T-1356-74
Osborn Refrigeration Sales and Service Inc.
(Demanderesse)
c.
Le navire Atlantean I, ses propriétaires, ses arma-
teurs et toute autre personne ayant des intérêts
dans ledit navire (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Walsh—
Montréal, les 14 et 15 février; Ottawa, le 26 mars
1979.
Droit maritime — Action résultant d'une ordonnance rendue
sur requête visant aux mesures relatives à la preuve des
réclamations faites dans le cadre d'un litige complexe et
inhabituel portant sur la propriété du navire — Les réclama-
tions dépassent le produit de la vente du navire — Principes
déterminant le rang de priorité des créanciers — Établisse-
ment des réclamations et du rang de priorité — Loi sur la
Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 43(3), 59 —
Loi sur la marine marchande du Canada, S.R.C. 1970, c. S-9,
art. 38, 43 — Loi sur le pilotage, S.C. 1970-71-72, c. 52, art.
34 — Règle 1010 de la Cour fédérale.
Cette action résulte d'une ordonnance prescrivant certaines
mesures relatives à la preuve des réclamations dont la Cour a
été saisie dans le cadre d'un litige portant sur la propriété du
navire Atlantean 1 et sur les réclamations déposées contre lui. Il
a été ordonné aux réclamants qui avaient fait opposition d'indi-
quer la nature et le montant de leur réclamation ainsi que son
rang de priorité dans la répartition du produit de la vente.
L'acquéreur du navire, Caron, qui l'a acheté dans une vente
judiciaire, a subi des frais pour prendre possession du navire, en
raison de complications contentieuses, des frais de justice y
afférents, des mesures prises par le commandant du navire en
vertu d'une apparence de droit découlant d'un jugement de la
Cour des petites créances, et des dépenses de conservation du
navire normalement supportées par le prévôt. La G.R.C. et la
Garde côtière réclament le remboursement des dépenses subies
pour la poursuite du navire et sa livraison au prévôt. Bien que la
réclamation de la G.R.C. porte au premier chef sur les salaires
et heures supplémentaires de ses agents, sur leur logement et
leur nourriture, et sur la location d'avions, elle recouvre égale-
ment l'achat du mazout pour le navire et sa vidange en
prévision de l'hiver. La Garde côtière réclame l'intégralité des
dépenses subies pour ramener le navire, dont les dépenses en
mazout, en lubrifiants et en provisions pour l'Atlantean I.
Ontario Sandblasting Company réclame le remboursement des
approvisionnements nécessaires, en l'occurrence le décapage et
la peinture du navire en 1973. Port Colborne Warehousing
Limited et d'autres ont obtenu un jugement portant rembourse-
ment des approvisionnements nécessaires; la saisie du navire,
effectuée après la constitution de l'hypothèque de la Security
National Bank, avait été ordonnée bien avant. Ni Port Col-
borne Warehousing Limited, qui subissait des frais de publica
tion de sa requête visant à la vente du navire, ni le juge ne
savaient que la vente du navire avait déjà été autorisée. La
réclamation des pilotes se rapporte aux services effectivement
rendus comme aux occasions où le navire a appareillé sans
pilote et où il était quand même légalement tenu aux droits de
pilotage. Enfin, la Security National Bank réclame le paiement
d'une hypothèque maritime de premier rang.
Arrêt: la Cour conclut à la validité de la plupart des réclama-
tions et en détermine le rang de priorité. La propriété est
acquise à l'acquéreur dès que la vente a été validée par la Cour;
les dispositions de la Loi sur la marine marchande du Canada
ne font que prévoir les formalités nécessaires pour achever la
transmission du titre de propriété. Dans l'intervalle entre l'ap-
probation de la Cour et la signature de l'acte de vente par le
prévôt, l'acquéreur est propriétaire sous condition suspensive.
Les réclamations nées après cette date sont des réclamations
contre le navire et non contre les deniers consignés sauf, en
l'espèce, les frais subis pour la conservation du navire. Il faut
s'en tenir à l'ordonnance initiale de vente. On ne peut certes pas
écarter les règles fondamentales relatives à l'ordre de préfé-
rence, mais il existe des précédents où, dans des cas d'espèce, il
a fallu tenir compte des considérations d'équité. L'affaire en
instance requiert l'application de certains principes d'équité
dans la distribution des deniers très limités par rapport aux
réclamations. Les frais du prévôt auront la première priorité. Ils
comprennent non seulement les sommes que le prévôt a débour-
sées, mais encore celles déboursées par les autres parties en son
nom, avec ou sans son autorisation expresse, pour conserver le
navire entre la date de son adjudication et celle de sa remise à
l'acquéreur. Ni la G.R.C. ni la Garde côtière ne peuvent, dans
l'accomplissement de leurs devoirs conformément à une ordon-
nance judiciaire, réclamer un remboursement, avec les deniers
consignés, des frais qu'elles ont subis à cet égard. Les dépenses
faites pour le mazout, pour les approvisionnements et pour la
vidange du navire sont cependant des dépenses faites pour sa
conservation et doivent être incluses dans les frais du prévôt.
Les dépens subis par les avocats de l'acquéreur devant la Cour
pour prendre possession du navire sont admissibles pour les
mêmes considérations exceptionnelles d'équité. Port Colborne
Warehousing Limited aura droit aux dépens taxés ainsi qu'aux
frais découlant de l'ordonnance qu'elle a obtenue de la Cour.
La réclamation des pilotes pour services rendus est un privilège
maritime, mais celle pour services non rendus n'est qu'un
privilège légal contre le navire et non contre les deniers consi
gnés. Le reliquat des deniers consignés sera distribué à la
Security National Bank, créancière hypothécaire. La réclama-
tion de l'Ontario Sandblasting et le reste de la réclamation de
Port Colborne Warehousing Limited sont réglés par l'article
43(3) de la Loi sur la Cour fédérale.
REQUÊTE.
AVOCATS:
La demanderesse n'était pas représentée.
Les défendeurs n'étaient pas représentés.
Ian E. Harris pour la réclamante Port Col-
borne Warehousing Limited.
Richard Gaudreau pour les réclamants Paul-
Émile Caron et Langlois, Drouin, Roy, Fré-
chette & Gaudreau.
Claude Joyal pour les réclamantes la Gendar-
merie royale du Canada et la Garde côtière
canadienne.
Sean J. Harrington pour la réclamante Secu
rity National Bank.
Pierre H. Cadieux pour la réclamante Onta-
rio Sandblasting Company.
Michel Bourgeois pour la réclamante l'Admi-
nistration de pilotage des Laurentides.
PROCUREURS:
Chauvin, Marier & Baudry, Montréal, pour
la demanderesse.
Cerini, Jamieson, Salmon, Findlay, Watson,
Souaid & Harris, Montréal, pour la récla-
mante Port Colborne Warehousing Limited.
Langlois, Drouin, Roy, Fréchette & Gau-
dreau, Montréal, pour les réclamants Paul-
Émile Caron et Langlois, Drouin, Roy, Fré-
chette & Gaudreau.
Le sous-procureur général du Canada pour
les réclamantes la Gendarmerie royale du
Canada et la Garde côtière canadienne.
McMaster, Meighen, Montréal, pour la récla-
mante Security National Bank.
Asselin & Cadieux, Montréal, pour la récla-
mante Ontario Sandblasting Company.
Guy P. Major, Montréal, pour la réclamante
l'Administration de pilotage des Laurentides.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Cette action résulte d'une
ordonnance rendue le 25 janvier 1977 par le juge
Raymond G. Decary sur la requête de Paul-Émile
Caron, qui prescrit certaines mesures relatives à la
preuve des réclamations dont la Cour est saisie
dans le cadre d'un litige extraordinairement com-
plexe et inhabituel portant sur la propriété du
navire Atlantean I et sur les réclamations déposées
contre lui. Aux termes de cette ordonnance, les
réclamants qui ont fait opposition peuvent, avec la
permission de la Cour, intervenir conformément à
la Règle 1010 des Règles de la Cour dans les 30
jours de la signification de l'ordonnance, en indi-
quant sur leur demande d'intervention la nature et
le montant de leur réclamation ainsi que son rang
de priorité dans la répartition du produit de la
vente. Ces interventions doivent être signifiées
dans les 10 jours à tous les autres opposants; elles
peuvent être contestées au cours d'une audience
commune dont la tenue doit être demandée con-
jointement dans les 60 jours. Malgré de nombreux
retards, des demandes d'intervention ont finale-
ment été déposées au nom de la Security National
Bank, du procureur général du Canada en tant que
représentant de la Garde côtière canadienne et de
la Gendarmerie royale du Canada, de Port Col-
borne Warehousing Limited, de Paul-Émile
Caron, de l'étude d'avocats Langlois, Drouin, Roy,
Fréchette et Gaudreau qui représente ce dernier
dans cette affaire, de l'Administration de pilotage
des Laurentides et de l'Ontario Sandblasting
Company.
L'administration des preuves a été grandement
facilitée par un long exposé conjoint des faits
portant la signature des avocats de toutes ces
parties et relatant l'historique du litige ainsi que
les divers jugements s'y rapportant. Des preuves
additionnelles relatives au montant de certaines
réclamations ont été admises, avec la permission
de la Cour, sous la forme de pièces produites à
l'audience. Selon les renseignements fournis par le
greffe, les deniers à répartir consignés à la Cour
s'élevaient au 31 janvier 1979 $36,986.76, soit
$28,500 représentant le produit de la vente, plus
les intérêts, moins la somme de $760.62 déjà
versée au prévôt en exécution d'une ordonnance en
date du 13 juin 1977 rendue par la Cour. Il ressort
de l'affidavit du prévôt, joint à sa demande de
paiement privilégié, que cette somme se rapportait
à une première vente, celle du 15 janvier 1975,
dont la validation avait été reportée par une ordon-
nance rendue par la Cour suite à l'intervention de
la Security National Bank. Une seconde vente,
validée par la Cour, a eu lieu le 18 février 1975,
produisant la somme susmentionnée de $28,500.
Selon l'avocat de la Security National Bank, cel-
le-ci a payé elle-même les frais encourus par le
prévôt relativement à cette seconde vente de sorte
que ce dernier ne possède pas de créance directe à
faire valoir par voie d'intervention. Toutefois, dans
la mesure où ces frais sont privilégiés, on peut
considérer que les sommes ainsi déboursées par la
Security National Bank pour défrayer le prévôt
constituaient un prêt ou étaient assorties de
subrogation.
Il y a lieu d'exposer brièvement les réclamations
des divers intervenants et les principaux motifs de
contestation invoqués par les autres intervenants à
l'égard de chacune d'elles avant de déterminer leur
validité ou leur rang, car il est évident que seule-
ment quelques-unes d'entre elles pourront être
acquittées avec le produit de la vente et que cer-
tains des réclamants ne seront même pas admis à
concourir à la répartition.
La réclamation de Paul-Emile Caron, l'acquéreur
Le navire a été adjugé par ordonnance en date
du 20 février 1975 M. Caron après une vente
judiciaire tenue le 18 février. Le lendemain du
jugement de validation de cette vente, la compa-
gnie Vitrai Compania Naviera S.A. a formé appel
contre ce jugement. Cet appel a été rejeté le 23
octobre 1975 par la Cour d'appel fédérale. M.
Caron s'est ensuite rendu à Québec pour prendre
possession du navire qui y était mouillé. Il en a été
empêché par un certain commandant Erb qui a
prétendu avoir acheté, au nom de ladite compa-
gnie, le navire pour la somme de $251 au cours
d'une vente publique tenue le 30 novembre 1974 à
la suite d'un jugement rendu par défaut le 30 août
1974 par la Cour des petites créances de la pro
vince de Québec. Le navire défendeur était sous
saisie relativement à la présente affaire depuis le
1" avril 1974.
Par voie de bref de saisie avant jugement, la
Vitrai a intenté une action devant la Cour supé-
rieure du Québec pour obtenir la possession immé-
diate du navire, tandis que Caron, l'acquéreur, a
présenté, devant cette cour, d'abord une requête en
vue d'annuler cette saisie et ensuite un moyen
préliminaire pour cause de litispendance. Le 10
juillet 1975, la Cour supérieure du Québec a rejeté
la requête en annulation de la saisie avant juge-
ment déposée par Caron et a déclaré recevable la
demande de Vitrai pour l'obtention de la posses
sion du navire. Le 9 octobre 1975, elle a rejeté le
moyen préliminaire soulevé par Caron. Ce n'est
que le 8 octobre 1976 que la Cour d'appel du
Québec a donné gain de cause à Caron. Entre-
temps, le litige qui a finalement eu pour effet de
réaffirmer le droit de propriété de ce dernier, droit
qui lui avait été adjugé par cette cour le 20 février
1975, lui a fait subir des frais de justice s'élevant,
de l'aveu même des partis, à $15,000.
Le fait que le prévôt n'ait pas immédiatement
établi et remis à Caron un acte de vente après le
jugement rendu le 20 février 1975 par cette cour
n'a rien de surprenant puisque ce jugement n'en
donnait pas précisément l'ordre. Au contraire, il a
été soigneusement rédigé en prévision des difficul-
tés que pourrait rencontrer l'acquéreur à la prise
de possession. En fait, voici ce qui est énoncé dans
l'ordonnance de validation de la vente:
[TRADUCTION] L'offre de $28,500 faite par Paul-Emile Caron
est approuvée et le navire Atlantean I, maintenant baptisé
l'Answer Panama, lui est adjugé quitte de toute dette, hypothè-
que, redevance portuaire et douanière et autre charge. En
validant cette vente, la Cour ne peut garantir ni l'éviction des
personnes se trouvant à bord du navire, ni l'état de ce dernier,
mais l'acquéreur peut, à ses frais, entamer toute procédure
légale visant à prendre possession immédiate du navire.
Il n'est pas non plus surprenant que, malgré toutes
les démarches de M. Caron, ni la police portuaire
de Québec, ni la Sûreté provinciale, ni le détache-
ment de la G.R.C. n'étaient disposés à intervenir
pour lui permettre de prendre possession du navire;
de plus, les agents privés de sécurité qu'il a enga-
gés n'étaient pas autorisés à porter des armes à
l'intérieur du port. C'est ainsi que le commandant
Erb, de bonne foi ou non, mais au moins avec une
apparence de droit étant donné que Vitrai était le
soi-disant propriétaire du navire en vertu de l'ac-
quisition faite à la suite du jugement de la Cour
des petites créances (jugement rendu alors que le
navire était déjà sous saisie par autorisation de
cette cour), a pu appareiller et ce, en violation de
nombreux règlements portuaires et règlements sur
la marine marchande et au mépris du jugement de
cette cour.
Le jugement du 24 janvier 1975 donnant autori-
sation pour annoncer la revente disposait expressé-
ment que le prévôt devait garder la possession du
navire et assurer sa conservation et que les deniers
qui lui seraient avancés à cette fin par la Security
National Bank ou par des tiers leur seraient rem-
boursés par prélèvement sur le produit de la vente.
Après le départ du commandant Erb avec le
navire, la Cour a donné ordre à la Garde côtière et
à la G.R.C. de poursuivre le navire et de le rame-
ner à Québec. Cet ordre sera étudié plus en détail
quand viendra le moment d'examiner leurs récla-
mations. Par la suite, il a fallu cependant modifier
cet ordre pour autoriser la Garde côtière à amener
le navire à Sept-Îles quand il s'est révélé impossi
ble de le ramener à Québec en raison de l'état du
navire et en raison de l'innavigabilité du fleuve en
hiver.
Une ordonnance du 6 mars 1975 a de nouveau
confié au prévôt la garde du navire à Sept-Îles en
l'autorisant à engager du personnel pour assurer
l'entretien de celui-ci et des gardiens pour empê-
cher toute appropriation non autorisée par une
ordonnance de la Cour. Elle a en outre ordonné au
prévôt, au cas où la question de la propriété du
navire serait définitivement tranchée en faveur de
M. Caron, de délivrer à ce dernier un acte de vente
dans les meilleurs délais.
Ce n'est qu'après le rejet, le 23 octobre 1975,
par la Cour d'appel fédérale de l'appel interjeté
contre le jugement du 20 février 1975 validant la
vente, qu'une ordonnance a été rendue le 17
novembre 1975 pour enjoindre au prévôt de procé-
der à la vente du navire à Caron. C'est ainsi que
l'acte de vente a été dûment établi le 24 novembre
1975. Par ordonnance du 17 mars 1975, la Gen-
darmerie royale du Canada et la Garde côtière ont
été autorisées à confier la garde du navire, qui se
trouvait alors à Sept-Îles, soit au prévôt soit à M.
Caron, et ont cessé dès lors d'assumer toute autre
responsabilité, vu qu'elles avaient déjà pris toutes
les mesures nécessaires pour assurer la bonne con
servation du navire et qu'elles n'avaient pu le
confier au prévôt qui refusait de l'accepter sans
une garantie du paiement de ses frais. Vitrai avait
auparavant été ordonné de déposer un cautionne-
ment de $20,000 pour garantir le remboursement
de ces frais mais elle ne l'a pas fait. Une autre
ordonnance a été rendue le même jour à la
demande de M. Caron, selon laquelle le navire
devait lui être confié pour qu'il l'amène, à son
choix, soit à Québec soit à Louiseville, au cas où
Vitral ne fournirait pas les $20,000 en question
dans les 24 heures. Cette ordonnance prévoyait en
outre que la question du remboursement des frais
encourus par M. Caron serait tranchée ultérieure-
ment.
En conséquence de ces diverses ordonnances et
des difficultés qu'il a rencontrées, M. Caron
réclame dans son intervention la somme de
$41,739.86 titre de frais encourus pour conserver
le navire à Sept-Îles, pour l'amener à Québec et l'y
garder, et pour l'amener, par la suite, dans ses
chantiers navals à Louiseville. Il soutient que ces
frais auraient normalement été subis par le prévôt
et qu'ils ont été autorisés par la Cour lorsqu'elle lui
a permis de prendre possession provisoire du navire
à Sept-Îles pour l'amener à Québec où il avait été
vendu et où il aurait dû être livré. Quant au
déplacement subséquent du navire de Québec à
Louiseville, il souligne que cette mesure a, en fait,
réduit les frais, car il aurait été beaucoup plus
coûteux de maintenir à bord un équipage réduit à
Sept-Îles et à Québec et de payer des droits de
quaiage etc., que de mouiller le navire dans ses
propres chantiers navals à Louiseville où de tels
débours n'étaient pas nécessaires. Tous ces frais
ont été subis avant le transfert à Caron de la
propriété du navire par acte de vente en date du 17
novembre 1975. Il soutient par conséquent que ces
frais doivent lui être remboursés en priorité à
même les deniers consignés.
A l'audience, son avocat, Me Gaudreau, a modi-
fié cette réclamation pour y inclure une créance
supplémentaire de $15,000 titre de frais de jus
tice facturés à son client et acquittés par celui-ci
pour obtenir des tribunaux québécois la confirma
tion judiciaire de son droit de propriété.
La réclamation de Port Colborne Warehousing
Limited
Par suite d'une omission involontaire, le mon-
tant de la réclamation de cette intervenante n'a
pas été indiqué dans les plaidoiries. A l'audience,
les parties ont toutefois convenu que sa réclama-
tion, qui résulte d'un jugement rendu par le juge
Addy le 18 novembre 1974 l'issue d'une action
en paiement des approvisionnements nécessaires
(no du greffe: T-5440-73) intentée par Port Col-
borne Warehousing Limited contre l'Atlantean I
et contre ceux ayant un intérêt dans ledit navire, se
chiffre à $3,700 plus les dépens. Au sujet de cette
réclamation, la situation est inhabituelle en ce
qu'une assignation in rem avait été signifiée au
navire par affichage au grand mât avant l'intro-
duction, le 1er avril 1974, de l'action en instance
par Osborn Refrigeration Sales and Service Inc.
Auparavant, la saisie du navire, ordonnée avant la
constitution de l'hypothèque de la Security Na
tional Bank, n'avait été effectuée, pour une raison
inconnue, que le 23 mars 1974. Aux termes de
l'ordonnance du juge Addy, la vente du navire ne
pouvait être ordonnée que sur demande formulée
par voie de requête à présenter au plus tard le 16
décembre 1974 et signifiée à la Security National
Bank, et après la publication de deux avis dans La
Presse et dans The Gazette, le premier au plus
tard le 25 novembre et le second entre le 6 et le 10
décembre 1974. Malgré cela, après autorisation
accordée le 28 novembre 1974, le navire a été
vendu une première fois le 15 janvier 1975 dans
l'action en instance, laquelle vente n'a pas été
validée par la Cour, et une deuxième fois le 20
février 1975 à M. Caron à un prix plus élevé. Il est
évident qu'à la date du jugement et de l'ordon-
nance du juge Addy, ni Port Colborne ni la Cour
ne savaient que la vente du navire avait déjà été
autorisée dans l'action en instance. Des pièces
justifiant les frais de la publication de ces avis, au
montant de $221.30, ont été produites.
La réclamation de l'Ontario Sandblasting Com
pany
Cette réclamation, dont le montant n'a pas été
mentionné dans l'exposé conjoint des faits, a fait
l'objet d'une intervention au cours de laquelle l'on
a produit un état de frais se chiffrant à $4,840.50
pour le décapage et la peinture du navire en
novembre et en décembre 1973. Ces travaux peu-
vent être assimilés à des approvisionnements néces-
saires aux fins de la répartition des deniers, bien
qu'aucune action en paiement de ces frais n'ait été
intentée en l'espèce.
La réclamation de la Gendarmerie royale du
Canada et de la Garde côtière
La réclamation de la Gendarmerie royale du
Canada, qui a reçu l'ordre, par mandat du 24
février 1975, d'intercepter le navire et de l'amener
au port de Québec, d'en expulser le commandant
Erb et son équipage et de le livrer au prévôt,
s'élève à $18,825.58 pour la période allant du 28
février au 6 mars, date à laquelle le navire a été
livré à Sept-Îles. Il ressort des détails donnés à
l'audience que cette réclamation consiste essentiel-
lement en des frais occasionnés par les salaires, les
heures supplémentaires, la nourriture et le loge-
ment des agents, par la location d'avions, etc., ainsi
que par l'achat de $239 de mazout pour le navire.
Pour la période allant du 6 mars 1975, date de la
livraison du navire à Sept-Îles, jusqu'au 19 mars
1975, date à laquelle M. Caron a pris possession
du navire en vertu de l'ordonnance du 17 mars
1975 par suite du refus du prévôt de ce faire en
l'absence de cautionnement, la réclamation de la
G.R.C. s'élève à $38,241.52. Cette fois encore, elle
comprend les salaires, les heures supplémentaires,
la nourriture et le logement des agents, ainsi que
deux dépenses occasionnées par le navire lui-
même, l'une pour l'achat de $356.85 de mazout
supplémentaire et l'autre, au montant de
$5,368.43, pour faire vidanger tout son système
hydraulique en prévision de l'hiver. Pour cela, la
police a dû engager des mécaniciens à Sept-Îles.
La Garde côtière réclame $97,390 pour les ser
vices qu'elle a rendus du 28 février au 6 mars en
exécution de l'ordonnance du 24 février 1975 pro-
noncée par la Cour. Cette réclamation porte sur le
nombre de jours nécessaires pour intercepter le
navire et l'amener à Sept-Îles, soit presque 10
jours, et comprend la consommation de carburant
par le navire de la Garde côtière pendant cette
période, les salaires et la nourriture des officiers et
membres de l'équipage, y compris les repas servis
aux agents de la G.R.C., aux journalistes et à
l'équipage du navire Atlantean I lui-même, les
frais d'utilisation des hélicoptères et le prix du
carburant qu'ils ont consommé, etc., et comprend
en outre l'achat pour l' Atlantean I de $1,106 de
mazout, de $832 de lubrifiant et de $235 de
provisions.
Tout en admettant que les frais subis par le
prévôt doivent venir au premier rang, l'avocat de la
Couronne soutient que tous les frais subis avant le
19 mars, date à laquelle l'acquéreur Caron a pris
possession du navire, auraient dû être subis et
réclamés par le prévôt étant donné que c'était lui
qui était légalement en possession du navire entre
la date de son adjudication et celle de sa remise à
M. Caron, et que le navire restait toujours sous
saisie jusqu'à la signature de l'acte de vente, signa
ture qui n'est intervenue que le 17 novembre 1975
après que l'on eut statué sur les appels.
Il y a lieu de remarquer ici que l'ordonnance
prescrivant à la G.R.C. et à la Garde côtière
d'intercepter le navire, tout en étant l'unique
moyen pratique d'empêcher le commandant Erb et
son équipage de le conduire illégalement dans les
eaux internationales en dehors de la compétence de
la Cour, n'était pas strictement conforme aux dis
positions de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C.
1970 (2 e Supp.), c. 10. Quoique la question de son
application n'ait pas été débattue au moment où
l'ordonnance a été rendue, l'article 59 de cette loi
porte que:
59. Les services ou l'assistance concernant la conduite des
auditions de la Cour, la sécurité de ses membres, de ses locaux
et de son personnel, ou l'exécution de ses ordonnances et
jugements qui peuvent, compte tenu des conditions du moment,
être jugés nécessaires, sont fournis, à la demande du juge en
chef, par la Gendarmerie royale du Canada ou tout autre corps
policier que le gouverneur en conseil peut désigner.
Comme l'ordonnance n'a pas été rendue par le
juge en chef et que la Garde côtière n'est pas un
corps policier, l'ordonnance n'était pas conforme à
cet article. On a invoqué, en l'espèce, un précédent
britannique, celui de l'affaire Glasbrook Brothers,
Limited c. Glamorgan County Council'. Ce précé-
dent n'est pas particulièrement approprié puisqu'il
y est question non pas d'une ordonnance judiciaire
adressée aux autorités policières ou militaires mais
d'une entente intervenue entre la police et les
propriétaires d'une mine de charbon en vue de
protéger les biens de ces derniers pendant un con-
flit de travail. Il a été jugé que la police, bien
qu'obligée de fournir gratuitement une protection
suffisante aux personnes et aux biens, pouvait
exiger paiement lorsque, dans des circonstances
particulières et à la demande d'une personne, elle
avait fourni une forme spéciale de protection qui
dépassait le cadre de ses obligations envers le
public. En l'espèce, en quittant illégalement la ville
de Québec, le navire a enfreint non seulement les
termes expresses d'un jugement de cette cour mais
également le règlement portuaire et les dispositions
de la Loi sur la marine marchande du Canada 2 . Il
a quitté le port avec un équipement et un équipage
insuffisant, sans avoir obtenu la permission ni des
autorités portuaires ni des autorités douanières.
Par la suite, le commandant Erb a été déclaré
coupable sous plusieurs chefs d'accusation et con-
damné, après appel, à une amende de $5,000 ou, à
défaut de paiement, à une peine de prison. Toute-
fois, puisqu'il se trouve en ce moment hors la
compétence de la Cour, cette amende ne peut être
perçue. Par conséquent, on peut considérer que la
Garde côtière a collaboré à l'exécution des lois du
Canada dans un cas où la G.R.C. ne pouvait agir
puisqu'elle n'avait ni les moyens ni la compétence
' [1925] A.C. 270.
2 S.R.C. 1970, c. S-9.
technique pour intercepter un navire en fuite, en
plein hiver, au milieu des glaces flottantes du golfe
du Saint-Laurent, et pour le ramener dans un port
canadien sûr. Bien que cette réclamation ne puisse
manifestement être considérée comme une récla-
mation pour sauvetage puisque le navire n'avait
pas été abandonné et n'avait demandé aucune
aide, et bien qu'elle résulte de l'exécution d'une
ordonnance judiciaire, il convient quand même de
souligner les dispositions de l'article 531 de la Loi
sur la marine marchande du Canada selon les-
quelles les frais de sauvetage et les articles utilisés
aux fins de ce sauvetage ne sont pas indemnisables,
sous réserve de certaines formalités spéciales, lors-
que le sauvetage a été effectué par des navires de
Sa Majesté.
En état de cause, je conclus que ni la G.R.C. ni
la Garde côtière canadienne ne possède de récla-
mations à faire valoir sur le produit de la vente en
ce qui concerne les frais qu'elles ont subis en
exécutant, dans le cadre de leurs attributions, une
ordonnance de la Cour. Cependant, il y a lieu
peut-être de faire une distinction en ce qui con-
cerne le mazout et les approvisionnements fournis
au navire et les travaux de vidange destinés à le
protéger pendant qu'il était en mouillage à Sept-
Iles, c'est-à-dire des frais manifestement encourus
pour la conservation du navire. Sans une quantité
suffisante de mazout, celui-ci serait allé à la dérive
et à sa perte au milieu des glaces flottantes. Il est
certain que si l'eau n'avait pas été vidangée et le
navire préparé pour passer l'hiver dans le port à
Sept-Îles, des dommages incalculables auraient été
causés. Ces frais appartiennent donc également à
la catégorie des frais de protection et de conserva
tion du navire. La question de savoir si ces frais
peuvent être validement réclamés sur les deniers
consignés sera traitée plus loin.
La réclamation des pilotes
Quoique cette réclamation ne s'élève qu'à
$1,471.19, l'avocat des pilotes a longuement et
habilement soutenu le principe de son rang. A
l'exception de la somme de $157.84 se rapportant
aux 23 et 24 février 1975, les autres sommes
réclamées se rapportent toutes à une période anté-
rieure à la vente. En fait, à part une autre excep
tion, elles se rapportent à différentes dates de 1974
antérieures à l'introduction de la présente action.
Trois de ces sommes, à savoir $139.68 pour le 30
janvier 1974, $483.12 pour le 9 février 1974 et
$157.84 pour les 23 et 24 février 1975, ne se
rapportent pas à des services rendus, mais aux
occasions où l'Atlantean I a appareillé sans avoir
un pilote à bord et où des droits de pilotage lui ont
quand même été imposés en vertu des dispositions
de l'article 34 de la Loi sur le pilotage 3 .
L'avocat des pilotes soutient que cette réclama-
tion équivaut à un privilège maritime. A la diffé-
rence de la Loi sur le Conseil des ports nationaux 4
qui a créé dans son article 17(4) un privilège sur le
navire et sur le produit de toute vente, ce privilège
ayant priorité sur toutes les autres réclamations à
la seule exception des réclamations pour gages de
marin en vertu de la Loi sur la marine marchande
du Canada, la Loi sur le pilotage ne prévoit pas
expressément de privilège pour les droits de pilo-
tage. Une telle disposition n'était pas nécessaire,
soutient-il, parce qu'il était déjà bien établi à
l'époque par la jurisprudence que les réclamations
de cette nature jouissaient d'un privilège maritime.
Il invoque une ancienne loi britannique datant de
1765 en vertu de laquelle un pilote, à la différence
du capitaine, était assimilé à un marin et pouvait
intenter une action en paiement contre le navire
devant la Cour d'Amirauté en jouissant du même
rang que les marins à l'égard de leurs gages. En ce
qui concerne l'ancienne jurisprudence canadienne
en la matière, la Cour de Vice-Amirauté du Bas
Canada, dans l'affaire The Premier, Heard 5 , a
statué que les droits de pilotage jouissaient d'un
privilège sur le navire et d'un droit de suite. La loi
britannique dite The Merchant Shipping Act,
1854, 17-18 Vict., c. 104, ayant cessé d'assimiler
les pilotes au marin, l'on peut alors se demander si
ce privilège était du même coup aboli. Selon l'avo-
cat, il ne l'a pas été, même après l'adoption en
1913 de la loi britannique dite Pilotage Act, 1913,
2-3 Geo. V, c. 31. On peut lire dans un jugement
rendu en 1921, celui de l'«Athena» 6 , à la page 483:
[TRADUCTION] M. le juge HILL a statué que le solde des
deniers, après consignation de £15,000à la Cour en attendant
l'issue de l'action née de la collision et après paiement des frais
et droits du prévôt et du privilège de possesseur de la compa-
gnie de chemins de fer (y compris les droits des pilotes de quai
et des bâteliers) serait distribué comme suit: les frais subis par
3 S.C. 1970-71-72, c. 52.
° S.R.C. 1970, c. N-8.
(1856) 6 L.C.R. 493.
6 (1921) 8 LI. L. Rep. 482.
la St. Vincent Company jusqu'à la date de la saisie et les frais
subis par les avocats Mann, George & Co. jusqu'à la date de
l'ordonnance d'évaluation et de vente inclusivement; les gages
des membres de l'équipage, plus intérêts et dépenses; les salai-
res et les débours du capitaine, plus dépenses; et enfin les
créanciers hypothécaires. Le désintéressement éventuel des
créances hypothécaires dépendait de l'issue de l'action née de la
collision. Le prévôt a été autorisé à verser immédiatement aux
membres de l'équipage un acompte de £1000. Le paiement des
dépenses ne pouvait être effectué qu'après leur taxation. [C'est
moi qui souligne.]
Dans la cause The Ambatielos. The Cephalonia',
après avoir fait le point sur la jurisprudence et la
législation britannique, l'on a conclu que l'action
en paiement des droits de pilotage pouvait être
intentée non seulement par voie de recours som-
maire prévu à l'article 49 de la Pilotage Act, 1913,
mais également devant la Haute Cour d'Amirauté
et devant son successeur, la Division d'Amirauté
de la Haute Cour de Justice, celles-ci ayant tou-
jours été compétentes pour connaître une action in
rem en matière de droits de pilotage. Voici ce qu'a
déclaré le juge Hill à la page 306:
[TRADUCTION] J'estime qu'un pilote qui réclame ses droits
de pilotage possède un droit réel qu'il peut faire valoir devant la
Cour. En général, il n'aura pas intérêt à saisir la Cour lorsqu'il
dispose par ailleurs d'un recours sommaire, car il n'aura proba-
blement pas droit à ses dépens s'il choisit une procédure
coûteuse de préférence à une procédure moins coûteuse. Toute-
fois, il vaut peut-être mieux en saisir cette cour si le navire est
déjà saisi et surtout s'il est étranger. En l'espèce, j'estime que
c'était indiqué. J'accorde donc jugement au demandeur avec
dépens. Je ne dis pas que les droits de pilotage jouissent d'un
privilège maritime. Ce n'est pas parce que la Haute Cour
d'Amirauté est compétente en première instance en matière de
droits de pilotage qu'un privilège maritime existe nécessaire-
ment en faveur de ces droits: cf les jugements de LORD
BRAMWELL et de LORD FITZGERALD dans l'affaire The Hen-
rich Bjorn (Northcote c. Henrich Bjorn (Owners) The Henrich
Bjorn (1886), 11 App. Cas. 270; 55 L.J.P. 8; 55 L.T. 66, 2
T.L.R. 498; 6 Asp.M.L.C. 1, H.L.; 41 Digest 942, 8333). Il
vaudrait mieux que je ne me prononce pas en faveur d'un
privilège maritime en l'absence de créanciers hypothécaires.
Toutefois, à cause de l'insignifiance des sommes réclamées, les
créanciers hypothécaires et les propriétaires conviendront pro-
bablement que le produit éventuel de la vente des navires
devrait servir à exécuter ces jugements.
L'article 3 de l'Acte de l'Amirauté, 1891, S.C.
1891, c. 29, disposait que la Cour de l'Échiquier
du Canada était une cour coloniale d'Amirauté et
que sa compétence à l'intérieur du Canada était, à
ce titre, identique à celle que détenait à l'époque,
la Haute Cour d'Angleterre en vertu de la Loi dite
The Colonial Courts of Admiralty Act, 1890,
7 [1923] All E.R. 303.
53-54 Vict., c. 27 (Imp.). L'article 18 de la Loi
d'amirauté, 1934, S.C. 1934, c. 31, disposait que
la Cour d'Amirauté avait la même compétence en
matière d'amirauté sur les personnes, matières et
choses que celle qui était reconnue à l'époque à la
Haute Cour de Justice d'Angleterre par la loi ou
autrement, et qu'elle pouvait l'exercer de la même
manière et dans la même mesure que la Haute
Cour. L'article 22(2) de la Loi sur la Cour fédé-
rale donne à cette cour la compétence en matière
de demandes de pilotage.
Dans la cause (non publiée) Rochlin et le navire
«Evie W», ses propriétaires et le produit de sa
vente, défendeurs, et Israel Discount Bank Lim
ited (no du greffe de la Cour de l'Échiquier: 1327,
en date du 27 janvier 1970), je dis ceci à la page 4
à propos d'une réclamation de $630.21 présentée à
l'Administration de pilotage du ministère des
Transports:
Le 27 mars 1968, le juge suppléant A. I. Smith ordonnait le
versement de $630.21 au ministre des Transports, à prélever sur
le produit de la vente du navire défendeur «nonobstant toute
opposition produite en l'espèce».
Bien que ne pouvant citer un seul précédent cana-
dien qui reconnaisse expressément le privilège
maritime des droits de pilotage, l'avocat des pilotes
conclut que ce privilège existait en droit britanni-
que et qu'il a de ce fait été intégré au droit
canadien. C'est pourquoi il demande un jugement
déclarant que ces réclamations jouissent d'un pri-
vilège maritime de premier rang, avec dépens.
L'avocat de M. Caron fait valoir que la jurispru
dence britannique citée se rapporte au pilotage non
obligatoire tandis qu'aux termes de la Loi sur le
pilotage, le pilotage est obligatoire au Canada. Il
allègue en outre que les pilotes tiennent leurs
droits de la Loi qui ne prévoit pas expressément de
privilège maritime. Je ne vois pas pourquoi il faut
distinguer entre le pilotage aux termes d'un con-
trat conclu avec le capitaine ou les propriétaires,
comme c'est le cas en Angleterre, et le pilotage
obligatoire imposé par la Loi sur le pilotage,
comme c'est le cas au Canada. Comme on l'a
souligné dans les débats, l'emploi de pilotes est
également obligatoire en plusieurs régions de la
Grande-Bretagne. Les diverses administrations de
pilotage prévues par la Loi sur le pilotage au
Canada s'occupent simplement d'affecter les pilo-
tes aux navires et de percevoir en leur nom les
droits de pilotage facturés par elles, en l'espèce
l'Administration de pilotage des Laurentides.
Cette différence dans les manières de procéder ne
devrait affecter ni les droits des pilotes d'exiger le
paiement des droits de pilotage ni l'ordre de prio-
rité de leurs réclamations, et si la jurisprudence
britannique reconnaît au pilote un privilège mari
time à l'égard des droits de pilotage, il semble que
ces réclamations doivent jouir de la même priorité
au Canada malgré le silence de la Loi sur le
pilotage. Je crois cependant qu'il faut distinguer
les droits de pilotage qui ne se rapportent pas à des
services rendus, mais qui sont imposés par la Loi
sur le pilotage et qui jouissent d'un privilège légal
plutôt que d'un privilège maritime.
La réclamation de la Security National Bank,
créancière hypothécaire
La réclamation de la Security National Bank
résulte d'un jugement in rem prononcé le 14 avril
1975 contre l'Atlantean I (no du greffe:
T-4420-74) au montant de $614,560.79 plus inté-
rêts et dépens. Il s'agit d'une hypothèque maritime
qui doit, de l'avis des parties, être considérée
comme une hypothèque maritime de premier rang
en vertu du droit maritime canadien. La réclama-
tion a pour origine une hypothèque de $530,000
constituée le 28 février 1974 sur l'Atlantean I.
Apparemment, ce n'est qu'au 29 avril 1974 que
l'hypothèque a été officialisée au Panama où l'At-
lantean I était enregistré. Selon l'avocat de la
Banque, l'ordre de collocation doit être le suivant:
d'abord les frais subis par le prévôt et ensuite les
frais subis par les parties pour réaliser la vente du
navire. La Banque ayant avancé $417.65 au prévôt
en vue de la seconde vente et déboursé en outre
$225 pour insérer une annonce dans le Journal of
Commerce, soit au total $642.55, ni Osborn ni
Port Colborne, soutient-il, ne doivent recevoir le
remboursement de leurs frais étant donné que
c'était la Banque qui fut l'élément dynamique dans
la vente du navire.
A ce sujet, il convient de mentionner qu'Osborn
Refrigeration Sales and Service Inc. n'a plus
aucun droit sur le produit de la vente du navire.
Peu de temps après avoir introduit son action, la
demanderesse, dans le but d'empêcher la vente
prévue pour le 20 février 1975, a déposé un avis de
désistement. Étant donné les intérêts qu'avaient les
nombreuses autres parties, y compris la Security
National Bank, dans le produit de la vente, la
Cour, par jugement daté du 20 février 1975, ne lui
a pas permis de se désister. Quoique le dossier ne
le révèle pas, on peut présumer que c'est Vitrai qui
a elle-même désintéressé la demanderesse.
Selon l'avocat de la Banque, viennent ensuite les
privilèges possessoires, inexistants en l'espèce,
suivis des privilèges maritimes dont il met en doute
la validité de celui de l'administration de pilotage.
Vient ensuite la créance hypothécaire de la
Banque, suivie des privilèges légaux in rem des
fournisseurs des approvisionnements nécessaires.
Cet ordre de collocation aurait pour effet d'exclure
la Port Colborne Warehousing Limited et l'Onta-
rio Sandblasting Company étant donné qu'il ne
resterait alors plus rien pour les désintéresser.
En ce qui concerne la réclamation de la Port
Colborne Warehousing Limited et de son rang par
rapport à celle du créancier hypothécaire, la ques
tion de savoir si son privilège date du jour où cette
action in rem a été introduite ou bien du jour où la
saisie a été effectuée, c'est-à-dire malheureuse-
ment beaucoup plus tard, a été longuement débat-
tue. L'action a été introduite le 27 décembre 1973
et signifiée au navire le lendemain. La saisie n'a
été ordonnée que le 15 janvier 1974 et signifiée
que le 23 mars. L'hypothèque de la Security
National Bank était datée du 28 février 1974, mais
n'a été officialisée au Panama où le navire était
enregistré que le 29 avril 1974.
Dans l'affaire «Monte Ulia» (Owners) c. The
«Banco» 8 , lord Denning, Maître des rôles, a tenu
les propos suivants (à la page 53):
[TRADUCTION] Dans une action in rem, la question de compé-
tence est soulevée non pas à l'émission du bref, mais au moment
de sa signification au navire et à celui de l'exécution de
l'ordonnance de saisie. La raison en est que l'action in rem vise
la chose elle-même et ne produit ses effets qu'à partir de la
saisie de la chose. [C'est moi qui souligne.]
A la page 51, il a déclaré, à propos des privilèges
maritimes, qu'ils subsistaient même après la vente
du navire à un acquéreur de bonne foi de sorte que
le navire pouvait toujours être saisi (voir The Bold
Buccleugh (1851) 7 Moo. P.C. 267). Il a ensuite
ajouté:
[TRADUCTION] Par la suite, le droit de saisie a été étendu pour
garantir non seulement un privilège maritime mais également le
8 [1971] 1 Lloyd's Rep. 49.
paiement des approvisionnements nécessaires (voir The Hein-
rich Bjorn, (1885) 10 P.D. 44). Toutefois, ce droit de saisie ne
vaut que contre les navires auxquels les approvisionnements
nécessaires ont été fournis.
Une autre affaire a été citée, celle du The
«Cellâ» 9 , dans laquelle il a été statué que: [TRA-
DUCTION] «L'action in rem intentée en vertu de
l'Admiralty Court Act de 1861, en l'absence de
privilèges maritimes, confère au demandeur un
droit sur la chose à compter de la date de sa saisie
et transforme dès lors sa créance en une créance
privilégiée».
Dans l'affaire The «Monica S.» 10 , voici ce qui a
été statué aux pages 121 et 122:
[TRADUCTION] En étudiant ce passage et les autres passages
analogues dans les jugements subséquents, il importe, à mon
avis, de ne pas oublier de distinguer entre le droit de saisir un
navire pour garantir le paiement d'une créance et l'exercice de
ce droit par l'exécution de la saisie. C'est la saisie elle-même
qui donne au créancier la garantie qu'il recherche, mais pour
pouvoir acquérir le droit de saisie, il lui faut au préalable
intenter une action in rem. [C'est moi qui souligne.]
En outre, on peut lire, à la page 130 du recueil:
[TRADUCTION] S'attaquant au principe selon lequel les effets
légaux d'une action in rem commencent à courir à compter de
la date d'émission du bref et non de la date de signification ou
de la date de la saisie, l'avocat de Tankoil soutient que de
grandes difficultés en résulteraient dans la pratique. Selon lui,
l'acquéreur d'un navire court le risque de découvrir que ce
dernier était déjà, à son insu, lourdement grevé. Son argument
ne m'impressionne pas. L'acquéreur doit toujours tenir compte
de l'existence possible de privilèges maritimes; de plus, la
plupart, sinon la totalité des créances qui, en Angleterre, ne
donnent droit qu'à une action in rem, donnent droit à de tels
privilèges sous le régime de beaucoup de lois étrangères. Par
ailleurs, alors qu'il n'existe aucun moyen de savoir quels sont
les privilèges maritimes qui grèvent déjà un navire, il est du
moins possible, en consultant le registre de l'amirauté, de savoir
quels ont été les brefs qui ont été émis à l'encontre de ce navire.
Dans la pratique, l'acquéreur exige du vendeur une garantie
contre toute créance privilégiée née avant la vente et cette
garantie lui procure une protection adéquate sauf en cas d'in-
solvabilité du vendeur.
Dans l'arrêt The «Heinrich BOrn» ", cité par le
juge Noël (par la suite juge en chef adjoint) dans
Coastal Equipment Agencies Ltd. c. Le «Corner» 12
à la page 22, lord Watson a déclaré (aux pages
276 et 277): [TRADUCTION] «... nous apprenons
que la Cour d'Amirauté, suivant une pratique
9 6 Asp.M.C. 293; (1888-90) 13 P.D. 82.
10 [1967] 2 Lloyd's Rep. 113.
Northcote c. BjOrn (1886) 15 H. of L. 270.
12 [1970] R.C.E. 12.
récente, accorde également ce recours aux créan-
ciers du propriétaire du navire pour des créances
maritimes non privilégiées; dans ce cas, la saisie
judiciaire confère au créancier un privilège légal
sur la chose appartenant à son débiteur et ce, à
compter de la date de la saisie». Ce passage est
mis en italique dans le jugement du juge Noël.
Toutefois, ce même lord Watson a aussi déclaré à
la page 278, (citation également mise en italique
par le juge Noël) que: [TRADUCTION] «Il ressort
nécessairement, semble-t-il, de l'argument de l'ap-
pelant que le créancier, qui ne serait qu'un créan-
cier chirographaire si son recours était porté
devant une autre juridiction, devient en vertu de la
Loi un créancier privilégié lorsqu'il introduit une
action devant la Cour d'Amirauté.» Il semble donc
que dans ce jugement de lord Watson, les expres
sions «date de la saisie» et «lorsqu'il introduit une
action» soient toutes deux employées pour désigner
la date à laquelle le privilège prend effet.
Le juge Noël a également souligné [à la page
26] que dans l'arrêt The «Cella» (précité), l'on se
reportait, à la page 85, la déclaration faite par
lord Bramwell dans l'affaire The «Heinrich
BOrn», selon laquelle la réclamation devenait pri-
vilégiée [TRADUCTION] «à compter de l'introduc-
tion de cette action in rem». On peut lire cepen-
dant dans l'arrêt The «Cella», à la page 87:
[TRADUCTION] ... malgré l'absence de tout privilège maritime,
le navire est, à compter du moment de sa saisie, placé sous
séquestre judiciaire pour garantir le paiement, par l'adjudica-
teur éventuel, la créance du réclamant.
Ici aussi il y a confusion entre la date de l'intro-
duction de l'action et la date de la saisie lorsqu'il
s'agit de déterminer la date à compter de laquelle
le privilège prend effet.
Le juge Noël mentionne en outre, à la page 26,
l'affaire Foong Tai Co. c. Buchleister & Co."
dans laquelle il fut déclaré qu'une réclamation
pour approvisionnements nécessaires ne donne
aucun droit contre le navire [TRADUCTION] «jus-
qu'au moment où l'action est prise.» Dans l'affaire
Comeau's Sea Foods 14 , on peut lire à la page 559,
à propos de la distinction entre un privilège mari
time et un privilège légal:
13 [1908] A.2, 458.
14 [1971] C.F. 556.
Le privilège légal ne court qu'à partir du jour de la saisie-arrêt
et dépend des réclamations déjà existantes sur la chose ... [On
cite à l'appui l'arrêt The «Cella»].
Cependant, le savant juge déclare à la page 560:
Le privilège légal existe lorsqu'une poursuite est intentée pour
le faire valoir.
Invoquant l'ouvrage de Mayers 15 qui déclare à
la page 71 que la préférence de l'hypothèque ne
joue que si celle-ci a été inscrite avant l'introduc-
tion de l'action, c'est-à-dire avant que la Cour n'en
soit saisie, l'avocat de Port Colborne soutient que
l'inscription d'une hypothèque ne rend pas un pri-
vilège légal caduc. Cependant, on peut lire à la
page 211 de cet ouvrage que ce qui importe c'est la
date de la saisie du navire et non la date de
l'introduction de l'action. A la page 57 du même
ouvrage, Mayers dit qu'un privilège légal prend
effet à compter de la date de l'introduction de
l'action. Port Colborne soutient que sa réclamation
jouit d'un privilège légal.
La jurisprudence et la doctrine susmentionnées
ne traitent que de l'effet d'une action in rem en
paiement des approvisionnements nécessaires et
non de la question précise de savoir si le privilège
du créancier en question prend effet à compter de
la date de l'introduction de l'action in rem ou de la
date de la saisie du navire.
Heureusement, ce n'est pas souvent que la saisie
du navire suit de si loin l'introduction de l'action in
rem.
Devant l'indécision de la jurisprudence et de la
doctrine, je suis d'avis qu'un privilège légal sur un
navire prend effet, non pas à compter de la date de
l'introduction et de la signification de l'action,
mais plutôt à compter de la date de l'exécution de
la saisie lorsque celle-ci vient après l'autre.
En dehors de la question de savoir à quelle date
le privilège prend effet, il est évident que la
créance du fournisseur des approvisionnements
nécessaires ne devient pas pour autant une créance
privilégiée.
Voici la conclusion du juge Noël dans l'affaire
Le «Corner» (précitée), aux pages 30 et 32:
Cette action in rem, cependant, ne donne aucun privilège ou
lien ou préférence quelconque et le réclamant d'approvisionne-
ments nécessaires me paraît être dans la même situation qu'un
15 Mayers, Admiralty Law and Practice in Canada.
créancier chirographaire ordinaire. S'il est créancier exécutant,
il aura droit à ses frais d'action mais sa créance ne prendra
rang que suivant l'ordre des priorités fixées par la loi. Lui
donner, en effet par suite du simple fait qu'il possède un simple
droit d'action in rem, un droit et privilège particulier qui
priverait les autres créanciers du même débiteur d'exercer leurs
créances contre les biens saisis, surtout après que la corporation
propriétaire de ces biens ait fait une proposition en vertu de la
Loi sur la faillite, me paraît inacceptable et fondé sur aucun
texte légal ni décision judiciaire. Il y aurait là, en effet, un
accroc sérieux au principe qui veut que les biens d'un débiteur
soient le gage commun de ses créanciers.
En ce qui concerne la réclamation de l'Ontario
Sandblasting, l'avocat de la Security National
Bank soutient qu'elle s'est éteinte le 27 février
1974, date à laquelle le navire a été vendu par ses
anciens propriétaires, les établissements Fournier,
à l'Atlantean Corporation, puisque cette créance
afférente à la fourniture des approvisionnements
nécessaires était née en 1973 (voir l'arrêt Westcan
Stevedoring Ltd. c. L'«Armar» [1973] C.F. 1232,
dans lequel le juge Collier a statué que le récla-
mant ne peut faire valoir ses droits dans une action
in rem intentée contre le navire qu'après avoir
établi la responsabilité civile de celui-ci et de son
propriétaire). Le même argument est opposé à la
Port Colborne Warehousing Limited, dont la
créance est également née avant la vente du navire
à l'Atlantean Corporation, et bien qu'elle ait été la
première à intenter une action, cela ne lui accorde
pas le privilège maritime du fournisseur des appro-
visionnements nécessaires, mais lui donne peut-être
un droit de préférence pour ce qui est des dépens
vu les circonstances particulières de cette affaire.
A mon avis, cette question est nettement tran-
chée par l'article 43(3) de la Loi sur la Cour
fédérale qui prévoit que:
43....
(3) Nonobstant le paragraphe (2), la compétence conférée à
la Cour par l'article 22 ne peut être exercée en matière réelle
relativement à une demande dont il est fait mention aux alinéas
22(2)e), .1), g), h), i), k), m), n), p) ou r) à moins que, au
moment où l'action est intentée, le navire, l'aéronef ou les
autres biens qui font l'objet de l'action n'aient pour propriétaire
en equity celui qui en était propriétaire en equity au moment où
la cause d'action a pris naissance.
L'alinéa m) de l'article 22(2) se rapporte aux
créances des fournisseurs des approvisionnements
nécessaires.
Il faut trancher l'importante question de savoir
si c'est l'adjudication qui transfère la propriété ou
si c'est l'acte de vente qui, en l'espèce, n'a été
établi que plusieurs mois après que la plupart des
dépenses, dont le remboursement est réclamé, ont
été engagées et que les appels ont été jugés. Cepen-
dant, certaines de ces dépenses ont été faites pour
la protection et la conservation du navire. A ce
sujet, la jurisprudence est assez divisée à cause de
l'emploi quelque peu ambigu du terme «vente»
dans les deux contextes. Il y a lieu d'examiner
quelques précédents.
Dans l'arrêt The Hon. John Augustus Chas-
teauneuf c. Capeyron 16 , fondé essentiellement sur
l'interprétation des articles applicables de la loi
britannique dite The Merchant Shipping Act,
1854, l'on a statué, d'une part, que la vente judi-
ciaire d'un navire britannique non accompagnée
du transfert de la propriété par un acte de vente ne
conférait pas aux acquéreurs le droit d'obliger le
registrateur visé à la The Merchant Shipping Act,
1854, les inscrire à titre de propriétaires et à
rayer toutes les inscriptions hypothécaires relatives
audit navire et, d'autre part, que le registrateur
était en droit de refuser leur requête. On peut lire
à la page 135 du recueil:
[TRADUCTION] Conformément à l'opinion exprimée par
leurs Seigneuries, on peut dire que le shérif transfère la pro-
priété d'un navire vendu en exécution d'un jugement en établis-
sant un acte de vente. De l'avis de leurs Seigneuries, la pro-
priété d'un navire vendu par ordonnance de la Haute Cour
d'Amirauté dans une action in rem passe à l'acquéreur dès la
conclusion de la vente, mais, dans la pratique, l'acquéreur doit
se procurer un acte de vente établi par le prévôt ou par le
commissaire pour pouvoir se faire inscrire conformément à la
Merchant Shipping Act, 1854.
La Loi sur la marine marchande du Canada (pré-
citée) contient des dispositions à peu près analo
gues dans ses articles 38 et 43 dont voici le texte:
38. (1) Un navire immatriculé ou une part dans ledit navire
(lorsqu'il en est disposé au profit d'une personne qualifiée pour
être propriétaire d'un navire britannique) doit être transférée
par acte de vente.
(2) L'acte de vente doit contenir la description du navire
portée au certificat du visiteur, ou toute autre description
suffisante pour établir l'identité du navire à la satisfaction du
registrateur; il doit être fait dans la forme prescrite par le
gouverneur en conseil et doit être signé par le cédant en
présence d'un ou de plusieurs témoins, et attesté par ces
derniers.
43. Lorsqu'une cour, soit en vertu des articles précédents,
soit autrement, ordonne la vente d'un navire ou d'une part dans
16 (1881-82) 7 App. Cas. 127.
le navire, l'ordonnance de la cour doit contenir une déclaration
attribuant à une personne, désignée par la cour, le droit de
transférer ledit navire ou ladite part; dès lors ladite personne a
le droit de transférer le navire ou la part de la même façon et
dans la même mesure que si elle en était le propriétaire
enregistré; et tout registrateur doit se conformer à la requête de
la personne ainsi désignée, relativement à un transfert de cette
sorte, dans la même mesure que si ladite personne était le
propriétaire enregistré.
Cependant, ni la Règle 1007 des Règles de la
Cour ni les formules y énoncées n'imposent expres-
sément au prévôt l'obligation de signer un acte de
vente et, en l'espèce, ce n'est que le 17 novembre
1975 que ce dernier a reçu l'ordre de signer ce
document. A mon avis, il faut considérer ces dispo
sitions de la Loi sur la marine marchande du
Canada comme des formalités nécessaires pour
achever la transmission du titre de propriété et
pour faire dûment inscrire le nom du nouveau
propriétaire, tandis que la propriété elle-même est
acquise à l'acquéreur dès que la vente a été validée
par la Cour, soit en l'espèce, le 20 février. Dans
l'intervalle entre cette date et la signature de l'acte
de vente par le prévôt, l'acquéreur est un proprié-
taire assujetti à une condition suspensive. Il ressort
que les réclamations nées après cette date (sauf
peut-être, en l'espèce, les frais subis par le prévôt
ou en son nom pour la conservation du navire, du
moins jusqu'à sa remise à l'acquéreur, c'est-à-dire,
en l'espèce, bien avant l'acte de vente) sont des
réclamations à l'égard du navire et non à l'égard
des deniers consignés. Nous y reviendrons plus
loin.
Il ne faut pas oublier qu'une distinction nette
doit être faite entre les réclamations à l'égard des
deniers consignés et celles qui n'existent qu'à
l'égard du navire. L'ordonnance du 20 février 1975
adjugeant le navire à M. Caron déclarait que le
navire était franc et quitte de toute dette, hypothè-
que, redevance portuaire et douanière et autre
charge, mais que la Cour ne garantissait ni l'évic-
tion des personnes se trouvant à bord du navire ni
l'état de ce dernier, l'acquéreur pouvant toutefois
entamer toute poursuite légale en vue d'en prendre
possession immédiate. De plus, l'acquéreur était
autorisé à recouvrer les dépens taxables de sa
requête.
L'ordonnance du 24 janvier 1975 autorisant la
vente contenait les conditions suivantes:
[TRADUCTION] f) Tous les frais afférents à la vente et aux
annonces publicitaires seront considérés comme des frais et
dépens de cette action et primeront toutes les autres réclama-
tions à l'exception de celles nées de la vente précédente;
g) Les frais de conservation et, le cas échéant, de déplacement
du navire, ainsi que les frais subis depuis sa saisie, seront
considérés comme des frais et dépens de cette action et vien-
dront, dans la distribution, immédiatement après les frais et
dépens visés au paragraphe précédent; [c'est moi qui souligne]
h) La Cour autorise M. A. S. Wilson ou M. A. J. Landriau à
prendre toutes les mesures nécessaires en vue d'assurer la
conservation du navire et ce, dans l'intérêt de tous les intéressés
et les frais et dépens ainsi encourus auront le même rang, lors
de la distribution, que les frais et dépens visés au paragraphe
précédent; [c'est moi qui souligne]
i) Les frais qui ont été avancés au prévôt par la demanderesse
ou par ses avocats relativement à la première vente, ou par la
Security National Bank ou par ses avocats relativement à la
deuxième vente seront remboursés auxdites parties par le prévôt
dès qu'il aura été payé par prélèvement sur le produit de la
deuxième vente;
j) Tous les frais et dépens subis dans l'exécution de la présente
ordonnance seront payés par prélèvement sur le produit de la
vente à titre de dépens privilégiés de cette action. [C'est moi qui
souligne.]
L'ordonnance ajoute que:
[TRADUCTION] La Security National Bank est tenue d'assumer
envers le prévôt, la responsabilité de tous les frais qu'il devra
encourir et de tous les droits qui lui seront dus relativement à
cette seconde publicité et vente du navire et à sa conservation
dans l'intervalle, sous réserve de son droit de réclamer le
remboursement de ces frais ou droits lors de la distribution du
produit de la vente.
Les dispositions de cette ordonnance sortent
peut-être un peu de l'ordinaire qui consisterait à
décharger le prévôt, à compter de la date de la
validation de la vente, de sa responsabilité par la
remise immédiate de la chose à l'acquéreur suivie
peu après par l'établissement d'un acte de vente.
En effet, ces dispositions sous-entendent que le
prévôt aurait à subir directement ou indirectement
les frais supplémentaires afférents à l'exécution de
l'ordonnance. Puisque cette ordonnance constitue
un jugement exécutoire de la Cour, je ne pense pas
que l'ordonnance du 20 février 1975 (précitée), qui
a validé la vente à M. Caron en prévoyant que la
Cour ne pouvait garantir ni l'éviction des person-
nes se trouvant à bord ni l'état du navire, ait pour
effet de la modifier ou de relever le prévôt de toute
responsabilité jusqu'à ce que la possession effective
du navire puisse être donnée à M. Caron dans les
circonstances inhabituelles de cette affaire. Il y a
en outre l'ordonnance du 6 mars 1975 (précitée)
qui a réaffirmé que le navire était confié à la garde
du prévôt à Sept-Iles et qui a autorisé ce dernier à
engager le personnel nécessaire pour assurer l'en-
tretien du navire et, au besoin, à engager des
gardiens pour empêcher toute appropriation non
autorisée de celui-ci. Je n'ai pas l'intention de
trancher la difficile question de savoir qui est
responsable, dans des circonstances normales, de la
conservation et de la protection du navire entre la
date de son adjudication et celle de sa remise à
l'acquéreur, mais j'estime qu'en l'espèce, il faut
s'en tenir aux dispositions de l'ordonnance du 24
janvier 1975 même si cela donne lieu à des créan-
ces supplémentaires à réclamer sur les deniers
consignés, alors que ces frais devraient normale-
ment être soit supportés par l'acquéreur lui-même,
soit réclamés au navire ou au responsable des actes
illégaux qui les ont engendrés.
Ni la Loi sur la Cour fédérale ni les Règles de
cette cour ne prévoient d'ordre de collocation.
Toutefois, cette question a été remarquablement
analysée par le juge suppléant Keirstead dans l'ar-
rêt Comeau's Sea Foods Limited c. The «Frank
and Troy» (précité) où après avoir distingué entre
les privilèges maritimes, possessoires et légaux, il a
donné, à la page 560, l'ordre de préférence suivant:
(i) les frais de mobilisation du capital consécutif à la vente de
la chose ...;
(ii) les privilèges maritimes;
(iii) les privilèges possessoires;
(iv) les hypothèques;
(v) les privilèges légaux.
Il a ensuite ajouté:
La date à laquelle un bien est grevé d'un privilège est
essentielle pour déterminer cet ordre. Un privilège maritime
grève un bien à la survenance de l'événement qui lui a donné
naissance. Un privilège possessoire existe lorsque le réclamant
obtient la possession du bien. Le privilège légal existe lors-
qu'une poursuite est intentée pour le faire valoir.
En ce qui concerne la doctrine, McGuffie ", aux
pages 742 et 743, donne le premier rang aux droits
et frais du prévôt, ajoutant que [TRADUCTION]
«les autres créances privilégiées se contenteront du
reliquat des deniers; subsidiairement lorsque ces
droits et frais ont été payés par un demandeur
saisissant en exécution de son engagement, ce der-
" British Shipping Laws, volume 1.
nier pourra les recouvrer à titre de dépens». Il
place au deuxième rang: [TRADUCTION] «Les
dépens du demandeur saisissant jusqu'à la date de
la saisie et y compris les frais de saisie et les frais
subséquents relatifs à l'évaluation et à la vente,
que ces frais aient été encourus soit par ce deman-
deur ou, si l'ordonnance d'évaluation et de vente
résulte d'une autre action, par le demandeur dans
cette autre action. Ces réclamations ont alors pré-
férence sur toutes les autres, même sur celles qui
se rapportent aux dépens.» Viennent ensuite les
privilèges possessoires, suivis des réclamations
d'indemnité de sauvetage, de dommages-intérêts,
des gages du capitaine et de l'équipage, c'est-à-dire
des réclamations qui n'ont aucune pertinence en
l'espèce. Il dit ensuite que les hypothèques sont
classées en fonction de leur date d'inscription et
priment les approvisionnements nécessaires, sauf
lorsque le navire est déjà saisi par le fournisseur de
ces approvisionnements nécessaires à la date de la
constitution de l'hypothèque. Il souligne que les
hypothèques ne priment pas les privilèges mariti-
mes. Il place au dernier rang la créance du fournis-
seur des approvisionnements nécessaires, sauf dans
le cas d'un navire saisi dans le cadre d'une action
en paiement des approvisionnements nécessaires,
où elle prime alors les hypothèques constituées
après cette saisie ainsi que, dans des conditions
semblables, les saisies-exécutions effectuées par un
shérif. Toutefois, comme je l'ai indiqué précédem-
ment, les deux réclamants pour les approvisionne-
ments nécessaires, soit la Port Colborne
Warehousing Limited et l'Ontario Sandblasting
Company, ne peuvent prétendre, en l'espèce, à un
privilège légal étant donné qu'après la naissance de
leur réclamation, la propriété du navire a été
transmise par vente de messieurs Fournier à l'At-
lantean Corporation.
On ne peut certes pas écarter les règles fonda-
mentales relatives à l'ordre de préférence, mais il
existe des précédents où, dans des cas d'espèce, il a
fallu tenir compte des considérations d'équité.
Dans le jugement non publié que j'ai rendu dans
l'affaire du navire «Evie W» (précitée), où il était
question d'une réclamation relative à la fourniture
du carburant nécessaire au navire alors que ce
dernier était sous saisie et pas encore vendu, j'ai eu
l'occasion de déclarer (à la page 38):
Si le prévôt avait commandé ledit carburant et si on lui avait
présenté la réclamation, il aurait pu l'inclure à bon droit dans
les dépenses encourues pour saisir et vendre le navire. Il semble-
rait qu'on a continué les livraisons de carburant après la saisie
et qu'elles étaient essentielles à la conservation du navire vu
l'hiver rigoureux qui sévissait à ce moment-là, ce qui assurait la
conservation de la garantie du créancier hypothécaire. Tel que
le déclare Halsbury's Laws of England, deuxième édition,
volume 30, page 955, la question de la priorité d'un privilège
sur un autre s'appuie sur «le principe qu'il faut rendre justice à
chaque partie dans les circonstances particulières de chaque cas
et non sur l'application d'une règle rigide». Je donnerais donc
priorité à la réclamation de Golden Eagle Canada Ltd. sur
l'hypothèque.
Ce passage a été mentionné par le juge Noël dans
un autre jugement non publié qu'il a rendu le 22
janvier 1971 dans l'affaire Canadian Vickers
Limited c. L'«Atlantean I» (ex Clara Clausen), n°
du greffe 1741. Le juge Noël a cependant fait la
distinction entre les deux causes en déclarant à la
page 2 de son jugement:
Il y a cependant une différence avec la présente affaire, dans
laquelle, bien que de l'électricité et de la vapeur aient été
fournies au navire Clara Clausen après sa saisie par la Cana-
dian Vickers Limited, ces fournitures ont été faites à la suite
d'une transaction commerciale aux termes de laquelle, comme
je l'ai souligné dans mes précédents motifs, «La Canadian
Vickers ayant invité le navire à pénétrer dans son chantier
naval, elle était disposée à subvenir à ses besoins jusqu'à ce que
les propriétaires du navire eussent obtenu les fonds nécessaires
pour le réparer». A mon avis, il n'y a donc aucune raison de
faire passer la réclamation de Vickers avant toutes celles de
ceux qui ont assuré l'approvisionnement du navire.
Dans un précédent jugement non publié qu'il avait
rendu le 16 octobre 1970 dans l'affaire Canadian
Vickers Limited c. L'«Atlantean I», n° du greffe
1741, le juge Noël avait déclaré à la page 5 de son
jugement:
[TRADUCTION] C'est indiscutablement par la seule diligence de
Vickers que le navire a pu être vendu. Elle doit donc être
assimilée, en ce qui concerne ses frais et dépens, à un créancier
exécutant et bénéficier du droit de préférence.
Le juge Collier, dans un jugement non publié qu'il
a rendu le 26 mai 1978 dans l'affaire Hawker
Siddeley Canada Ltd. c. Le «St. Ninian», n° du
greffe T-3785-72, a déclaré ceci à la page 16 de
son jugement:
Il ressort de la preuve administrée que toutes les parties
intéressées (Hawker Siddeley, la banque et Atlantique) ont
souscrit à l'ordre du prévôt de confier le navire aux chantiers
navals de la demanderesse qui se chargerait de sa conservation.
J'ai déjà résumé l'essentiel des directives et des desiderata émis
par M. Phillips au nom des propriétaires. Il est admis que la
banque a toujours été au courant de ce qui se passait. Les
extraits de la correspondance échangée entre les avocats
(extraits que j'ai cités) montrent que les parties, y compris
North Sydney, savaient toutes que Hawker Siddeley avait la
garde du navire et en assurait la conservation, et qu'elles
étaient toutes satisfaites de cet arrangement.
Il a ensuite ajouté:
A mon avis, tous étaient d'accord pour que la demanderesse
assure dans l'intérêt commun la conservation raisonnablement
nécessaire du navire.
Dans l'affaire International Marine Banking Co.
Limited c. Le «Dora» 18 , le juge Collier, après
avoir, aux pages 517 et 518, mentionné l'arrêt
«Evie W» en l'approuvant, a appliqué le même
raisonnement à l'affaire dont il était saisi (à la
page 518):
Le navire avait besoin du carburant et devait l'utiliser. La
source logique d'approvisionnement était celle qui se trouvait
déjà à bord. Si la question lui avait été soumise, le prévôt aurait
sans doute formellement permis l'utilisation du carburant et le
paiement à l'ayant droit. Il aurait alors inclus ce montant dans
son compte et ses frais.
Je conclus donc que la valeur raisonnable du mazout con-
sommé par le Dora entre le 20 septembre 1976 et le 28 octobre
1976 a, sur les produits de la vente, un privilège de même rang
que les dépenses du prévôt.
Si jamais il y a un cas auquel il faut appliquer
certains principes d'équité dans la distribution des
deniers très limités provenant du produit de la
vente à une masse considérable de créanciers, c'est
bien celui-ci.
Appliquant ces principes aux diverses réclama-
tions en cause, j'établis comme suit l'ordre de
distribution des deniers:
1. Les frais du prévôt
Ces frais comprennent non seulement les
sommes que le prévôt a déboursées, mais égale-
ment celles déboursées par les autres parties en son
nom, avec ou sans son autorisation expresse, pour
conserver le navire, entre la date de son adjudica
tion et celle de sa remise à l'acquéreur, M. Caron,
à Sept-Îles le 19 mars 1975 par suite de l'ordon-
nance du 17 mars 1975 émise par cette cour. Il
fallait assurer la sécurité et la protection du navire
dans l'intérêt commun de tous les créanciers. Voici
les diverses créances catégorisées sous cette
rubrique:
18 [1977] 2 C.F. 513.
a) La Security National Bank s'est
engagée à payer au nom du prévôt
les frais de publicité afférents à la
deuxième vente qui a abouti à
l'achat par M. Caron. Ces frais,
dont $225 se rapportent aux
annonces publicitaires insérées
dans le Journal of Commerce
s'élèvent à $642.55
b) La Gendarmerie royale du
Canada, lancée à la poursuite du
navire sur le fleuve, a déboursé
pour l'achat de carburant destiné à
permettre audit navire de se rendre
à Sept-Îles, la somme de $239.00
A l'arrivée du navire à Sept-Îles, la
G.R.C. lui a de nouveau fourni du
carburant au prix de $356.85
La G.R.C. a dû, pour prévenir le
gel, engager des mécaniciens afin
de vidanger les canalisations et les
chaudières du navire, au prix de $5,368.43
Ce qui fait au total pour la
G.R.C. la somme de $5,964.28
c) La Garde côtière du Canada a
approvisionné le navire en mazout
au prix de $1,106.00
en lubrifiant au prix de 832.00
et en provisions au prix de 235.00
Ce qui fait au total $2,173.00
Je pense qu'il faut considérer ces frais comme des
frais qui auraient été nécessairement subis et auto-
risés par le prévôt en d'autres circonstances et qui
sont conformes à l'ordonnance du 24 janvier 1975,
laquelle n'a pas, à mon avis, déchargé le prévôt de
toutes ses responsabilités à la date de l'adjudica-
tion. Ma décision ne doit cependant pas être inter-
prétée comme établissant un précédent qui permet
de faire valoir contre les deniers consignés les frais
subis dans l'intervalle entre la vente du navire et sa
remise à l'acquéreur. Tous les autres services
rendus par la G.R.C. et par la Garde côtière, tout
en étant certes utiles et nécessaires, l'ont été, à
mon avis, dans le cadre de leurs fonctions et ne
peuvent être payés avec les deniers consignés.
d) Les mêmes considérations exceptionnelles mais
équitables justifient la nécessité d'accueillir les
frais taxables devant cette cour subis par les avo-
cats de M. Caron en vue d'obtenir la possession du
navire. Ces avocats, à savoir l'étude Langlois,
Drouin et Compagnie, ont présenté un état de frais
dans lequel ils réclament des dépenses de $50 pour
chacune des six requêtes entendues par la Cour
relativement à la validation de l'adjudication, à
l'ordonnance adressée à la G.R.C. et à la Garde
côtière, à l'ordonnance du 6 mars confiant la pos
session au prévôt, à l'ordonnance du 18 mars 1975
inscrivant la remise du navire à l'acquéreur Caron
à Sept-Îles et à l'ordonnance prescrivant au prévôt
d'établir l'acte de vente. Une autre ordonnance,
datée du 14 avril 1975, autorisait l'acquéreur
Caron à déplacer le navire de Sept-Îles à Louise-
ville. Normalement, le prévôt aurait dû remettre la
possession du navire à l'acquéreur à l'endroit où la
vente a eu lieu, en l'occurrence Québec, étant
donné que cette vente était régie par la clause
habituelle «livraison sur place, sans garantie
aucune», mais je considère que l'ordonnance du 6
mars 1975 confiant la garde du navire au prévôt, à
Sept-Îles, et autorisant ce dernier à engager le
personnel nécessaire pour assurer son entretien et
sa sécurité, et l'ordonnance suivante du 17 mars
1975 autorisant la remise du navire à M. Caron,
également à Sept-Îles, ont eu pour effet de modi
fier les conditions de vente de sorte que la remise
par le prévôt de la possession dudit navire à M.
Caron, à Sept-Îles au lieu de Québec, était justi-
fiée. Par conséquent, les frais relatifs à la dernière
ordonnance autorisant M. Caron à amener le
navire à Louiseville ne peuvent pas être réclamés
contre les deniers.
Par conséquent, la collocation est la suivante:
Droits afférents aux 5 requêtes $250.00
Signification des 5 requêtes (au lieu de 6) 200.00
Frais afférents aux trois appels à l'issue
desquels la remise de la possession du
navire à l'acquéreur Caron a pu
s'effectuer $1,800.00
Total $2,250.00
Ces cinq dépenses peuvent être justement récla-
mées étant donné le caractère exceptionnel des
circonstances et des ordonnances en cause, mais je
ne saurais accorder d'autres dépenses que celles
fixées par le tarif ainsi que le demandent les
avocats et ce, malgré leur éloquente plaidoirie
selon laquelle ces mesures ont été prises dans
l'intérêt commun de tous les créanciers et non dans
le seul intérêt de M. Caron, et qu'elles ont eu pour
effet de préserver les deniers consignés.
Dans l'arrêt Commission de la Capitale natio-
nale c. Bourque 17V° 2 . 1' 9 , le juge en chef adjoint
Noël a statué que (à la page 135):
En effet, rien dans la Loi sur la Cour fédérale ni dans nos
Règles ne spécifie qu'une condamnation aux dépens emporte
distraction en faveur du procureur ou de l'avocat de la partie à
qui ils sont accordés, comme c'est le cas à l'art. 479 du Code de
procédure civile du Québec, qui est rédigé ainsi:
479. La condamnation aux dépens emporte de plein droit
distraction en faveur du procureur de la partie à laquelle ils
sont accordés...
Par conséquent, ces dépens doivent revenir à M.
Caron.
Quant aux frais de $15,000 encourus pour
défendre, devant la Cour d'appel du Québec, son
droit de propriété sur le navire, je ne pense pas que
M. Caron puisse légitimement les réclamer contre
les deniers consignés quoiqu'il n'ait probablement
aucune chance de les recouvrer auprès de Vitrai à
qui il aurait dû normalement les réclamer. Depuis
la date de l'adjudication, c'est-à-dire le 20 février
1975, cette cour a toujours maintenu que l'acte de
vente établi en application d'une ordonnance de la
Cour des petites créances du Québec, alors que le
navire était déjà sous saisie par ordonnance de
cette cour, ne conférait à son acquéreur aucun titre
valable de propriété. Il est vrai que la signature de
l'acte de vente, ordonnée par cette cour, a dû
attendre le résultat des appels de ces décisions
devant la Cour d'appel fédérale, mais elle a eu lieu
dès que ces appels ont été jugés, sans attendre le
résultat des recours exercés devant la Cour d'appel
du Québec. Il est vrai qu'on ne peut reprocher à
M. Caron d'avoir exercé ces recours en vue d'éli-
miner toute contestation de son titre de propriété,
mais les dépenses relatives à ces recours ne peu-
vent être réclamées contre les deniers consignés à
cette cour.
2. Frais encourus par les parties jusqu'à la date de
la vente
Dans une action antérieure, la Port Colborne
Warehousing a obtenu le 18 novembre 1974 un
jugement dans lequel le juge Addy a condamné la
demanderesse actuelle à lui payer $3,700 plus les
dépens, en prescrivant toutefois que la vente du
navire ne pourrait être ordonnée que sur requête
faite par la Port Colborne et signifiée à la Security
National Bank et qu'après publication d'avis à cet
19 [1971] C.F. 133.
effet dans La Presse et dans The Gazette. L'ordon-
nance en question a été respectée, mais en fin de
compte la vente a été effectuée dans le cadre de la
présente action intentée par la demanderesse
actuelle dont la réclamation, y compris les dépens,
ont toutefois déjà été réglés à l'amiable. En consé-
quence, il sera distribué à la Port Colborne Ware
housing Limited les dépens taxables de son action,
le montant de ces dépens étant, quoique inconnu,
facilement calculable, plus $221.30 pour couvrir le
coût des annonces insérées en application de l'or-
donnance du juge Addy.
Réclamation des pilotes
J'ai déjà conclu que l'opinion prépondérante
considérait la réclamation des pilotes pour services
rendus comme un privilège maritime, mais que
celle pour services non rendus ne jouissait que d'un
privilège légal. En conséquence, la réclamation des
pilotes vient au rang suivant dans la collocation,
mais pas pour le montant complet de $1,471.19
puisque ce montant inclut, d'une part, la somme de
$157.84 afférente à la période du 23 et du 24
février 1975 qui est non seulement postérieure à
l'adjudication, mais également relative à des servi
ces non rendus et, d'autre part, deux autres
sommes de $139.68 et de $483.12 également pour
des services non rendus. Il ne sera donc distribué
aux pilotes que $690.55, la différence jouissant
simplement d'un privilège légal contre le navire et
non contre les deniers consignés.
Réclamation de la Security National Bank, créan-
cière hypothécaire
Le reliquat des deniers consignés sera distribué
à la Security National Bank, créancière hypothé-
caire.
ORDONNANCE
L'affaire est renvoyée devant l'administrateur de
district de la Cour fédérale à Montréal pour qu'il
recueille les renseignements complémentaires, éta-
blisse la collocation et effectue la distribution con-
formément à ces motifs.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.