrangère, de grain des Prairies. Il est
reconnu qu'au cours des années passées, la produc
tion de grain des Prairies a, à l'occasion, considéra-
blement dépassé la vente de ces produits par la
Commission, ce qui a résulté en d'importants
reports sur les années postérieures. Ces réserves de
grain étaient conservées sur des fermes des Prai
ries, dans des élévateurs des Prairies et dans des
élévateurs terminus du Canada. Tous conviennent
également qu'au cours d'années passées, la
méthode des contingents a eu pour effet de res-
treindre à un point tel les livraisons de grain par
les fermiers des Prairies que ceux-ci connurent de
sérieux problèmes d'autofinancement qui leur cau-
sèrent, ainsi qu'à l'économie des Prairies dans son
ensemble, des épreuves considérables. Il est clair
que ces situations ont constitué la toile de fond de
la Loi sur les paiements anticipés pour le grain
des Prairies adoptée par le Parlement. A mon avis,
l'objet de cette dernière est donc de soulager les
épreuves et les difficultés financières mentionnées
plus haut par le versement de paiements anticipés
pour le grain entreposé sur les fermes. En sub
stance, il s'agit d'un programme conçu par le
Parlement pour faire face à une situation qui
survient, de temps à autre, par suite de l'applica-
tion du mécanisme de mise en marché ordonnée et
celui des livraisons en commun établis par la Loi
sur la Commission canadienne du blé. A mon avis,
la Loi en cause doit être considérée comme faisant
partie intégrante d'un programme plus vaste de
mise en marché du grain des Prairies prévu par la
Loi sur la Commission canadienne du blé. Il s'agit
d'une loi spécialement conçue pour répondre à des
circonstances particulières, et qui fait, néanmoins,
partie du programme global.
Compte tenu de ce programme, je vais mainte-
nant examiner en détail les articles pertinents de la
Loi et du Règlement en vigueur à la date du
paiement anticipé en cause.
L'article 4 de la Loi se lit ainsi:
4. (1) Une demande de paiement anticipé doit être faite au
moyen d'une formule prescrite et être signée par le producteur.
Elle doit indiquer
a) le montant du paiement anticipé pour lequel la demande
est faite;
b) les variétés et les quantités du grain battu entreposé à la
date de la demande et à l'égard duquel le requérant demande
un paiement anticipé;
c) le numéro du livret de permis en vertu duquel il a droit de
livrer du grain;
d) s'il a reçu un paiement anticipé antérieur, et, dans le cas
de l'affirmative, les détails à ce sujet ainsi que le total du
grain non livré à l'égard duquel le paiement anticipé anté-
rieur a été fait;
e) pour la période écoulée entre le début de la campagne
agricole où la demande est faite et la date de la demande, les
variétés et les quantités de grain que le requérant a livrées à
la Commission aux termes de contingents généraux de super-
ficie et de son contingent unitaire; et
J) les autres détails prescrits.
(2) Une demande doit être attestée par affidavit et doit
comprendre une autorisation du requérant permettant que la
moitié du paiement initial pour le grain livré à la Commission,
en vertu du livret de permis spécifié dans la demande ou de tout
livret de permis délivré en remplacement ou en prolongation de
ce dernier, soit déduite et versée à la Commission tant que
l'engagement du requérant n'aura pas été rempli.
Ainsi, conformément au paragraphe (2) de cet
article, l'appelante a autorisé la Commission à
déduire la moitié du paiement initial pour chaque
contingent livré à l'élévateur et à l'imputer au
remboursement du prêt.
L'article 5(1) est libellé comme suit:
5. (1) Avant qu'un paiement anticipé ne soit versé à un
producteur, celui-ci doit souscrire un engagement selon la
forme prescrite, en faveur de la Commission, portant
a) que, dès qu'un contingent ou une autre permission donnée
par la Commission le lui permettra, il livrera le grain à la
Commission, outre les livraisons désignées au paragraphe
11(2), jusqu'à ce que la moitié du paiement initial en l'espèce
soit égale au paiement anticipé qui lui est fait; et
b) que, sur défaut, il remboursera à la Commission le mon-
tant en défaut, sans intérêts avant le défaut, mais avec
intérêts à six pour cent l'an après le défaut.
L'article 5 prévoit, en substance, qu'un fermier ne
peut obtenir un paiement anticipé pour du grain
entreposé sur une ferme tant qu'il n'aura pas
souscrit un engagement de rembourser ce paie-
ment en livrant à la Commission la moitié de
chaque contingent autorisé jusqu'à ce que le paie-
ment anticipé ait été remboursé en entier.
L'article 3(1) du Règlement [DORS/71-395]
adopté en vertu de la Loi visée se lit ainsi:
3. (1) Une demande de paiement anticipé émanant d'un
requérant qui a rempli ses engagements, s'il en est, à l'égard de
tous les paiements anticipés reçus précédemment et qui n'a pas
bénéficié d'un paiement anticipé pour la campagne agricole en
cours, doit être faite selon la formule AR-A de l'annexe.
Les engagements susmentionnés font partie inté-
grante de cette formule. A mon avis, la promesse
de l'intimé de rembourser le paiement anticipé et
la méthode de remboursement, font donc partie de
la Loi visée et du Règlement y afférent. Je ne suis
pas d'accord avec l'opinion du savant juge de
première instance que l'obligation de l'emprunteur
naît de sa promesse contractuelle de rembourser.
Si je comprends bien le savant juge de première
instance, il est d'avis que c'est l'engagement qui
impose l'obligation de rembourser alors que, selon
moi, l'obligation de rembourser et la méthode de
remboursement découlent de la Loi et du Règle-
ment y afférent, et non de la promesse contrac-
tuelle. J'estime que cette opinion a également pour
fondement l'article 14 de la Loi visée qui prévoit
que: «Lorsqu'un producteur est en défaut, toutes
procédures contre lui, pour assurer l'exécution de
son engagement, peuvent être prises au nom de la
Commission ou au nom de Sa Majesté.» Je rejette
également l'opinion du savant juge de première
instance que la réclamation de l'appelante est en
tous points semblable à la réclamation de la Cou-
ronne fondée sur un cautionnement dans l'affaire
McNamara (précitée): cette opinion vient de sa
conviction que la Loi visée ne «comporte aucune
[disposition] régissant l'exécution de l'engage-
ment» [page 364]. A mon avis, la Loi visée com-
porte des dispositions précises régissant l'exécution
de l'engagement. Outre les articles de la Loi visée
et du Règlement énoncés plus haut, il faut men-
tionner le paragraphe 13 (1) de la Loi qui établit
les circonstances dans lesquelles un emprunteur est
réputé en défaut. Ce paragraphe se lit ainsi:
13. (1) Aux fins de la présente loi, un bénéficiaire est réputé
en défaut si son engagement n'a pas été rempli
a) dans les dix jours de la date où la Commission lui expédie
par la poste ou lui livre, ou lui fait expédier par la poste ou
livrer, un avis écrit déclarant que, suivant l'opinion de la
Commission, il a eu l'occasion voulue de remplir son engage
ment, ou qu'il a, autrement que par livraison à la Commis
sion, disposé de la totalité ou d'une partie du grain à l'égard
duquel l'avance a été faite, et lui demandant de remplir son
engagement par livraison de grain à la Commission ou
autrement;
b) avw.nt le 15 septembre de la nouvelle campagne agricole
suivant immédiatement celle où le paiement anticipé a été
fait, et s'il n'a pas demandé un livret de permis pour cette
nouvelle campagne agricole, en remplacement du livret de
permis spécifié dans sa demande; ou
c) avant le 31 décembre de la nouvelle campagne agricole
suivant immédiatement celle où le paiement anticipé a été
fait, ou telle date postérieure que la Commission peut autori-
ser dans des cas spéciaux.
La lecture de ces articles de la Loi visée et du
Règlement y afférent m'a convaincu que le prêt en
question n'en est pas un que l'emprunteur rem-
bourse dans le cours normal des choses. Ce n'est
aucunement, à mon avis, un prêt relevant de la
common law. La Loi visée établit la méthode de
remboursement (article 4), la promesse de l'em-
prunteur de rembourser (article 5), le défaut lui-
même (article 13), et le droit d'obtenir paiement
(article 14). La cause d'action tout entière est une
création de la Loi visée et du Règlement y affé-
rent. Ces derniers constituent, par eux-mêmes, un
code complet qui s'étend à ces transactions haute-
ment spécialisées.
Je suis donc d'avis qu'il ne s'agit pas, en l'es-
pèce, à l'instar de l'arrêt McNamara (précité),
d'une réclamation fondée sur le droit civil ordi-
naire, à première vue applicable à tous, mais plutôt
d'une réclamation entièrement fondée sur une
législation fédérale existante, c.-à-d. la Loi et le
Règlement y afférent. 5 Je suis d'accord avec l'avo-
cat de l'appelante qui affirme dans son mémoire
que cette loi [TRADUCTION] ««... est une loi parti-
culière, adoptée pour déterminer les droits de la
Couronne et les obligations du producteur relative
s Voir: La Reine c. Saskatchewan Wheat Pool [1978] 2 C.F.
470, un jugement de la Division de première instance de cette
cour où la Cour a statué qu'elle avait compétence pour détermi-
ner l'obligation statutaire envers la Couronne d'un opérateur
d'élévateur en vertu de la Loi sur les grains du Canada. Le
juge suppléant Smith s'exprime en ces termes à la page 482: «Je
souligne qu'en l'espèce le litige consiste à déterminer la respon-
sabilité d'un exploitant d'élévateur, en vertu de la Loi sur les
grains du Canada. Il ne faut pas confondre ce cas avec celui de
négligence ... et ... il ne faut pas non plus confondre ce cas
avec celui où le litige provient d'une rupture de contrat entre
personnes.»
ment à un paiement anticipé effectué en vertu de
la Loi et la Couronne fonde sur celle-ci son action
pour obtenir paiement de l'intimé.» Conformément
à cette interprétation, je conclus que l'action de
l'appelante est clairement fondée sur une législa-
tion fédérale et cette cour a, par conséquent,
compétence.
Pour tous ces motifs je suis d'avis d'accueillir
l'appel, d'annuler le jugement de la Division de
première instance et de lui renvoyer l'affaire pour
être jugée de nouveau sur la base qu'elle a compé-
tence pour entendre.
* * *
LE JUGE URIE: Je suis d'accord.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY: Je souscris à
ces motifs.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.