T-3554-79
La Reine du chef du Canada et le procureur
général du Canada (Demandeurs)
c.
L'Association nationale des employés et techni-
ciens en radiodiffusion, Armand Bergeron, Bryon
Lowe, Roch Sarrazin, Ones St. Amour, Jose
Lalonde, Andre Villeneuve, Bernard Maguire,
Robert Seychuk, Al Donovan, Richard Jamieson,
Jacques Gilbert, Denis Meloche, Les Peers, Phil-
lip Colborne, Rene Paquet, Michel Masse, Paul
Thibeault (Défendeurs)
Division de première instance, le juge en chef
adjoint Thurlow—Ottawa, le 21 juillet 1979.
Brefs de prérogative Injonction provisoire — Relations
du travail — Compétence — Les cours supérieures n'ont pas
été expressément destituées de leur compétence par la modifi
cation apportée en 1977-78 au Code canadien du travail et la
présente requête est fondée sur l'art. 17(4) de la Loi sur la
Cour fédérale, lequel article ne prévoit aucune limitation
comparable à celle visée par l'art. 23 — Considérations mili
tant contre l'intervention de la Cour — Compétence exercée au
motif que le jour où le Conseil canadien des relations du
travail sera en mesure d'instruire la demande, il sera trop tard
pour prévenir les inconvénients et le préjudice occasionnés par
l'interruption de service et que l'interruption envisagée était
préconisée par les syndicalistes dans l'intention de bafouer la
loi — Code canadien du travail, S.R.C. 1970, c. L-1, art.
180(2), 182 — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e
Supp.), c. 10, art. 17(1),(4), 23.
REQUÊTE.
AVOCATS:
E. A. Bowie et L. S. Holland pour les
demandeurs.
Les défendeurs n'étaient pas représentés.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la
demanderesse la Reine du chef du Canada.
Les défendeurs n'étaient pas représentés.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance prononcés à l'audience par
LE JUGE EN CHEF ADJOINT THURLOW: Il s'agit
d'une requête aux fins d'obtenir une injonction
provisoire pour empêcher la violation par les
défendeurs du paragraphe 180(2) du Code cana-
dien du travail'. Deux des défendeurs ont com-
paru à l'audition, sans faire toutefois d'observa-
tions. Au cours de l'audition j'ai donné
l'autorisation de constituer le procureur général du
Canada codemandeur sur dépôt de son consente-
ment à cet effet, sous réserve de présentation d'une
objection justifiée, dans les dix jours, par toute
partie intéressée.
Dans l'affaire McKinlay Transport Limited c.
Goodman 2 , j'ai exprimé l'opinion qu'à la suite des
modifications du Code canadien du travail, y com-
pris l'article 182 nouveau 3 , la présente Cour
n'avait pas compétence en vertu de l'article 23 de
la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e
Supp.), c. 10, 4 pour connaître d'une telle demande.
S.R.C. 1970, c. L-1 modifié par S.C. 1972, c. 18.
180... .
(2) Nul employé ne doit participer à une grève, sauf
a) s'il est membre d'une unité de négociation pour laquelle
une mise en demeure de négocier collectivement a été
adressée en vertu de la présente Partie; et
b) si les conditions du paragraphe (1) ont été remplies
pour l'unité de négociation dont il est membre.
2 [1979] 1 C.F. 760.
3 S.C. 1977-78, c. 27.
182. Lorsqu'un employeur prétend qu'un syndicat a
déclaré ou autorisé une grève, ou que des employés ont
participé, participent ou participeront vraisemblablement à
une grève, et que cette grève a eu, a ou aurait pour effet
d'entraîner la participation d'un employé à une grève en
violation de la présente Partie, l'employeur peut demander au
Conseil de déclarer que la grève était, est ou serait illégale et
le Conseil peut, après avoir donné au syndicat ou aux
employés la possibilité de se faire entendre au sujet de cette
demande, faire une telle déclaration et, à la demande de
l'employeur, rendre une ordonnance pour
a) enjoindre au syndicat de revenir sur sa décision de
déclarer ou d'autoriser une grève, et d'en informer sans
délai les employés concernés;
b) interdire à tout employé de participer à la grève;
c) ordonner à tout employé qui participe à la grève d'ac-
complir ses fonctions; et
d) sommer les dirigeants ou représentants d'un syndicat
de porter sans délai à la connaissance de ceux de leurs
membres que cela peut viser les interdictions ou les ordres
établis en vertu des alinéas b) ou c).
23. La Division de première instance a compétence concur-
rente en première instance, tant entre sujets qu'autrement, dans
tous les cas où une demande de redressement est faite en vertu
d'une loi du Parlement du Canada ou autrement, en matière de
lettres de change et billets à ordre lorsque la Couronne est
partie aux procédures, d'aéronautique ou d'ouvrages et entre-
prises reliant une province à une autre ou s'étendant au-delà
des limites d'une province, sauf dans la mesure où cette compé-
tence a par ailleurs fait l'objet d'une attribution spéciale.
La présente demande est toutefois fondée sur le
paragraphe 17(4) de la Loi sur la Cour fédérales
qui ne contient aucune limitation comparable à
celle des derniers mots de l'article 23. En l'occur-
rence, les avocats des demandeurs ont déclaré que
puisque la Cour, avant la modification du Code
canadien du travail en 1977-78, était compétente
pour appliquer par injonction le paragraphe
180(2), et que la loi portant modification n'avait
pas exprimé formellement ou en termes clairs l'in-
tention de retirer cette compétence aux cours supé-
rieures, la présente Cour restait compétente pour
appliquer le paragraphe 180(2) par injonction. Du
point de vue dé la seule question de compétence, et
à défaut d'avoir entendu un argument contraire, je
suis porté à croire que cette prétention est fondée.
Mais, en examinant s'il convient que la Cour
exerce la compétence qui lui a été ainsi laissée, il
me semble que le but évident de la modification,
qui est de confier l'application de la disposition au
Conseil canadien des relations du travail en lui
donnant en matière d'injonction des pouvoirs plus
larges que ceux des cours supérieures, milite forte-
ment contre toute intervention de la présente Cour.
Et si cette considération est valable, elle me semble
s'appliquer a fortiori lorsque, comme dans la pré-
sente espèce, le Conseil est déjà saisi d'une
demande d'injonction dont l'objet recouvre la
question actuellement portée devant la Cour.
Il convient d'ajouter à cela qu'il plane à mon
avis un sérieux doute quant au droit de la Cou-
ronne de poursuivre cette procédure simplement en
qualité de mandant de la Société Radio-Canada
dans des domaines autres que ceux mentionnés au
5 17....
(4) La Division de première instance a compétence con-
currente en première instance
a) dans les procédures d'ordre civil dans lesquelles la
Couronne ou le procureur général du Canada demande
redressement; et
b) dans les procédures dans lesquelles on cherche à obtenir
un redressement contre une personne en raison d'un acte
ou d'une omission de cette dernière dans l'exercice de ses
fonctions à titre de fonctionnaire ou préposé de la
Couronne.
paragraphe 38(3) de la Loi sur la radiodiffusion 6 .
D'autre part, il ressort des documents présentés
à la Cour que le Conseil canadien des relations du
travail n'est pas en mesure d'examiner la demande
dont il est saisi avant le 27 juillet 1979, date à
laquelle il sera trop tard pour empêcher les incon-
vénients et le préjudice que le retrait de service
occasionnera à l'égard des programmes objet de la
présente demande.
En outre, la documentation qui m'est présentée
fait ressortir que la rupture prévue a été préconisée
par les responsables syndicaux de manière à indi-
quer une intention délibérée de bafouer la loi.
Dans ces circonstances, et compte tenu surtout
de l'incapacité de la Société Radio-Canada d'obte-
nir une audition de l'affaire devant le Conseil
canadien des relations du travail dans le délai
nécessaire pour obtenir un quelconque secours
effectif concernant l'objet de la présente demande,
je pense qu'il convient d'envisager la chose comme
un cas tellement exceptionnel que la Cour doit
intervenir pour empêcher la loi d'être bafouée et le
déni de tout secours effectif.
Les défendeurs seront donc frappés d'une
injonction, comme requis, jusqu'au lundi 30 juillet.
6 S.R.C. 1970, c. B-11.
38....
(3) Le vice-président exécutif et les fonctionnaires et
employés engagés par la Société en conformité du paragra-
phe (2) sont employés, sous réserve de l'article 44, selon les
modalités et moyennant la rémunération que la Société juge
appropriées et ni le vice-président exécutif ni ces fonctionnai-
res et employés ne sont des fonctionnaires ou préposés de Sa
Majesté.
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