A-95-79
Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration
(Appelant)
c.
Miroslav Hudnik (Intimé)
Cour d'appel, les juges Pratte, Heald et Le Dain—
Vancouver, le 13 juin; Ottawa, le 3 juillet 1979.
Brefs de prérogative — Mandamus — Immigration —
L'intimé, un marin ayant déserté le bord, avait fait l'objet
d'une ordonnance d'expulsion à la suite de l'enquête — C'est
après la conclusion de l'enquête et de la prise de l'ordonnance
d'expulsion qu'il a revendiqué le statut de réfugié — La
Commission a rejeté la demande de statut de réfugié car
l'intimé avait déjà fait l'objet d'une ordonnance d'expulsion —
La Division de première instance a accordé le bref de manda-
mus — Appel contre la décision de la Division de première
instance d'accorder le mandamus — Loi sur l'immigration de
1976, S.C. 1976-77, c. 52, art. 6(2), 27(2)j).
APPEL.
AVOCATS:
G. Donegan pour l'appelant.
D. Rosenbloom pour l'intimé.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
l'appelant.
Rosenbloom & McCrea, Vancouver, pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE: Il s'agit d'un appel interjeté
d'une ordonnance rendue par la Division de pre-
mière instance [ [ 1979] 2 C.F. 82] et qui se lit
comme suit [à la page 90]:
Un bref de mandamus est par les présentes délivré avec
dépens, enjoignant au ministre de l'Emploi et de l'Immigration
de statuer sur la demande du requérant Miroslav Hudnik
présentée à la Commission de l'emploi et de l'immigration le 9
janvier 1979 en vue d'obtenir le statut de réfugié.
L'intimé, un citoyen yougoslave, est entré au
Canada par le port de Vancouver le 4 juillet 1978
comme membre d'équipage d'un navire marchand.
Le 5 juillet, il a quitté le navire à l'insu du
capitaine pour rencontrer les autorités de l'immi-
gration et leur demander la permission de demeu-
rer au Canada de façon permanente. Le 7 juillet,
un agent d'immigration a dressé un rapport, con-
formément à l'article 27(2) de la Loi sur l'immi-
gration de 1976, S.C. 1976-77, c. 52, dans lequel il
décrit l'intimé comme une personne visée par l'ar-
ticle 27(2)j) de la Loi. A la suite de ce rapport, on
a tenu, le 28 juillet 1978, une enquête à l'issue de
laquelle on a ordonné l'expulsion de l'intimé au
motif qu'il était:
[TRADUCTION] ... une personne autre qu'un citoyen canadien
ou un résident permanent se trouvant au Canada, et qui y était
entré à titre de membre de l'équipage d'un navire et avait, sans
l'autorisation d'un agent d'immigration, négligé de regagner le
navire «Trbovljeu lors de son départ de son point d'entrée, à
savoir Vancouver (C.-B.).
Le 9 janvier 1979, l'intimé, qui n'avait pas au
cours de son enquête revendiqué le statut de réfu-
gié au sens de la Convention, s'est présenté avec
son avocat au Centre d'immigration du Canada à
Vancouver, et il a informé un agent d'immigration
qu'il désirait présenter à la Commission de l'em-
ploi et de l'immigration [TRADUCTION] «une
demande de statut de réfugié conformément à la
Convention des Nations-Unies relative au statut
des réfugiés». On lui a répondu qu'étant donné
qu'on avait déjà prononcé contre lui une ordon-
nance d'expulsion, la Commission ne pouvait
entendre sa demande. Suite à ce refus, l'intimé a
présenté à la Division de première instance une
requête pour l'émission d'un bref de mandamus.
Cette requête a été accordée par le jugement dont
il est fait appel.
Le jugement de la Division de première ins
tance, selon mon interprétation, est basé sur l'hy-
pothèse qu'il incombait à l'appelant, en vertu de la
Convention des Nations-Unies relative au statut
des réfugiés et de la Loi sur l'immigration de
1976, d'examiner la demande présentée par l'in-
timé. A mon avis, cette hypothèse est mal fondée.
La Convention des Nations-Unies ne fait pas
partie, en tant que telle, du droit canadien, et il est
évident qu'elle n'impose aucune obligation à l'ap-
pelant. Par conséquent, nous n'avons qu'à décider
si l'appelant devait, en vertu de la Loi sur l'immi-
gration de 1976, examiner la demande présentée
par l'intimé. On ne peut toutefois répondre à cette
question avant d'avoir précisé la nature de la
demande formulée par l'intimé.
La seule preuve établissant l'existence de la
demande présentée par l'intimé se retrouve dans
les affidavits signés par lui-même et son avocat. La
demande formulée dans ces deux documents est
simplement décrite comme [TRADUCTION] «une
revendication du statut du réfugié présentée con-
formément à la Convention des Nations-Unies
relative au statut des réfugiés». Il me semble que
l'intimé demandait à l'appelant de statuer seule-
ment sur sa revendication selon laquelle il est un
réfugié au sens de la Convention. Puisque la Loi
sur l'immigration de 1976 n'impose pas à l'appe-
lant l'obligation d'examiner une demande de statut
de réfugié ni de statuer sur une revendication en ce
sens présentée hors le cadre d'une enquête, il s'en-
suit, à mon avis, que c'est à bon droit que l'appe-
lant a refusé d'examiner la revendication de l'in-
timé et que, par voie de conséquence, l'ordonnance
rendue par la Division de première instance doit
être annulée.
Cependant, cette dernière semble avoir inter-
prété la demande de l'intimé comme ayant pour
objet non seulement, la détermination de son
statut, mais aussi son admission au pays en vertu
de l'article 6(2) de la Loi qui se lit en partie
comme suit:
6....
(2) Tout réfugié au sens de la Convention ... [peut] obtenir
l'admission, sous réserve des règlements établis à cette fin et
par dérogation à tous autres règlements établis en vertu de la
présente loi.
Même si je présume que tel est aussi l'objet de la
demande présentée par l'intimé et, en outre, qu'un
réfugié au sens de la Convention peut, bien qu'il
soit déjà au Canada, demander son admission dans
ce pays, je suis quand même d'avis que c'est à bon
droit que la demande de l'intimé a été rejetée.
Lorsque l'intimé a présenté sa demande, il était
déjà sous le coup d'une ordonnance d'expulsion.
En vertu de l'article 50 de la Loi, il incombait à
l'appelant et à ses fonctionnaires de mettre cette
ordonnance à exécution «dès que les circonstances
le permettent». Cette obligation n'a pas cessé
d'exister du fait que l'intimé a choisi de demander
son admission au pays. En outre, ni l'appelant ni
ses fonctionnaires n'étaient tenus de considérer une
demande qui ne pouvait être accueillie sans impli-
citement infirmer l'ordonnance d'expulsion pro-
noncée contre l'intimé.
Pour ces motifs, je suis d'avis d'accueillir l'appel
avec dépens, d'infirmer la décision de la Division
de première instance et de rejeter avec dépens la
demande de bref de mandamus présentée à cette
dernière.
* * *
LE JUGE HEALD: Je suis d'accord.
* * *
LE JUGE LE DAIN: Je suis d'accord.
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