T-2330-75
Raymond Cardinal, chef, et Edward Morin,
Charles Cowan, Romeo Morin, Alex Peacock et
Alphonse Thomas, conseillers de la bande Enoch
des Indiens de Stony Plain, pour leur propre
compte et pour celui de la bande Enoch de la
réserve n° 135 des Indiens de Stony Plain et la
bande des Indiens de Stony Plain, réserve n° 135
(Demandeurs)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Mahoney—
Ottawa, les 5 et 14 février 1979.
Indiens — Cession de terres indiennes — La majorité des
votes exprimés était en faveur de la cession, mais ces votes
affirmatifs ne représentaient pas la majorité de ceux qui
avaient droit de vote — L'assentiment de la bande était attesté
par affidavit d'un seul chef — Il échet d'examiner si la Loi des
sauvages requérait la majorité des votes exprimés ou la majo-
rité de ceux qui avaient le droit de vote — Il échet d'examiner
si l'attestation par plus d'un chef était requise — Loi des
sauvages, S.R.C. 1906, c. 81, art. 49(1),(3).
Dans une action en matière de cession de terres indiennes, la
Cour d'appel fédérale a ordonné que deux questions soient
tranchées à titre de questions préliminaires. Il s'agit en premier
lieu de savoir si le paragraphe 49(1) de la Loi des sauvages
requérait l'assentiment de la majorité de ceux qui participaient
à l'assemblée ou la majorité de ceux qui avaient le droit de vote.
En mai 1908, au moment du vote de la bande sur la cession, il y
avait de trente à trente-trois hommes habilités à voter, et sur les
vingt-six qui ont voté, quatorze ont consenti à la cession. Il
s'agit en second lieu de savoir si le paragraphe 49(3) requérait
l'attestation par plus d'un chef ou ancien. En l'espèce, un seul
chef a attesté par affidavit que la bande avait consenti à la
cession.
Arrêt: l'action est rejetée. Le conseil ou assemblée qui doit
être convoqué conformément au paragraphe 49(1) est un con-
seil ou assemblée de la bande. Il ne s'agit pas d'un conseil ou
assemblée composé uniquement des adultes de sexe masculin,
mais bien d'une assemblée de la bande dont seuls les adultes de
sexe masculin avaient le droit de vote. En common law, lors-
qu'un organisme non constitué est composé d'un nombre indé-
terminé de personnes, les votants sont réputés constituer le
quorum nécessaire, et la décision de la majorité de ces derniers
est réputée la décision de l'organisme. L'assentiment prévu au
paragraphe 49(1) était l'assentiment de la bande, et non celui
des seuls adultes de sexe masculin. Ces derniers étaient les
seules personnes de la bande admissibles à voter, et bien qu'ils
ne fussent pas nombreux en 1908, leur nombre était, au sens de
la common law, plutôt indéfini que défini. Une majorité de ces
personnes était présente à l'assemblée ou au conseil; il est clair
qu'il y avait quorum. La majorité de ce quorum a approuvé la
cession. La décision de cette majorité était celle de la bande. La
cession n'était donc pas nulle du fait que, tout en ayant été
ratifiée par une majorité d'adultes de sexe masculin au conseil
ou à l'assemblée, elle ne l'a pas été par la majorité de tous les
adultes de sexe masculin de la bande. Il faut également répon-
dre par l'affirmative à la seconde question. Le recours à la
version française règle de façon absolue toute question d'ambi-
guïté dans le libellé de la loi: l'expression «some of the chiefs or
principal men» doit être interprétée à la lumière du mot «some»
dans le sens de «one or other of a number ... » (l'un quelcon-
que; n'importe lequel).
ACTION.
AVOCATS:
A. M. Harradence, c.r. et B. G. Nemetz pour
les demandeurs.
L. P. Chambers et P. Barnard pour la
défenderesse.
PROCUREURS:
Harradence Moore, Calgary, pour les deman-
deurs.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY: Le 9 novembre 1978, la
Cour d'appel fédérale a ordonné, avec le consente-
ment des parties, que les questions suivantes soient
tranchées à titre de questions préliminaires dans la
présente action:
[TRADUCTION] 1. La cession du 13 mai 1908 par la bande
Enoch était-elle nulle alors que les personnes inscrites sur la
liste électorale comme étant en faveur de la cession, tout en
représentant la majorité des personnes réputées avoir voté, ne
représentaient pas la majorité des hommes de la bande Enoch
ayant atteint l'âge de vingt et un ans révolus conformément au
paragraphe 49(1) de la Loi des sauvages, S.R.C. 1906, c. 49?
2. L'attestation donnée sous forme d'affidavit le 13 mai 1908
par un seul chef de la bande Enoch, déclarant que l'abandon et
la cession ont été consentis par la bande, suffisait-elle à répon-
dre aux exigences du paragraphe 49(3) de la Loi des sauvages,
S.R.C. 1906, c. 49?
Il semble s'être glissée une erreur dans le libellé
des questions exposées dans l'avis de requête: en
effet, la Loi des sauvages n'est pas citée au «c. 49»
des Statuts revisés du Canada de 1906 mais bien
au chapitre 81 de ces Statuts.
Les parties ont déposé un exposé conjoint des faits.
Le paragraphe 3 de cet exposé se rapporte directe-
ment aux questions précitées:
[TRADUCTION] 3. Aux fins de la présente instruction, les
parties conviennent des faits suivants:
a) Le 8 mai 1908, la bande indienne Enoch comptait de 30 à
33 hommes âgés de 21 ans révolus et habilités à voter sur la
cession de terrains faisant partie de la réserve, conformément
à l'article 49(1) de la Loi des sauvages, S.R.C. 1906, c. 81.
b) Vingt-six hommes de la bande indienne Enoch, âgés de 21
ans révolus, ont soit consenti à la cession des terrains en
cause, soit été inscrits comme s'y opposant.
c) Quatorze hommes de la bande indienne Enoch, âgés de 21
ans révolus et habilités à voter conformément à l'article
49(1) de la Loi des sauvages, S.R.C. 1906, c. 81, ont
consenti à la cession du 13 mai 1908.
d) A l'issue du vote, un affidavit faisant foi de la cession fut
dressé par un seul chef de la bande indienne Enoch, confor-
mément à l'article 49(1) de la Loi des sauvages, S.R.C.
1906, c. 81. Des photocopies de l'acte de cession et de
l'affidavit ont été annexées au présent document comme
pièces «A» et «B» respectivement.
Le paragraphe 1 renvoie à l'ordonnance de la Cour
d'appel fédérale et le paragraphe 2 déclare que
l'une des modalités prescrites dans l'ordonnance a
été remplie. Les paragraphes 4 et 5 font valoir que
même si les parties ne s'entendent pas pour dire
que l'assemblée a réellement eu lieu le 13 mai
1908 ou que le scrutin en vue de ratifier la cession
des bien-fonds a effectivement été tenu au cours de
cette assemblée, la Cour doit tenir pour acquis,
lorsque viendra le moment de trancher les ques
tions, que cette assemblée et ce scrutin ont effecti-
vement eu lieu.
Des photocopies de l'acte de cession et de l'affi-
davit mentionnés dans la deuxième question ont
été annexées à l'exposé conjoint de faits comme
pièces «A» et «B» respectivement. Le seul autre
élément de preuve déposé devant la Cour est une
copie du chapitre 18 des Statuts du Canada de
1876, donnée comme attestée sous la signature du
greffier du Parlement conformément à l'article 24
de la Loi sur la preuve au Canada.' Ce document
a été déposé en vue d'établir que certains signes de
ponctuation au paragraphe 49(1) de la Loi des
sauvages, S.R.C. 1906, figuraient dans la disposi
tion telle qu'elle a été adoptée à l'origine par le
Parlement: il s'agissait, à l'époque, du paragraphe
26(1) de la Loi de 1876 [c. 18].
' S.R.C. 1970, c. E-10.
L'article 49 de la Loi des sauvages, S.R.C.
1906, c. 81, se lit comme suit:
49. Sauf les restrictions autrement établies par la présente
Partie, nulle cession et nul abandon d'une réserve ou d'une
partie de réserve à l'usage d'une bande, ou de tout sauvage
individuel, n'est valide ni obligatoire, à moins que la cession ou
l'abandon ne soit ratifié par la majorité des hommes de la
bande qui ont atteint l'âge de vingt et un ans révolus, à une
assemblée ou à un conseil convoqué à cette fin conformément
aux usages de la bande, et tenu en présence du surintendant
général, ou d'un fonctionnaire régulièrement autorisé par le
gouverneur en conseil ou par le surintendant général à y
assister.
2. Nul sauvage ne peut voter ni assister à ce conseil s'il ne
réside habituellement sur la réserve en question ou près de cette
réserve, et s'il n'y a un intérêt.
3. Le fait que la cession ou l'abandon a été consenti par la
bande à ce conseil ou assemblée doit être attesté sous serment,
par le surintendant général ou par le fonctionnaire autorisé par
lui à assister à ce conseil ou assemblée, et par l'un des chefs ou
des anciens qui y a assisté et y a droit de vote, devant un juge
d'une cour supérieure, cour de comté ou de district, ou devant
un magistrat stipendiaire ou un juge de paix, ou, dans le cas de
réserves dans les provinces du Manitoba, de la Saskatchewan
ou d'Alberta ou dans les territoires, devant le commissaire des
sauvages, et dans le cas de réserves dans la Colombie-Britanni-
que, devant le surintendant visiteur des sauvages de la Colom-
bie-Britannique, ou, dans l'un ou dans l'autre cas, devant
quelque autre personne ou employé à ce spécialement autorisé
par le gouverneur en conseil.
4. Après que ce consentement a été ainsi attesté, la cession
ou l'abandon est soumis au gouverneur en conseil, pour qu'il
l'accepte ou le refuse.
C'est moi qui souligne.
La première question pose le problème de savoir
si le paragraphe 49(1) exige l'assentiment d'une
majorité des personnes présentes à l'assemblée ou
l'assentiment d'une majorité de ceux qui ont le
droit de voter. La deuxième question pose le pro-
blème de savoir si le paragraphe 49(3) exige que
l'attestation soit donnée par plus d'un chef ou d'un
ancien.
La seconde question, dont la résolution est tribu-
taire de l'interprétation de l'expression «some of
the chiefs or principal men» peut plus facilement
que la première être tranchée; c'est pourquoi la
Cour estime opportun de l'examiner en premier
lieu. Le mot «some» est un pronom indéfini. L'Ox-
ford English Dictionary en donne différentes signi
fications. Ce mot a une signification à la fois au
singulier et au pluriel. Employé au singulier, il
signifie «One or other of a number ... » (l'un
quelconque; n'importe lequel) alors qu'au pluriel,
il désigne «An indefinite or unspecified (but not
large) number ... » (un nombre indéfini ou non
spécifié (mais faible)) de personnes, d'animaux ou
de choses.
Ainsi, l'expression «some of the chiefs or princi
pal men» du paragraphe 49(3) de la version
anglaise prête le flanc à deux interprétations: il
pourrait s'agir de l'une quelconque de ces person-
nes ou d'un certain nombre d'entre elles. Le choix
doit être dicté par les règles pertinentes d'interpré-
tation des lois.
La version française, toutefois, ne connaît pas la
même ambiguïté:
49....
3. Le fait que la cession ou l'abandon a été consenti par la
bande à ce conseil ou assemblée doit être attesté sous serment,
par le surintendant général ou par le fonctionnaire autorisé par
lui à assister à ce conseil ou assemblée, et par l'un des chefs ou
des anciens qui y a assisté et y a droit de vote, devant un juge
d'une cour supérieure, cour de comté ou de district, ou devant
un magistrat stipendiaire ou un juge de paix, ou, dans le cas de
réserves dans les provinces du Manitoba, de la Saskatchewan
ou d'Alberta ou dans les territoires, devant le commissaire des
sauvages, et dans le cas de réserves dans la Colombie-Britanni-
que, devant le surintendant visiteur des sauvages de la Colom-
bie-Britannique, ou, dans l'un ou dans l'autre cas, devant
quelque autre personne ou employé à ce spécialement autorisé
par le gouverneur en conseil.
C'est moi qui souligne.
Nous étudions, en l'espèce, une loi adoptée bien
avant la création de la Loi sur les langues officiel-
les. 2 A cette époque, comme aujourd'hui, la ver
sion française d'une Loi du Parlement était adop-
tée par le Sénat et par la Chambre des communes
et recevait, en même temps que la version anglaise,
la sanction royale. La version française est donc
une Loi du Parlement du Canada tout autant que
la version anglaise et on doit s'y reporter en cas
d'ambiguïté latente dans la version anglaise.'
En l'espèce, le recours à la version française
règle de façon absolue toute question d'ambiguïté
dans le libellé du texte de loi; par conséquent, il est
inutile d'examiner les arguments contraires des
demandeurs, aussi convaincants qu'ils pourraient
être si seule la version anglaise avait force de loi.
Le tribunal doit donc répondre dans l'affirmative à
2 S.R.C. 1970, c. O-2.
3 Le Roi c. Dubois [1935] R.C.S. 378. Composers, Authors
and Publishers Association of Canada, Limited c. Western
Fair Association [1951] R.C.S. 596.
la seconde question. L'attestation donnée par un
seul chef suffisait. Quant à l'autre question sur
laquelle les demandeurs ont insisté et que la défen-
deresse a considérée comme étant hors la portée de
l'ordonnance de la Cour d'appel fédérale, à savoir
si la condition requise au paragraphe 49(3) est de
caractère impératif ou de la nature d'une directive,
il est, en raison de la réponse apportée à la ques
tion précédente, inutile de l'examiner.
Étudions maintenant la première question.
Voici, dépouillée de tout verbiage inutile, la partie
du paragraphe 49(1) qu'il nous faut interpréter:
... nul abandon ... d'une partie de réserve ... n'est valide ni
obligatoire, à moins que ... l'abandon ne soit ratifié par la
majorité des hommes de la bande qui ont atteint l'âge de vingt
et un ans révolus, à une assemblée ou à un conseil convoqué à
cette fin ... .
Les demandeurs font valoir que cette disposition
exige l'assentiment d'une majorité des hommes de
la bande âgés de vingt et un ans révolus alors que
la défenderesse allègue qu'elle exige l'assentiment
d'une majorité des personnes présentes à l'assem-
blée ou au conseil. Je vais, à l'occasion, utiliser
ci-après l'expression «adultes de sexe masculin»
comme synonyme de l'expression «hommes de la
bande qui ont atteint l'âge de vingt et un ans
révolus».
Le premier argument des demandeurs porte sur
la virgule placée à la suite du mot «révolus». Selon
eux, l'emploi de ce signe à cet endroit signifie
clairement que l'assentiment requis doit être donné
par une majorité des adultes de sexe masculin et
que les mots qui suivent la virgule indiquent à
quelle occasion ou en quelle circonstance cet assen-
timent doit être donné, savoir: «à une assemblée ou
à un conseil convoqué à cette fin». Plus loin,
j'examinerai l'emploi de l'expression «thereof» qui
apparaît dans la version anglaise de ce membre de
phrase.
La Cour n'est liée par aucune jurisprudence
quant au rôle de la ponctuation dans l'interpréta-
tion d'une loi. Dans I.R.C. c. Hinchy 4 , lord Reid
explique la raison pour laquelle, dans l'interpréta-
tion des anciennes lois anglaises, il n'était tenu
aucun compte de la ponctuation:
4 [1960] A.C. 748, la page 765.
[TRADUCTION] Mais, antérieurement à 1850, les exemplaires
manuscrits des lois qui devaient recevoir la sanction royale rie
renfermaient aucun signe de ponctuation et il semble que les
imprimeurs n'avaient pas légalement le pouvoir d'en insérer par
la suite. Ainsi, même si la ponctuation est un élément que l'on
peut considérer dans l'examen des textes de lois plus récents (ce
qui est très discutable), je doute qu'il faille en tenir compte
pour ce qui est des anciens textes de lois ....
Bien que respectant les doutes exprimés par lord
Reid, je dois dire que lord Jamieson a fait preuve
d'une logique implacable dans la décision écossaise
Alexander c. Mackenzie 5 :
[TRADUCTION] Les projets de lois déposés devant le Parlement
sont ponctués; sinon, les législateurs qui les adoptent, dans leur
forme ponctuée, ne pourraient en saisir le sens. Il me semble n'y
avoir aucune raison valable pour ne pas tenir compte de la
ponctuation dans l'interprétation d'une loi adoptée dans cette
forme ....
La ponctuation ne peut conférer à une interpréta-
tion un degré d'exactitude tel qu'il se révèle par la
suite inutile de se reporter à la loi dans son ensem
ble pour interpréter l'une de ses dispositions; mais
il reste que c'est un élément qui mérite très certai-
nement d'être considéré. La Cour suprême du
Canada a récemment mis de nouveau l'accent sur
la nécessité de tenir compte de l'ensemble de la loi
dont est issue la disposition à interpréter 6 :
Lord Herschell a formulé, dans l'arrêt Colquhoun v. Brooks
((1889), 14 A.C. 493), l'une des règles cardinales d'interpréta-
tion d'un texte législatif; il a écrit à la p. 506:
[TRADUCTION] En outre, nous avons indiscutablement le
droit et, en réalité, le devoir d'interpréter une disposition
législative en tenant compte de toutes les autres dispositions
de la loi qui précisent l'intention du législateur et tendent à
montrer qu'une disposition ne doit pas recevoir la même
interprétation que si elle était considérée isolément et indé-
pendamment du reste.
Dans l'arrêt Canada Sugar Refining Company, Limited v.
The Queen ([1898] A.C. 735), lord Davey a déclaré à la p. 741:
[TRADUCTION] ... Chaque article d'une loi doit s'interpréter
en regard du contexte et des autres articles de la loi de sorte
que, dans la mesure du possible, l'ensemble de la loi ou des
lois connexes forme un tout logique.
Les définitions suivantes de la Loi sont pertinen-
tes en l'espèce:
2. En la présente loi à moins que le contexte n'exige une
interprétation différente,-
5 [1947] J.C. 155, la page 166.
6 La Reine c. Compagnie Immobilière BCN Limitée [1979] 1
R.C.S. 865, la p. 872.
(d) «bande» signifie une tribu, une peuplade ou un corps de
sauvages qui possède une réserve ou des terres des sauvages
en commun, dont le titre légal est attribué à la Couronne, ou
qui y est intéressé, ou qui participe également à la distribu
tion d'annuités ou d'intérêts dont le gouvernement du
Canada est responsable, et, lorsque quelque décision est prise
par elle en cette qualité, signifie la bande en conseil;
(/) «sauvage» signifie
(i) tout individu du sexe masculin et de sang sauvage,
réputé appartenir à une bande particulière,
(ii) tout enfant de tel individu,
(iii) toute femme qui est ou a été légalement mariée à un
tel individu;
(i) «réserve» signifie toute étendue de terre mise à part, par
traité ou autrement, pour l'usage ou le profit d'une bande
particulière de sauvages, ou concédé à cette bande, et dont le
titre légal est attribué à la Couronne, mais qui fait encore
partie de la réserve, et comprend les arbres, le bois, la terre,
la pierre, les minéraux, les métaux, ou autres choses de
valeur qui se trouvent à la surface ou à l'intérieur du sol;
Nous n'avons pas à nous préoccuper, pour l'ins-
tant, des «terres des sauvages» ou des «annuités ou
... intérêts» mais uniquement du sens du mot
«réserve».
Aux termes de la définition, un sauvage est une
personne de sexe masculin réputé appartenir à une
bande; sont également considérés comme des sau-
vages l'épouse ou la veuve de ce dernier et ses
enfants. Une bande est un corps de sauvages com-
prenant, entre autres, des adultes de sexe mascu-
lin, qui possèdent une réserve ou y sont intéressés.
En vertu de l'alinéa 2(i), une réserve signifie une
étendue de terre mise à part à l'intention de la
bande, et non d'une fraction de la bande.
Sous réserve de l'article 24 qui traite du privi-
lège réservé au sauvage qui possédait un bien-
fonds avant l'inclusion de celui-ci dans une réserve,
le seul moyen pour un sauvage de revendiquer, à
titre individuel, la possession légale d'un bien-
fonds dans une réserve consistait à se voir attribuer
«par la bande ou par le conseil de la bande, avec
l'approbation du surintendant général» ledit bien-
fonds, ou à recevoir un certificat d'occupation du
commissaire des sauvages, comme le prévoit l'arti-
cle 21. Le certificat d'occupation devait servir à
prouver le droit de possession du sauvage jusqu'à
concession du titre d'occupation. La location
devait aboutir à un titre d'occupation qui pouvait
être cédé ou dévolu sous réserve des dispositions de
la Loi. Les articles 26 et 27 prévoient le droit des
enfants mineurs et des veuves d'acquérir, par
transmission, des intérêts dans des terrains.
La Loi est truffée de renvois à «une réserve» ou à
«des réserves» affectées pour les sauvages, mais il
n'est fait mention nulle part d'une réserve pour les
sauvages de sexe masculin ayant atteint l'âge de
vingt et un ans révolus.
La Loi semble fonctionner ainsi: sauf les ter
rains compris dans une réserve, qu'un sauvage
possède à titre privé, les terrains d'une réserve sont
détenus pour le profit de la bande toute entière,
c'est-à-dire pour le profit de tous ses membres, y
compris les femmes et les enfants, et non seule-
ment pour le profit de ses membres adultes de sexe
masculin. Cela étant, la proposition première vou-
lant que le paragraphe 49(1) ait été rédigé de
façon à spécifiquement prévoir qu'une majorité de
ceux qui ont un intérêt dans le bien-fonds en
approuve la cession, ne peut trouver de fondement
dans la loi considérée dans son ensemble.
La Loi ne confère pas aux bandes un pouvoir de
surveillance énorme, mais il existe, malgré tout, un
certain nombre de dispositions qui exigent le con-
sentement de la bande. L'article 12 exige le «con-
sentement de la bande» pour reconnaître tout
enfant illégitime comme membre de la bande.
L'article 17 dispose qu'il faut la «majorité des
votes d'une bande ou du conseil d'une bande» pour
qu'un sauvage d'une autre bande soit reçu membre
de la bande. L'article 90 prévoit que le gouverneur
en conseil peut, «du consentement d'une bande»,
autoriser certains emplois de capitaux. Les articles
97 et 98 autorisent «le chef ou les chefs d'une
bande en conseil» à faire des règles et des règle-
ments portant sur un certain nombre de sujets fort
variés, tels que la confession religieuse à laquelle
doit appartenir l'instituteur de l'école établie sur la
réserve et la destruction des mauvaises herbes. Je
mentionne brièvement l'article 122 où le «consen-
tement de la bande» est posé comme condition et
l'article 123 qui confère à «une bande, dans un
conseil» un pouvoir décisionnel (ces articles, toute-
fois, ne s'appliquent pas aux bandes installées en
Alberta). A mon avis, les dispositions de la Partie
II de la Loi ne sont d'aucune utilité pour détermi-
ner si le conseil ou l'assemblée convoquée en vertu
du paragraphe 49(1) devait être composée unique-
ment des adultes de sexe masculin ou de la bande
toute entière, bien que ses adultes de sexe masculin
fussent les seuls membres autorisés à voter.
Les articles 166 et 167 disposent que:
166. Lors de l'élection d'un chef ou de chefs, ou de la
délibération de quelque consentement ordinaire à donner par
une bande en vertu de la présente loi, ceux qui ont droit de vote
au conseil ou à l'assemblée sont les hommes membres de la
bande qui ont atteint l'âge de vingt et un ans; et le vote de la
majorité de ces membres dans un conseil ou une assemblée de
la bande, convoquée selon ses usages, et tenue en la présence du
surintendant général ou d'un agent agissant d'après ses instruc
tions, suffit pour décider l'élection ou donner le consentement.
167. Si une bande a un conseil de chefs ou de conseillers,
tout consentement ordinaire à donner par la bande peut être
donné par le vote de la majorité de ces chefs ou conseillers, à un
conseil convoqué selon ses usages, et tenu en présence du
surintendant général ou de son agent.
Selon les termes de l'article 166, l'élection d'un
chef ou de chefs et, selon les termes du paragraphe
49(1), la ratification d'une cession partielle d'une
réserve ne sont pas des questions qui nécessitent un
«consentement ordinaire» donné par un conseil de
chefs en vertu de l'article 167, plutôt que par la
bande toute entière. Dans la version anglaise, l'ex-
pression «council or meeting thereof» est employée
et à l'article 166 et au paragraphe 49(1). A l'arti-
cle 166, le terme «thereof» renvoie clairement au
terme «band» et non à l'expression «male members
of the band, of the full age of twenty-one years»
puisqu'il suit le mot «band» et qu'il précède immé-
diatement l'expression susmentionnée. Si l'article
166 n'existait pas, le terme «thereof» du paragra-
phe 49(1) pourrait renvoyer soit à la bande soit
aux adultes de sexe masculin; toutefois, le paragra-
phe 49(3) emploie l'expression «assented to by the
band at such council or meeting», faisant ainsi
référence au conseil ou à l'assemblée convoquée en
vertu du paragraphe 49(1).
Pour ces motifs, je conclus que le conseil ou
l'assemblée qui doit être convoquée en vertu du
paragraphe 49(1) est un conseil ou une assemblée
de la bande. Il ne s'agit pas d'un conseil ou d'une
assemblée composée uniquement des adultes de
sexe masculin de la bande, mais bien d'une assem
blée de la bande toute entière dont seuls les adultes
de sexe masculin sont admissibles à voter. Dans les
circonstances, je dois tenir pour acquis que cette
assemblée a été régulièrement convoquée et tenue,
même si j'ai été prévenu de la contestation possible
de cette thèse au cours de procédures ultérieures.
Ce qui est aujourd'hui l'article 21 de la Loi
d'interprétation' n'était pas en vigueur en 1908.
Toutefois, il existe des règles de common law qui
traitent des questions de quorum et de majorité.
Dans le cas des sociétés dont la charte ne ren-
ferme aucune disposition spéciale contraire, la
common law fait une distinction entre les sociétés
composées d'un nombre défini de personnes et
celles composées d'un nombre indéfini de person-
nes. Lorsque le ncmbre de personnes est défini,
comme dans le cas d'une société ecclésiastique
composée d'un doyen et de douze chanoines, le
quorum pour fins de décision est formé d'une
majorité de ces personnes et les décisions ainsi
prises sont réputées celles de ladite société 8 . Toute-
fois, lorsque le nombre des membres est indéfini,
comme dans le cas d'un conseil municipal composé
d'un maire, de douze échevins et d'un nombre
indéterminé de citoyens, les personnes réunies en
assemblée, bien que ne représentant pas la majo-
rité de toutes les personnes concernées, forment
quorum et les décisions prises par la majorité de
ces personnes réunies en assemblée sont réputées
les décisions du conseil municipal. 9 Dans le cas
d'organismes non constitués, lorsqu'il s'agit de
déléguer à des personnes désignées des fonctions à
caractère public, toutes les personnes concernées
participent au processus décisionnel mais la déci-
sion de la majorité est réputée la décision de
l'organisme. 10 Toutefois, lorsqu'un tel organisme
est composé d'un nombre indéterminé de person-
nes comme, par exemple, une conférence ecclésias-
tique générale, les votants sont réputés constituer
le quorum nécessaire et la décision de la majorité
de ces derniers est réputée la décision de
l'organisme. " Par voie de conséquence, la common
law considère les abstentionnistes comme des per-
sonnes qui ne sont ni en faveur ni contre les
mesures et elles les empêchent, du seul fait de leur
abstention, de contrecarrer le désir de l'organisme,
qu'il s'agisse ou non d'une société, tel que ce désir
a été exprimé par une majorité des personnes qui,
d'un côté ou de l'autre, se sont intéressées au
processus décisionnel.
' S.R.C. 1970, c. I-23.
8 D' Hascard c. D' Somany (1663) 89 E.R. 380.
9 R. c. Varlo, Mayor of Portsmouth (1775) 98 E.R. 106 . 8.
10 Grindley c. Barker (1798) 126 E.R. 875.
Itter c. Howe (1897) 23 Ont.App. 256.
Dans certains cas, la common law peut exiger
que le quorum d'un organisme non constitué, com-
posé d'un nombre indéfini de personnes, corres-
ponde à la majorité de ce nombre indéfini de
personnes plutôt qu'à la majorité des personnes qui
ont réellement voté. Cette thèse s'applique dans le
domaine de la négociation collective où le désir
[TRADUCTION] «d'une majorité des employés» doit
être établi. 12
J'ai étudié très attentivement la politique sous-
jacente visant à garantir aux Indiens la possession
de leurs terres. La Proclamation royale de 1763 13
et les diverses Lois sur les Indiens adoptées par le
Parlement font clairement ressortir cette préoccu-
pation. Les demandeurs font valoir que, compte
tenu de cette politique, la meilleure interprétation
du paragraphe 49(1) devrait être celle qui rend le
processus d'aliénation des terres par les Indiens le
plus difficile possible. Il faut toutefois souligner
qu'au contraire, cette politique, telle que véhiculée
par la Proclamation royale et les Lois sur les
Indiens adoptées ultérieurement, a toujours permis
aux Indiens de céder leurs terres. Par conséquent,
rien dans cette politique ne m'oblige à conclure
que l'article 49 devrait recevoir une interprétation
différente de celle qu'il aurait normalement si l'on
applique les règles reconnues d'interprétation telles
que je les ai appliquées, en l'espèce, à la lumière de
mes connaissances.
L'assentiment exigé en vertu du paragraphe
49(1) était l'assentiment de la bande Enoch et non
l'assentiment des seuls adultes de sexe masculin de
cette bande. Ces derniers étaient les seules person-
nes de la bande admissibles à voter et bien qu'ils
ne fussent pas nombreux en 1908, leur nombre
était, au sens de la common law, plutôt indéfini
que défini. Une majorité de ces personnes était
présente à l'assemblée ou au conseil convoqué le 13
mai 1908. Il est donc clair qu'il y avait quorum; il
est possible que le quorum aurait pu être constitué
par un nombre moindre de personnes que la majo-
rité d'entre elles, mais je n'ai pas à trancher cette
question. Une majorité de ce quorum a donné son
accord à la cession. La décision de cette majorité
était celle de la bande. Étant posée sous une forme
négative, la première question emporte une
12 Glass Bottle Blowers' Association c. Dominion Glass Co.
Ltd. [1943] O.W.N. 652.
13 S.R.C. 1970, Appendice II, n° 1.
réponse négative. La cession n'était donc pas nulle
du fait que, tout en ayant été ratifiée par une
majorité des adultes de sexe masculin au conseil ou
à l'assemblée, elle ne l'a pas été par la majorité de
tous les adultes de sexe masculin de la bande
Enoch.
Les deux parties ont demandé l'adjudication des
frais en leur faveur. Elles n'ont toutefois pas pré-
senté d'argument quant à l'ordonnance appropriée
à rendre en l'espèce. En conclusion, la défende-
resse a droit aux frais et pourra demander, dans un
délai de trente jours, en vertu des Règles 324 et
344, que la Cour rende une ordonnance à cet effet.
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