T-3242-77
Tito G. Llido et l'équipage du navire Lowell
Thomas Explorer (Demandeurs)
c.
Le navire Lowell Thomas Explorer et diverses
personnes ayant un droit sur ledit navire
(Défendeurs)
et
Montreal Ship Repairs Ltd. (Intervenante)
Division de première instance, le juge Marceau—
Montréal, le 12 mars; Ottawa, le 5 avril 1979.
Droit maritime — Demande d'ordonnance établissant l'or-
dre de préséance des réclamations faites à l'encontre du pro-
duit de la vente d'un navire — La somme qui reste à distribuer
n'est pas suffisante pour satisfaire tous les créanciers —
Demande de frais de mise en vente du navire — Diverses
demandes de gages et de services fournis à l'équipage, et de
paiement de services fournis au navire — Créance pour droits
dus présentée par le Conseil des ports nationaux — Créance
pour marchandises fournies (dont certaines sont encore sus-
ceptibles d'être identifiées et d'autres incorporées au navire)
sans qu'il y ait eu transfert de propriété — Créance pour
réparations effectuées avant et après la saisie — Loi sur la
marine marchande du Canada, S.R.C. 1970, c. S-9, art. 2 —
Loi sur le Conseil des ports nationaux, S.R.C. 1970, c. N-8,
art. 17(1)a), (4).
La Cour est appelée à statuer sur les droits que divers
réclamants peuvent prétendre sur le produit de la vente d'un
navire. La somme qui reste à distribuer ne peut couvrir qu'une
faible partie du montant total des réclamations dirigées contre
le navire. L'ordonnance recherchée ne ferait que déterminer la
validité, le montant et l'ordre de préséance des réclamations
faites à l'encontre des argents à distribuer. Certaines créances
ne soulèvent aucune difficulté: (1) les frais de mise en vente du
navire, (2) la demande de traitements de l'équipage, la
demande de la Couronne des frais de rapatriement de l'équi-
page et la demande de l'intervenante de remboursement des
sommes avancées pour payer les salaires d'autres membres de
l'équipage, (3) une créance pour droits dus présentée par le
Conseil des ports nationaux, (4) les créances hypothécaires, et
(5) toutes les réclamations pour fournitures nécessaires. Dans
cinq cas, la nature ou la cause des créances et, par conséquent,
leur rang, ont donné lieu à contestation ou ont soulevé des
problèmes particuliers. (1) Le capitaine Verraen réclame ses
gages pour la période comprise entre le 31 juillet et le 15
septembre 1977, gages qui seraient garantis par privilège mari
time. (2) Une compagnie d'avitaillement a livré des marchandi-
ses à bord à la condition qu'il n'y eût pas transfert de propriété
avant paiement intégral du prix de vente; elle réclame la
totalité de cette somme bien qu'une majeure partie de ces
marchandises aient cessé d'être des entités séparées et aient été
incorporées au navire. (3) Un ingénieur maritime, qui n'a pas
été engagé comme marin, réclame le paiement de services
rendus à bord (surtout en matière d'inspection). (4) Le capi-
taine Holland réclame un mois de salaires qui lui avait été
promis pour la fin de son service à bord. (5) L'intervenante
réclame le paiement des réparations effectuées et des services
fournis en mai et en juin 1977; le navire fut saisi le 25 mai
1977. Sa prétention à la priorité est fondée sur l'augmentation
de la valeur marchande attribuable aux réparations et sur la
bonne foi dont elle a fait preuve en réparant le navire après
qu'il eut été saisi.
Arrêt: l'ordonnance sera émise pour établir l'ordre de préfé-
rence. La valeur des marchandises identifiables qui ont été
fournies par la compagnie d'avitaillement et dont il n'y a pas eu
transfert de propriété doit être payée en premier, suivie des
frais de mise en vente du navire, lesquels sont encore à établir.
Viennent ensuite les trois réclamations relatives aux salaires et
aux frais de rapatriement de l'équipage, et aux deux semaines
de salaires du capitaine Holland, lesquelles sont autant de
réclamations garanties par privilège maritime. La réclamation
des droits dus au Conseil des ports nationaux occupe le rang
suivant, suivie par les créances hypothécaires. Chacune de ces
créances portera intérêt, auquel seront ajoutés les frais judiciai-
res encourus pour le recouvrement de ces créances, sauf la
première mentionnée. Les réclamations pour fournitures qui ont
été présentées à bon droit mais qui n'emportaient aucun privi-
lège viendraient ensuite, mais il ne restera plus rien du produit
de la vente pour les payer. La réclamation faite par le capitaine
Verraen de salaires dus pour tâches portuaires ne peut être
garantie par privilège maritime; rien n'indique qu'il se soit
trouvé à bord en qualité de membre de son équipage à l'époque
en question. La compagnie d'avitaillement n'a aucun droit de
propriété, que ce soit at law ou en equity, sur des biens qui,
ayant cessé d'exister comme entité distincte, étaient devenus
intégrés au navire, et elle n'a aucun droit de les revendiquer en
vertu des articles 595 616 du Code de procédure civile. Cette
revendiquante n'a acquis non plus aucun droit, at law ou en
equity, sur le navire. Les réclamations de l'ingénieur maritime
n'ont pas priorité car, s'il se peut qu'il ait accompli des tâches
sur le navire, il n'était pas employé à bord comme le requiert
l'article 2 de la Loi sur la marine marchande du Canada. La
créance relative au mois de salaires qui aurait été promis au
capitaine Holland vers la fin de son emploi ne doit pas être
incluse dans le salaire gagné à bord du navire et, si elle peut
avoir effet contre le navire, elle ne peut avoir priorité sur les
créances privilégiées. La créance de l'intervenante est une
créance pour fournitures à laquelle aucun privilège ne doit être
accordé. Son argumentation est fondée essentiellement sur la
bonne foi du créancier lorsque les services ont été fournis et les
réparations effectuées, et sur l'augmentation apportée par le
travail à la valeur du navire. Cette réclamation n'est fondée sur
aucune circonstance spéciale.
Arrêt suivi: Coastal Equipment Agencies Ltd. c. Le
"Comer" [1970] R.C.E. 12.
DEMANDE.
AVOCATS:
Les demandeurs n'étaient pas représentés.
Les défendeurs n'étaient pas représentés.
Michel Benoit pour le revendiquant Capitaine
G. Verraen.
Sean Harrington pour la revendiquante Clip
per Ship Supply Ltd.
Trevor H. Bishop pour les revendiquants
Capitaine R. E. Holland et H. Selander.
Peter Slaughter pour l'intervenant Christo-
pher H. Pickwood.
Gary H. Waxman pour 18 membres de l'équi-
page, N° du greffe: T-2148-77.
Ian Harris pour la revendiquante J. M.
Chalot Inc.
Suzanne Marcoux-Paquette pour l'interve-
nante la Reine.
Vincent M. Prager pour la revendiquante
Charter New York Leasing Corporation.
Edouard Baudry pour l'intervenante et reven-
diquante Montreal Ship Repairs Ltd.
Pierre M. Gauthier pour le revendiquant Con-
seil des ports nationaux.
PROCUREURS:
Les demandeurs n'étaient pas représentés.
Les défendeurs n'étaient pas représentés.
Brodie, Polisuk & Luterman, Montréal, pour
le revendiquant Capitaine G. Verraen.
McMaster, Meighen, Montréal, pour la
revendiquante Clipper Ship Supply Ltd.
Brisset, Bishop, Davidson & Davis, Montréal,
pour les revendiquants Capitaine R. E. Hol-
land et H. Selander.
O'Brien, Hall & Saunders, Montréal, pour
l'intervenant Christopher H. Pickwood.
Ahern, Nuss & Drymer, Montréal, pour 18
membres de l'équipage, N° du greffe:
T-2148-77.
Cerini, Jamieson, Salmon, Findlay, Watson,
Souaid & Harris, Montréal, pour la revendi-
quante J. M. Chalot Inc.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intervenante la Reine.
Stikeman, Elliott, Tamaki, Mercier & Robb,
Montréal, pour la revendiquante Charter
New York Leasing Corporation.
Chauvin, Marler & Baudry, Montréal, pour
l'intervenante et revendiquante Montreal Ship
Repairs Ltd.
Mousseau, Gauthier & Gagné, Montréal,
pour le revendiquant Conseil des ports
nationaux.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MARCEAU: La Cour est appelée à
statuer sur les droits que divers réclamants peuvent
prétendre sur le produit de la vente d'un navire. La
question n'a certes rien d'exceptionnel, mais elle se
soulève ici à un moment inusité et dans des cir-
constances très particulières.
Le navire défendeur, le Lowell Thomas Explo
rer, fut saisi pour la première fois en mai 1977,
puis en juin et août de la même année, bien sûr à
la demande de différents groupes de créanciers.
D'autres réclamants bientôt suivirent: deux autres
actions in rem furent intentées et plusieurs inter
ventions et caveats contre mainlevée ou paiement
furent inscrits. Entre temps, les propriétaires du
navire avaient été acculés à la faillite. Le navire
fut donc éventuellement vendu par le prévôt, et le
produit de la vente consigné à la Cour.
A ce stade, une ordonnance d'instructions pour
permettre à la Cour de déterminer les droits des
divers réclamants était devenue nécessaire. En
vertu de cette ordonnance, datée de décembre
1977, tout intéressé, soit celui qui avait dénoncé sa
réclamation dans l'une des actions intentées contre
le navire, (n°s du greffe: T-2148-77, T-2497-77,
T-2742-77, T-2845-77, T-3242-77) devait déposer
et signifier à tous les autres, dans le délai imparti,
un affidavit exposant les faits sur lesquels il fon-
dait ses prétentions, et les documents dont il faisait
état. Les contre-interrogatoires d'auteurs d'affida-
vits devaient avoir lieu dans un délai déterminé,
après quoi serait fixée, sur demande, une date
d'audition pour procéder à la détermination du
rang et du montant des réclamations, puis à la
distribution en conséquence des sommes consi-
gnées à la Cour.
Les créanciers ont évidemment suivi ces instruc
tions, mais, depuis février 1978, rien n'a été fait et
la situation est restée inchangée. La raison en est
que dans l'un des cas, celui couvert par l'action
portant le n° T-2148-77, la réclamation formulée
par certains membres de l'équipage s'est heurtée à
une défense et à une demande reconventionnelle
déposées au nom des propriétaires du navire. Deux
requêtes, l'une en radiation de la défense et de la
demande reconventionnelle, l'autre en vue de join-
dre une autre partie défenderesse à la demande
reconventionnelle, ont donné lieu éventuellement à
deux ordonnances interlocutoires à l'encontre des-
quelles les demandeurs ont interjeté appel. Ces
appels, qui doivent être maintenant soutenus par le
syndic au nom des propriétaires en faillite, sont
encore pendants.
La requête qui a soulevé la question de priorité
et en satisfaction de laquelle la présente ordon-
nance sera rendue peut être maintenant placée
dans son contexte et mieux comprise. Elle a été
faite par un seul de ceux qui ont des prétentions
sur le produit de la vente du navire, mais tous les
autres ont apparemment décidé d'emblée qu'elle
était justifiée. Le syndic avait prévenu les créan-
ciers qu'étant donné l'absence d'actif dans la fail-
lite (le Lowell Thomas Explorer était le seul actif
de la société en faillite), il n'était pas disposé à
poursuivre les appels sans être convenablement
rémunéré par ceux qui étaient susceptibles de
bénéficier d'un résultat favorable. Il arrive cepen-
dant que le montant des réclamations en souf-
france dépassait grandement le montant du solde
au crédit des multiples créanciers, et il aurait été
aussi injuste de forcer tous les réclamants à parti-
ciper aux frais des appels, que d'obliger un ou deux
d'entre eux à assumer seul un tel fardeau finan
cier. Une détermination immédiate du rang et du
montant des diverses créances paraissait dès lors
dans l'intérêt de la justice, puisque c'était le seul
moyen d'assurer aux créanciers l'information dont
ils avaient besoin pour prendre une décision. La
Cour accepta en principe de donner suite à la
requête: une ordonnance à cet effet fut émise
fixant une date pour l'audition des arguments.
Ainsi l'ordonnance recherchée ne ferait que
déterminer la validité, le montant et l'ordre de
préséance de chacune des réclamations faite à
l'encontre des argents actuellement disponibles
pour distribution. Elle ne contient aucune
demande de paiement. Une telle ordonnance est
pour le moins inusitée. Après quelques hésitations,
j'en viens toutefois à la conclusion que rien n'em-
pêche qu'elle soit rendue si elle est susceptible de
servir la justice. L'ordonnance sera déclaratoire,
mais elle sera définitive; et si elle n'est pas modi-
fiée en appel, la distribution totale ou partielle de
la masse, peu importe quand elle se produira,
devra respecter ses dispositions.
J'en viens maintenant au fond.
Le solde restant des sommes consignées à la
Cour par le prévôt suite à la vente du Lowell
Thomas Explorer est de $322,344.55 (les intérêts
accumulés compris'). Le navire a été vendu pour
une somme plus élevée, mais certains paiements
ont déjà été effectués en exécution d'ordonnances
de la Cour, pour couvrir les frais du prévôt et
d'autres frais encourus, après autorisation, pour la
préservation du navire pendant qu'il était sous
saisie. La somme qui reste à distribuer ne peut en
effet couvrir qu'une faible partie du montant total
des réclamations dirigées contre le navire.
Je ne vois aucun avantage à exposer ici, en guise
d'étape initiale, la longue liste des créances à
considérer avant de dégager quelque conclusion
relativement à leur validité, à leur montant et à
leur rang respectifs. Je préfère commencer par
éliminer rapidement les créances qui ne soulèvent
aucune difficulté, pour passer ensuite à celles qui,
ayant donné lieu à contestation, nécessitent un
examen plus détaillé.
- Mais il convient de trancher au préalable certai-
nes questions fondamentales.
D'après les principes du droit maritime, les pri-
vilèges sur un navire et sur le produit de sa vente
en justice prennent rang dans l'ordre suivant: a) le
privilège qu'ont le capitaine et les marins, pour
leurs gages et débours, en vertu de la Loi sur la
marine marchande du Canada, S.R.C. 1970, c.
S-9; b) le privilège très particulier accordé au
Conseil des ports nationaux, pour les droits qui lui
sont dus à l'égard du navire, par l'article 17 de la
Loi sur le Conseil des ports nationaux, S.R.C.
1970, c. N-8 2 ; c) les autres privilèges maritimes
' Le certificat déposé au dossier voulait faire ajouter l'intérêt,
mais des calculs très simples ont montré que c'eût été une
erreur.
2 Les termes de la Loi sont les suivants:
17. (1) Le Conseil peut, tel qu'y pourvoit l'article 19,
saisir un navire dans les limites des eaux territoriales du
Canada dans tout cas où
a) une somme lui est due à l'égard de ce navire pour des
droits;
(4) En tout cas mentionné au paragraphe (1), que le
navire ait été ou non réellement saisi ou détenu, le Conseil
possède à tout moment un privilège sur le navire et sur le
produit de toute vente ou autre aliénation qui en est faite
pour la somme due au Conseil, et ce privilège a priorité sur
tous les autres droits, intérêts, réclamations et exigences,
quels qu'ils soient, à la seule exception des réclamations pour
gages de marins en vertu de la Loi sur la marine marchande
du Canada.
établis ou reconnus par la Loi (notamment pour le
prêt à la grosse, le prêt sur la cargaison, et l'in-
demnité de sauvetage en cas d'abordage); d) le lien
possessoire qui se présente généralement en rap
port avec la créance de celui qui a réparé le navire
et qui a droit d'en garder possession jusqu'à paie-
ment; e) les hypothèques; f) les soi-disant «liens
statutaires» qui accordent à certains créanciers un
droit in rem mais n'emportent aucun privilège, et
par conséquent viennent après tout privilège mari
time, lien possessoire ou hypothèque enregistré
grevant le navire au moment où ils sont exercés
(voir Coastal Equipment Agencies Ltd. c. Le
«Corner» [1970] R.C.É. 12).
L'un des réclamants a fait des représentations
en vue d'obtenir que, dans son cas, pour fins
d'équité, l'ordre normal de priorité ne soit pas
suivi. J'examinerai ces représentations plus loin.
En règle générale, toutefois, j'estime que cet ordre,
qui repose sur des règles bien établies, doit être
strictement respecté.
Des frais de justice ont été encourus: frais faits
pour rendre les fonds disponibles par la vente du
navire ainsi que frais encourus pour faire valoir les
créances individuelles. Les premiers doivent rece-
voir absolue priorité. Les autres devraient se voir
accorder le même rang que les créances pour la
réalisation desquelles ils ont été encourus, pourvu
que ces créances aient été garanties par un privi-
lège maritime; autrement, les privilèges fondés sur
le droit maritime doivent recevoir préférence sur
les frais de l'avocat qui a agi pour le compte d'une
autre partie (Price, The Law of Maritime Liens,
1940, p. 108).
Il y a finalement la question des intérêts, qu'il
faut trancher au départ. Chaque créance devrait
porter intérêt, à partir de la date de production de
l'affidavit qui en a attesté jusqu'à celle du paie-
ment, au même taux que celui dont a profité la
somme à distribuer pendant la durée de son dépôt
au Fonds du revenu consolidé.
Je le répète, le montant, la validité et la nature
de la plupart des créances ne soulèvent aucune
difficulté; leur classement, selon l'ordre de préfé-
rence que j'ai dit devoir être adopté, est facile à
déterminer.
1. Les frais de mise en vente du navire ont été
assumés par la Montreal Ship Repairs Ltd., inter-
venante dans la présente action. Leur montant n'a
pas encore été déterminé, mais ils devront bien
entendu être payés en premier lieu.
2. Trois créances sont assurément garanties par
des privilèges maritimes qui ont grevé le navire à
compter de la même date; elles viendront ensuite:
a) La demande de traitements et bénéfices pré-
sentée par 18 membres de l'équipage dans l'action
T-2148-77. Il s'agit de l'action dans laquelle les
appels susmentionnés sont pendants. Le montant
global qu'on y réclame (à l'exclusion des frais de
rapatriement qui ont en fait été avancés par Sa
Majesté la Reine) est de $146,814.07, mais le
montant réellement dû, s'il en est, sera fixé par le
jugement qui disposera de l'action.
b) Suite à une ordonnance de la présente Cour
en date du 21 septembre 1971, Sa Majesté la
Reine du chef du Canada a reçu l'autorisation
d'intervenir dans l'affaire n° T-2148-77, et a été
subrogée dans les droits et privilèges des deman-
deurs à l'action, à raison des fonds qu'elle avance-
rait pour assurer leur rapatriement aux Philippi-
nes. Il est incontestable que les marins ont droit à
leurs frais de rapatriement, qui ont le même rang
prioritaire que leurs gages (voir: Price, The Law of
Maritime Liens, p. 62). La somme versée par Sa
Majesté la Reine s'élevait à $6,588.
c) La Montreal Ship Repairs Ltd., intervenante
à la présente action, a fait l'avance des sommes
nécessaires pour payer les gages et salaires
réclamés par le demandeur à la présente action,
c'est-à-dire les 65 autres membres de l'équipage,
ainsi que l'avance des frais encourus pour assurer
leur retour aux Philippines. Conformément à l'or-
donnance de la présente Cour en date du 2 septem-
bre 1977 autorisant ces avances, la Montreal Ship
Repairs Ltd. devait être subrogée dans les droits et
privilèges des demandeurs jusqu'à concurrence du
montant total versé et de l'intérêt y afférent. Le
montant est de $97,252.99.
3. Une créance valable pour droits dus a été
présentée par le Conseil des ports nationaux. Elle
doit prendre rang ici. Son montant est de
$7,710.92. '
4. Puisque aucun créancier n'est dans les condi
tions pour prétendre à un lien découlant d'un droit
de rétention, il faut passer aux créances hypothé-
caires. La Charter New York Leasing Corporation
détient une première hypothèque valable et enre-
gistrée, en garantie d'un prêt consenti aux proprié-
taires. Le montant dû aux termes dudit accord
d'hypothèque et de prêt, à la date du dépôt de
l'affidavit exigé par l'ordonnance d'instructions
susmentionnée, intérêts compris, frais et indemni-
tés de retard calculés conformément aux termes de
l'accord, s'élève à $543,607.85 canadiens.
5. Viennent alors toutes les réclamations pour
fournitures nécessaires qui furent présentées à bon
droit contre le navire mais qui n'emportaient certes
aucun privilège. Il me paraît douteux qu'on puisse
ici prendre en considération ces réclamations,
étant donné que l'argent qui restera après paie-
ment de l'hypothèque, accroît, il me semble, au
syndic de la faillite. Mais de toute façon il ne
restera certes plus rien, de sorte qu'il est clair que
toutes les créances qui ne sont pas payables avant
la créance hypothécaire devront tout simplement
être ignorées.
II
Dans cinq cas, la nature ou la cause des créan-
ces, et par conséquent leur rang, ont donné lieu à
contestation ou ont soulevé des problèmes particu-
liers. Ce sont elles qu'il faut maintenant considé-
rer.
(1) Un certain capitaine Verraen réclame un
montant de $3,973.08 qu'il dit lui être dû en gages
et partant garanti par privilège maritime. Il s'agi-
rait de gages gagnés pendant la période comprise
entre le 31 juillet et le 15 septembre 1977. Je ne
vois toutefois, dans l'affidavit déposé à l'appui de
la réclamation, rien qui indique que le capitaine
Verraen se soit, à l'époque en question, trouvé à
bord du Lowell Thomas Explorer en qualité de
membre de son équipage. En effet, pendant la
période mentionnée, le navire, déjà placé sous
saisie, était sous le commandement du capitaine
Tito G. Llido. Au surplus, l'accord en vertu duquel
le capitaine Verraen était employé (pièce P-1 en
annexe de son affidavit) a été signé au nom de
Midwest Cruises Inc., non à celui de Midwest
Cruises Panama S.A., propriétaire du navire. Le
capitaine Verraen peut fort bien au cours de cette
période, avoir été employé pour remplir certaines
«tâches portuaires» en qualité de mandataire de M.
Grueninger, président et de Midwest Cruises Inc.
et de Midwest Cruises Panama S.A., mais le trai-
tement qu'il a gagné en cette qualité ne pouvait
être garanti par un privilège sur le Lowell Thomas
Explorer.
(2) La compagnie Clipper Ship Supply Ltd.
(«Clipper») demanda l'autorisation d'intervenir
dans la présente action dès octobre 1977. Elle
soutenait que certaines des marchandises à bord
du navire lui appartenaient. Ces marchandises,
alléguait-elle, avaient été vendues et livrées selon
les clauses et conditions établies par l'International
Ship Supplies Association, avec pour résultat qu'il
ne pouvait y avoir transfert de leur propriété avant
paiement intégral du prix de vente, soit
$25,915.13. Au moment de sa demande, cepen-
dant, une partie seulement des marchandises
n'avait pas encore été incorporée au navire et
pouvait encore être reprise. Le 1" novembre 1977,
une ordonnance de la Cour accordait à Clipper
l'autorisation d'intervenir, déclarait que les mar-
chandises vendues par Clipper et encore suscepti-
bles d'être identifiées et distinguées avaient une
valeur totale de $3,000, interdisant qu'on en retire
aucune,—compte tenu sans doute du fait que les
annonces pour la vente du navire avaient déjà été
publiées,—mais ajoutait:
[TRADUCTION] Qu'avant toute distribution du produit de la
vente du navire en vertu d'une disposition de la Cour, la valeur
de toute marchandise figurant au rapport d'inventaire du
prévôt, et dont il est prouvé que si ce n'était de ladite vente elles
appartiendraient à Clipper Ship Supply Ltd., sera distraite et
lui sera versée libre de toutes actions in rem contre .le navire
aLOWELL THOMAS EXPLORER», Ou in personam contre ses
propriétaires;
Il faut naturellement déférer à cette ordon-
nance. Il sera donc mis à part un montant de
$3,000 avec intérêts en faveur de Clipper Ship
Supply Ltd. avant toute distribution aux créan-
ciers. Mais la compagnie, on le comprend, a peine
à se satisfaire de cette solution. Elle réclame dis
traction du montant global de $25,915.13 au motif
que son droit de propriété existait à l'égard de
toutes les marchandises qu'elle avait fournies et
qui ont été vendues avec le navire. Voici en sub
stance le raisonnement que l'avocat de Clipper a
soumis pour appuyer sa prétention.
Il s'agit ici de droit maritime canadien. Ce droit
est soit uniforme pour tout le Canada, soit com-
plété sur certains points non essentiels par des
règles locales. Si notre droit maritime est uni-
forme, sa partie non écrite est présumée être iden-
tique à la common law anglaise, et par conséquent,
elle inclut le droit anglais de la propriété et des
fiducies. Selon ce dernier, le legal and beneficial
title sur les marchandises appartenait à Clipper, et
puisque le navire et les marchandises ont été
vendus ensemble, comme une seule masse, Clipper
et les propriétaires du navire sont considérés
comme copropriétaires, et la valeur des biens de
Clipper doit être distraite en premier lieu. Et
même si le legal title a été transféré, tout au moins
l'equitable title a subsisté à cause de la fiducie qui
s'est créée ou encore les biens ont été acquis et
utilisés en fraude de Clipper et les propriétaires
doivent être assimilés à des fiduciaires: en equity,
par l'effet de la «doctrine of tracing», Clipper
aurait alors un privilège sur le produit de la vente.
Si, d'autre part, poursuit l'avocat, notre droit
maritime n'est pas uniforme et que certains de ses
aspects sont régis par les règles locales, Clipper
aurait toujours droit à distraction en sa faveur en
vertu des articles 595 à 616 du Code de procédure
civile de la province de Québec, dont l'objet est
notamment de protéger le tiers qui avait droit de
«revendiquer» quelque partie du bien saisi et vendu
à son détriment.
Je n'ai pas l'intention de réfuter une à une les
propositions mises de l'avant dans ce raisonne-
ment. Ma réponse sera simple. Je ne vois pas
comment Clipper aurait pu conserver un droit de
propriété, que ce soit at law ou en equity, sur des
biens qui, ayant cessé d'exister comme entité dis-
tincte, étaient devenus intégrés au navire, et par
conséquent ne pouvaient plus être identifiés ou
distingués; et je ne pense pas non plus que Clipper,
en tant que vendeur de ces biens, ait acquis, at law
ou en equity, un quelconque droit sur le navire
lui-même. D'autre part, il ne fait aucun doute que
Clipper n'avait, au sens du Code de procédure
civile du Québec, aucun droit de «revendiquer» des
biens qui avaient déjà été incorporés au navire.
Je ne vois aucune valeur à la prétention de
Clipper.
(3) Un certain Harry Selander, ingénieur mari
time, réclame 2,600 $EU pour des services qu'il
aurait rendus à bord du navire entre le 11 septem-
bre et le 17 octobre 1976.
Dans l'affidavit et les documents y annexés
déposés à l'appui de sa réclamation, M. Selander
affirme que ses services furent retenus, sans con-
trat écrit, par «M. Grueninger lui-même», prési-
dent de Midwest Cruises Panama S.A., peu après
l'achat du navire en Finlande. Il se serait rendu en
Finlande en qualité d'«expert en mécanique», en
vertu d'un engagement qui devait expirer le Z ef
octobre, mais qui fut verbalement reconduit pour
16 jours additionnels à la demande personnelle de
M. Grueninger. Dans un affidavit supplémentaire,
la déclaration de M. Selander varie légèrement: le
poste lui aurait été offert par le président d'une
société qui s'était engagée par contrat envers M.
Grueninger à lui fournir un équipage pour le
navire nouvellement acheté, et ce poste aurait été
celui d'ingénieur en chef conseil à bord du navire.
Quant aux fonctions qu'il remplissait, voici com
ment il les résume dans cet affidavit (que je cite
textuellement):
[TRADUCTION] Qu'en qualité d'ingénieur en chef conseil
pour le N.V. BORE NORD III (devenu plus tard le N.V. «LOWELL
THOMAS EXPLORER») pendant le mois de septembre 1976,
j'étais membre de l'équipage du navire, lequel équipage se
composait de quatre personnes, à savoir: le capitaine Holland,
commandant, le capitaine Tito, commandant en second, Harry
Selander, ingénieur en chef; et un premier assistant, originaire
des Philippines, prénommé Pedro. J'avais insisté pour qu'on
laisse les chaudières se refroidir aux fins de nettoyage et
d'inspection, et il faisait trop froid pour rester à bord du navire,
aussi tout l'équipage était-il descendu dans un hôtel où il
prenait petit déjeuner et souper, le déjeuner étant pris à bord du
navire. Notre équipage ne comprenait pas de cuisinier.
Pendant le mois de septembre, j'ai eu la responsabilité de
tous les arrangements de remorquage, peinture du fond, net-
toyage, décoration, installation de volets d'acier sur toutes les
écoutilles au niveau ou au-dessous du pont principal. J'ai servi
d'interprète entre les représentants finlandais et les membres de
l'équipage ne parlant pas anglais. J'ai fait fonctionner l'ensem-
ble du système de climatisation et de chauffage et l'ai inspecté.
En même temps j'ai traduit du finnois vers l'anglais toutes les
indications figurant auprès des valves et des machines dans la
salle des machines. J'ai également dû essayer de former le
premier assistant, qui n'avait aucune expérience en la matière,
à l'entretien et à l'utilisation des machines à vapeur du navire.
La lecture des deux affidavits et des pièces y
mentionnées, laisse la nette impression que M.
Selander, ingénieur maritime, a été engagé essen-
tiellement pour inspecter le navire et vérifier son
bon état de navigabilité, même s'il est allé plus loin
et a accompli certains travaux à bord. La question
est de savoir si, dans ces circonstances, le salaire
qu'il a ainsi gagné doit être considéré comme
gages de marin emportant privilège sur le navire,
en vertu de la Loi sur la marine marchande du
Canada.
La difficulté ne vient pas du fait que le contrat
d'engagement n'ait été que verbal (l'article 180 de
la Loi 3 ). Elle ne vient pas non plus de ce que le
voyage n'était pas encore entrepris lorsque le tra
vail a été accompli (Price, The Law of Maritime
Liens, p. 62), ni de ce que le salaire n'était pas
conforme à la définition de «gages», telle que
donnée dans l'article 2 de la Loi, terme qui «com-
prend les émoluments». La difficulté est que M.
Selander n'a jamais été engagé et n'a jamais tra-
vaillé comme marin. Il se peut qu'il ait accompli
des tâches sur le navire, mais il n'a jamais été
«employé à bord» du navire comme le requiert ledit
article 2, aux termes duquel:
2. Dans la présente loi
«marin» comprend
a) toute personne (sauf les capitaines, pilotes et apprentis
régulièrement liés par contrat et inscrits) qui est employée ou
occupée à bord d'un navire, en quelque qualité que ce soit,
... (le soulignement est ajouté).
A mon avis, la créance de M. Selander n'était
pas assortie du privilège de marin.
(4) Le ler octobre 1976, le capitaine Roy E.
Holland fut recruté par Midwest Cruises Panama
S.A. en qualité de commandant du Lowell
Thomas Explorer pour une période indéfinie. Le
contrat de louage de services fut constaté par écrit;
copie de ce document a été versée au dossier. Le
capitaine Holland servit à bord du navire jusqu'à
la fin de février 1977: il débarqua le Pr mars, de
son plein gré, pour retourner en Amérique. Le
navire se trouvait alors à Ponta Delgada, île de Saô
Miguel (archipel des Açores).
La revendication déposée par le capitaine Hol-
land est double. Il réclame en effet son salaire de
600 $EU ($662.34 CAN) pour ses deux dernières
semaines de service à bord, qui lui est toujours dû.
Le texte de cet article est le suivant:
180. Dans toute procédure judiciaire ou autre, un marin
peut présenter une preuve établissant la teneur d'un contrat
d'engagement de l'équipage ou appuyant autrement sa cause,
sans production ou préavis de production du contrat d'enga-
gement ou d'une copie de celui-ci.
Cette partie de sa demande est sans conteste
garantie par un privilège maritime 4 . Mais il
réclame également un montant additionnel de
1,500 $EU ($1,655.85 CAN) en raison d'une pro-
messe à lui faite par M. Grueninger qu'il aurait
droit à un mois supplémentaire de traitement lors-
qu'il quitterait le navire. Bien entendu, la question
est ici de savoir si cette deuxième portion de la
demande est garantie par le même privilège mari
time que la première et si elle doit venir au même
rang.
Le capitaine Holland a été autorisé, par ordon-
nance de la Cour, à déposer un affidavit addition-
nel au lieu d'être contre-interrogé sur celui qu'il
avait déjà fourni. Dans cet affidavit complémen-
taire, il déclare au paragraphe 5 (que je cite encore
une fois textuellement):
[TRADUCTION] Je n'ai aucune preuve écrite du fait que M.
Grueninger m'a promis $1,500 (mille cinq cents dollars) corres-
pondant à un (1) mois de congé payé, mais je jure que M.
Grueninger m'a personnellement promis cela dans son bureau,
à Indianapolis, où je m'étais rendu pour obtenir les fonds
nécessaires au paiement de mon équipage et des comptes en
souffrance avec les autorités de Ponta Delgada. Rien n'a été
inscrit dans mon contrat de louage de services. Cet arrange
ment a été purement verbal et je comptais que M. Grueninger
honorerait sa parole.
On notera qu'aucune date n'est fournie. Il res-
sort toutefois du dossier que le navire a pénétré
dans le port de Ponta Delgada le 4 février 1977,
qu'il s'est rendu aux Bermudes le 5 pour retourner
au port le 6, repartir le 10 et revenir encore le 11,
et qu'il est resté sous commandement du capitaine
Holland jusqu'à ce que celui-ci débarque le Zef
mars pour retourner en avion en Amérique du
Nord (pièces à l'appui de l'affidavit du demandeur
en date du 23 janvier 1978). Il en résulte que la
promesse de M. Grueninger sur laquelle le capi-
taine Holland fonde sa réclamation avait été faite
alors que celui-ci s'apprêtait à quitter son emploi
ou l'avait peut-être même déjà laissé.
Un privilège maritime affecte un navire à raison
des salaires ou gages gagnés à bord par le com
mandant et les membres de l'équipage. Si le sup-
plément de traitement qui fait l'objet de la
4 L'article 214(1) de la Loi sur la marine marchande du
Canada est ainsi rédigé:
214. (1) Le capitaine du navire a, dans la mesure du
possible, les mêmes droits, privilèges et recours pour le
recouvrement de ses gages, qu'un marin en vertu de la
présente loi, ou de toute loi ou coutume.
demande avait été une condition de l'emploi du
capitaine Holland, je pense qu'il aurait fait partie
de ses gages gagnés à bord. S'il s'agissait d'une
compensation pour licenciement abusif, on pour-
rait trouver un motif de l'inclure dans les gages
gagnés à bord. (Voir sur ces points, Price, op. cit.
pp. 61 et 62). Mais dans les circonstances de la
cause, je ne vois guère comment l'on peut soutenir
que l'argent ainsi promis devrait être inclus dans le
salaire gagné à bord du navire, comme partie
intégrante de la rémunération ou des «émolu-
ments» dus pour services rendus à bord du navire.
Si la demande du capitaine Holland, fondée sur
la promesse de M. Grueninger, peut avoir effet
contre le navire, ce dont je doute, elle ne peut avoir
priorité sur les créances privilégiées.
(5) Le dernier point soulevé a été discuté à fond
et avec beaucoup de compétence. Je crois toutefois
pouvoir le trancher sans faire de long exposé. Voici
la manière dont il a été présenté.
Montreal Ship Repairs Ltd. a une créance sub-
stantielle à exercer contre le navire, à raison des
réparations effectuées et de services fournis. Cel-
le-ci s'élève en effet à $559,174.12. Le travail a été
commandé par M. Grueninger en vue de faire
passer le navire dans la catégorie qu'il souhaitait.
Il a débuté immédiatement après l'arrivée du
navire à Montréal, le 9 mai 1977, et s'est poursuivi
jusqu'au 30 juin. Même si le navire avait été saisi,
dès le 25 mai, les dirigeants de la société ont cru de
bonne foi que M. Grueninger réussirait à conclure
quelques arrangements financiers et qu'il pourrait
régler leur compte. Malheureusement, il n'en a pas
été ainsi.
Montreal Ship Repairs Ltd. n'a jamais eu pos
session du navire et n'avait donc aucun droit de
rétention jusqu'au paiement. La Compagnie pré-
tend toutefois que sa créance est prioritaire, pour
les motifs exposés dans l'affidavit de son gérant
général et administrateur:
[TRADUCTION] Après l'achèvement, le 30 juin 1977 des
modifications et réparations effectuées par Montreal Ship
Repairs Ltd., le LOWELL THOMAS EXPLORER était à même de
commencer à voyager comme navire de passager, sous réserve
de quelques travaux mineurs qui auraient pris quelques jours à
achever, alors qu'il n'était pas en état de marche - lorsque le
travail a débuté.
Montreal Ship Repairs Ltd. demande que la somme de
$170,000, représentant l'augmentation de valeur commerciale,
telle qu'elle est établie dans son affidavit par M. E. Edwardson,
attribuable aux réparations et transformations effectuées par
Montreal Ship Repairs Ltd., soit distraite pour lui être versée
avant le paiement de toute créance née avant l'exécution desdi-
tes réparations et transformations.
A l'appui de cette requête, l'avocat du deman-
deur cite un passage de Halsbury's Laws of
England (3e éd. vol. 35, p. 788, paragraphe 1213)
dont le texte est le suivant:
[TRADUCTION] Il semble que la détermination du rang des
privilèges entre eux ne repose sur l'application d'aucune règle
rigide, mais sur le principe qu'il faut dans chaque cause faire
justice aux parties.
Il s'appuie également sur un arrêt canadien,
celui de la Cour suprême dans l'affaire The Mon-
treal Dry Docks and Ship Repairing Company c.
Halifax Shipyards, Limited (1919-20) R.C.S.
359, dans lequel, sur la base de l'équité, des char-
pentiers de navire laissés en possession d'un navire
après sa mise sous saisie, ont reçu priorité non
seulement à raison des travaux par eux effectués
avant la saisie (à raison desquels il bénéficiait d'un
droit de rétention), mais aussi pour l'augmentation
de valeur attribuable aux travaux effectués après
la saisie, bien que la Cour ne les eût pas spéciale-
ment autorisés.
Voilà sans doute autorité suffisante pour affir-
mer que des considérations d'équité peuvent avoir
un rôle à jouer dans la détermination du rang de
multiples créances sur le produit de la vente d'un
navire. Mais, comme il est dit dans Halsbury, dans
la phrase suivant immédiatement celle qui a été
citée:
[TRADUCTION] Il existe toutefois un certain ordre de classe-
ment, et il y a certaines règles générales qu'à défaut de
circonstances spéciales, les tribunaux auront tendance à
appliquer.
Et de fait il est clair, à la lecture des motifs du
jugement auquel il est fait référence, que l'on
croyait à la présence de telles circonstances spécia-
les dans l'affaire concernée.
Je ne vois cependant ici aucune telle circons-
tance spéciale. L'argumentation est fondée essen-
tiellement sur la bonne foi du créancier lorsque les
services ont été fournis (bien que pour un entrepre
neur expérimenté, son comportement ait été éton-
namment imprévoyant) et sur l'augmentation
apportée par le travail à la valeur du navire
(j'ajouterai incidemment que l'importance relative
de cette augmentation de valeur n'a certainement
pas été très clairement établie et qu'il n'est pas
certain que celle-ci ait fait monter les enchères).
S'il fallait, sur la seule base de la bonne foi et de
l'accroissement de valeur, écarter les règles géné-
rales qui régissent le rang des créances sur le
produit de la vente d'un navire, l'ensemble du
système serait compromis et le crédit des proprié-
taires de navires en serait directement et défavora-
blement affecté.
La créance de Montreal Ship Repairs Ltd. à
raison des travaux effectués sur le navire en mai et
juin 1977, est une créance pour fournitures à
laquelle aucun privilège ne doit être accordé.
En conséquence de ce qui précède, l'ordre de
préférence entre les diverses créances payables à
même le produit de la vente du Lowell Thomas
Explorer est le suivant:
(1) La somme réservée en faveur de Clipper
Ship Supply Ltd. $ 3,000.00
(2) Les frais de justice faits par Montreal Ship
Repairs Ltd. pour la mise en vente du
navire
(3) Les créances suivantes, assorties d'un privi-
lège maritime de marin, viennent en
concurrence:
a) Celle des demandeurs dans l'action
T-2148-77 pour le montant que fixera
le jugement qui sera rendu dans ladite
action
b) Celle de Sa Majesté du chef du
Canada pour le rapatriement des
demandeurs dans l'action T-2148-77 6,588.00
c) Celle de Montreal Ship Repairs Ltd.
pour les fonds avancés pour régler les
gages réclamés par les demandeurs
dans la présente action 97,252.99
d) Celle du capitaine Holland pour ses
deux dernières semaines de service à
bord 662.34
(4) La créance du Conseil des ports nationaux 7,710.92
(5) La créance de Charter New York Leasing
Corporation 543,607.85
Chacune de ces créances portera intérêt à partir
de la date et au taux spécifiés ci-dessus, auquel
seront ajoutés les frais judiciaires encourus pour le
recouvrement de ceux mentionnés en (2), (3), (4)
et (5) ci-dessus. Les créances seront en outre aug-
mentées des frais de justice encourus pour le
recouvrement dans la présente action ou dans toute
autre action pendante.
L'ordonnance sera émise en conséquence.
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