T-171-77
Peter Rasins (Demandeur)
c.
Foodcorp Limited et Wilf Johnsen (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Mahoney—
Toronto, le 21 janvier; Ottawa, le 25 janvier 1980.
Pratique — Interrogatoire préalable — Compagnie défen-
deresse — Demande d'ordonnance pour forcer le dirigeant
compétent de la compagnie à comparaître à l'interrogatoire
préalable — Ce dirigeant compétent vit maintenant à l'étran-
ger — Il échet d'examiner si la Cour a compétence pour rendre
l'ordonnance sollicitée — Il échet d'examiner si la défende-
resse doit produire ce dirigeant à l'interrogatoire préalable —
Règles 447, 465 de la Cour fédérale.
Distinction faite avec l'arrêt: Lido Industrial Products
Ltd. c. Teledyne Industries, Inc. [1979] 1 C.F. 310.
DEMANDE.
AVOCATS:
P. H. Mandell pour le demandeur.
C. L. Sarginson pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Mandell, James, Toronto, pour le demandeur.
Rogers, Bereskin & Parr, Toronto, pour les
défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MAHONEY: Lorsque la Cour fut, pour
la première fois, saisie de l'espèce, le demandeur
fut débouté sans préjudice de son droit de présen-
ter une autre demande après s'être conformé aux
prescriptions de la Règle 447, laquelle est, selon la
Règle 465(3) un sine qua non à l'obtention de
toute ordonnance qui enjoigne à la partie adverse
de subir un interrogatoire préalable. Le deman-
deur réclame à nouveau une ordonnance qui force-
rait la compagnie défenderesse à soumettre à cet
interrogatoire le président de son conseil d'admi-
nistration, Richard Maurin.
On a démontré à ma satisfaction que Maurin est
bien le dirigeant de la compagnie qu'il faut inter-
roger. Mais voilà, depuis que l'action a été engagée
celui-ci a quitté le Canada pour la Grande-Breta-
gne. La compagnie défenderesse invoque l'arrêt de
la Cour d'appel en l'affaire Lido Industrial Prod-
ucts Limited c. Teledyne Industries, Inc.' au sou-
tien de sa prétention qu'il n'entre pas dans la
compétence de la Cour de rendre l'ordonnance
demandée.
Dans cette espèce particulière on voulait interro-
ger, sur le fondement de la Règle 465(5), les
cédants de certains brevets. Ceux-ci n'étaient pas
partie à l'instance et, quoique la Règle qualifie
leur interrogatoire «d'interrogatoire préalable»,
l'emploi de ce vocable, comme le juge en chef
d'alors l'a fait observer, à la page 313, «ne s'ac-
corde pas avec l'acception commune de cette
expression». Il poursuit en disant [aux pages 313 et
314]:
Il ne s'agit pas d'un interrogatoire préalable d'une partie par
une autre, mais d'un interrogatoire, antérieur au procès, d'un
témoin potentiel, et la seule personne susceptible d'être interro-
gée est le cédant d'un droit qui fait l'objet du litige, cette
personne étant susceptible d'être interrogée qu'elle soit ou non
un membre de la direction ou un employé de la partie adverse.
La comparution de la personne assujettie à l'interrogatoire
prévu à la Règle 465(5) est assurée par subpoena (Règle
465(9)); dans ces conditions, cette personne n'est pas soumise
au contrôle de la partie adverse et elle ne risque pas de voir sa
défense radiée ou sa demande rejetée pour défaut ou pour refus
de répondre ainsi qu'elle en est requise. (Règle 465(20).) Il est
à croire qu'aux termes de la Règle 465(12), la Cour peut
autoriser un tel interrogatoire à l'extérieur du Canada, mais
nulle disposition des Règles n'habilite la Cour à ordonner à une
telle personne de comparaître, que ce soit à l'intérieur ou à
l'extérieur du Canada; un tel pouvoir est exclu si l'on tient
compte du fait que le subpoena s'applique à, l'intérieur du
Canada et que la Cour ne peut rendre des ordonnances ou
autres moyens de contrainte exécutoires à l'extérieur de son
ressort territorial. (Voir McGuire c. McGuire [1953] O.R.
328.) En d'autres termes, dans le contexte de la Règle 465, la
portée de la Règle 465(5) est implicitement restreinte en ce
sens qu'elle ne s'applique pas au cas où la personne à interroger
se trouve à l'extérieur du Canada et ne peut faire l'objet d'un
subpoena émanant d'un tribunal canadien.
L'espèce ici en cause porte sur une situation tout
à fait différente. Son unique aspect inhabituel est
que Maurin n'habite plus au Canada. La demande
vise bel et bien l'interrogatoire préalable d'une
partie à l'instance quoique celle-ci, parce qu'il
s'agit d'une personne morale, doive, de par néces-
sité, être interrogée, d'après la Règle 465(1)b), en
la personne d'un membre de sa direction. Celui-ci
est alors considéré [TRADUCTION] «sous l'autorité»
de cette personne morale et, si elle ne voit pas à ce
qu'il se présente pour être interrogé, sa défense
peut être radiée, comme le prévoit la Règle
465(20).
' [1979] 1 C.F. 310.
La présence d'un cédant à son interrogatoire
selon la Règle 465(5) ne peut être assurée que par
subpoena, l'assignation prévue à la Règle 465(9).
Toutefois la Règle 465(8) déclare expressément
que la présence d'un dirigeant de compagnie à
l'interrogatoire préalable, sur le fondement de la
Règle 465(1)b), est assurée par signification d'une
convocation lancée sur le fondement de la Règle
465(7) et que, autorisation en ayant été obtenue,
la signification de la convocation peut être faite au
procureur de la compagnie partie à l'instance
plutôt qu'au dirigeant lui-même.
ORDONNANCE
Le demandeur est autorisé à lancer une convo
cation pour l'interrogatoire préalable de la compa-
gnie défenderesse, sur le fondement de la Règle
465(7), Richard Maurin y étant nommé comme la
personne physique qui sera interrogée. L'interroga-
toire aura lieu à ou près de Toronto, en Ontario,
au plus tôt le 1" avril 1980. La convocation sera
signifiée au procureur de la compagnie défende-
resse selon la Règle 465(8). Les frais appropriés de
déplacement inclueront le prix du voyage, aller-
retour, en classe économique, de Londres (Angle-
terre) à Toronto (Ontario) par avion, d'Air
Canada, et la somme de $100 pour chaque jour où
il aurait été estimé que Maurin a dû se trouver à
Toronto pour y subir l'interrogatoire, y inclus un
jour franc avant celui où il débutera. Le deman-
deur aura droit à une reddition de compte relative
auxdits frais de déplacement lors de la taxation des
dépens de l'action.
Il a droit à ses dépens en cette instance-ci.
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