T-1417-75
Main Fisheries Ltd., Northland Fisheries Ltd.,
Northern Lakes Fisheries Co. Ltd. et Sam Badner,
exerçant son activité sous la dénomination sociale
de Mid-Central Fish Company (Demandeurs)
c.
La Reine (Défenderesse)
T-1731-75
Keystone Fisheries Ltd. (Demanderesse)
c.
La Reine (Défenderesse)
T-1419-75
Canadian Fish Producers Ltd. (Demanderesse)
c.
La Reine (Défenderesse)
T-358-75
Manitoba Fisheries Limited, Harry Gordon
Marder et Sophia Marder (Demanderesses)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge suppléant
Smith—Winnipeg, le 27 avril et le 27 juin 1979.
Pratique — Communication de documents — Production de
documents — Requête fondée sur la Règle 464 en vue d'une
ordonnance enjoignant à une firme de comptables agréés (qui
n'était pas partie à l'action) de produire tous les documents en
leur possession et relatifs au projet de fusion de diverses
entreprises du secteur de la transformation du poisson — Ces
documents revêtaient une grande importance dans la détermi-
nation de la juste valeur marchande des compagnies en cause à
la date de la promulgation de la loi qui les a obligées à cesser
leurs activités — Un individu qui avait assumé une partie des
frais a refusé à la firme de comptables la permission de
produire ces documents tant qu'il n'aurait pas été remboursé
— C'est ce refus qui a donné lieu à la requête en l'espèce —
Règle 464 des Règles de la Cour fédérale.
A la suite de l'arrêt Manitoba Fisheries de la Cour suprême
du Canada, plusieurs compagnies de pêche, qui avaient dû
cesser leurs activités à l'entrée en vigueur, le ler mai 1969, de la
loi en la matière, ont fait l'objet de jugements leur donnant
droit à une réparation équivalant à leur juste valeur marchande
à cette date. Ces jugements prévoyaient que si les parties
n'arrivaient pas à un règlement à l'amiable, elles pourraient
demander à la Cour de déterminer le montant de la réparation.
Les demandeurs se fondent sur la Règle 464 pour conclure à
une ordonnance enjoignant à une firme de comptables agréés et
à l'un de ses membres, qui n'étaient pas parties à l'action, de
produire aux fins de consultation par les représentants des
demandeurs, tous les documents en leur possession et relatifs à
un projet de fusion en 1964 de diverses compagnies du secteur
de la transformation du poisson au Manitoba. Les dossiers et
documents de travail établis par la firme à laquelle a succédé la
firme de comptables en cause, particulièrement en ce qui
concerne les projections d'avenir de plusieurs compagnies,
seraient de la plus haute importance pour ce qui est d'établir la
juste valeur marchande de ces compagnies en tant qu'entrepri-
ses en activité au lei mai 1969. Un individu qui avait assumé
une partie des frais de l'étude a refusé à la firme de comptables
agréés la permission de produire les documents tant qu'il
n'aurait pas été remboursé du montant payé pour la compila
tion et la préparation des documents. C'est ce refus qui a donné
lieu aux requêtes en l'espèce.
Arrêt: les requêtes sont accueillies. Les avis de requête
décrivent les documents assez clairement pour qu'on les identi-
fie et l'objet réel de ces requêtes paraît légitime. L'information
contenue dans les dossiers de la firme de comptables est
importante pour la formulation d'une opinion ferme et sans
réserve sur le quantum. Rien ne permet de conclure que les
ordonnances visées par ces requêtes doivent être refusées au
motif qu'un individu s'oppose à la communication des docu
ments aux requérants à moins que ceux-ci ne lui paient une
somme importante. La Règle 464 ne prive personne de la
propriété ou de la possession d'un document et ne prévoit le
paiement d'aucune somme d'argent pour la production de
documents. Elle vise seulement à rendre disponibles, en cas de
litige, des documents qui constituent une information afférente
à un ou plusieurs points contestés. Par ailleurs, la Règle 464 ne
prévoit pas que les documents ne peuvent être réclamés que
pour servir au procès, mais qu'il doit s'agir de documents dont
on serait en droit d'exiger la production à un procès. Les
montants que la Couronne aura à payer aux requérants et à
ceux qui sont dans la même situation sont encore en litige et
seront déterminés par la Cour si les parties ne parviennent pas à
un règlement amiable.
Distinction faite avec les arrêts: The Central News Co. c.
The Eastern News Telegraph Co. (1884) 53 L.J.Q.B. 236;
Elder c. Carter (1890) 25 Q.B.D. 194; Doig c. Hemphill
[1942] O.W.N. 391; Trustee of the Property of Lang
Shirt Co. Ltd. c. London Life Insurance Co. (1926-27) 31
O.W.N.285.
REQUÊTE.
AVOCATS:
J. S. Lamont, c.r. pour la demanderesse Main
Fisheries Ltd. et al.
D. C. H. McCaffrey, c.r. et Ken M. Arenson
pour les demanderesses Manitoba Fisheries
Limited, Canadian Fish Producers Ltd. et
Keystone Fisheries Ltd.
A. Maclnnes pour Samuel Werier.
R. McNicol pour Coopers & Lybrand et
Christopher H. Flintoft.
C. Williamson pour la défenderesse la Reine.
PROCUREURS:
Aikins, MacAulay & Thorvaldson, Winnipeg,
pour la demanderesse Main Fisheries Ltd. et
al.
McCaffrey, Akman, Carr, Starr & Prober,
Winnipeg, pour les demanderesses Canadian
Fish Producers Ltd. et Keystone Fisheries
Ltd.
Arenson, Miles & Allen, Winnipeg, pour la
demanderesse Manitoba Fisheries Limited et
al.
Thompson, Dorfman, Sweatman, Winnipeg,
pour Samuel Werier.
Fillmore & Riley, Winnipeg, pour Coopers &
Lybrand.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse la Reine.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT SMITH: Il s'agit à l'origine
d'une requête de la demanderesse Northland Fish
eries Ltd. réclamant en vertu de la Règle 464 une
ordonnance enjoignant à la firme de comptables
agréés Coopers & Lybrand et à l'un de ses mem-
bres, Christopher Henry Flintoft, de produire aux
fins d'examen par les représentants des deman-
deurs, tous les documents en leur possession rela-
tifs au projet de fusion de plusieurs compagnies du
secteur de la transformation du poisson au Mani-
toba, qui avaient été préparés, en 1964, à la
demande de la firme Pitblado, Hoskin & Company
pour le compte de Samuel Werier et de Northland
Fisheries Ltd., par la firme McDonald, Currie &
Company à qui a succédé la firme Coopers &
Lybrand. Cette ordonnance autoriserait en outre la
préparation de copies certifiées desdits documents
selon les besoins des demandeurs.
Outre Northland Fisheries Ltd., trois autres
compagnies, Keystone Fisheries Ltd., Canadian
Fish Producers Ltd. et Manitoba Fisheries Lim
ited, ont déposé des requêtes analogues.
Puisque, à l'exception d'un seul point qui ne
s'applique qu'à Northland, toutes les requêtes sont
les mêmes, j'ai décidé de les entendre ensemble.
Toutes les parties, de même que Samuel Werier,
Coopers & Lybrand et Christopher H. Flintoft,
ont été représentées par un avocat.
Les documents préparés en 1964 par McDonald,
Currie & Company comprennent des études sur
les opérations commerciales effectuées au cours
des années antérieures par chaque compagnie que
Werier et Northland se proposaient de fusionner,
ainsi que des projections afférentes à l'état de leurs
affaires pour une période s'étendant au-delà de
1969. La firme n'a fait aucun rapport détaillé à
Werier et à Northland. Au cours de l'élaboration
du projet de fusion, le Manitoba Development
Fund a été pressenti pour le financement de la
fusion et, parmi la documentation qui lui a été
fournie se trouvaient les projections élaborées par
McDonald, Currie & Company. Ces projections
sont à la disposition de Northland et des autres
compagnies de pêche qui sont parties à la présente
actio ou qui ont un intérêt dans le règlement de
celle-ci.
Par la suite, ce projet de fusion a été abandonné.
La note de frais de Pitblado, Hoskin & Com
pany et de McDonald, Currie & Company s'est
élevée à $17,500; Werier en a payé $10,500 et
Northland, $7,000.
En 1969, le Parlement a adopté la Loi sur la
commercialisation du poisson d'eau douce, S.R.C.
1970, c. F-13, qui dispose que le poisson pêché
dans diverses provinces, dont le Manitoba, ne peut
être vendu qu'à l'Office de commercialisation du
poisson d'eau douce, qu'elle crée. Comme les com-
pagnies de pêche privées n'ont pu trouver personne
de qui acheter le poisson, elles ont dû cesser leurs
affaires à partir du 1 mai 1969, date d'entrée en
vigueur de la Loi.
Au moins huit compagnies ont engagé des
actions contre la Couronne, réclamant une indem-
nité pour la perte de leurs entreprises. L'action de
la Manitoba Fisheries Limited a été intentée à
titre de cause-précédent. Elle s'est terminée devant
la Cour suprême du Canada [[1979] 1 R.C.S.
101] qui, le 3 octobre 1978, a infirmé les juge-
ments des tribunaux d'instance inférieure et statué
que la compagnie avait droit à un jugement pour
la juste valeur marchande, au 1" mai 1969, de son
entreprise considérée comme une entreprise en
activité, plus les intérêts.
A la suite de l'arrêt rendu par la Cour suprême
dans Manitoba Fisheries Limited, cette cour a
octroyé aux autres compagnies lésées des juge-
ments analogues.
Aucun de ces jugements n'a fixé une valeur
monétaire à l'entreprise exploitée par chacune de
ces compagnies. Ils ont laissé aux parties le soin de
fixer à l'amiable le montant à payer et, en cas
d'échec, de présenter à cette cour une demande à
cet effet.
L'avocat de Northland, auquel ceux des autres
compagnies se sont ralliés, prétend que les dossiers
afférents aux travaux effectués en 1964 par
McDonald, Currie & Company, et plus particuliè-
rement ceux afférents aux projections à terme
élaborées par cette firme pour les affaires de plu-
sieurs de ces compagnies, sont de toute première
importance pour établir la juste valeur marchande,
au lef mai 1969, de leurs entreprises en tant qu'en-
treprises en activité.
L'avocat de Northland et son président, Peter
Lazarenko, ont demandé à la firme Coopers &
Lybrand de leur permettre de consulter ces dos
siers qui sont au nombre de neuf ou dix. M.
Flintoft, au service de ladite firme et qui était
membre de McDonald, Currie & Company où il a
effectué, en 1964, la plupart des travaux demandés
par Werier et Northland, a informé Lazarenko et
son avocat que les règles de l'Institut des compta-
bles agréés ne l'autorisaient à mettre les docu
ments à leur disposition que si Werier y consentait.
Or, Werier n'y a pas consenti, prétendant que les
travaux effectués en 1964 par Pitblado, Hoskin &
Company et par McDonald, Currie & Company
lui avaient coûté environ $20,000 et qu'il escomp-
tait être remboursé du montant qu'il a payé à ces
deux firmes pour réunir et préparer l'information.
Le 25 avril 1979, il a confirmé son refus dans un
affidavit. C'est ce refus qui a donné lieu aux
présentes requêtes.
Les requêtes sont présentées au titre de la Règle
464 de la Cour fédérale, dont voici le paragraphe
pertinent:
Règle 464. (I) Lorsqu'un document est en la possession d'une
personne qui n'est pas partie à l'action et lorsqu'on pourrait la
contraindre à produire ce document à une instruction, la Cour
pourra, à la demande d'une partie, après avis à cette personne
et aux autres parties à l'action, prescrire la production et
l'examen du document, et elle peut donner des instructions pour
la préparation d'une copie certifiée qui peut être utilisée à
toutes fins à la place de l'original.
Les circonstances entourant ces requêtes sont
conformes aux conditions requises par la Règle
464 pour que la Cour puisse rendre ce genre
d'ordonnance. La firme Coopers & Lybrand, qui
détient les documents en question, n'est pas partie
aux actions susmentionnées introduites par les
compagnies. A vrai dire, rien ne prouve non plus
que Werier a un quelconque intérêt dans ces
actions ou dans leur règlement. Si la Cour l'estime
à propos, elle pourra ordonner la production de ces
documents à l'audience par subpoena duces tecum.
Bien entendu, une ordonnance prescrivant leur
production ne les rend pas pour autant admissibles
en preuve.
Outre les dispositions de la Règle 464, la juris
prudence a établi depuis longtemps certaines
autres règles, par exemple la règle importante
voulant qu'une ordonnance prescrivant la produc
tion et l'examen de documents en possession d'une
personne qui n'est pas partie à l'action ne doive pas
être rendue lorsque la requête a pour objet réel
d'obtenir de cette personne la divulgation de cer-
tains documents. Il ne s'agit pas de voir s'il y a
anguille sous roche; cette requête ne doit avoir
pour but que d'assurer la production de documents
pertinents et afférents à la cause, dont le requérant
entend se servir comme preuve. Ils doivent donc
être décrits assez clairement pour qu'on puisse les
identifier, mais non pas, semble-t-il, avec une pré-
cision qui les distingue de tous les autres docu
ments de même nature.
En l'espèce, la nature des documents ne laisse
aucun doute, même si les requérants ignorent un
grand nombre des détails qu'ils contiennent. Il
s'agit des documents de travail élaborés en 1964
par la firme McDonald, Currie & Company lors-
qu'elle a procédé à l'étude des affaires des compa-
gnies dont la fusion était envisagée. Ladite firme a
d'abord examiné les livres et les dossiers de cha-
cune d'elles se rapportant à l'année 1964 et à
plusieurs années antérieures à celle-ci; elle a fait
ensuite des projections quant à l'état de leurs
affaires pour la période s'étendant jusqu'à 1969 et
même au-delà. De toute évidence, ces travaux
avaient pour objet de déterminer la valeur qui
serait attribuée à chaque compagnie dans la fusion
projetée.
A mon sens, tous les avis de requête décrivent
les documents assez clairement pour qu'on les
identifie et l'objet réel de ces requêtes me paraît
légitime. Les requérants ont accès aux projections
établies par McDonald, Currie & Company, mais
les documents de travail et le matériel de base sur
lequel ces projections reposent, ne seront pas mis à
leur disposition à moins que la Cour n'accueille ces
requêtes. Sans ce matériel de base, ils ne peuvent
découvrir les nombreux faits que McDonald,
Currie & Company a constatés et qui ont influé
sur ses conclusions, et il leur est impossible de
connaître les hypothèses que cette firme a établies
lorsqu'elle a étudié les projections quant à l'avenir
respectif des compagnies. Les requérants, qui con-
naissent la nature et l'objet des travaux effectués
par ces comptables, affirment que lesdits docu
ments traitent de ces questions et qu'avec les faits
détaillés qu'ils contiennent, la Cour et eux-mêmes
pourront déterminer avec plus de certitude la vali-
dité de ces projections. La période couverte par les
travaux de McDonald, Currie & Company est
précisément celle pour laquelle les renseignements
obtenus sont les plus valables au regard de la
détermination de la valeur, au 1" mai 1969, de
chaque compagnie en tant qu'entreprises en acti-
vité. Les avocats soutiennent qu'il n'existe pas
d'autres sources où on peut obtenir l'information.
Walter Dubowec, comptable agréé et associé de
la firme Touche, Ross & Company, a été pendant
longtemps un employé de la plupart des compa-
gnies de pêche qui ont dû cesser leurs activités à la
suite de l'entrée en vigueur de la Loi sur la
commercialisation du poisson d'eau douce. Depuis
l'arrêt rendu par la Cour suprême, le 3 octobre
1978, qui a établi la responsabilité de la Couronne
envers ces compagnies, il a eu pour tâche de
préparer l'évaluation de l'entreprise de chacune
d'elles. Le 20 mars 1979, il a, dans le cadre de la
présente requête, signé un affidavit dont voici un
extrait:
[TRADUCTION] 4. Je suis d'avis que ces renseignements finan
ciers (les documents que l'on demande à la firme Coopers &
Lybrand et à M. Flintoft de produire) seront extrêmement
utiles à moi-même et à la firme Touche, Ross & Company pour
préparer l'évaluation des demanderesses, parce qu'ils contien-
nent de l'information et des projections détaillées à leur sujet,
qui ne peuvent être obtenus d'autres sources ....
Le 6 avril 1979, l'avocat de Samuel Werier l'a
contre-interrogé sur cet affidavit. Il lui a posé des
questions sur les renseignements financiers recueil-
lis par McDonald, Currie & Company et présentés
au Manitoba Development Fund lorsque cet orga-
nisme a été pressenti, en 1964, pour contribuer au
financement de la fusion projetée des compagnies
de pêche:
[TRADUCTION] 59. Q. Avez-vous obtenu ces renseignements
financiers?
R. J'ai déjà dit que je les ai, mais je n'ai pas la documenta
tion de base préparée par la firme comptable qui indique
la méthodologie et les renseignements utilisés pour élabo-
rer les projections, dont personne d'autre que les compta-
bles ne dispose. Ils sont les seuls à l'avoir.
60. Q. Avez-vous les conclusions?
R. Oui.
61. Q. Avez-vous les projections?
R. Oui.
62. Q. Vous n'avez pas les documents de travail ni le maté
riel de base?
R. C'est exact. Et la firme comptable, lorsqu'elle a préparé
les projections, a établi certaines hypothèses et utilisé
certains renseignements que j'aimerais connaître pour
voir sur quoi elle a basé ses conclusions.
Plus tôt, en réponse à la question 38, il a dit:
[TRADUCTION] R. J'ai certains documents qui résument les
conclusions finales de McDonald Currie. J'ai besoin
maintenant que la firme me fournisse les renseignements
de base qui m'indiqueront sur quoi elle s'est fondée pour
prendre les décisions qui l'ont amenée à ces conclusions.
Voici sa réponse à la question 39:
[TRADUCTION] R. Non. Je dois savoir comment ils en sont
venus à leurs conclusions, c'est pourquoi il me faut les
renseignements de base.
Il a admis qu'avec l'information obtenue de ses
clients et d'autres sources, il est en mesure de
présenter à la Cour et à ses clients une opinion sur
la valeur marchande des compagnies, même sans
avoir accès aux dossiers de Coopers & Lybrand
(McDonald, Currie & Company), mais que l'in-
formation que ceux-ci contiennent, si elle lui est
communiquée, risque de modifier cette opinion. Si
cette information ne lui est pas communiquée, il
lui faudra alors apporter une réserve à son opinion
en déclarant qu'il n'a pas pu obtenir ladite infor
mation, dont il connaissait l'existence, mais qui se
trouvait entre les mains d'une autre partie.
De toute évidence, M. Dubowec est convaincu
que l'information contenue dans les dossiers Coo-
pers & Lybrand est de nature à lui permettre d'en
arriver, quant au quantum, à une opinion ferme ne
comportant aucune réserve. A mon avis, il ressort
de la preuve que cette conviction est justifiée.
L'avocat de M. Werier soutient que puisque son
client a versé une somme importante pour les
travaux effectués en 1964 par Pitblado, Hoskin &
Company et par McDonald, Currie & Company,
les documents préparés au cours de ces travaux ne
devraient donc pas être communiqués à d'autres
personnes pour qu'elles les utilisent dans des procé-
dures judiciaires. Il revendique sur eux un droit de
propriété. A cet égard, il se trouve exactement
dans la même position que Northland Fisheries
Ltd. qui a payé 40 p. 100 du coût des travaux
effectués pour lui et pour cette compagnie.
Bien entendu, le fait est que les documents
appartiennent à la firme Coopers & Lybrand, en
tant que successeur de McDonald, Currie & Com
pany. Puisqu'ils ont été préparés au cours de tra-
vaux effectués pour le compte de Werier et de
Northland et payés par ces derniers, on s'atten-
drait normalement à ce que l'un ou l'autre ou les
deux puissent avoir accès à l'information qu'ils
contiennent. La règle de l'Institut des comptables
agréés semble avoir été conçue principalement
sinon essentiellement pour empêcher une firme
comptable qui a rendu des services professionnels à
deux associés ou plus ou à deux coentrepreneurs ou
plus d'avoir à prendre position lorsque des conflits
surgissent entre les parties, et à favoriser l'une
d'elles de préférence à l'autre ou aux autres. Un tel
comportement constituerait un manquement à
l'éthique professionnelle.
La Règle 464 de la Cour fédérale ne prive
personne de la propriété ou de la possession d'un
document. Elle vise simplement à rendre disponi-
bles, en cas de litige, des documents qui contien-
nent une information afférente à un ou à plusieurs
des points contestés. En l'espèce, si la Cour en
ordonne la production, les documents resteront
entre les mains de Coopers & Lybrand ou ils leur
seront retournés après qu'il en aura été fait des
copies certifiées. De même, la position de Werier à
l'égard des documents restera inchangée. Rien ne
permet de penser que Werier a un quelconque
intérêt dans l'une desdites actions ou que la pro
duction et l'utilisation des documents lui cause-
raient un préjudice. Je ne suis pas d'accord avec
son avocat lorsqu'il prétend que le fait d'ordonner
la production de ces documents serait préjudiciable
aux intérêts de son client.
La Règle ne prévoit, à bon escient selon moi, le
paiement d'aucune somme d'argent pour la pro
duction de documents. Une des raisons à cela, et
elle me paraît décisive, est qu'une disposition qui
obligerait en fait une partie à acheter le droit de
voir et d'utiliser en preuve des documents que
détient un tiers à l'action, ouvrirait la voie à ce qui
risquerait de devenir presque une forme légale de
chantage.
Je ne vois rien qui puisse m'amener à conclure
que les ordonnances réclamées dans ces requêtes
doivent être refusées pour le seul motif que M.
Werier s'oppose à la communication des docu
ments aux requérants, à moins que ceux-ci ne
paient une somme importante.
La défenderesse a adopté une position neutre à
l'égard de ces requêtes et n'a présenté aucune
argumentation. La firme Coopers & Lybrand et
Christopher Henry Flintoft ont simplement
déclaré qu'ils se conforment aux règles de l'Institut
des comptables agréés et qu'ils se soumettront à
l'ordonnance de la Cour. Leur avocat fait cepen-
dant valoir que la Règle 464 ne s'applique pas en
l'occurrence parce que les documents ne sont pas
réclamés pour être produits à une audience, mais
pour faciliter l'évaluation que l'on recherche dans
la présente affaire. Je ne suis pas d'accord. La
Règle ne déclare pas que les documents réclamés
doivent être produits à une audience, mais simple-
ment que la requête doit viser des documents dont
la production à une audience pourrait être pres-
crite. En outre, les montants que la Couronne est
censée payer aux requérants et à ceux qui sont
dans la même situation, sont encore en litige. Leur
fixation reviendra devant la Cour, si les parties ne
parviennent pas à un règlement amiable et il y
aura alors un ou plusieurs procès sur le point
litigieux du quantum.
En résumé, mes conclusions sont les suivantes:
1. Les documents, dont les présentes requêtes
réclament la production aux fins d'examen, sont en
la possession de la firme de comptables agréés
Coopers & Lybrand, dont Christopher Henry Flin-
toft est membre.
2. Les travaux au cours desquels furent préparés
les documents ont été effectués en 1964 par la
firme McDonald, Currie & Company, à qui Coo
pers & Lybrand a succédé.
3. Les travaux ont été effectués pour le compte de
Samuel Werier et de Northland Fisheries Ltd. et
payés par eux.
4. Tous ces travaux ont été exécutés exclusivement
en vue d'établir la valeur marchande en tant qu'en-
treprises en activité, de plusieurs compagnies de
pêche, que Werier et Northland projetaient de
fusionner. On peut donc présumer que les docu
ments se rapportent à cet objectif.
5. Par suite de l'adoption de la Loi sur la com
mercialisation du poisson d'eau douce de 1969, les
requérants et plusieurs autres compagnies de pêche
ont dû cesser leurs affaires, le 1" mai 1969.
6. Le 3 octobre 1978, dans une instance judiciaire
introduite à titre de cause-précédent par Manitoba
Fisheries Limited, la Cour suprême a rendu un
arrêt portant que la défenderesse était tenue de
verser à ladite compagnie, à titre d'indemnité, un
montant équivalant à sa valeur marchande au 1"
mai 1969, en tant qu'entreprises en activité. Subsé-
quemment, d'autres compagnies qui ont dû cesser
leurs affaires pour les mêmes raisons, et notam-
ment les autres requérants en l'espèce, ont obtenu
des jugements analogues. Aucun de ces jugements
n'a fixé le montant de l'indemnité à verser.
7. Depuis l'arrêt en date du 3 octobre 1978, les
requérants se sont efforcés de recueillir des élé-
ments de preuve en vue d'établir la valeur mar-
chande, au 1" mai 1969, de leurs compagnies
respectives en tant qu'entreprises en activité.
8. La firme McDonald, Currie & Company n'a
fait aucun rapport officiel à Werier ou à North-
land des travaux qu'elle a effectués en 1964 pour
leur compte. Elle a cependant formulé des conclu
sions finales et préparé des projections sur les
affaires des compagnies pour les années postérieu-
res à 1969. Les conclusions finales et les projec
tions ont été communiquées aux requérants.
9. Mais les requérants n'ont pas eu accès aux
documents de travail et de base établis par Mc-
Donald, Currie & Company au cours de ses tra-
vaux. Ce sont ces documents que les requérants
veulent maintenant examiner.
10. L'information contenue dans les documents de
travail et se rapportant à la période pertinente,
aiderait considérablement les compagnies à établir
leur valeur marchande à la date considérée, en tant
qu'entreprises en activité. Ces documents doivent
sûrement indiquer les mesures que la firme Mc-
Donald, Currie & Company a prises et les métho-
des qu'elle a adoptées pour exécuter le projet, ainsi
que les faits et les motifs sur lesquels elle a fondé
ses conclusions et les hypothèses qu'elle a élaborées
en préparant ses projections. Toute information
sur l'une de ces questions ne peut qu'aider à
confirmer l'exactitude ou l'inexactitude de ces con
clusions et projections.
11. Sans aucun doute, ces documents sont perti-
nents. Ils se rapportent directement à la question
de la détermination de l'indemnité que chaque
compagnie a le droit de recevoir. Ces documents se
trouvent dans dix dossiers bien précis. On connaît
leur nature mais pas le détail des faits et des
chiffres qu'ils contiennent.
Compte tenu de ce qui précède, j'estime, comme
je l'ai déjà dit, que l'objet réel de ces requêtes me
paraît légitime. Les requérants ne cherchent pas à
obtenir quelque révélation de la part d'un tiers.
Certains faits qu'ils ignorent peuvent se révéler
incidemment, mais ces requêtes n'ont pas pour
objet la divulgation de faits mais plutôt l'accès aux
documents en vue de s'en servir pour parvenir à
déterminer la valeur marchande desdites compa-
gnies et, partant, l'indemnité à verser à chacune
d'elles. A mon sens, les parties devront avoir ces
documents sous les yeux lorsqu'elles tenteront de
parvenir à un accord sur la valeur marchande et le
quantum de l'indemnité; d'ailleurs, la Cour aussi
pourrait avoir à consulter ces documents car, en
cas d'échec, c'est à elle qu'il appartiendra en défi-
nitive de prendre une décision.
L'avocat de Werier a invoqué plusieurs juge-
ments à l'appui de sa prétention selon laquelle il ne
faut pas accorder les ordonnances réclamées. Il
cite tout d'abord l'arrêt britannique The Central
News Company c. The Eastern News Telegraph
Company (1884) 53 L.J.Q.B. 236. En l'occur-
rence, les défendeurs avaient présenté une requête
en vertu de la Règle 7 de l'Ordonnance britanni-
que n° XXXVII (qui ressemble à notre Règle 464
de la Cour fédérale) pour réclamer une ordon-
nance enjoignant à une compagnie télégraphique,
qui n'était pas partie à l'action, de déposer entre
les mains du juge et des défendeurs, les bandes de
toutes les nouvelles qu'elle avait transmises à ses
abonnés les 9, 12 et 13 septembre 1882, ainsi que
tous les livres et, documents indiquant les messages
reçus ces jours-là de la part des demandeurs et les
heures de réception et de transmission de ces mes
sages. Le juge en chef, lord Coleridge, a exprimé
l'avis que le pouvoir que la Règle 7 confère à la
Cour de rendre une ordonnance prescrivant à une
personne, qui n'est pas partie à l'action, de pro-
duire ses documents personnels et confidentiels
doit être exercé avec la plus grande circonspection
et qu'il ne convient pas d'accorder une telle ordon-
nance au motif qu'elle pourrait convenir à l'une
des parties ou entraîner des économies. A propos
de la demande dont il était saisi, il a déclaré [à la
page 238]:
[TRADUCTION] C'est une simple tentative de la part des défen-
deurs d'obtenir, par le processus judiciaire, la production de
documents personnels qui contiennent possiblement des rensei-
gnements qui leur seraient utiles. J'estime qu'il faut d'abord
établir une très forte preuve de la nécessité d'exercer ce pou-
voir; or, aucune preuve semblable n'a été établie en l'espèce.
Cette cause se distingue de la présente action.
L'ordonnance qui y était réclamée avait une toute
autre envergure: elle visait les bandes de toutes les
nouvelles que la compagnie télégraphique avait
transmises à ses abonnés pendant les trois jours
considérés. Selon moi, on ne peut pas dire qu'en
l'espèce, au moins en ce qui concerne Northland
Fisheries Ltd., les documents réclamés sont des
documents personnels et confidentiels de Coopers
& Lybrand. Finalement, comme je l'ai déjà nette-
ment indiqué, j'estime qu'il a été établi ici une très
forte preuve de la nécessité d'accorder l'ordon-
nance.
Le second jugement invoqué, Elder c. Carter
(1890) 25 Q.B.D. 194, est une autre cause britan-
nique dans laquelle il était encore question de la
Règle 7. Le lord juge Lindley y a déclaré (à la
page 199):
[TRADUCTION] ... on ne peut pas dire que la règle a pour objet
de donner à une partie un nouveau droit, c'est-à-dire celui
d'obtenir de personnes qui ne sont pas parties à l'action la
divulgation de certains documents .... Elle vise plutôt à apla-
nir les difficultés qui se présentent lorsqu'on prescrit la produc
tion de documents à divers stades des procédures, avant comme
après l'audience, soit à l'audition des requêtes, des pétitions, des
assignations, des interrogatoires de témoins, etc. ...
Il ressort clairement des règles de droit qu'il ne
faut pas accorder une ordonnance de ce genre
lorsqu'elle a pour seul objet de contraindre une
personne, qui n'est pas partie à l'action, à divul-
guer certains documents. Soulignons également
que notre Règle 464 a un sens un peu plus large en
regard de la dernière partie de l'extrait précité du
jugement du lord juge Lindley. Elle dit que la
Cour «pourra ... prescrire la production et l'exa-
men du document, et elle peut donner des instruc
tions pour la préparation d'une copie certifiée qui
peut être utilisée à toutes fins à la place de l'origi-
nal.» Elle ne traite pas que de production devant la
Cour ou à l'audition de requêtes, pétitions, assi
gnations et interrogatoires de témoins. A mon avis,
le mot «examen», au sens où elle l'entend, signifie:
examen par la partie qui obtient l'ordonnance ou
examen par son mandataire ou par son représen-
tant.
La troisième affaire citée est celle de Trustee of
the Property of Lang Shirt Co. Ltd. c. London Life
Insurance Co. (1926-27) 31 O.W.N. 285. Cette
affaire, débattue devant les tribunaux de l'Ontario,
porte sur la Règle 350 qui était alors en vigueur
dans cette province. Soulignons que cette règle est
pratiquement analogue à notre Règle 464. A la
page 286 du recueil, le Master (Garrow) déclare
ce qui suit:
[TRADUCTION] La Règle ne s'applique pas du tout à la
communication, mais à la production et à l'inspection aux fins
de l'audition, y compris au dépôt de copies certifiées, de
documents dont on a démontré qu'ils sont en la possession d'un
tiers à l'action et dont la production peut être ordonnée à
l'audience. Avant de pouvoir décerner une ordonnance en vertu
de cette règle, il faut avoir établi qu'un tiers à l'action a en sa
possession certains documents spécifiques que la Cour admet-
trait en toute probabilité à l'audience comme élément de preuve
se rapportant à certains des points litigieux que soulève l'action.
Je n'ai aucune critique à formuler à l'endroit de
cet exposé de l'état du droit qu'a fait le Master,
mais je ne suis pas d'accord avec l'interprétation
que l'avocat de Werier en donne parce que, con-
trairement à lui, je considère que les présentes
requêtes satisfont aux conditions requises pour le
prononcé d'une ordonnance. Les documents, dont
on réclame la production et l'examen, sont décrits
avec assez de précision pour être identifiés. Il s'agit
des documents de travail (contenus dans des dos
siers précis) que la firme McDonald, Currie &
Company a élaborés lorsqu'elle a procédé à l'éva-
luation de la valeur marchande, en tant qu'entre-
prises en activité, de plusieurs compagnies de
pêche que Werier et Northland Fisheries Ltd.
projetaient de fusionner. A ce titre, ces documents
se rapportent directement aux conclusions finales
et aux projections élaborées par ladite firme. Ils se
rapportent nettement au point litigieux que consti-
tue la détermination de la valeur marchande, au
lei mai 1969, des compagnies requérantes en tant
qu'entreprises en activité. La production de ces
documents à l'audience pourrait être prescrite si
une instruction afférente au règlement de ce point
litigieux s'avérait nécessaire. Mais avant que cette
question ne se pose, les requérants et toutes les
parties qui ont obtenu des jugements analogues à
l'arrêt rendu par la Cour suprême dans l'affaire
Manitoba Fisheries Limited, doivent négocier avec
les représentants de Sa Majesté en vue de parvenir
à un accord sur la valeur marchande de chaque
compagnie et, partant, sur le quantum de l'indem-
nité. Or, pour ce faire, on a besoin de ces docu
ments de travail; c'est pourquoi il me faut rendre
l'ordonnance maintenant.
L'avocat de Werier cite en quatrième lieu l'af-
faire Doig c. Hemphill [1942] O.W.N. 391, une
autre cause où il était question de la Règle 350
alors en vigueur en Ontario. Après avoir analysé
les faits, le Master F. H. Barlow, K.C., a conclu en
ces termes:
[TRADUCTION] Il est clair que cette demande a pour but
d'obtenir communication de pièces de Parrish & Heimbecker
Limited qui est un tiers à l'action. Ceci est contraire à l'inter-
prétation exacte de la Règle 350.
Les faits dans cette affaire-là diffèrent sensible-
ment de ceux en l'espèce. A mon sens, le raisonne-
ment que l'on y trouve et la décision qui y fut prise
ne peuvent servir à repousser les requêtes dont je
suis saisi.
La dernière affaire citée est celle de Jameson c.
Margetson (1975) 11 O.R. (2e) 175. Il s'agit d'un
jugement d'une cour de comté de l'Ontario rendu
en vertu de la Règle 349 (auparavant 350). La
requête sollicitait la production et l'examen d'un
très grand nombre de documents et de dossiers que
détenait le Régime d'assurance-maladie de l'Onta-
rio (OHIP). Selon le juge, il avait été établi que la
recherche et la production de tous les documents
coûteraient à OHIP $6,179. Il a dit [à la page
176]: [TRADUCTION] «En général, il est préférable
de régler ces questions avant l'audience»; toute-
fois, il a décidé que ce n'était pas un cas où il
fallait rendre une ordonnance. Il s'est référé à deux
questions restées sans réponse: (1) le demandeur
pouvait-il trouver l'information dans ses dossiers?
(2) l'utilité de cette information justifiait-elle le
coût? Le fait que ces questions soient restées sans
réponse a nettement influé sur sa décision.
D'autres avocats ont renvoyé la Cour à la juris
prudence suivante:
1. Abel c. Stone (1968) 63 W.W.R. 420.
2. In re Smith. Williams c. Frere [1891] 1 Ch. 323.
3. Bowlen c. La Reine [1977] 1 C. F. 589.
4. Bowlen c. La Reine [1978] 1 C.F. 798.
5. Bevan c. Webb [1901] 1 Ch. 724.
6. In re Burnand [1904] C.A. 68.
J'ai lu tous ces jugements, ainsi que plusieurs
autres auxquels ils se réfèrent. Ils me confirment
dans mon opinion sur les requêtes dont je suis saisi.
J'accorde l'ordonnance réclamée dans ces requê-
tes. Vu que la défenderesse n'est nullement respon-
sable du fait que ces requêtes soient devenues
nécessaires et comme elle est demeurée neutre à
leur égard, il n'y aura aucune adjudication de
dépens contre elle. Le refus de M. Werier de
consentir à la production des documents est, de
toute évidence, la seule cause du dépôt de ces
requêtes. Toutefois, puisqu'il n'a pas été mis en
cause en l'espèce et qu'il n'est pas intervenu, rien
dans les Règles ne m'autorise à ordonner le recou-
vrement de dépens contre lui.
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