A-677-78
Mario Carota (Appelant) (Demandeur)
c.
Donald Jamiesmi, Marcel Lessard et le procureur
général du Canada (Intimés) (Défendeurs)
Cour d'appel, les juges Urie et Le Dain et le juge
suppléant Kerr—Halifax, le 22 juin; Ottawa, le 25
septembre 1979.
Couronne — Brefs de prérogative — Accord conclu entre les
gouvernements du Canada et de l'Île-du-Prince -Edouard sur
la mise en oeuvre d'un programme complet d'aménagement
rural — La modification ne prévoit pas la participation du
public — Appel contre le rejet de l'action reprochant au
ministre fédéral de l'Expansion économique régionale d'avoir
manqué à l'obligation que lui faisait la Loi d'assurer la
participation du public — Loi sur le Fonds de développement
économique rural, S.C. 1966-67, c. 41, art. 4(1), 5a),b) — Loi
de 1969 sur l'organisation du gouvernement, S.C. 1968-69, c.
28, art. 102(2),(4) — Loi sur le ministère de l'Expansion
économique régionale, S.R.C. 1970, c. R-4, art. 5, 6, 7, 8 —
Loi n° 5 de 1973 portant affectation de crédits, S.C. 1973-74,
c. 47, crédit n° 1 1 a — Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, c.
1-23, art. 35.
Appel formé contre un jugement de la Division de première
instance rejetant une action intentée en vue d'obtenir un juge-
ment déclaratoire et d'autres redressements à l'égard d'un
prétendu manquement, de la part du ministre fédéral de l'Ex-
pansion économique régionale, à l'obligation que lui imposait la
Loi d'assurer la participation du public à l'élaboration et à la
mise en œuvre de la deuxième phase d'un programme détaillé
et complet d'aménagement rural de l'île-du-Prince-Édouard.
Le programme, appelé «Plan», a été établi à la suite d'un accord
conclu entre le Canada et l'Île-du-Prince -Edouard. La modifi
cation n° 3 de l'accord, conclue en 1975, ne comporte aucune
mention spécifique d'un programme de participation publique
ou d'allocation de fonds à cet effet, comme il y en avait dans le
Plan initial et dans le relevé des coûts afférents au «Premier
mémoire de mise en oeuvre». L'appelant allègue qu'au moment
de l'élaboration et de la signature de la modification n° 3, le
ministre de l'Expansion économique régionale n'a pris aucune
disposition pour assurer la participation du public à l'élabora-
tion et à la réalisation du Plan, ainsi que le requiert l'article
7(2) de la Loi sur le ministère de l'Expansion économique
régionale. La défense admet que le Ministre ne s'est pas
conformé à cette disposition mais soutient qu'elle n'est pas
applicable aux accords de modification. Une simple question de
droit était en litige en première instance: le Ministre était-il
requis par la Loi de prévoir la participation du public dans
l'accord de modification?
Arrêt: l'appel est rejeté. La Loi n'oblige pas le Ministre à
prévoir la participation du public dans l'accord de modification.
Quand bien même il aurait créé une obligation légale, l'article
5a) de la Loi sur le Fonds de développement économique rural,
qui dans sa définition de «programme détaillé et complet
d'aménagement rural» prévoyait la participation des résidents,
ne s'appliquait plus à l'accord de modification lorsque celui-ci
fut conclu en 1975. Cet article définissait le genre d'accord qui
pouvait être conclu, mais ne saurait s'appliquer à une modifica
tion d'accord plusieurs années après son abrogation. L'appelant
soutient que diverses dispositions légales ont opéré le transfert
au ministre de l'Expansion économique régionale de l'obligation
légale d'assurer la participation du public, mais s'il y a eu
certes transfert de pouvoirs, d'obligations et de fonctions, la
question demeure de savoir en quoi consistent ces pouvoirs,
obligations et fonctions. Bien que l'accord demeure en vigueur
en vertu de la Loi d'interprétation, le membre de phrase
«demeure valide comme si cet accord avait été conclu confor-
mément à la présente loi» qui figure à l'article 102(4) de la Loi
de 1969 sur l'organisation du gouvernement ne signifie pas
davantage. On ne peut conclure de ces mots, tirés d'une disposi
tion qui se rapporte à trois lois, que les dispositions de la Partie
IV de la Loi de 1969, devenue la Loi sur le ministère de
l'Expansion économique régionale, s'appliquent mutatis
mutandis à l'Accord. Si telle avait été l'intention du Parlement,
il l'aurait certes exprimée de façon expresse. La Loi sur le
ministère de l'Expansion économique régionale ne s'applique
pas à l'accord de 1975, lequel tire toute sa valeur juridique de
la Loi n° 5 de 1973 portant affectation de crédits.
APPEL.
AVOCATS:
M. Carota pour son propre compte (appelant)
(demandeur).
J. A. Ghiz pour les intimés (défendeurs)
Donald Jamieson et Marcel Lessard.
R. P. Hynes pour l'intimé (défendeur) procu-
reur général du Canada.
PROCUREURS:
Scales, Ghiz, Jenkins & McQuaid, Charlotte-
town, pour les intimés (défendeurs) Donald
Jamieson et Marcel Lessard.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé (défendeur) procureur général du
Canada.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE LE DAIN: Il s'agit de l'appel d'un
jugement de la Division de première instance
[[1979j 1 C.F. 735] rejetant une action intentée en
vue d'obtenir un jugement déclaratoire et d'autres
redressements à l'égard d'un prétendu manque-
ment, de la part du ministre fédéral de l'Expansion
économique régionale, à l'obligation que lui impo-
sait la Loi d'assurer la participation du public à
l'élaboration et à la mise en oeuvre de la deuxième
phase du programme détaillé et complet d'aména-
gement rural de l'Île-du-Prince -Edouard.
Le programme, généralement appelé «Plan», a
été établi à la suite d'un accord (ci-après appelé
l'«Accord») conclu entre le Canada et l'Île-du-
Prince-Édouard en vertu, du moins en ce qui con-
cerne le Canada, du décret du conseil C.P. 1969-
454 daté du 6 mars 1969. L'Accord a été conclu le
7 mars 1969 aux termes de l'article 4(1) de la Loi
sur le Fonds de développement économique rural,
S.C. 1966-67, c. 41, dont voici le libellé:
4. (1) Le Ministre peut, sur la recommandation du conseil
consultatif et avec l'approbation du gouverneur en conseil,
conclure avec toute province un accord en vue
a) d'entreprendre conjointement avec la province ou un de
ses organismes un programme détaillé et complet d'aménage-
ment rural dans des régions spéciales d'aménagement rural;
ou
b) de verser à la province des contributions relatives au coût
d'un programme détaillé et complet d'aménagement rural
dans des régions spéciales d'aménagement rural, entrepris
par le gouvernement de la province ou un de ses organismes.
L'article 5 définit de la façon suivante «le pro
gramme détaillé et complet d'aménagement rural»
et «les régions spéciales d'aménagement rural»:
5. Pour les objets de la présente loi,
a) un programme détaillé et complet d'aménagement rural
est un programme, comprenant divers projets d'aménage-
ment, qui est conçu pour favoriser le développement social et
économique d'une région spéciale d'aménagement rural, ainsi
que pour accroître les possibilités de revenu et d'emploi et
relever le niveau de vie dans la région et qui prévoit la
participation des résidents de la région à la mise en oeuvre du
programme; et
b) une région spéciale d'aménagement rural est une région
surtout rurale, comprise dans une province, qui est désignée
dans un accord conclu entre le Ministre et la province aux
termes de l'article 4 comme étant une région où les revenus
sont généralement faibles à cause de problèmes d'adaptation
économique et sociale et qui, de l'avis du conseil fondé sur les
renseignements soumis par la province relativement à la
situation physique, économique et sociale de la région, pré-
sente des possibilités raisonnables de développement écono-
mique et social.
Dans sa forme initiale, l'annexe «A» de l'Accord
comprenait un [TRADUCTION] «Premier mémoire
de mise en oeuvre» et le Plan détaillé. A l'article 1
du mémoire de mise en oeuvre, l'Île-du-Prince-
Édouard était désignée comme une région spéciale
d'aménagement rural, conformément à l'article
Sb) de la Loi sur le Fonds de développement
économique rural:
[TRADUCTION] 1. Le territoire de la province est, par les
présentes, désigné région spéciale d'aménagement rural confor-
mément à l'article 5b) de la Loi, et la stratégie de développe-
ment élaborée à l'annexe «A» de l'Accord sera le programme
détaillé et complet d'aménagement rural pour la région, conclu
aux termes de l'article 4 de la Loi.
L'Accord devait rester en vigueur pendant
quinze ans, soit jusqu'au 31 mars 1984. Il pré-
voyait trois phases de mise en oeuvre de cinq ans
chacune. L'article 7 traite de la modification de
l'Accord:
[TRADUCTION] 7. Advenant que le Canada et la province
conviennent que des études ou des renseignements supplémen-
taires portant sur ladite région ou qu'une réévaluation des
répercussions du Plan établissent que les objectifs et la stratégie
fondamentale décrits à l'annexe «A» appellent des changements
ou des modifications, le présent accord peut être, à l'occasion,
révisé par les parties en cause et, s'il y a lieu, modifié avec
l'approbation du gouverneur en conseil et du lieutenant-gouver-
neur en conseil; mais, en tout état de cause, il doit être révisé
avant le 31 mars 1972.
Initialement, le plan prévoyait la participation
du public à son élaboration et à sa mise en oeuvre.
On trouve dans le [TRADUCTION] «Relevé des
coûts et services de la première phase du pro
gramme détaillé et complet d'aménagement de
l'île-du-Prince -Edouard» un montant de $10,082,-
000 affecté au poste 4.3 intitulé [TRADUCTION]
«Participation publique», dont $7,560,000 devaient
être fournis par le gouvernement fédéral et
$2,522,000 par la province.
La Loi sur le Fonds de développement économi-
que rural a été abrogée par la Loi de 1969 sur
l'organisation du gouvernement, S.C. 1968-69, c.
28, qui est entrée en vigueur le 1" avril 1969. La
Partie IV prévoit la création d'un ministère de
l'Expansion économique régionale ayant à sa tête
le ministre de l'Expansion économique régionale
dont les attributions portent notamment sur «l'ex-
pansion économique et le relèvement social» dans
les «zones spéciales». Les paragraphes (2) et (4) de
l'article 102 de cette Loi prévoient le maintien de
l'Accord:
102... .
(2) Chaque fois qu'en vertu de quelque décret, règle ou
règlement, ou de quelque contrat, bail, permis ou autre docu
ment, le ministre des Forêts et du Développement rural, le
sous-ministre des Forêts et du Développement rural ou un autre
fonctionnaire du ministère des Forêts et du Développement
rural, est investi d'un pouvoir ou d'une fonction, ou peut
l'exercer, relativement à la Loi sur le Fonds de développement
économique rural ou relativement à une question non prévue
par le paragraphe (1) et qui relève selon la présente loi des
pouvoirs ou fonctions du ministre de l'Expansion économique
régionale, le pouvoir ou la fonction sont conférés au ministre de
l'Expansion économique régionale, au sous-ministre de l'Expan-
sion économique régionale, ou au fonctionnaire compétent du
ministère de l'Expansion économique régionale, selon le cas, et
doivent ou peuvent être exercés par lui, à moins que le gouver-
neur en conseil, par décret, ne désigne pour les exercer un autre
ministre, sous-ministre ou fonctionnaire d'un ministère ou
département de la fonction publique du Canada.
(4) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), tout accord
conclu avant l'entrée en vigueur de la présente loi en conformité
de la Loi sur le Conseil de développement économique de la
région atlantique, de la Loi sur le Fonds de développement
économique rural ou de la Partie II de la Loi sur le ministère
de l'Industrie demeure valide comme si cet accord avait été
conclu conformément à la présente loi.
Par la suite, cette Partie IV est devenue la Loi
sur le ministère de l'Expansion économique régio-
nale, S.R.C. 1970, c. R-4, qui est entrée en vigueur
le 15 juillet 1971. Les articles 23, 24, 25 et 26 de
l'ancienne Loi, cités en référence dans les plaidoi-
ries, sont devenus respectivement les articles 5, 6, 7
et 8 de la nouvelle Loi. Pour des raisons de com-
modité, ils sont reproduits ci-après, tels que libellés
au chapitre R-4 des Statuts revisés de 1970, puis-
que ce sont ces dispositions qui étaient en vigueur
lors de la conclusion de l'accord de modification
faisant l'objet du litige:
5. Les fonctions et pouvoirs du Ministre englobent
a) toutes les questions qui sont du ressort du Parlement du
Canada, que les lois n'attribuent pas à quelque autre minis-
tère, département, direction ou organisme du gouvernement
du Canada, et qui concernent l'expansion économique et le
relèvement social dans les zones qui exigent des mesures
spéciales destinées à accroître les possibilités d'emploi pro-
ductif et à faciliter l'accès à ces emplois; et
b) les autres questions relatives à l'expansion économique et
au relèvement social qui sont du ressort du Parlement du
Canada et que les lois attribuent au Ministre.
6. Le gouverneur en conseil, après consultation avec le gou-
vernement de toute province, peut, par décret, désigner une
région de cette province à titre de zone spéciale, pour la période
spécifiée dans le décret, lorsqu'on a constaté qu'elle exige des
mesures spéciales destinées à favoriser l'expansion économique
et le relèvement social, par suite de l'insuffisance exceptionnelle
des possibilités d'emploi productif pour la population de cette
région ou du territoire dont fait partie cette région.
7. (1) Dans l'exercice de ses pouvoirs et fonctions en vertu
de l'article 5, le Ministre doit,
a) en collaboration avec d'autres ministères, départements,
directions ou organismes du gouvernement du Canada, éla-
borer des plans en vue de l'expansion économique et du
relèvement social des zones spéciales; et
b) avec l'approbation du gouverneur en conseil, pourvoir à la
coordination dans la mise en oeuvre de ces plans par les
ministères, départements, directions et organismes du gou-
vernement du Canada et réaliser les parties de ces plans dont
la réalisation ne peut être assumée convenablement par ces
autres ministères, départements, directions et organismes.
(2) Dans l'élaboration et la réalisation de plans en vertu du
paragraphe (1), le Ministre doit prendre les dispositions néces-
saires pour assurer une collaboration appropriée avec les pro
vinces dans lesquelles sont situées les zones spéciales ainsi que
la participation de personnes, de groupes bénévoles et de corps
constitués, dans ces zones spéciales. ,
8. (1) Le Ministre peut, en collaboration avec une province,
élaborer un plan d'expansion économique et de relèvement
social dans une zone spéciale et, avec l'approbation du gouver-
neur en conseil et sous réserve des règlements, conclure avec
cette province un accord prévoyant la réalisation conjointe de
ce plan.
(2) Nonobstant le paragraphe (1), la négociation détaillée
d'un projet d'accord en vertu du présent article ne doit pas être
entamée par le Ministre ou en son nom à moins que le plan
auquel se rapporte le projet d'accord n'ait d'abord été approuvé
par le gouverneur en conseil.
(3) Un accord conclu en conformité du présent article peut
être conclu avec une ou plusieurs provinces pour une ou plu-
sieurs zones spéciales et
a) doit prévoir l'utilisation, lorsqu'il y a lieu, des services et
installations d'autres ministères, départements, directions et
organismes du gouvernement du Canada;
b) peut prévoir le paiement à une province de contributions
relatives au coût des programmes et projets auxquels se
rapporte l'accord et qui doivent être entrepris par le gouver-
nement de la province ou par un organisme de celui-ci, ou au
coût de certains de ces programmes ou projets; et
c) peut prévoir que le Canada et la province peuvent obtenir
la constitution en corporation d'un ou plusieurs organismes
- ou autres corps constitués, sous le contrôle conjoint du
Canada et de la province, et ayant pour objet d'entreprendre
ou mettre en ouvre tout ou partie des programmes ou projets
auxquels se rapporte l'accord.
Après l'abrogation de la Loi sur le Fonds de
développement économique rural, deux modifica
tions ont été apportées à l'Accord, préalablement à
celle présentement en litige. La première modifica
tion a été faite en 1971. D'après le décret du
conseil C.P. 1971-1105 du 8 juin 1971, autorisant
le ministre de l'Expansion économique régionale à
conclure un accord de modification, celle-ci fut
apportée [TRADUCTION] «en vertu des articles 23
et 102 de la Loi de 1969 sur l'organisation du
gouvernement et de l'article 7 de l'Accord sur le
Plan d'ensemble d'aménagement rural de l'Île-du-
Prince-Édouardn. Cette modification touchait les
dispositions financières relatives à certains pro-
grammes. En effet, comme l'indique le relevé des
coûts, un montant de $5,082,000 fut affecté au
poste 4.3 intitulé «Participation publique», dont
$3,810,000 devaient être fournis par le gouverne-
ment fédéral et $1,272,000 par la province. Une
deuxième modification fut apportée en 1973.
D'après le décret du conseil C.P. 1973-16/1179 du
22 mai 1973, autorisant le ministre de l'Expansion
économique régionale à conclure un accord de
modification, celle-ci fut apportée [TRADUCTION]
«en vertu de l'article 5 de la Loi sur le ministère de
l'Expansion économique régionale, de l'article 102
de la Loi de 1969 sur l'organisation du gouverne-
ment et de l'article 7 de l'Accord sur le plan
d'ensemble d'aménagement rural de l'Île-du-
Prince-Édouard». Cette modification substituait à
l'ancien un nouveau relevé des coûts pour la pre-
mière phase du programme. Un montant de
$3,957,000 fut affecté au poste 4.3 intitulé «Parti-
cipation publique», dont $2,968,000 devaient être
versés par le gouvernement fédéral et $989,000 par
la province. Une troisième modification, qui fait
l'objet du présent litige, a été apportée en 1975.
D'après le décret du conseil C.P. 1975-3/2195 du
18 septembre 1975, autorisant le ministre de l'Ex-
pansion économique régionale à conclure un
accord de modification, celle-ci fut apportée [TRA-
DUCTION] «en vertu du crédit n° 11a de la Loi n° 5
de 1973 portant affectation de crédits». Ce crédit à
l'expansion économique régionale, qui se chiffrait
à $1.00, était libellé en ces termes:
11a Pour autoriser le ministre de l'Expansion économique
régionale à conclure des accords généraux de développement
avec les provinces, sous réserve de l'approbation du gouver-
neur en conseil, qui prévoieront des mesures visant à l'expan-
sion économique et au redressement social des régions cana-
diennes qui comptent sur ces mesures pour mieux pouvoir
créer des emplois productifs et rendre ces emplois plus
accessibles, et, conformément à ces accords généraux de
développement et à toute prescription qui pourra émaner du
gouverneur en conseil, à conclure des accords auxiliaires
d'application des accords généraux, et pour prévoir les contri
butions établies par les accords généraux de développement
et les accords d'application; pour autoriser aussi le virement
au présent crédit de $14,999,999 du crédit 10 (Expansion
économique régionale) de la Loi n° 4 de 1973 portant affec
tation de crédits ... .
La modification n° 3, qui est entrée en vigueur le
23 octobre 1975, comporte un [TRADUCTION]
«Second mémoire de mise en oeuvre» et une [TRA-
DUCTION] «Stratégie de développement» pour la
deuxième phase du Plan, à commencer le 1 er avril
1975. On n'y trouve aucune mention spécifique
d'un programme de participation publique ou d'al-
location de fonds à cet effet, comme il y en avait
dans le Plan initial et dans le relevé des coûts
afférents au «Premier mémoire de mise en œuvre».
Dans sa déclaration, l'appelant allégue que le
ministre de l'Expansion économique régionale n'a,
au moment de l'élaboration et de la signature de la
modification n° 3 concernant la deuxième phase du
Plan d'ensemble d'aménagement rural, pris aucune
disposition pour assurer la participation de person-
nes, y compris l'appelant, de groupes bénévoles ou
de corps constitués à l'élaboration et à la réalisa-
tion du Plan, ainsi que le requiert l'article 7(2) de
la Loi sur le ministère de l'Expansion économique
régionale. Il poursuit les intimés en leur qualité
d'ancien et de présent ministre de l'Expansion
économique régionale; le procureur général du
Canada fut greffé à l'action à titre de défendeur.
L'appelant demande, premièrement, l'annulation
de l'accord de modification du 23 octobre 1975 au
motif qu'il y aurait eu violation de l'article 7;
deuxièmement, une injonction interdisant la mise
en oeuvre de cet Accord; troisièmement, un bref de
mandamus enjoignant au défendeur Lessard de
prendre les mesures nécessaires pour assurer la
participation du public à l'élaboration de la
deuxième phase du Plan; et, quatrièmement, des
dommages-intérêts punitifs. Pour le compte des
intimés, le sous-procureur général admet en
défense que le Ministre ne s'est pas conformé à
l'article 7 de la Loi sur le ministère de l'Expansion
économique régionale, mais il allègue par contre
que cet article n'est pas applicable à un accord de
modification. Le savant juge de première instance
a interprété cette position comme un aveu de ce
que l'accord de modification ne contient aucune
disposition assurant la participation du public à
l'élaboration et à la mise en œuvre de la deuxième
phase du Plan, mais il a aussi conclu que cela se
dégageait du libellé même de l'Accord. Il s'est
ainsi prononcé [à la page 738]: «La seule produc
tion du document lui-même suffisait à établir l'ab-
sence, dans l'accord contesté, de dispositions spé-
ciales visant à assurer la participation des groupes
et des individus, et de toute façon, les défendeurs
avaient rapidement reconnu qu'aucune telle dispo
sition n'y était présente.» Ainsi le litige fut traité
comme une simple question de droit: le Ministre
était-il obligé, en vertu de la Loi, d'insérer pareilles
dispositions dans un accord de modification? En
appel, l'avocat des intimés a fait ressortir que ces
derniers avaient simplement admis que le Ministre
ne s'était pas conformé à l'article 7(2) de la Loi
sur le ministère de l'Expansion économique régio-
nale. Compte tenu de la conclusion à laquelle je
suis parvenu sur la question de droit, il n'est pas
nécessaire d'examiner si l'appelant a suffisamment
établi que l'accord de modification ne contient
effectivement aucune disposition assurant une par
ticipation publique. Je conviens avec le savant juge
de première instance que la Loi n'oblige pas le
Ministre à insérer de telles dispositions. Cette con
clusion, à elle seule, permet de disposer de l'action
de l'appelant, sans qu'il soit nécessaire d'examiner
les autres points litigieux soulevés, à savoir: est-ce
qu'un manquement à cette obligation, advenant
qu'elle existe, confère à un particulier un droit
d'action; est-ce que l'appelant a qualité suffisante
pour intenter une telle action; et est-ce que le
redressement demandé est pertinent en l'espèce?
Voici en résumé les motifs de mon accord avec
le juge de première instance. L'appelant fonde son
action sur l'allégation que le Ministre était lié par
les dispositions de l'article 7(2) de la Loi sur le
ministère de l'Expansion économique régionale
lorsqu'il a conclu l'accord de modification pour la
deuxième phase du Plan. En appel, il s'est en outre
appuyé sur l'article 5a) de la Loi sur le Fonds de
développement économique rural qui dispose
qu'un «programme détaillé et complet d'aménage-
ment rural» doit prévoir, entre autres, «la partici
pation des résidents de la région à la mise en
oeuvre du programme»; toutefois, même si l'on
interprète ce membre de phrase comme créant une
obligation imposée par la Loi, ce dont je doute
fort, il n'était plus applicable à l'Accord lorsque
fut conclu, en 1975, l'accord de modification. Bien
que l'article 5a) définisse le genre d'accord que le
ministre des Forêts et du Développement rural
était habilité à conclure, on ne peut prétendre que
cet alinéa, cinq ou six ans après son abrogation,
soit applicable à l'accord de modification présente-
ment en cause. L'appelant insiste fortement sur le
fait que les dispositions de l'article 23 de la Loi de
1969 sur l'organisation du gouvernement, devenu
l'article 5 de la Loi sur le ministère de l'Expansion
économique régionale, ainsi que l'article 102(2) de
cette première Loi, ont opéré le transfert de l'obli-
gation d'assurer une participation publique, qui
incombait au ministre des Forêts et du Développe-
ment rural, au ministre de l'Expansion économique
régionale. Certes, il y a eu transfert des obliga
tions, des pouvoirs et des fonctions qui ont ainsi
continué d'exister relativement à cet Accord, mais
la question qui se pose, naturellement, est de savoir
en quoi consistent ces obligations, ces pouvoirs et
ces fonctions. Sous ce rapport, j'estime que le
libellé de l'article 102(4) de la Loi de 1969 sur
l'organisation du gouvernement, qui n'a d'ailleurs
pas été abrogé au moment de la refonte des statuts
du Canada en 1970, a une importance capitale.
Compte tenu du fait que l'Accord reste en vigueur
en vertu de l'article 35 de la Loi d'interprétation,
S.R.C. 1970, c. I-23 je me suis demandé si le
membre de phrase «demeure valide comme si cet
accord avait été conclu conformément à la pré-
sente loi», ne signifie pas davantage. Après
réflexion, je suis d'avis qu'on ne peut inférer de ces
mots, tirés d'une disposition qui fait référence à
trois lois, que les dispositions de la Partie IV de la
Loi de 1969, devenue la Loi sur le ministère de
l'Expansion économique régionale, s'appliquent
mutatis mutandis à l'Accord. Si telle avait été la
volonté du Parlement, il l'aurait certes exprimée de
façon expresse. Je suis donc d'accord avec le
savant juge de première instance qui a conclu que
la Loi sur le ministère de l'Expansion économique
régionale, n'est pas applicable à l'accord de modi
fication de 1975 et que ce dernier tire toute sa
valeur juridique de la Loi nr 5 de 1973 portant
affectation de crédits. Par ailleurs, même à suppo-
ser que la Loi sur le ministère de l'Expansion
économique régionale soit applicable à l'accord de
modification en vertu de l'article 102(4) de la Loi
de 1969, et que la région spéciale d'aménagement
rural visée à l'article 1 du «Premier mémoire de
mise en oeuvre» soit «une région spéciale» au sens
de l'article 6 de la Loi sur le ministère de l'Expan-
sion économique régionale, je souscrirai encore à
la conclusion selon laquelle l'accord de modifica
tion ne tombe pas sous le coup de l'article 7
puisqu'il ne traite que des plans élaborés par le
Ministre en collaboration avec d'autres ministères,
directions ou organismes du gouvernement du
Canada, et non des accords conclus entre le
Canada et une province, lesquels sont expressé-
ment visés par l'article 8 qui, contrairement à
l'article 7(2), ne contient aucune disposition assu-
rant une participation du public.
Par conséquent, je suis d'avis de rejeter l'appel
puisqu'il n'y a aucune erreur dans le jugement qui
en fait l'objet.
* * *
LE JUGE URIE: Je suis d'accord.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT KERR: Je suis d'accord.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.