T-3286-79
Le soldat Donald Allen Esaryk (Requérant)
c.
Le lieutenant-colonel M. A. Bisai (Intimé)
Division de première instance, le juge Mahoney—
Edmonton, le 11 septembre; Ottawa, le 14 septem-
bre 1979.
Brefs de prérogative — Prohibition — Pratique — Cour
martiale — Le résumé établi par l'officier faisait état de faits
relatifs à des infractions reprochées que l'intimé avait cherché,
à l'origine, à joindre à celle à laquelle il limitait sa poursuite
— Situation semblable à celle d'un accusé renvoyé pour subir
un procès par un magistrat qui a considéré des preuves qu'il
n'aurait pas dû admettre — L'intimé n'est pas incompétent
Requête rejetée — Ordonnances et Règlements royaux appli-
cables aux forces canadiennes, c. 109, art. 109.02.
DEMANDE.
AVOCATS:
P. B. Gunn pour le requérant.
P. Kremer pour l'intimé.
PROCUREURS:
Gunn, Hardy & Co., Edmonton, pour le
requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY: L'intimé est président
d'une cour martiale permanente qui juge le requé-
rant sur certaines accusations en rapport avec les
stupéfiants. Il a ajourné la Cour martiale pour
permettre l'introduction de la présente requête. La
demande est fondée sur les faits suivants:
L'une des accusations est ainsi rédigée:
[TRADUCTION] En ce qu'entre le 11 août 1978 et le 25
novembre 1978, au voisinage de la base des Forces canadiennes
de Cold Lake, il a illégalement vendu une certaine quantité
d'une substance qu'il estimait être du cannabis sativa sous
forme de cannabis (marihuana) au soldat J. G. KRUIVITSKY, n°
matricule 249 134 727.
Il ressortit toutefois des preuves présentées à l'ap-
pui de cette accusation, que celle-ci visait plus
d'une infraction. L'avocat du requérant fit donc
objection, et l'intimé admit l'objection. L'audition
se poursuivit et la preuve de cette accusation fut
achevée. Pendant l'interruption pour le déjeuner,
l'avocat du requérant prit connaissance de l'article
109.02 des Ordonnances et Règlements royaux
applicables aux forces canadiennes, c. 109.
Selon l'esprit général des ORFC, lorsqu'un offi-
cier décide de ne pas régler lui-même une affaire
disciplinaire, il la renvoie à l'autorité supérieure
qui, elle, peut juger l'affaire sommairement, lever
l'accusation ou réunir une cour martiale pour la
juger. En effectuant ce renvoi, l'officier doit
remettre un résumé. Voici ce que dit l'article
109.02 ce sujet:
109.02 .. .
(2) Le sommaire doit:
b) ne doit contenir aucune mention, directe ou indirecte
(ii) de faits préjudiciables à l'accusé, à part ceux qui se
rapportent immédiatement à l'accusation; ..
Dans la présente cause, le résumé faisait état de
faits relatifs à trois infractions alléguées qu'on
avait, à l'origine, cherché à joindre à celle à
laquelle l'intimé limitait l'accusation.
Dans son opposition à la requête, l'avocat de
l'intimé ne s'est pas fondé sur le dictum de
MacKay c. Rippon', selon lequel la Cour aurait
aucune compétence pour connaître de la requête.
De mon côté je la tiendrai pour compétente. Je
m'abstiendrai également d'analyser la tautologie
que paraît contenir la thèse du requérant.
Le fait que l'officier saisi ait disposé d'informa-
tions qu'en définitive il n'aurait pas dû avoir, ne
crée pas, à mon avis, une situation analogue à celle
examinée dans Doyle c. La Reine 2 , où le magistrat
n'avait pas permis à l'accusé de faire de choix, ni à
celles examinées dans des jugements récents de
l'Alberta et de la Colombie-Britannique', dans
lesquelles la dénonciation n'avait pas été confirmée
par un juge de paix. Un tel choix et une telle
confirmation sont expressément exigés par le Code
criminel, S.R.C. 1970, c. C-34.
[1978] 1 C.F. 233, à la p. 246.
2 [1977] 1 R.C.S. 597.
3 La Reine c. McGinnis, jugement rendu le 14 juin 1979
(Cour suprême de l'Alberta). Maximick c. Keefer, jugement
rendu le 1°' mars 1979 (C.S.C.-B.).
L'intimé s'appuie sur le dictum du jugement de
la Cour suprême de Nouvelle-Écosse dans Tren-
holm c. Le Roi.'
[TRADUCTION] Même si les vices de procédure constituent la
base de l'argumentation du requérant, ces vices ou erreurs ne
rendent aucunement le tribunal militaire incompétent, pas plus
que les erreurs d'un magistrat lors d'une enquête préliminaire
ne retirent à la Cour de première instance sa compétence pour
juger l'accusé que ce magistrat lui renvoie.
Même si ce principe est quelque peu trop général à
la lumière du jugement Doyle, il semble toutefois
pertinent à l'égard du type d'erreur allégué ici.
La situation du requérant est semblable ici à
celle d'un accusé renvoyé pour subir son procès par
un magistrat qui a examiné des preuves qu'il n'au-
rait pas dû recevoir. Or je ne sache point que de
telles circonstances rendent la cour de première
instance incompétente.
JUGEMENT
La requête est rejetée avec dépens.
4 [1948] 1 D.L.R. 372, à la p. 374.
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