T-5094-73
Dillingham Corporation Canada Ltd. (Demande-
resse)
c.
Le navire Shinyu Maru (Défendeur)
Division de première instance, le juge Walsh—
Vancouver, le 23 avril; Ottawa, le 3 mai 1979.
Pratique — Dépens — Contestation du rapport de taxation
— Le défendeur soutient que la date de conversion en monnaie
canadienne devrait être celle où le mémoire de frais a été
certifié, et non celle du désistement — Le rapport ne prévoyait
aucun intérêt avant jugement sur le cautionnement du navire,
ce qui serait contraire aux règles de droit maritime —
Demande d'ordonnance modifiant le rapport de l'officier taxa-
teur — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10,
art. 40 — Règles de la Cour fédérale 345, 406(4
Le défendeur sollicite une ordonnance modifiant à deux
égards le rapport de l'officier taxateur. En premier lieu, celui-ci
a retenu comme date de conversion en monnaie canadienne de
déboursés en yen japonais, celle à laquelle la demanderesse s'est
désistée de son action; le défendeur soutient que cette date
devrait être celle où le mémoire de frais a été certifié. En
second lieu, l'officier taxateur n'a inclus aucun intérêt avant
jugement sur les sommes déboursées en cautionnement du
navire, ce qui serait contraire aux règles de droit maritime.
Arrêt: la requête est accueillie en partie. Puisque les dépens,
quoique déterminables, ne sont pas déterminés et ne peuvent
l'être que par taxation, par conversion des sommes exprimées
en yen japonais en dollars canadiens à cette date, il est plus
équitable de retenir pour date de conversion, celle à laquelle le
mémoire de frais est certifié. Peu importe que cela s'avère
onéreux pour la demanderesse, car dans l'intervalle, le cours du
yen, au lieu de monter, aurait pu baisser par rapport au dollar
canadien, et la décision aurait été la même. La date de conver
sion appropriée est celle à laquelle il est possible de fixer le
montant à payer et de l'acquitter. Il n'existe aucun précédent
où des intérêts sont alloués aux dépens subis dans le cours d'une
action et susceptibles d'être taxés sur mémoire de frais; il n'est
pas opportun d'en accorder sur le type de déboursés inclus en
l'espèce dans le mémoire de frais, si substantiels soient-ils. Il
n'y aurait pas lieu à ordonnance spéciale sur les dépens, telle
que la prévoit la Règle 344(7), car pareille ordonnance con-
cerne au premier chef les frais entre parties prévus au tarif B. Il
n'importe guère de savoir si le fait que cette demande addition-
nelle n'ait pas été présentée devant l'officier taxateur la rend
irrecevable dans l'appel formé contre la décision de celui-ci.
Distinction faite avec les arrêts: Schorsch Meier GmbH c.
Hennin [1975] 1 All E.R. 152; Miliangos c. George Frank
(Textiles) Ltd [1975] 3 All E.R. 801; Services Europe
Atlantique Sud (SEAS) c. Stockholms Rederiaktiebolag
SVEA [1978] 2 All E.R. 764; Owners of the mv Elefthe-
rotria c. Owners of the mv «Despina RN [1977] 3 All E.R.
874; La Compagnie de Téléphone Bell du Canada—Bell
Canada c. Le ..Mar-Tirenno» [1974] 1 C.F. 294.
REQUÊTE.
AVOCATS:
J. T. Steeves pour la demanderesse.
B. S. Lee pour le défendeur.
PROCUREURS:
Russell & DuMoulin, Vancouver, pour la
demanderesse.
Campney & Murphy, Vancouver, pour le
défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Le défendeur sollicite une
ordonnance modifiant le rapport de l'officier taxa-
teur en date du 9 mars 1979 deux égards.
1. L'officier taxateur a retenu comme date de
conversion en monnaie canadienne de déboursés
effectués en yen japonais, celle à laquelle la
demanderesse s'est désistée de son action, soit le 30
novembre 1976, alors que le défendeur prétend que
la conversion aurait dû être faite à la date où le
mémoire de frais a été certifié.
2. L'officier taxateur n'a inclus aucun intérêt
avant jugement sur les sommes déboursées pour
fournir un cautionnement pour le navire. Or le
défendeur prétend qu'il avait droit à de tels inté-
rêts en vertu du droit maritime.
La demande de frais est née du désistement par
la demanderesse, le 30 novembre 1976, de l'action
qu'elle avait, le 12 décembre 1973, intentée contre
le navire défendeur pour les dommages causés par
celui-ci à des caissons de béton lui appartenant. Le
défendeur avait contesté l'action et présenté une
demande reconventionnelle en remboursement des
frais faits pour constituer un cautionnement de
$250,000 canadiens destiné à éviter la saisie du
navire. Les négociations intervenues après la pro
duction de l'avis de désistement dans le but de
régler la demande de frais du défendeur ayant
échoué, ce dernier a préféré abandonner sa
demande reconventionnelle et faire taxer le
mémoire de frais.
Le défendeur a obtenu le cautionnement en
fournissant une lettre de crédit en yen japonais au
Japon, convertie en lettre de crédit au Canada par
la Banque Royale du Canada. Des frais addition-
nels de cautionnement ont été encourus chaque
année, auxquels s'ajoutent divers frais d'adminis-
tration par les banques, de télex, de câbles, de
téléphone, etc. Certaines dépenses de plongeurs et
d'inspecteurs ont aussi été payées en yen, la con
version s'effectuant au moment du paiement. Dans
le mémoire de frais présenté pour être taxé, le total
s'élevait à 2,743,000.60 yen. Le défendeur a con-
verti cette somme en monnaie canadienne au taux
en vigueur le 25 octobre 1978, ce qui a donné
$18,381.50.
L'officier taxateur a conclu que les dépens
étaient devenus exigibles le 30 novembre 1976, le
jour de la présentation de l'avis de désistement. Il
a cependant permis l'inclusion des coûts du cau-
tionnement dans les frais taxables, vu la décision
de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Antares
Shipping Corporation c. Le «Capricorn» (no
A-68-76).'
Le défendeur s'appuie sur les Règles 406(1) et
345 de la Cour, qui sont rédigées comme suit:
Règle 406. (1) Le demandeur peut, en tout temps antérieur à
la signification de la défense du défendeur, ou après cette
signification mais avant d'engager toute autre procédure dans
l'action (sauf une demande de décision interlocutoire), en dépo-
sant et signifiant un avis écrit approprié, se désister complète-
ment de son action ou retirer une des réclamations qu'il a
faites, et il doit dès lors payer les frais engagés par le défendeur
dans l'action, ou, s'il ne s'est pas entièrement désisté de l'action,
les frais occasionnés au défendeur par la question ainsi retirée.
Ces frais, à défaut d'accord, peuvent être taxés.
Règle 345. Lorsque, en vertu de la Règle 406, un demandeur,
par avis écrit et sans autorisation, se désiste complètement de
son action contre un défendeur ou retire une demande particu-
lière faite par lui dans l'action contre un défendeur, le défen-
deur peut faire taxer ses frais dans l'action ou ses frais occa-
sionnés par la question qui a fait l'objet du retrait, selon le cas,
et si les frais taxés ne sont pas payés dans les 4 jours qui suivent
la taxation, il peut contraindre le demandeur à payer ces frais
comme s'il avait obtenu un jugement à cette fin.
pour prétendre que, lorsque les parties ne s'enten-
dent pas sur le montant des frais, ceux-ci ne
deviennent exigibles qu'une fois qu'ils ont été
taxés. Comme ce montant n'est définitivement fixé
et ne devient exigible qu'à la taxation, c'est à cette
date que la conversion devrait s'effectuer. La
' [1977] 2 C.F. 274.
demanderesse soutient que cette Cour ne peut
prendre en considération que des montants en
monnaie canadienne, et qu'elle doit faire abstrac
tion du coût en monnaie étrangère de ces sommes.
Ce n'est pas le nombre de yen que pourraient
acheter des dollars canadiens à une date donnée
qui est en litige, mais plutôt l'inverse. Le défen-
deur a dû, à différentes dates, débourser certaines
sommes en yen pour acheter les dollars canadiens
requis pour obtenir le cautionnement et le mainte-
nir en vigueur jusqu'au désistement. Il exige main-
tenant d'être remboursé de cette somme en yen, et
demande à la Cour de déterminer combien de
dollars canadiens sont maintenant requis pour le
rembourser complètement des déboursés effectués
en yen japonais. La demanderesse soutient que les
dépens deviennent exigibles au prononcé du juge-
ment qui les accorde, ou, dans le cas d'un désiste-
ment, deviennent payables à la partie adverse dès
ce désistement, et que l'article 40 de la Loi sur la
Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.), c. 10,
prévoit que l'intérêt au taux prescrit par la Loi sur
l'intérêt, S.R.C. 1970, c. I-18, court sur un juge-
ment à partir de la date où il a été rendu, soit de la
date où le montant de la créance et des dépens
accordés est déterminé ou déterminable.
Les parties reconnaissent que les tribunaux
canadiens n'ont jamais étudié la question, mais
soulignent que certains arrêts britanniques rendus
à propos du marché commun européen traitent du
pouvoir des tribunaux de prendre en considération
les fluctuations des taux de change. L'on a invoqué
l'arrêt Schorsch Meier GmbH c. Hennins dans
lequel lord Denning déclare (aux pages 155 et
156):
[TRADUCTION] Pourquoi, en Angleterre, exigeons-nous que
les tribunaux n'utilisent que la livre sterling? C'est, je crois, à
cause de notre confiance en celle-ci. C'était la monnaie stable
par excellence. Mais les choses ont changé. La livre sterling
flotte au vent. Comme une girouette, elle bouge à la moindre
brise. Il en va du reste de même pour les autres monnaies. Ce
changement nous oblige à réévaluer nos règles. Je me demande
pourquoi un tribunal anglais ne pouvait rendre jugement qu'en
livres sterling? Dans l'affaire Havana, lord Reid a affirmé que
c'est avant tout pour une question de procédure. Je partage cet
avis. Cela tient à la formule par laquelle les jugements pour une
somme d'argent étaient rendus. De temps immémorial, les
tribunaux de common law ont rendu jugement en ces termes: `Il
est statué que le demandeur a droit de recouvrer du défendeur
X£ sterling.'
2 [1975] 1 All E.R. 152.
Après avoir signalé que la formule de jugement est
aujourd'hui modifiée, il affirme (page 156):
[TRADUCTION] Il est parfaitement légitime d'ordonner au
défendeur de payer la dette allemande en deutschmarks. Il peut
se conformer au jugement en deutschmarks ou, s'il préfère, en
payant la somme équivalente en livres sterling, c'est-à-dire,
l'équivalent au moment du paiement. [C'est moi qui souligne.]
Dans l'affaire Miliangos c. George Frank (Tex-
tiles) Ltd 3 lord Wilberforce déclare (page 809):
[TRADUCTION] En ce qui a trait à la stabilité des monnaies,
la situation s'est substantiellement modifiée depuis 1961. Alors
que le cours des principales monnaies était fixé et relativement
stable, quoique sujet à des réévaluations ou dévaluations pério-
diques, plusieurs d'entre elles `flottent' maintenant, c'est-à-dire
qu'elles n'ont pas de taux de change fixe, même d'une journée à
l'autre. Tel est le cas pour la livre sterling. Cela signifie que,
d'une situation où les variations de la valeur relative de la
monnaie entre la date du dommage et celle du jugement ou du
paiement constituaient l'exception et où il restait généralement
conforme à l'équité de n'en pas tenir compte, nous sommes
passés à une situation où ces variations constituent la règle.
Dans l'intérêt de la justice, il devient donc urgent d'élaborer
une formule qui en tienne compte.
Puis de poursuivre (page 810):
[TRADUCTION] Puisqu'une adjudication en monnaie étrangère
peut être exécutée, immédiatement après conversion de la
somme en livres sterling, et puisqu'une telle adjudication s'exé-
cute comme un jugement, un jugement libellé en monnaie
étrangère devrait pouvoir être exécuté de la même façon, après
conversion en livres sterling. ... Entre obliger le monde des
affaires à se conformer à une règle purement jurisprudentielle
et modifier la règle pour la rendre conforme aux usages du
commerce, je n'hésiterai pas longtemps. Le droit doit savoir
être souple ou rigide, selon le cas. Et la loi doit, autant que
possible, suivre les usages.
L'avocat de la demanderesse souligne que l'af-
faire Miliangos concernait une action en recouvre-
ment d'une somme d'argent due en vertu d'un
contrat, tout comme l'affaire Services Europe
Atlantique Sud (SEAS) c. Stockholms Rederiak-
tiebolag SVEA, 4 dans laquelle lord Denning a
statué de nouveau (page 771) que:
[TRADUCTION] Le principe qu'il faut tirer de cette affaire est
donc que lorsque le demandeur a droit à des dommages-intérêts
pour une dépense en argent ou une perte de travail ou de
salaire, que la réclamation soit de nature contractuelle ou
délictuelle, le jugement les accordant au demandeur doit être
libellé dans la monnaie qui reflète le plus justement sa perte, et
l'intérêt doit courir de la date de la dépense ou de la perte de
travail ou de salaire jusqu'à la date du jugement.
Dans une affaire délictuelle, Owners of the mv
3 [1975] 3 All E.R. 801.
4 [1978] 2 All E.R. 764.
Eleftherotria c. Owners of the mv «Despina R» 5
on lit à la page 897 du jugement:
[TRADUCTION] L'on a fait valoir qu'il serait inéquitable pour
ceux qui habitent en Angleterre et souffrent de l'inflation, que
des demandeurs qui subissent une perte ou un dommage en
monnaie étrangère en soient protégés par les tribunaux anglais.
Cela peut sembler inéquitable; mais pour le demandeur, il s'agit
d'une compensation équitable pour le dommage qu'il a subi.
C'est là, selon lord Wilberforce, le principe qui doit guider les
tribunaux lorsqu'ils fixent le montant des dommages-intérêts.
Dans toutes ces affaires cependant il s'agissait
de conversion de dommages-intérêts accordés à
raison d'un délit ou de l'inexécution de l'obligation.
Dans l'espèce, la situation n'est pas la même pour
le défendeur, à l'égard de la date de conversion,
que s'il avait maintenu sa demande reconvention-
nelle. Je n'ai pas à décider si le jugement aurait
exprimé en dollars canadiens le total des sommes
déboursées en yen japonais au cours de l'instance,
relativement au cautionnement et à diverses autres
fins, ni si l'intérêt que réclame subsidiairement le
défendeur aujourd'hui, depuis la date du jugement,
aurait pu être réclamé dans la demande reconven-
tionnelle. Il semble cependant que si des sommes
eussent été accordées à la suite de cette demande
reconventionnelle, elles auraient été fixées à la
date du jugement, et que si le jugement eût été
exprimé en dollars canadiens, ce qui est fort proba
ble, la conversion en aurait été effectuée à cette
date et l'intérêt au taux légal n'aurait commencé à
courir qu'à partir de cette dernière. Le défendeur a
choisi de faire simplement taxer les dépens, ce qui
évidemment est une procédure plus simple et plus
logique, mais qui soulève la question de savoir si
elle a le même résultat.
Il me semble que, puisque les dépens, bien qu'ils
soient déterminables, ne sont pas déterminés, et ne
peuvent l'être que par leur taxation, en convertis-
sant les sommes exprimées en yen en dollars cana-
diens à cette date, il est plus équitable de choisir,
comme date de conversion, la date à laquelle le
mémoire de frais est certifié. Il ne faut pas tenir
compte du fait que cela s'avère plus onéreux pour
la demanderesse, car dans l'intervalle, le cours du
yen aurait pu baisser par rapport à celui du dollar
canadien plutôt que d'augmenter, et la décision
aurait été la même. Il me semble que la date de
conversion appropriée soit celle à laquelle il est
possible de fixer le montant à payer et d'acquitter
5 [1977] 3 All E.R. 874.
celui-ci.
Quant à la question des intérêts, le défendeur
tente d'établir un parallèle entre ceux accordés sur
les sommes déboursées relativement au cautionne-
ment et ceux accordés sur des dommages-intérêts
octroyés en Cour d'amirauté, aux taux commer-
ciaux plutôt qu'au taux légal, depuis la date de la
dépense.
Il a été fait état de l'affaire La Compagnie de
Téléphone Bell du Canada—Bell Canada c. Le
« Mar- Tirenno» 6 .
Dans le jugement de première instance, le juge
Addy déclare (page 311):
Il est certain que cette cour, en sa juridiction d'amirauté, a
compétence pour allouer des intérêts à titre de partie intégrante
des dommages-intérêts auxquels la demanderesse peut par ail-
leurs avoir droit, que ce soit ex contractu ou ex delicto.
Les Cours d'amirauté, dans l'exercice de leur compétence,
appliquaient des principes différents de ceux sur lesquels se
fonde la jurisprudence de common law; il s'agit en l'espèce d'un
principe de droit civil selon lequel, lorsque le paiement n'est pas
effectué, l'intérêt est dû au créancier ex mora du débiteur. Voir
les arrêts Canadian General Electric Co. Ltd. c. Pickford &
Black Ltd. ((1971) 20 D.L.R. (39 432 la p. 436) et Canadian
Brine Limited c. Le Scott Misener ([1962] R.C.E. 441) et la
jurisprudence citée aux pp. 450 452 de ce dernier.
Il affirme en outre (page 312) que:
Dans les affaires de ce genre, on n'accorde pas les intérêts au
demandeur à titre de pénalité contre le défendeur, mais simple-
ment comme partie intégrante de l'indemnisation du dommage
initial subi par la partie lésée et imputable au défendeur: ceci
constitue une application totale du principe restitutio in inte-
grum. Voir les arrêts The Kong Magnus ([1891] P. 223 la p.
236), The Joannis Vatis (No 2) ([1922] P. 213 la p. 223) et
The Northumbria ((1869) L.R. 3 A. & E. 6 aux pp. 10 et 14).
A la page 313, il rappelle les principes qu'a énon-
cés le Maître des rôles, lord Denning, et qu'a
confirmés le président Jackett (tel était alors son
titre) dans l'affaire Canadian General Electric Co.
c. Le «Lake Bosomtwe»'. Lord Denning affirmait
ce qui suit:
a) Lorsqu'un navire de rapport sombrait lors d'une collision,
la Cour d'amirauté accordait des intérêts sur la valeur du
bateau ... à compter de la date de sa perte jusqu'à celle du
procès,
b) Lorsque le navire ne coulait pas, mais subissait seulement
des avaries, la Cour d'amirauté accordait des intérêts sur le
coût des réparations, uniquement à compter du jour où l'on
6 [1974] 1 C.F. 294, confirmé en appel [1976] 1 C.F. 539.
7 [1970] R.C.É. 553, la page 559.
réglait effectivement la note des réparations, car ce n'était qu'à
partir de ce moment-là que le demandeur essuyait une perte, et
c) Lorsqu'une collision entraînait une perte de vie, la Cour
d'amirauté accordait des intérêts seulement à compter de la
date du rapport du registraire.
L'octroi d'intérêts trouve un appui additionnel
dans les motifs de l'affaire Services Europe Atlan-
tique Sud c. Stockholms (précitée) où lord Den-
ning déclare (page 769):
[TRADUCTION] Nous devons aujourd'hui examiner un dom-
mage courant, soit les dépenses qu'ont entraînées pour le
demandeur le délit du défendeur ou l'inexécution par celui-ci de
ses obligations. En droit anglais, tant en matière délictuelle que
contractuelle, le demandeur a souvent le droit d'être indemnisé
des dépenses faites pour réparer le dommage ou de sa perte de
salaire ou de travail. Dans les cas où il s'agit de livres sterling, il
se voit adjugé l'équivalent exact de ce qu'il a dépensé avec
intérêt de la date du paiement ou de la perte jusqu'à celle du
jugement. [C'est moi qui souligne.]
Quoiqu'il soit exact que des dépenses pour un
cautionnement soient semblables à des dépenses de
réparation d'un navire en ce sens que, dans les
deux cas, la partie qui les a encourues doit, en
l'absence d'entente ou de transaction, attendre le
jugement pour les recouvrer, il faut souligner de
nouveau qu'il s'agit ici non de la réclamation du
défendeur contenue dans sa demande reconven-
tionnelle, mais de la taxation du mémoire de frais,
la jurisprudence affirmant que les frais encourus
relativement à un cautionnement constituent une
dépense qui peut être prise en compte. Plusieurs
dépenses encourues dans le cours d'une action
peuvent éventuellement être taxées dans le
mémoire de frais, mais je ne connais aucun précé-
dent octroyant des intérêts sur celles-ci à partir de
la date à laquelle elles ont été faites jusqu'à celle
où elles sont taxées, et je ne crois pas qu'il soit
opportun d'en accorder sur le type de déboursés
inclus en l'espèce dans le mémoire de frais, si
substantiels soient-ils.
La Règle 344(7), prévoyant que la Cour, au
moment où la requête pour l'obtention d'un juge-
ment est présentée, peut rendre une ordonnance
spéciale au sujet des dépens, n'est pas applicable
dans l'espèce. Pareille ordonnance concerne
d'abord les frais entre parties prévus au tarif B.
L'article 2(2)b) du tarif B énonce que:
2. (2) ...
b) peuvent également être accordés les autres débours qui,
selon la conviction du fonctionnaire taxateur, étaient
essentiels à la conduite de l'action.
et c'est en application de cet article que le coût du
cautionnement a été, dans l'affaire Antares (préci-
tée) inclus dans les frais taxables.
Accorder des intérêts à l'égard de ces dépenses
au moment où elles sont taxées, alors qu'il n'est
accordé d'intérêts à l'égard d'aucuns autres dépens
dans un mémoire de frais taxé me semblerait
cependant aller beaucoup plus loin.
De plus, comme on l'a souvent souligné, l'octroi
de dépens à une partie ne vise pas à indemniser
complètement celle-ci.
Il a été soutenu de plus qu'aucune demande
d'intérêts n'ayant été faite à l'officier taxateur
lorsque le mémoire de frais lui a été soumis pour
être taxé, il est maintenant impossible de soulever
cette question puisque la présente instance n'est
qu'un appel de cette taxation. Bien que la Règle
344 prévoit que les dépens et autres frais de toutes
les procédures sont laissés à la discrétion de la
Cour et que celle-ci peut accorder une somme fixe
ou globale au lieu de frais taxés, la Cour ne taxe
pas les mémoires de frais comme tels.
Ayant conclu, comme je l'ai indiqué, qu'il ne
peut en aucun cas être accordé d'intérêts sur ces
déboursés, il n'importe guère de savoir si le fait
que cette demande additionnelle n'ait pas été pré-
sentée devant l'officier taxateur la rend irrecevable
dans l'appel formé contre la décision de celui-ci.
Cette partie des prétentions du défendeur est
donc rejetée. La partie la plus importante des
prétentions du défendeur étant accueillie, et une
question nouvelle et importante ayant été soulevée,
le défendeur a cependant droit aux frais de la
requête.
ORDONNANCE
Le rapport de l'officier taxateur en date du 9
mars 1979 est modifié de manière à ce que la date
de conversion en monnaie canadienne de déboursés
effectués en yen japonais soit la date du rapport en
question plutôt que le 30 novembre 1976, date de
l'avis de désistement. Il n'est pas accordé d'intérêts
avant jugement sur les déboursés faits par le
défendeur avant la date du jugement. Le défen-
deur a droit aux frais de la requête en révision du
rapport de l'officier taxateur.
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