A-318-79
Jacques Gagnon (Requérant)
c.
Le procureur général du Canada (Intimé)
Cour d'appel, les juges Pratte et Le Dain et le juge
suppléant Hyde—Montréal, le 21 septembre;
Ottawa, le 5 novembre 1979.
Examen judiciaire — Assurance-chômage — Demande
d'annulation de la décision du juge-arbitre qui a confirmé la
décision majoritaire d'un conseil arbitral relative à une somme
payée au requérant à titre de paye de vacances — Cette somme
avait été payée en vertu d'un Décret de la construction au
Québec et reçue par le requérant trois mois après la fin de son
emploi — Durant son emploi, le requérant avait pris quatre
semaines de congé sans solde — Il échet d'examiner si la
somme en cause doit être répartie sur les quatre semaines de
congé sans solde ou sur les semaines suivant la date â laquelle
elle a été payée — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e
Supp.), c. 10, art. 28 — Règlements sur l'assurance-chômage,
DORS/71-324, art. 173(13), (14), (15), (16).
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
R. Paquette pour le requérant.
G. Leblanc pour l'intimé.
PROCUREURS:
Paquette & Meloche, Montréal, pour le
requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE PRATTE: Le requérant demande l'an-
nulation, en vertu de l'article 28 de la Loi sur la
Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10,
d'une décision prononcée par un juge-arbitre en
vertu des articles 94 et suivants de la Loi de 1971
sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-71-72, c. 48.
Par cette décision le juge-arbitre a confirmé une
décision majoritaire d'un conseil arbitral relative à
la répartition, en vertu de l'article 173 des Règle-
ments sur l'assurance-chômage, DORS/71-324,
modifié, d'une somme de $594 qui avait été payée
au requérant le 12 décembre 1977 titre de paye
de vacances.
Du 8 octobre 1976 au 21 septembre 1977, le
requérant a été employé par la société Simard et
Beaudry à des travaux de construction à la Baie
James. Au mois de décembre 1977, près de trois
mois après la fin de son emploi, il a reçu de
l'Office de la construction du Québec la somme de
$594 qui lui était due à titre de paye de vacances
en vertu de l'article 20.06 du Décret de la cons
truction [O.C. 1287-77, Règ. 77-234] qui était
alors en vigueur dans la province de Québec. C'est
la répartition de cette somme de $594 pour les fins
de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage qui
fait l'objet de ce litige.
Depuis le ler janvier jusqu'à la fin d'avril 1977,
le requérant a pris quatre semaines de congé pour
lesquelles il n'a pas été payé. Le requérant prétend
que la somme de $594 qu'il a reçue doit être
répartie sur ces quatre semaines de vacances qu'il
a prises avant la cessation de son emploi. L'intimé
soutient, pour sa part, que cette somme doit être
répartie sur les semaines suivant la date à laquelle
elle a été payée.
La répartition des sommes payées à titre de paye
de vacances est régie par les paragraphes 173(13),
(14),(15) et (16) des Règlements sur l'assurance-
chômage. Voici le texte de ces dispositions:
173. ...
(13) La rémunération ou la paye de vacances doit être
répartie sur un nombre de semaines consécutives de façon que
la rémunération du prestataire, pour chacune de ces semaines,
sauf la dernière, soit égale au taux hebdomadaire de la rémuné-
ration normale reçue de son employeur ou de son ancien
employeur, la première de ces semaines étant la première
semaine comprise entièrement ou partiellement dans la période
de vacances du prestataire.
(14) Nonobstant le paragraphe (13), la rémunération ou la
paye de vacances, autre que celle qui est versée pour un jour
mentionné au paragraphe (12),
a) qui est payée ou payable au prestataire au moment de son
licenciement ou de sa cessation d'emploi, ou avant, en prévi-
sion de ce licenciement ou de cette cessation d'emploi, et
b) qui n'est pas répartie sur des semaines particulières de
vacances ayant eu lieu avant le licenciement ou la cessation
d'emploi,
doit être répartie sur un nombre de semaines consécutives de
façon que la rémunération du prestataire, pour chacune de ces
semaines, sauf la dernière, soit égale au taux de la rémunéra-
tion hebdomadaire normale reçue de son employeur, la pre-
mière de ces semaines étant celle au cours de laquelle le
licenciement ou la cessation d'emploi a lieu.
(15) Nonobstant le paragraphe (14), lorsqu'une période de
vacances générales et continues survient au lieu de travail d'un
prestataire et que cette période de vacances commence dans les
six semaines qui suivent le licenciement ou la cessation d'emploi
du prestataire, la rémunération ou la paye de vacances visée au
paragraphe (14) doit être répartie sur des semaines de la
manière prévue par ce paragraphe, en commençant par la
première semaine de la période de vacances continues.
(16) Lorsque la rémunération visée aux paragraphes (9) et
(14) est payée après le licenciement ou la cessation d'emploi
d'un prestataire et n'a pas été répartie conformément aux
paragraphes (9), (10), (13), (14) ou (15), elle doit être répartie
sur un nombre de semaines consécutives de façon que la
rémunération du prestataire pour chacune de ces semaines, sauf
la dernière, reçue de son employeur ou de son ancien
employeur, soit égale au taux de la rémunération hebdomadaire
normale reçue de cet employeur ou de cet ancien employeur, la
première de ces semaines étant celle au cours de laquelle cette
rémunération est payée.
La somme de $594 qu'il s'agit ici de répartir a
été payée au requérant, je l'ai déjà dit, en vertu du
Décret relatif à l'industrie de la construction. Pour
les fins de ce litige il faut avoir présente à l'esprit
la substance des articles 20.01 et 20.06 et de
l'alinéa 21.0310)c) de ce Décret.
Les articles 20.01 et 20.06 se lisent en partie
comme suit:
20.01 Congés annuels obligatoires: Tout salarié bénéficie
chaque année de 3 semaines de congés annuels obligatoires qu'il
prend de la façon suivante:
1) Eté: Tous les chantiers de construction doivent être fermés
pendant les 2 dernières semaines civiles complètes du mois
de juillet et plus spécifiquement, entre les dates suivantes:
entre Oh 1 mn le 17 juillet 1977 et le 31 juillet 1977-24 h.
entre Oh 1 mn le 16 juillet 1978 et le 29 juillet 1978-24 h.
3) Hiver: Tous les chantiers de construction doivent être
fermés pendant une semaine lors de la période des Fêtes de
Noël et du Jour de l'An et, plus spécifiquement, entre les
dates suivantes:
entre Oh I mn le 24 décembre 1976 et le 2 janvier 1977-
24 h.
entre Oh I mn le 24 décembre 1977 et le 2 janvier 1978-
24 h.
entre Oh 1 mn le 24 décembre 1978 et le 2 janvier 1979-
24 h.
20.06 Indemnité de congés annuels obligatoires et de jours
fériés chômés:
1) Montant de l'indemnité: A la fin de chaque semaine,
l'employeur doit créditer à chacun de ses salariés, à titre
d'indemnité de congés annuels obligatoires et de jours
fériés chômés une somme égale à 10% du salaire gagné
durant cette semaine, soit 6% en congé annuel obligatoire
et 4% en jours fériés chômés.
2) Obligation de l'employeur: L'employeur doit transmettre
avec son rapport mensuel à l'Office les montants portés au
crédit de chacun de ses salariés.
3) Périodes de référence: Il y a 2 périodes de référence:
a) la première: du ler janvier au 30 avril;
b) la deuxième: du let mai au 31 décembre.
4) Versements de l'indemnité des congés annuels obligatoires
et des jours fériés chômés:
a) L'Office doit verser au salarié l'indemnité perçue pour
la première période de référence au moyen d'un
chèque expédié par la poste à la dernière adresse
connue de l'intéressé, dans les 8 premiers jours du
mois de décembre de l'année courante.
b) L'Office doit verser au salarié l'indemnité perçue pour
la deuxième période de référence, au moyen d'un
chèque expédié par la poste à la dernière adresse
connue de l'intéressé, dans les 8 premiers jours du
mois de juillet de l'année suivante.
c) Nul ne peut réclamer avant le 10 décembre ou le 10
juillet suivant le cas, l'indemnité de congés annuels
obligatoires et de jours fériés chômés.
d) Par dérogation au sous-paragraphe c du présent para-
graphe, à la suite du décès d'un salarié, ses héritiers
légaux peuvent réclamer l'indemnité de congés
annuels obligatoires et de jours fériés chômés de ce
salarié ....
Quant à l'alinéa 21.0310)c), il prévoit que les
paragraphes 1),2),3) et 4) de l'article 20.01 ne
s'appliquent pas aux travaux qui, comme ceux
auxquels le requérant était employé, étaient «exé-
cutés sur le projet de la Baie James».
Suivant le Décret, le requérant avait donc droit,
chaque année, à trois semaines de vacances; il
avait aussi droit à une indemnité de vacances égale
à 6 p. 100 de son salaire qui lui était payable en
deux versements: l'indemnité gagnée du Zef janvier
au 30 avril d'une année devait être payée au début
du mois de décembre suivant tandis que l'indem-
nité gagnée du 1" mai au 31 décembre était paya
ble au début de juillet de l'année suivante.
Il est constant que la somme de $594 qu'il s'agit
de répartir a été reçue par le requérant le 12
décembre 1977 et représente l'indemnité de vacan-
ces qu'il a gagnée par son travail du 1" janvier au
30 avril 1977. Il est également constant, je l'ai déjà
dit, que, pendant cette même période, du ler jan-
vier au 30 avril 1977, le requérant a pris quatre
semaines de congé pour lesquelles il n'a pas été
payé.
Suivant l'intimé, cette somme de $594 doit être
répartie comme le prescrit le paragraphe 173(16)
des Règlements puisqu'elle a été «payée après le
licenciement ou la cessation d'emploi» du requé-
rant.
L'avocat du requérant prétend, lui, que la règle
énoncée par le paragraphe 173(16) n'est pas appli
cable en l'espèce. D'après les termes mêmes du
paragraphe 173(16), la règle qu'il énonce ne s'ap-
plique qu'à la rémunération de vacances «visée au
paragraphe .. . (14)». Or, suivant l'avocat du
requérant, une rémunération n'est visée au para-
graphe (14) que si elle «n'est pas répartie sur des
semaines particulières de vacances ayant eu lieu
avant le licenciement ou la cessation d'emploi». La
somme reçue par le requérant, toujours suivant son
avocat, doit être considérée comme ayant été
répartie sur les semaines de vacances ayant eu lieu
avant la cessation de son emploi parce que cette
somme, c'est toujours l'avocat du requérant qui
parle, était destinée à payer les vacances que le
requérant avait prises par anticipation entre le Zef
janvier et le 30 avril 1977. C'est donc, affirme le
requérant, sur ces semaines de vacances que la
somme qu'il a reçue doit être répartie.
J'en suis venu, avec beaucoup de regret, à la
conclusion que la prétention du requérant doit être
rejetée. Le Décret, à mon avis, n'établit aucun lien
ou corrélation entre l'indemnité de vacances
gagnée pendant une période donnée et les vacances
qui ont été prises pendant cette période. S'il en
était autrement, on ne pourrait expliquer que l'in-
demnité gagnée pendant une période de référence
soit payable plusieurs mois plus tard. Cela étant,
on ne peut dire, comme le fait le requérant, que
l'indemnité de vacances qu'il a gagnée du Zef jan-
vier au 30 avril 1977 devait clairement servir à
rémunérer les vacances prises pendant cette même
période. Il s'ensuit que l'indemnité reçue par le
requérant «n'est pas répartie sur des semaines par-
ticulières de vacances ayant eu lieu avant le licen-
ciement ou la cessation d'emploi» (paragraphe
173(14) des Règlements). Il faut donc, comme le
prétend l'intimé, répartir cette somme en la façon
prescrite par le paragraphe 173(16) des Règle-
ments.
Pour ces motifs, je rejetterais la requête.
* * *
LE JUGE LE DAIN: Je suis d'accord.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT HYDE: Je suis d'accord.
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