A-596-77
L'Administration de pilotage du Pacifique (Appe-
lante)
c.
Alaska Trainship Corporation, Pacific Maritime
Agencies Limited et le navire S.S. Alaska
(Intimés)
A - 597 - 77
L'Administration de pilotage du Pacifique (Appe-
lante)
c.
Le navire Alaska, Alaska Trainship Corporation
et Pacific Maritime Agencies (Intimés)
A - 623 - 77
L'Administration de pilotage du Pacifique (Inti-
mée)
c.
Le navire Alaska, Alaska Trainship Corporation
et Pacific Maritime Agencies (Appelants)
Cour d'appel, les juges Heald, Urie et Le Dain—
Vancouver, 30 et 31 janvier; Ottawa, 20 juin 1979.
Droit maritime — Règlement de l'Administration de pilo-
tage du Pacifique portant pilotage obligatoire dans une zone
de pilotage obligatoire — L'immatriculation canadienne ou
américaine est la condition nécessaire de l'exemption ou de la
dispense des services de pilotage dans cette zone — Le capi-
taine et les officiers de quart à la passerelle du navire ne
pouvaient détenir un certificat de pilotage en raison d'une règle
syndicale — Appel contre le jugement déclarant ultra vires
l'art. 9(2)a) du Règlement sur le pilotage dans la région du
Pacifique — Appel contre le rejet de la réclamation des droits
de pilotage dus pour la période du 1 e ' février au 30 avril 1974
— Appel contre le rejet de la demande reconventionnelle en
recouvrement des droits de pilotage payés sous contrainte et
par suite d'une erreur de droit de part et d'autre, pour la
période du P' février 1972 au 30 janvier 1974 — Loi sur le
pilotage, S.C. 1970-71-72, c. 52, art. 9, 12, 14, 43(1),(7) —
Règlement sur le pilotage dans la région du Pacifique, DORS/
73-82, modifié, art. 9, 10.
Alaska Trainship Corporation, le navire S.S. Alaska et
Pacific Maritime Agencies Limited exploitent une entreprise de
transport maritime de marchandises de New Westminster
(Colombie-Britannique) vers l'Alaska. Le S.S. Alaska n'était
pas piloté par un pilote breveté dans une zone de pilotage
obligatoire où la sécurité de la navigation n'était pas en jeu,
mais l'Administration de pilotage du Pacifique lui facturait
quand même les services de pilotage, conformément au Règle-
ment. Le navire ne remplissait pas une condition, l'immatricu-
lation canadienne ou américaine, qui l'eût exempté ou dispensé
de l'application du règlement sur le pilotage obligatoire. Par
ailleurs, le capitaine et les officiers de pont du navire ne
pouvaient obtenir le certificat de pilotage par suite d'une
décision et subséquemment des statuts de la Guilde de la
marine marchande du Canada. Les trois appels sont interjetés
contre les jugements rendus par la Division de première ins
tance dans deux actions jugées sur preuve commune. Le pre
mier appel, portant le n° A-596-77, vise un jugement déclarant
l'article 9(2)a) du Règlement sur le pilotage dans la région du
Pacifique en partie ultra vires. Le deuxième appel, portant le n°
A-597-77, attaque le jugement rejetant la réclamation des
droits de pilotage dus pour la période du 1" février au 30 avril
1974. Le troisième appel, n° A-623-77, est interjeté contre le
jugement rejetant une demande reconventionnelle en recouvre-
ment des droits de pilotage qui auraient été payés sous con-
trainte et par suite d'une erreur de droit de part et d'autre, pour
la période du 1" février 1972 au 30 janvier 1974.
Arrêt: L'appel est rejeté. Les articles 9(2)a)(iii) et 10(1)a)
du Règlement sur le pilotage dans la région du Pacifique sont
déclarés ultra vires. Tout ce que l'Administration accomplit
doit être dans l'intérêt de la sécurité. Le pays d'immatriculation
sera un critère pertinent pour l'assujettissement au pilotage
obligatoire s'il peut être dit que ce critère influe, dans un
contexte particulier, sur la sécurité. Dans le contexte de l'article
9(2)a)(iii) du Règlement, le pays d'immatriculation n'est pas
lié à la sécurité. Puisque la sécurité est assurée par les autres
conditions qui s'y trouvent spécifiées, notamment celles tou-
chant la compétence du capitaine ou de l'officier de quart à la
passerelle et sa connaissance des eaux locales, le pays d'imma-
triculation devient alors une exigence superflue et qui ne peut
figurer que pour servir d'autres buts non autorisés par la Loi.
Cette dispol;ition discrimine contre les propriétaires du S.S.
Alaska dans un sens qui, dans ce contexte particulier, n'est pas
autorisé par la Loi. Il en est de même de l'article 10(1)a) du
Règlement qui traite des dispenses; ' ' là où les conditions de
dispense s'expriment par la compétence spécifique et la con-
naissance des eaux locales, le pays d'immatriculation est sans
importance. Les articles 9(2)a)(iii) et 10(1)a) doivent tomber
dans leur ensemble, nonobstant les conclusions des intimés.
Rien ne permet de déclarer le Règlement ultra vires dans son
ensemble. En l'absence de preuve démontrant que l'Administra-
tion a adopté l'ensemble du Règlement sur le pilotage dans la
région du Pacifique dans un but autre que celui pour lequel le
pouvoir réglementaire lui est conféré, l'intérêt que pourraient
avoir les pilotes actifs du fait de leur adhésion à la B.C. Coast
Pilots Ltd. et à la Guilde de la marine marchande du Canada,
ne peut affecter la validité de ce Règlement, lors même que la
fonction d'établir le Règlement peut être considérée comme une
fonction législative ou quasi judiciaire. L'opposition de la
Guilde de la marine marchande du Canada à l'égard des
certificats de pilotage ne peut affecter la validité du Règlement.
L'Administration n'était pas obligée de prévoir une exemption
ou une dispense pour le S.S. Alaska pour résoudre le problème
créé par la politique de la Guilde, selon laquelle les officiers du
navire ne pouvaient détenir un certificat de pilotage, et le refus
de prévoir cette exemption ou dispense ne constituait pas un
acte de mauvaise foi.
Autre arrêt: l'appel n° A-597-77 est accueilli et la réclama-
tion de l'Administration confirmée puisque, l'article 9(2)a)(iii)
tombant dans son ensemble, le S.S. Alaska était soumis au
pilotage obligatoire pour la période du 10 au 30 avril 1974;
l'Administration s'était désistée de sa réclamation des droits de
pilotage pour la période du 1" février au 9 avril 1974 attendu
qu'il n'y avait aucun règlement de pilotage en vigueur.
Autre arrêt: l'appel n° A-623-77 contre le rejet de la
demande reconventionnelle est rejeté; le S.S. Alaska était
assujetti au paiement obligatoire des droits de pilotage pour la
période du 1" février 1972 au 1" février 1974. Une Administra
tion de pilotage n'avait aucun pouvoir en vertu de la Loi sur la
marine marchande du Canada d'instituer par règlement le
paiement obligatoire des droits de pilotage, et la confirmation
du règlement par le gouverneur en conseil ne pouvait valider ce
qui, à l'origine, était invalide. L'effet de l'article 43(1) de la Loi
sur le pilotage est qu'à l'époque de l'entrée en vigueur de cette
Loi, la circonscription de pilotage de la Colombie-Britannique
devait être tenue pour l'une de celles dans lesquelles le paie-
ment des droits de pilotage était obligatoire, et que de ce fait,
elle était une zone de pilotage établie conformément à la Loi
sur le pilotage. La même Loi prévoyait le maintien en vigueur
de ces droits jusqu'au 1" février 1974.
APPEL.
AVOCATS:
R. Langlois pour l'Administration de pilotage
du Pacifique.
D. Hogarth, c.r. pour le navire S.S. Alaska,
Alaska Trainship Corporation et Pacific
Maritime Agencies Limited.
PROCUREURS:
Owen, Bird, Vancouver, pour l'Administration
de pilotage du Pacifique.
Hogarth, Oliver, Hughes & Drabik, New
Westminster, pour le navire S.S. Alaska,
Alaska Trainship Corporation et Pacific
Maritime Agencies Limited.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE LE DAIN: Il s'agit de trois appels
contre des jugements prononcés par la Division de
première instance [ [ 1978] 1 C.F. 411] dans deux
actions jugées sur preuve commune. Le premier,
qui porte le n° A-596-77, est interjeté contre un
jugement déclarant l'article 9(2)a) du Règlement
sur le pilotage dans la région du Pacifique (C.P.
1974-851, 9 avril 1974, DORS/74-242) en partie
ultra vires. Le deuxième appel, A-597-77, est
interjeté contre un jugement rejetant une réclama-
tion de droits de pilotage pour la période du 1°"
février au 30 avril 1974. Le troisième appel,
A-623-77, est interjeté contre le jugement rejetant,
dans la même affaire, une demande reconvention-
nelle en recouvrement de droits de pilotage préten-
dument versés par erreur mutuelle de droit mais en
résultat d'une contrainte pendant la période du 1
février 1972 au 30 janvier 1974.
Pour mieux saisir les données de l'affaire, où il
est question de l'existence et de la validité, au
cours des périodes en cause, des règlements sur le
pilotage applicables au navire S.S. Alaska, il
serait peut-être utile de fournir un aperçu du cadre
législatif dans lequel il faut les envisager.
Dans sa Partie VI, la Loi sur la marine mar-
chande du Canada, S.R.C. 1970, c. S-9, établit un
système de paiement obligatoire des droits de pilo-
tage, que le navire ait ou non besoin des services
d'un pilote. Elle prévoit la création de circonscrip-
tion et d'administration * de pilotage. Dans son
article 331, la Loi prévoit l'exemption du paiement
obligatoire des droits de pilotage pour certaines
classes de navire. Plusieurs catégories d'exemp-
tions dépendent, au moins en partie, du pays d'im-
matriculation du navire. L'article 311 prévoit que
le gouverneur en conseil peut à l'occasion, rendre
obligatoire ou facultatif le paiement des droits de
pilotage dans les limites d'une circonscription de
pilotage créée sous l'autorité des dispositions de la
Loi.
La circonscription de pilotage de la Colombie-
Britannique a été établie en 1929 par un décret du
conseil qui disposait que le paiement des droits de
pilotage n'était pas obligatoire. En 1949, par un
règlement confirmé par le gouverneur en conseil,
l'Administration de pilotage de cette circonscrip-
tion a modifié ses règlements sur le pilotage de
manière à prévoir le paiement obligatoire des
droits de pilotage. Une disposition similaire a été
incluse dans l'article 6 du Règlement général de la
circonscription de pilotage de la Colombie-Bri-
tannique de 1965, [DORS/65-241] également
établi par l'Administration de pilotage et confirmé
par le gouverneur en conseil. La question de la
validité et de l'application de cette disposition
réglementaire est soulevée dans l'appel interjeté
contre le jugement rejetant la demande reconven-
tionnelle.
* N. du T. L'article 47 de la Loi sur le pilotage, S.C.
1970-71-72, c. 52, permet de substituer l'expression «adminis-
tration de pilotage» à l'expression «autorité de pilotage»
employée dans la Loi sur la marine marchande du Canada,
S.R.C. 1970, c. S-9.
En 1962, une Commission royale a été créée
pour étudier la question du pilotage. La Partie II
de son rapport, soumis en 1968, fait partie du
dossier. Je doute qu'elle puisse être d'une grande
utilité à la Cour dans la solution des points liti-
gieux soulevés dans ces appels. Il n'apparaît même
pas clairement dans quelle mesure l'on peut s'y
reporter comme moyen ayant permis d'identifier
les problèmes auxquels la législation subséquente a
visé à remédier. Soulignons toutefois que les pro-
priétaires du navire S.S. Alaska ont présenté à
cette Commission un mémoire dans lequel ils se
disent nettement d'avis qu'ils ne devraient pas être
tenu de payer des droits de pilotage, puisqu'en
raison de la compétence et de l'expérience du
capitaine et des officiers de quart à la passerelle de
leur navire, ils n'ont pas besoin des services d'un
pilote pour préserver la sécurité de la navigation.
Le rapport montre que les autorités publiques
avaient été saisies du cas spécial du navire S.S.
Alaska bien avant la promulgation de la nouvelle
Loi.
La Loi sur le pilotage, S.C. 1970-71-72, c. 52 a
été sanctionnée le 30 juin 1971 et proclamée en
vigueur le 1°° février 1972.* Elle a remplacé le
système de paiement obligatoire des droits de pilo-
tage (que l'on ait ou non retenu les services d'un
pilote), par un système de pilotage obligatoire où
seul un pilote breveté ou le titulaire d'un certificat
de pilotage est autorisé à piloter un navire. L'arti-
cle 2d) de la Loi contient la définition ci-après du
«pilotage obligatoire»--« `pilotage obligatoire', en
ce qui concerne un navire, signifie que le navire
doit obligatoirement être sous la conduite d'un
pilote breveté ou du titulaire d'un certificat de
pilotage». L'article 16(1) de la Loi dispose que:
«Sauf dispositions contraires des règlements géné-
raux, nul n'assurera la conduite d'un navire à
l'intérieur d'une zone de pilotage obligatoire s'il
n'est un pilote breveté ou un membre régulier de
l'effectif du navire qui est titulaire d'un certificat
de pilotage pour cette zone».
La Loi sur le pilotage crée quatre administra
tions de pilotage, dont l'une est l'Administration
de pilotage du Pacifique. Sa région couvre, selon la
description qu'en donne l'annexe de la Loi, «Toutes
les eaux canadiennes sises dans la province de
* TR/72-2, 19 janvier 1972, Gazette du Canada, Partie II,
vol. 106, n° 3.
Colombie-Britannique et eaux limitrophes.» Aux
termes de l'article 3 de la Loi, le président et les
membres d'une Administration sont nommés par le
gouverneur en conseil. Les objets d'une Adminis
tration sont définis comme suit à l'article 12 de la
Loi:
12. Une Administration a pour objets d'établir, de faire
fonctionner, d'entretenir et de gérer, pour la sécurité de la
navigation, un service de pilotage efficace dans la région indi-
quée dans l'annexe en ce qui concerne cette Administration.
Une Administration peut assurer un service de
pilotage en employant des pilotes ou bien, comme
l'Administration de pilotage du Pacifique l'a fait
dans la présente affaire, en passant, avec une
corporation de pilotes, un contrat de louage de
services de pilotes brevetés. Cela est prévu à
l'article 9:
9. (1) Sous réserve du paragraphe (2), une Administration
peut employer les membres de la direction et employés, notam-
ment les pilotes brevetés et les apprentis-pilotes, qui sont néces-
saires au bon fonctionnement de l'Administration.
(2) Lorsque la majorité des pilotes brevetés de la région ou
d'une partie de la région indiquée dans l'annexe en ce qui
concerne une Administration, qui forment une corporation ou
sont membres ou actionnaires d'une corporation, choisissent de
ne pas devenir employés de l'Administration, celle-ci peut
passer avec cette corporation un contrat de louage de services
de pilotes brevetés et de formation d'apprentis-pilotes dans la
région ou partie de région où le contrat doit prendre effet et
l'Administration ne doit pas employer de pilotes ou apprentis-
pilotes dans toute région ou partie de région où un tel contrat
est en vigueur.
(3) Toute corporation qui passe un contrat avec une Admi
nistration, en application du paragraphe (2), doit permettre à
un pilote breveté ou apprenti-pilote de la région ou partie de
région visée par le contrat et qui n'est pas un membre ou un
actionnaire de cette corporation de devenir un membre ou un
actionnaire selon les mêmes modalités que les pilotes brevetés et
apprentis-pilotes qui ont formé cette corporation ou en sont
membres ou actionnaires.
Aux articles 15 et suivants, la Loi prévoit l'attri-
bution de brevets et de certificats de pilotage. Elle
fixe certaines conditions essentielles pour l'attribu-
tion d'un brevet ou d'un certificat, sous réserve de
telles conditions supplémentaires qui peuvent être
imposées par la réglementation établie par le gou-
verneur en conseil ou une Administration. Avant
d'attribuer un certificat de pilotage, une Adminis
tration doit être convaincue que le requérant «pos-
sède un niveau de compétence et de connaissance
des lieux de la zone de pilotage obligatoire compa
rable à celui que l'on exige d'un requérant qui
présente une demande de brevet pour cette zone de
pilotage obligatoire.» De plus, ce requérant doit
être citoyen canadien ou immigrant reçu, et tout
certificat ou brevet de pilotage attribué à un immi
grant reçu perd sa validité cinq ans après la date
de délivrance du certificat si le titulaire ne devient
pas citoyen canadien avant ce délai. Aux termes de
l'article 42, le gouverneur en conseil peut établir
des règlements, notamment en «prescrivant pour
toute région ou partie de région les conditions
minimales que doit remplir un requérant quant
aux certificats de navigation, aux états de service
en mer, à l'âge et à l'état de santé, avant de
pouvoir obtenir un brevet ou un certificat de pilo-
tage». En vertu de ce pouvoir, le gouverneur en
conseil a promulgué le Règlement général sur le
pilotage par le décret C.P. 1973-309, en date du 6
février 1973 (DORS/73-82, 7 février 1973).
Voici en quels termes l'article 14 de la Loi
permet à une Administration d'établir des règle-
ments généraux:
14. (1) Une Administration peut, avec l'approbation du
gouverneur en conseil, établir les règlements généraux nécessai-
res pour atteindre ses objets notamment, et sans restreindre la
portée générale de ce qui précède, des règlements généraux
a) établissant des zones de pilotage obligatoire;
b) prescrivant les navires ou catégories de navires assujettis
au pilotage obligatoire;
e) prescrivant les circonstances dans lesquelles il peut y avoir
dispense du pilotage obligatoire;
d) prescrivant, le cas échéant, le préavis que doit donner un
navire de son heure d'arrivée prévue dans une zone de
pilotage obligatoire ou de son heure de départ prévue d'un
endroit situé dans une zone de pilotage obligatoire, et la
façon de donner ce préavis;
e) prescrivant les catégories de brevets et certificats de pilo-
tage qui peuvent être attribués;
J) prescrivant les conditions que le titulaire d'un brevet ou
d'un certificat de pilotage d'une catégorie quelconque doit
remplir, notamment le niveau de connaissance des lieux, de
compétence, d'expérience et de connaissance de l'une des
langues officielles du Canada, ou les deux, requis en sus des
conditions minimales prescrites par le gouverneur en conseil
aux termes de l'article 42;
g) prescrivant la façon de déterminer
(i) si une personne qui demande un brevet ou un certificat
de pilotage, ou
(ii) si un pilote breveté ou un titulaire de certificat de
pilotage
remplit les conditions prescrites en vertu de l'alinéa J) pour la
catégorie du brevet ou certificat de pilotage dont il est
titulaire ou dont il a demandé l'attribution, selon le cas;
h) prescrivant la façon d'attribuer les brevets et certificats
de pilotage;
i) arrêtant la date et fixant le droit d'examen à payer par les
candidats à un brevet ou un certificat de pilotage et le droit à
payer pour l'attribution d'un tel brevet ou certificat;
j) limitant le nombre des brevets qui peuvent être attribués
pour une zone de pilotage obligatoire;
k) prescrivant, en sus de l'exigence prévue au paragraphe (1)
de l'article 16, les circonstances dans lesquelles un navire doit
avoir à son bord un pilote breveté ou un titulaire de certificat
de pilotage;
l) prescrivant le nombre minimal de pilotes brevetés ou de
titulaires de certificats de pilotage qui doivent être à bord
d'un navire à un moment quelconque; et
m) prescrivant les circonstances dans lesquelles un pilote
breveté ou un titulaire de certificat de pilotage sera tenu
d'acquérir une formation complémentaire afin de pouvoir
remplir toutes conditions nouvelles prescrites en vertu de
l'alinéa f) depuis l'attribution de son brevet ou de son certifi-
cat de pilotage.
(2) Lorsque des eaux canadiennes sont limitrophes des eaux
des Etats-Unis une Administration peut, avec l'approbation du
gouverneur en conseil, établir des règlements généraux indi-
quant les modalités selon lesquelles
a) un pilote ou une autre personne autorisés par une admi
nistration appropriée des Etats-Unis à assurer la conduite
d'un navire peuvent piloter en eaux canadiennes; et
b) un pilote breveté ou le titulaire d'un certificat de pilotage
peut assurer la conduite d'un navire dans les eaux des
Etats-Unis.
(3) Avant d'établir un règlement général en vertu des alinéas
a) ou f) du paragraphe (1), une Administration doit publier
dans la Gazette du Canada une copie du projet de règlement,
mais un tel règlement ne peut être établi par l'Administration
a) avant l'expiration d'un délai de trente jours à partir de la
date de publication du projet de règlement; ou,
b) lorsqu'un avis d'opposition est fourni en application du
paragraphe (4), avant que l'opposition ne soit entendue et
qu'un arrêté ne soit pris par le Ministre en application du
paragraphe (7).
(4) Toute personne qui a des raisons de croire qu'un règle-
ment général qu'une Administration se propose d'établir en
vertu des alinéas a) ou f) du paragraphe (1) n'est pas dans
l'intérêt public peut fournir au Ministre, dans les trente jours
qui suivent la publication du projet de règlement dans la
Gazette du Canada, un avis d'opposition énonçant les motifs de
l'opposition.
(5) Lorsqu'un avis d'opposition est fourni en application du
paragraphe (4), le Ministre doit nommer une personne pour
faire, relativement au projet de règlement général, l'enquête
qu'il estime nécessaire ou souhaitable dans l'intérêt public et
notamment en tenant des audiences.
(6) Une personne nommée en vertu du paragraphe (5) a tous
les pouvoirs conférés à un commissaire par la Partie I de la Loi
sur les enquêtes.
(7) A l'issue des audiences prévues par le présent article, la
personne chargée de les tenir doit envoyer un rapport au
Ministre qui peut, par arrêté, approuver, modifier ou rejeter le
projet de règlement général, soit en conformité du rapport, soit
autrement, et l'Administration doit établir le règlement général
en conséquence.
Les paragraphes 43(4) et (5) de la Loi, disposi
tions transitoires dont il faut envisager l'effet
précis en rapport avec l'appel du jugement qui
rejette la demande reconventionnelle, assuraient le
maintien de la validité des règlements et décrets
promulgués en vertu des dispositions relatives au
pilotage dans la Loi sur la marine marchande du
Canada pendant une année à compter de l'entrée
en vigueur de la Loi sur le pilotage. Par une
modification du paragraphe (4) (S.C. 1973-74, c.
1), cette période a été prorogée d'un an, pour ce
qui est des règlements, jusqu'au 1« février 1974.
Aux termes du paragraphe 43(7), toute circons-
cription (district) de pilotage constituée en vertu
de la Partie VI de la Loi sur la marine marchande
du Canada, qui prévoit le paiement obligatoire de
droits de pilotage, est censée être une zone de
pilotage obligatoire établie en vertu de la Loi sur
le pilotage jusqu'à l'adoption par l'Administration
compétente d'un règlement général en vertu de
l'article 14(1)a) de cette Loi.
Les questions soulevées dans ces appels portent
en partie sur la validité des Règlements généraux
établis par l'Administration de pilotage du Pacifi-
que et approuvés par le gouverneur en conseil
conformément à l'article 14. Il est nécessaire, pour
comprendre les moyens invoqués en contestation
de leur validité, d'examiner à ce stade-ci le cas
spécial que constitue le S.S. Alaska, et les circons-
tances qui ont précédé l'adoption des Règlements
généraux.
Le S.S. Alaska, en bac porte-trains de 520 pieds
et de 5,598 tonnes brutes, effectue depuis 1964 des
voyages hebdomadaires réguliers, transportant des
wagons de chemin de fer entre New Westminster
(Colombie-Britannique) et Wittier (Alaska). Ce
navire, construit au Japon, est propriété améri-
caine, battant pavillon libérien. Il appartient à la
compagnie Alaska Trainship Corporation de Seat-
tle (Washington) et il est exploité par Pacific
Maritime Agencies Limited, de New Westminster
(Colombie-Britannique). Les propriétaires du S.S.
Alaska ont demandé son immatriculation aux
États-Unis mais elle leur a été refusée au motif,
semble-t-il, que le navire était de construction
étrangère. N'étant pas immatriculé aux États-
Unis, il ne peut donc circuler entre deux ports
américains. C'est pourquoi ses propriétaires l'ont
affecté au trajet de New Westminster. Ces der-
niers soutiennent qu'en raison d'engagements
envers les autorités américaines, il n'est pas possi
ble d'enregistrer le navire au Canada. L'exploita-
tion du S.S. Alaska fournit une importante contri
bution à l'économie de New Westminster.
Les capitaines du S.S. Alaska sont citoyens
américains titulaires de brevets de la garde côtière
des États-Unis et de certificats de pilotage délivrés
par l'État de l'Alaska. Les officiers de quart à la
passerelle sont, pour leur part, citoyens canadiens
ou immigrants reçus au Canada et ils sont titulai-
res de certificats de capacité délivrés par le minis-
tre des Transports du Canada, ou reconnus par lui
aux fins de la Loi sur la marine marchande du
Canada. Ils sont également titulaires de certificats
libériens. L'une des conditions d'emploi des offi-
ciers de quart à la passerelle est d'avoir au moins
dix-huit mois d'expérience dans le cabotage.
Le S.S. Alaska a toujours utilisé les services de
pilote pour la navigation sur le fleuve Fraser.
Pendant une brève période, au début de son exploi
tation en 1964, il a même utilisé des pilotes dans la
zone maritime de la circonscription de pilotage
jusqu'à ce qu'en raison de la présence à son bord
d'officiers suffisamment qualifiés et expérimentés,
on décidât de le dispenser de pilotage obligatoire.
L'Administration de pilotage de la Colombie-Bri-
tannique lui a toutefois demandé de continuer à
payer des droits de pilotage, ce qu'il a fait jusqu'à
l'entrée en vigueur de la Loi sur le pilotage, de
laquelle les points soulevés dans les présents appels
tirent leur origine.
Au début de 1972, l'Administration de pilotage
du Pacifique a prévenu les propriétaires du S.S.
Alaska que celui-ci devra dorénavant avoir des
pilotes à bord lorsqu'il pénétrera dans une zone de
pilotage obligatoire. Soulignons qu'aucun règle-
ment général n'avait encore été adopté en vertu de
l'article 14 de la Loi sur le pilotage. Les proprié-
taires ont alors demandé d'être dispensés ou
exemptés du pilotage obligatoire. Ils ont soutenu
que la compétence et l'expérience de l'équipage de
leur navire lui permettaient de satisfaire aux
normes de sécurité établies par la Loi. Il y eut par
la suite un échange de correspondance et des réu-
nions entre des représentants du S.S. Alaska et de
l'Administration en vue d'en arriver à l'adoption
de règlements qui accorderaient l'exemption ou la
dispense sollicitée. L'Administration a même pro-
posé qu'il soit demandé des certificats de pilotage
pour les officiers canadiens du navire. Devant
l'éventualité d'avoir à obtenir des certificats de
pilotage, les propriétaires ont négocié, en mars
1972, un avenant à la convention collective conclue
avec la Guilde de la marine marchande du Canada
(la représentante des officiers de quart à la passe-
relle), aux termes duquel la compagnie pouvait
exiger des officiers qu'ils obtiennent des certificats
de pilotage et stipulant le traitement et les autres
conditions dont bénéficieraient les officiers titulai-
res de ces certificats. Peu après la signature de cet
avenant, les pilotes membres de la Guilde ont fait
pression sur elle et elle a adopté la ligne suivant
laquelle aucun membre ne solliciterait de certifi-
cats de pilotage. Suite à une grève déclenchée par
la Guilde en novembre 1973, l'avenant relatif au
certificat de pilotage a été retiré de la convention
collective.
Le 17 mars 1972, l'Administration a informé les
propriétaires du S.S. Alaska qu'en attendant
l'adoption de règlements de pilotage en vertu de
l'article 14 de la Loi, le S.S. Alaska serait soumis
au système du paiement obligatoire des droits de
pilotage plutôt qu'au pilotage obligatoire.
Le 2 janvier 1973, l'Administration a fait
publier dans la Gazette du Canada un projet de
Règlement de pilotage à établir en vertu de l'arti-
cle 14. L'article 4 de ce projet prévoyait l'exemp-
tion de certaines catégories de navires immatricu-
lés au Canada ou aux États-Unis, tandis que
l'article 5 prévoyait la dispense du pilotage obliga-
toire à la discrétion de l'Administration. Les par
ties intéressées ont eu des réactions diverses à
l'égard du Règlement proposé, et les 16 et 17 mai
1973, l'Administration a tenu une audience publi-
que au cours de laquelle des mémoires ont été
reçus. L'avocat de Pacific Maritime Agencies
Limited y a présenté un mémoire écrit et y a fait
des représentations verbales au sujet du S.S.
Alaska. Des représentants de la B.C. Coast Pilots
Ltd. (la corporation de pilotes avec laquelle l'Ad-
ministration a conclu un contrat pour la fourniture
de services de pilotage), ainsi que de la Guilde de
la marine marchande du Canada étaient égale-
ment présents. Ils se sont déclarés résolument
opposés à l'exemption du pilotage obligatoire pour
les navires battant pavillon étranger, ainsi qu'à la
question des certificats de pilotage. L'avocat des
propriétaires du S.S. Alaska a soutenu que
l'exemption des navires qui effectuent le cabotage
ne devrait pas être limitée à ceux qui sont immatri-
culés au Canada et aux États-Unis et que, les
officiers du S.S. Alaska ayant la même compé-
tence et expérience, ce navire devrait bénéficier de
la même exemption. Les représentants du S.S.
Alaska ont admis que les certificats de pilotage
pourraient fournir une solution acceptable au pro-
blème s'il était simple et facile de les obtenir. A ce
stade toutefois il devait paraître clair à tous ceux
qui étaient concernés que pratiquement, il ne serait
pas possible d'obtenir des certificats de pilotage
pour les officiers du S.S. Alaska en raison de la
politique de la Guilde de la marine marchande du
Canada.
L'Administration a tenu, le 8 août 1973, une
nouvelle audition sur le projet de Règlement de
pilotage. Ce projet, tel que révisé suite à l'audience
du mois de mai, limitait toujours l'exemption aux
navires immatriculés au Canada ou aux États-
Unis, de même qu'à ceux dont les officiers de
quart à la passerelle étaient titulaires de certificats
de pilotage. Les propriétaires du S.S. Alaska ont
renouvelé leurs protestations contre l'utilisation du
pays d'immatriculation comme critère d'exemption
du pilotage obligatoire. En fait, les propriétaires
du S.S. Alaska ont soutenu que tous les navires
dont le capitaine et les officiers ont une compé-
tence certaine devraient être exemptés, sans égard
au pays d'immatriculation. On souhaitait voir
créer une plus large catégorie d'exemptions englo-
bant tous les navires pratiquant le cabotage dont
les officiers avaient la compétence et l'expérience
nécessaires. On a fait à nouveau observer qu'en
raison de l'opposition de la B.C. Coast Pilots Ltd.
et de la Guilde de la marine marchande du
Canada concernant l'obtention de certificats de
pilotage, les propriétaires du S.S. Alaska avaient
peu de chance de jamais réussir à se prévaloir de
cette solution. A l'audition, le représentant de la
Guilde de la marine marchande du Canada a
réaffirmé cette opposition en la justifiant en partie
par des motifs de «nationalisme». On a également
soulevé à l'audition la question du contrôle disci-
plinaire auquel seraient soumis les officiers du S.S.
Alaska, en cas de sinistre, si le navire venait à
bénéficier d'une exemption, étant donné qu'il navi-
guerait en vertu de certificats de compétence libé-
riens autant que canadiens. Après l'audition, Paci
fic Maritime Agencies Limited et le ministère des
Transports ont échangé des lettres dans un effort
pour clarifier la question. Un responsable du
ministère des Transports a exprimé l'opinion sui-
vant laquelle les certificats de compétence cana-
diens pouvaient être l'objet d'enquête et de mesu-
res disciplinaires de la part des autorités
canadiennes, et qu'une recommandation pourrait
être faite en vue d'une action semblable de la part
des autorités libériennes. Les mesures que l'on
pouvaient attendre des autorités libériennes dans
une telle éventualité n'était cependant pas préci-
sées. Une copie de la réponse reçue du ministère
des Transports sur cette question a été transmise à
l'Administration.
En octobre 1973, l'Administration a diffusé un
nouveau texte du projet de Règlement de pilotage,
qu'elle disait avoir réexaminé pour lui faire tenir
compte des arguments exprimés aux audiences
tenues en mai et en août. Toutefois, les nouvelles
dispositions en matière de dispense et d'exemption
ne couvraient toujours pas le cas du S.S. Alaska.
Le 7 novembre 1973, conformément à l'article
14(3) de la Loi, l'Administration a fait publier
dans la Gazette du Canada les parties du projet de
Règlement visées par les alinéas a) et f) de l'article
14(1).
Le 30 novembre 1973, les propriétaires du S.S.
Alaska ont communiqué leur opposition au projet
de Règlement conformément à l'article 14(4). Le
ministre des Transports a chargé M. John J.
Mahoney, c.r., en vertu de l'article 14(5), d'exami-
ner les objections. M. Mahoney a entendu les
parties intéressées et soumis son rapport au Minis-
tre le 2 janvier 1974. Ce rapport examinait dans
les moindres détails les arguments présentés par
les propriétaires et exploitants du S.S. Alaska. Sur
la question de l'immatriculation du navire comme
critère d'application de la règle du pilotage obliga-
toire, le rapport déclare:
[TRADUCTION] M. Hogarth, représentant les propriétaires et
exploitants du navire libérien S.S. «ALASKA», a contesté le
concept, inhérent au projet de règlement de l'Administration,
suivant lequel seuls les navires immatriculés au Canada et aux
États-Unis devraient être dispensés du pilotage obligatoire, en
déclarant que si le critère applicable est la sécurité de la
navigation, l'immatriculation du navire à l'étranger n'a alors
aucune influence en la matière. Dans l'abstrait, la thèse de M.
Hogarth est exacte et en réalité, la législation n'établit aucun
lien entre la nécessité du pilotage obligatoire et l'immatricula-
tion du navire. Elle limite toutefois la délivrance de certificats
de pilotage uniquement aux citoyens canadiens et aux immi
grants reçus, reconnaissant par là même l'opinion traditionnelle
que les officiers d'un navire étranger connaissent sans doute
peu les eaux de pilotage d'un pays particulier. Il ne s'agit pas de
discrimination entre pavillons mais plutôt d'établir d'une base
réaliste pour le pilotage, que l'on retrouve d'ailleurs dans tous
les pays. Mais le fait est que le S.S. «ALASKA» représente un cas
particulier et même unique et toutes les parties à l'audition ont
accepté de le reconnaître. Toutefois, la solution à ce problème
ne réside pas, à mon avis, dans un réajustement des principes de
base de la législation ou des pratiques traditionnelles de pilo-
tage, en ouvrant grande la voie aux exemptions aux navires
battant tout pavillon; elle réside plutôt dans le dégagement
d'une solution adaptée aux besoins du cas spécifique. Le cas du
S.S. «ALASKA» est unique en ce que, bien qu'immatriculé à
l'étranger, il pratique en permanence le cabotage dans la région
et son équipage est constitué d'officiers qui sont citoyens cana-
diens et qui devraient, dans des circonstances normales, être
titulaires de certificats de pilotage. Le S.S. «ALASKA» constitue
ainsi l'exception qui confirme la règle.
M. Mahoney s'est dit d'avis que l'exemption était
à bon droit réservée aux navires immatriculés au
Canada et que la dispense convenait davantage
pour un navire dans la situation du S.S. Alaska,
comme l'indique cet extrait du rapport:
[TRADUCTION] Dans une section précédente de ce rapport,
j'ai dit qu'à mon avis, en n'imposant pas le caractère obligatoire
de l'alinéa 14(1)b), l'exemption a pour principal objet d'accor-
der un allégement aux navires qui opèrent sans interruption, ou
presque, dans la région. Pour cette raison, la définition de
«caboteur» doit être quelque peu restreinte, comme elle l'est
dans le projet de règlement. Ces considérations, sauf en ce qui
concerne son immatriculation à l'étranger, semblent s'appliquer
au S.S. «ALASKA». Par ailleurs, la notion d'exemption implique
un statut plus permanent que celui de la dispense et convient
mieux aux navires nationaux qu'étrangers. J'estime donc que
l'Administration a eu raison d'accorder une dispense au lieu
d'une exemption aux caboteurs immatriculés aux États-Unis.
Cela étant, il ne convient guère d'accorder un statut d'exemp-
tion plus permanent à un navire battant pavillon étranger,
même monté par des officiers canadiens. Donc, s'il apparaît
judicieux d'accorder un certain allégement en matière de pilo-
tage au S.S. «ALASKA», il faut que cet allégement soit une
dispense plutôt qu'une exemption, qui laisse de côté pour le
moment la question des certificats de pilotage.
Il a exprimé l'avis que la meilleure solution au
problème du S.S. Alaska consisterait à délivrer
des certificats de pilotage à ses officiers de quart à
la passerelle, mais que cette solution ne s'avérerait
guère pratique en raison de la puissante opposition
aux certificats de pilotage. Il a déclaré à cet égard:
[TRADUCTION] ... on devra observer que l'attitude de l'Admi-
nistration de pilotage, de la British Columbia Coast Pilots et
des représentants de la Guilde de la marine marchande du
Canada et Fraser River Pilots à l'égard des certificats de
pilotage pour les officiers de quart à la passerelle a eu son net
écho dans l'argumentation avancée. Il ne fait aucun doute que
la délivrance de certificats de pilotage sur cette côte fait l'objet
d'une sérieuse opposition de la part de toutes les parties men-
tionnées. Cette opposition a, dans une certaine mesure,
influencé le contenu à la fois des règlements publiés dans la
Gazette et du projet de règlement de l'Administration à tel
point que les questions de dispense et d'exemption ont pris une
importance sans doute démesurée. Il est incontestable, par
exemple, que le cas du S.S. «ALASKA» aurait dû trouver sa
solution dans la délivrance de certificats de pilotage aux offi-
ciers de quart à la passerelle du navire. Il est également clair
qu'aucune des parties ne désire recourir à cette solution. C'est
dans la mesure où il en est ainsi que l'intention évidente de la
Loi sur le pilotage est frustrée. En même temps, il faut tenir
compte des réalités de la situation. La Loi ne peut contraindre
les parties à coopérer; de plus, elle n'accorde, en son état actuel,
aucun droit clair et précis à de tels certificats.
Le rapport était favorable à la proposition formu-
lée par les propriétaires et exploitants du S.S.
Alaska, selon laquelle ce dernier devrait être dis-
pensé du pilotage obligatoire:
[TRADUCTION] Il est dans l'intérêt public du Canada qu'un
navire accomplissant le service actuellement accompli par le
S.S. «ALASKA» puisse obtenir, à défaut de certificats de pilotage
pour ses officiers canadiens de quart à la passerelle, une
dispense de pilotage obligatoire. Le Règlement devrait prévoir
des dispositions à cet égard avant qu'on ne l'approuve.
Le 11 janvier 1974, des responsables du minis-
tère des Transports ont soumis à l'Administration,
pour étude, un texte révisé du projet de Règlement
de pilotage. Il est à noter que les dispositions
proposées en matière d'exemption étaient, semble-
t-il, axées dans une certaine mesure sur le pays
d'enregistrement en plus d'autres facteurs, tandis
que l'article proposé traitant des dispenses conte-
nait la disposition suivante qui aurait permis au
S.S. Alaska d'obtenir une dispense du pilotage
obligatoire:
[TRADUCTION] 5. (1) L'Administration peut dispenser du
pilotage obligatoire
. 1) tout navire, autre que les navires mentionnés aux alinéas
a) à e), qui a été utilisé régulièrement pour le cabotage, et
dont le capitaine ou les officiers de quart à la passerelle
(i) sont dûment brevetés en cette qualité, pour ce navire,
(ii) sont titulaires d'un certificat de capacité valable
dûment reconnu par le Ministre et
(iii) ont été régulièrement employés, en cette qualité, sur
un navire faisant du cabotage, durant les dix-huit mois
précédant la date à laquelle le navire a fait l'objet d'une
demande de dispense en vertu de ce paragraphe.
L'Administration a été informée à cette réunion
de ce que la validité des Règlements en vigueur ne
serait pas prorogée au-delà du ler février de l'année
en cours, et il lui a été instamment recommandé
d'étudier et d'approuver rapidement le projet.
Après étude et suite à d'autres réunions, le Règle-
ment proposé par les responsables ministériels a
été rejeté par l'Administration au motif qu'il ne
permettrait pas d'administrer un service de pilo-
tage efficace dans la région. Le compte rendu
d'une réunion du 14 janvier 1974 fait état d'un
autre motif, savoir [TRADUCTION] «que sous le
régime du nouveau règlement, il serait extrême-
ment difficile de négocier un contrat avec la B.C.
Coast Pilots Ltd.» Malgré les représentations du
ministre des Transports, cette décision a été
confirmée.
Le 23 janvier 1974, le ministre des Transports,
agissant en vertu de l'article 14(7) de la Loi, a
ordonné que les parties du projet de Règlement
autorisées par les alinéas a) et f) de l'article 14(1)
soient modifiées par l'Administration conformé-
ment au rapport Mahoney, et il a recommandé que
l'Administration envisage sérieusement de modi
fier les autres parties du projet de Règlement
conformément au rapport. Au cours d'une réunion
tenue le 29 janvier 1974, l'Administration s'est
conformée à l'ordre du Ministre mais s'est refusée
à suivre sa recommandation.
Un responsable du ministère des Transports a
attesté, au cours de l'enquête préliminaire, que le
Gouvernement avait été obligé d'approuver le
Règlement sur le pilotage dans la région du Paci-
fique dans la forme proposée par l'Administration
parce qu'il ne pouvait continuer de courir le risque
de n'avoir aucun règlement du tout dans la région
du Pacifique après l'expiration, au 1 er février, du
Règlement existant. En fait, le nouveau Règlement
n'a pas été approuvé avant le 9 avril 1974.
L'article 9 du Règlement, intitulé «Navires assu-
jettis au pilotage obligatoire» et l'article 10 intitulé
«Dispense de pilotage obligatoire», sont les
suivants:
9. (1) Sous réserve des dispositions du paragraphe (2),
a) tout navire d'une jauge brute supérieure à 350 tonneaux,
b) tout remorqueur dont la jauge brute et ajoutée à celle du
remorqué est supérieure à 350 tonneaux, ou
c) tout yacht d'une jauge brute supérieure à 250 tonneaux
est assujetti au pilotage obligatoire.
(2) Le paragraphe (1) ne s'applique pas aux navires
a) immatriculés au Canada
(i) qui appartiennent à Sa Majesté du chef du Canada et
non employés à des fins commerciales,
(ii) qui sont affectés à la pêche commerciale, ou
(iii) qui font des voyages dans la région ou entre tout
endroit dans la région et tout endroit sur la côte ouest des
États-Unis non au sud de San Francisco ni à l'ouest de
Cook Inlet en Alaska, si le capitaine ou l'officier de quart
à la passerelle de ces navires est titulaire d'un certificat de
capacité de la catégorie et de la classe appropriées, attri-
bué par le ministre des Transports ou reconnu par lui aux
fins du paragraphe 130(1) de la Loi sur la marine mar-
chande du Canada et a été régulièrement employé, en
qualité de capitaine ou d'officier de quart à la passerelle à
bord d'un navire faisant des voyages entre les endroits
décrits dans le présent sous-alinéa, durant les dix-huit mois
qui ont précédé la date à laquelle le navire a fait l'objet
d'une demande d'exemption conformément aux disposi
tions du présent paragraphe; ou
b) immatriculés aux États-Unis et qui sont affectés à la
pêche commerciale.
(3) Le capitaine ou l'officier de quart à la passerelle dont il
est question au sous-alinéa (2)a)(iii) doit, si l'Administration
l'exige, lui fournir une preuve qu'elle juge suffisante, établissant
qu'il est un capitaine ou un officier de quart à la passerelle aux
termes de ce sous-alinéa.
10. (1) L'Administration peut, sur demande, dispenser du
pilotage obligatoire un navire
a) qui est immatriculé aux États-Unis et affecté au cabotage
et dont le capitaine ou l'officier de quart à la passerelle est
dûment breveté pour ce navire et a été régulièrement
employé en qualité de capitaine ou d'officier de quart à la
passerelle d'un navire faisant du cabotage durant les dix-huit
mois qui ont précédé la date à laquelle on étudie la question
d'accorder au navire la dispense prévue au présent article;
b) dont le capitaine, le propriétaire ou l'agent a observé les
dispositions des articles 12 et 13 et pour lequel aucun pilote
breveté n'est disponible pour remplir les fonctions de pilote à
son bord; ou
c) qui est en détresse ou qui effectue des opérations de
secours ou de sauvetage.
(2) Une dispense de pilotage obligatoire est accordée à tout
navire
a) qui entre dans une zone de pilotage obligatoire en vue d'y
embarquer un pilote breveté, et y navigue jusqu'au point
d'embarquement prévu; ou
b) qui quitte une zone de pilotage après le débarquement
d'un pilote breveté.
(3) Le capitaine ou l'officier de quart à la passerelle dont il
est question à l'alinéa (1)a) doit, si l'Administration l'exige, lui
fournir une preuve qu'elle juge suffisante, établissant qu'il est
un capitaine ou un officier de quart à la passerelle aux termes
de cet alinéa.
(4) Une demande de dispense de pilotage obligatoire peut
être faite verbalement, mais elle doit être faite par écrit lorsque
l'Administration l'exige.
En septembre 1976, les propriétaires et exploi-
tants du S.S. Alaska ont intenté une action pour
obtenir un jugement déclaratoire contre l'Adminis-
tration portant que le Règlement sur le pilotage
dans la région du Pacifique est, dans son ensem-
ble, ultra vires, et portant, subsidiairement, que
l'article 9(2)a)(iii) et l'article 10(1)a) du Règle-
ment sont ultra vires. Il est dit dans la déclaration,
que le Règlement est discriminatoire à l'endroit du
S.S. Alaska en regard des navires immatriculés au
Canada et aux États-Unis; que cette discrimina
tion n'est pas dans l'intérêt de la sécurité; et que le
Règlement n'a pas été établi de bonne foi par
l'Administration mais [TRADUCTION] «par suite
de pressions exercées sur la défenderesse, savoir
l'Administration de pilotage du Pacifique, par la
Guilde de la marine marchande du Canada afin de
garantir l'emploi de pilotes sur ledit 'S.S. Alaska'
alors que leur présence n'est pas nécessaire pour
assurer la sécurité et l'efficacité des services de
pilotage dans les zones régies par l'Administration
aux termes de la `Loi sur le pilotage'.» Par ailleurs,
la déclaration indique, d'une part, que les trois
pilotes membres de l'Administration à l'époque où
le Règlement était à l'étude—Robert R. McLeese,
Richard W. Burnett, et John B. Cook—étaient
également actionnaires et membres de la B.C.
Coast Pilots Ltd., avec laquelle l'Administration
avait négocié ou négociait un contrat de louage de
services de pilotage, et d'autre part, que ces trois
membres devaient profiter financièrement, directe-
ment ou indirectement, de toute restriction appor-
tée aux classes de navires exemptés de pilotage
obligatoire, ainsi que de l'attitude de la Guilde de
la marine marchande du Canada à l'égard des
certificats de pilotage. Il est soutenu que l'Admi-
nistration remplissait une fonction régie par les
règles de justice naturelle et que le Règlement sur
le pilotage est ultra vires en raison de la participa
tion des pilotes membres de l'Administration.
Dans sa défense, l'Administration a soutenu la
position qu'elle avait adoptée au cours des débats
qui ont abouti à l'adoption du Règlement—à
savoir que la mesure à prendre pour les propriétai-
res et exploitants du S.S. Alaska était d'inviter ses
officiers de quart à la passerelle à déposer une
demande de certificats de pilotage. Au sujet du
problème créé par la politique de la Guilde de la
marine marchande du Canada, elle a exprimé
l'avis suivant: [TRADUCTION] «La question de
savoir si les officiers de quart à la passerelle
canadiens membres de la Guilde et qui sont
employés à bord du S.S. «ALASKA» demanderont ou
ne demanderont pas des certificats de pilotage en
vertu de la Loi sur le pilotage et du Règlement y
afférent est une question qui échappe à la compé-
tence de l'Administration et qui ne peut, à bon
droit, constituer l'un des points en litige dans la
présente action. Il y a là plutôt matière à négocia-
tion entre les demandeurs en qualité d'employeur,
et ladite Guilde en qualité d'agent négociateur
pour ceux de leurs employés qui se trouveraient
être officiers de quart à la passerelle canadiens sur
le S.S. `ALASKA'.» L'Administration a nié qu'au
moment d'adopter le Règlement, elle avait été
guidée par des considérations étrangères aux
objectifs de la Loi. Elle a en outre soutenu que
toute conclusion selon laquelle les pilotes membres
de l'Administration n'avaient pas qualité pour par-
ticiper à l'élaboration du Règlement serait con-
traire aux principes.
La Division de première instance a conclu qu'en
incluant les mots «immatriculés au Canada» et
«immatriculé aux États-Unis» dans les articles 9 et
10 respectivement du Règlement, l'Administration
avait ainsi outrepassé les pouvoirs que lui confère
l'article 14 de la Loi, mais qu'il était toutefois
suffisant, pour les besoins de la cause, de ne décla-
rer ultra vires que l'article 9(2)a) du Règlement.
Voici le libellé de ces conclusions [aux pages 429
et 430]:
A mon avis l'Administration, en prescrivant dans les articles
9 et 10 du Règlement (pièce P-1) que le pavillon d'un navire est
une condition d'exemption ou de dispense de pilotage obliga-
toire, n'a pas agi dans le cadre des pouvoirs que l'article
14(1)b) et c) de la Loi sur le pilotage lui confèrent. Cet article
n'a pas non plus en vue l'objet public de sécurité imposé par
l'article 12 de ladite loi et l'insertion des expressions «immatri-
culés au Canada» et «immatriculés aux États-Unis» est ultra
vires des pouvoirs de l'Administration de pilotage du Pacifique.
Deuxièmement, il ressort de la preuve la constatation de fait
suivante: la susdite administration, probablement par suite des
protestations de trois de ses pilotes, avait des motifs pour
insérer dans les articles 9 et 10 de ce règlement, des termes qui
prévoient le pavillon du navire, de manière à empêcher totale-
ment le S.S. Alaska de bénéficier d'une exemption ou d'une
dispense de pilotage obligatoire et, ainsi motivée, l'Administra-
tion savait, aussi à toutes fins pratiques, que ce navire ne
disposait pas de l'autre méthode d'exemption envisagée par la
Loi sur le pilotage, à savoir le certificat de pilotage. En outre,
sa motivation en rédigeant le Règlement et en y insérant lesdits
termes, n'a jamais rien eu à voir avec l'objet public de sécurité
imposé par l'article 12 de ladite loi.
A cause de ces deux constatations, l'insertion de ces termes
dans les articles 9 et 10 dudit règlement était ultra vires des
pouvoirs de l'Administration.
Le fait que le gouverneur en conseil ait approuvé le Règle-
ment ne supprime nullement cette invalidité.
L'Administration de pilotage du Pacifique, en rédigeant ces
parties du Règlement, qui outrepassaient ses pouvoirs, et
sachant pertinemment que l'émission de certificats de pilotage
était improbable, a bien transgressé l'intention du Parlement
lorsqu'il a adopté la Loi sur le pilotage, à savoir: lorsque l'objet
public de sécurité n'est pas en cause, les navires doivent être
exemptés de pilotage obligatoire.
Aux fins de l'espèce, cette constatation est la seule qui
s'impose. Je déclare donc que l'acte législatif qui a inclus les
termes «immatriculés au Canada» dans l'article 9(2)a) du
Règlement (pièce P-1) était ultra vires des pouvoirs de l'Admi-
nistration de pilotage du Pacifique et que lesdits termes doivent
être supprimés.
Voici les termes exacts par lesquels ladite dispo
sition a été déclarée ultra vires:
Que l'acte législatif qui inclus les termes «immatriculés au
Canada» dans l'alinéa 9(2)a) du Règlement sur le pilotage dans
la région du Pacifique édicté en vertu de la Loi sur le pilotage,
approuvée par C.P. 1974-851 le 9 avril 1974, et enregistrée sous
le n° SOR/74-242 le 10 avril 1974 est ultra vires des pouvoirs
de l'Administration du pilotage du Pacifique et que lesdits
termes doivent être supprimés.
En effet, la Division de première instance a
considéré les mots «immatriculés au Canada»
comme détachables du reliquat de l'article 9(2)a)
avec ce résultat que l'article 9(2)a)(iii) conserve-
rait ainsi une forme permettant au S.S. Alaska
d'être exempté de pilotage obligatoire.
La suite du dispositif du jugement de première
instance est libellée en ces termes:
2. les pilotes membres de l'Administration du pilotage du Paci-
fique avaient un conflit d'intérêts, au sens d'équité du terme,
lorsqu'ils ont participé à la rédaction et à l'adoption du
Règlement et ils ne se sont disculpés de ce conflit d'intérêts à
aucun moment pertinent.
3. la motivation de l'Administration de pilotage du Pacifique
lorsqu'elle a adopté ledit Règlement et inclus dans les articles
9 et 10 les termes prévoyant le pavillon du navire comme une
condition d'exemption ou de dispense, n'était pas fondée sur
l'objet public de sécurité dans le sens où l'entend l'article 12
de la Loi sur le pilotage, mais sur le désir de procurer un
bénéfice matériel aux pilotes qui étaient ses adhérents, ainsi
qu'aux autres pilotes de la région.
4. le S.S. ALASKA, à tous les moments considérés, sur son
parcours Sand Heads-Pine Island, qui se situe en partie dans
la zone de pilotage obligatoire de la région du Pacifique, avec
un effectif d'officiers de quart et sans pilote de l'Administra-
tion de pilotage du Pacifique à son bord, n'a constitué aucune
menace pour la sécurité, au sens où l'entend l'article 12 de la
Loi sur le pilotage.
5. l'Administration de pilotage du Pacifique, en adoptant ledit
Règlement et en y incluant dans les alinéas 9(2)a et 10(1)a
les termes «immatriculés au Canada» et «immatriculés aux
États-Unis», a transgressé l'intention du Parlement voulant
que certains navires qui ne présentent aucune menace pour la
sécurité de la navigation au sens de l'article 12 de la Loi sur
le pilotage, soient exemptés du pilotage obligatoire par les
méthodes de l'exemption ou de la dispense prescrites dans
ladite loi.
L'attaque dirigée par les intimés contre le
Règlement sur le pilotage dans la région du Paci-
fique vise essentiellement l'article 9(2)a)(iii) et
l'article 10(1)a). En effet, ils soutiennent que ces
dispositions discriminent contre eux d'une manière
qui n'est pas autorisée par la Loi sur le pilotage
car elles ne restreignent l'exemption ou la dispense
de pilotage obligatoire dans le cas de navires cabo-
teurs ayant à leur bord des capitaines et des offi-
ciers de quart à la passerelle nantis essentiellement
de la même compétence et de la même expérience
que ceux du S.S. Alaska qu'aux navires immatri-
culés au Canada ou aux Etats-Unis. On peut donc
dire que la première question soulevée par l'appel
du jugement déclaratoire est de savoir si la Loi sur
le pilotage autorise le recours au pays d'immatri-
culation d'un navire comme condition d'exemption
de pilotage obligatoire à l'article 9(2)a)(iii) du
Règlement ou comme condition de dispense à l'ar-
ticle 10(1)a).
L'article 14 (précité) de la Loi sur le pilotage
permet à une Administration d'établir les règle-
ments «nécessaires pour atteindre ses objets». L'ar-
ticle 12 (également précité) dispose qu'une Admi
nistration a pour objets «d'établir, de faire
fonctionner, d'entretenir et de gérer, pour la sécu-
rité de la navigation, un service de pilotage effi-
cace dans la région indiquée dans l'annexe en ce
qui concerne cette Administration». Le règlement
prescrivant les navires ou catégories de navires
assujettis au pilotage obligatoire et celui prescri-
vant les circonstances dans lesquelles il peut y
avoir dispense de pilotage obligatoire sont, selon
les termes mêmes de la Loi, nécessaires à la réali-
sation de ces objets; par conséquent, leur contenu
doit avoir un rapport avec ces objets. On ne peut
interpréter l'article 14 comme accordant un pou-
voir discrétionnaire de classifier les navires, aux
fins du pilotage obligatoire, sur n'importe quelle
base. Quels sont donc les critères de classification
pertinents, tels qu'ils ressortent des objets énoncés
à l'article 12?
Il est à noter d'abord que l'Administration est
responsable tant de l'exploitation que de la régle-
mentation. Elle doit établir et assurer un service de
pilotage efficace. A cette fin, elle peut, comme
l'indique l'article 9, employer des pilotes brevetés
ou passer avec une corporation de pilotes un con-
trat de louage de services de pilotes. C'est cette
dernière solution qu'une Administration doit adop-
ter conformément à la Loi lorsque dans une région
de pilotage les pilotes décident de se constituer en
corporation plutôt que d'être employés par une
Administration. Dans un tel cas, cette dernière
doit traiter avec la corporation et seulement avec
elle. La situation peut s'assimiler à une sorte de
négociation collective. C'est la situation dans
laquelle se trouve l'Administration de pilotage du
Pacifique, en ce qu'elle est obligée par la Loi de
passer un contrat avec la B.C. Coast Pilots Ltd.
pour le maintien d'un service de pilotage efficace
dans la zone de pilotage du Pacifique. C'est dans
cette perspective qu'à mon avis l'on doit considérer
l'inquiétude manifestée dans certains passages du
dossier à l'égard des répercussions de certains
règlements touchant les relations contractuelles
entre l'Administration et la corporation de pilotes.
A l'un des motifs avancés pour rejeter le projet de
règlement proposé par les autorités fédérales,
auquel il a déjà été fait référence, s'ajoute la
communication interne qu'a fait parvenir l'un des
pilotes membres de l'Administration au président,
le 4 mars 1972, dans laquelle il est dit: [TRADUC-
TION] «Comment le comité des pilotes réagira-t-il
lorsqu'il apprendra que vous avez l'intention d'or-
ganiser un examen qui ne soit pas conforme au
récent accord conclu avec eux sur la tenue d'un
examen en vertu des règlements intérieurs en
vigueur? L'introduction de certificats de pilotage
sera sans doute interprétée comme une violation de
l'accord puisqu'elle se traduira immédiatement par
une perte de revenu pour les pilotes. Il y a là
matière à réflexion!!» Voici en quels termes
l'article 9 de l'accord conclu le 1 c février 1975
entre l'Administration et la corporation de pilotes
assure à cette dernière un revenu garanti:
[TRADUCTION] 9. Si, pendant la durée du présent accord et
conformément à celui-ci, l'Administration verse en contrepartie
des services un montant inférieur à 75% du montant versé à la
corporation au cours de l'année immédiatement précédente (ou
inférieur à 75% de la moitié du montant global payé aux pilotes
de la région pour les services de pilotage au cours de l'année
précédente, s'il s'agit de la première année de l'accord) par
suite d'une perte de revenu qui, autrement, aurait pu être gagné
dans la région n'eut été des dispenses de pilotage obligatoire,
et/ou de la délivrance de certificats de pilotage, et/ou des
exemptions de pilotage obligatoire, et/ou des modifications aux
limites des zones de pilotage, l'Administration accepte de com-
penser la totalité de cette perte de revenu ainsi occasionnée
jusqu'à concurrence de 75%.
Il ne fait aucun doute que la Loi place l'Admi-
nistration dans une situation difficile. Il aurait
sans doute été préférable de séparer le pouvoir
réglementaire et la responsabilité d'assurer le fonc-
tionnement d'un navire de pilotage efficace. Mais
il ne faut pas laisser cette difficulté, qui peut
toutefois permettre de jeter un jour moins défavo-
rable sur les mobiles de l'Administration, déformer
l'interprétation de l'article 12 de la Loi. La sécu-
rité de la navigation doit être renforcée par un
service de pilotage efficace, et l'Administration
doit nécessairement se préoccuper de tous les fac-
teurs influant sur cette efficacité, y compris les
conditions d'emploi ou de service susceptibles d'at-
tirer et de retenir les pilotes brevetés. En dernière
analyse, tout ce que l'Administration accomplit
doit être dans l'intérêt de la sécurité. C'est d'ail-
leurs dans cette optique qu'elle doit assurer la
responsabilité d'assurer un service de pilotage effi-
cace. Le pilotage obligatoire doit être imposé dans
l'intérêt de la sécurité et non dans quelque autre
intérêt, tel que le revenu global qu'en retireront les
pilotes. La question du revenu, pour essentielle
qu'elle soit, doit être réglée au moyen de tarifs
convenables ainsi que possiblement, au moyen
d'autres mesures financières.
Par conséquent, le pays d'immatriculation sera
un critère pertinent pour l'assujettissement au pilo-
tage obligatoire s'il peut être dit que ce critère
influe, dans un contexte particulier, sur la sécurité.
Le dossier fait état d'opinions diverses sur l'impor-
tance relative du pavillon d'un navire sur la sécu-
rité, mais le contexte précis dans lequel ces opi
nions sont exprimées n'est pas très clair. Par
exemple, dans sa déposition préalable, le capitaine
Dussault, du ministère des Transports, a surtout
traité du principe suivant lequel ne devraient
tomber sous le coup des exceptions au pilotage
obligatoire que les navires dont les pilotes sont
titulaires de certificats de pilotage et non les navi-
res qui bénéficient d'une exemption générale en
fonction de leur pavillon ou de leurs activités com-
merciales. Malgré les vues exprimées par le capi-
taine Dussault, on peut noter que le projet de
Règlement présenté par lui-même et M. O'Neil au
nom du ministère des Transports, axait en quelque
sorte sur le pays d'immatriculation l'assujettisse-
ment au pilotage obligatoire. Par contre, M. Fen-
wick, un hydrographe, s'est référé essentiellement
à la classification des navires du point de vue de la
navigabilité. D'autre part, M. Mahoney a exprimé
l'opinion que le pavillon ou la nationalité d'un
navire constituait le critère traditionnel pour limi-
ter la délivrance d'exemptions générales de pilo-
tage obligatoire. En dernière analyse, ce n'est pas
une question à régler en fonction d'opinions d'ex-
perts mais plutôt une question d'interprétation par
la Cour, en prenant judiciairement connaissance
des implications réglementaires de la nationalité
telles qu'elles découlent de la réglementation
maritime.
L'avocat de l'Administration a fortement souli-
gné le fait qu'aux termes des dispositions de la Loi
sur la marine marchande du Canada traitant du
pilotage, le pays d'immatriculation est l'un des
critères d'exemption du paiement obligatoire des
droits de pilotage. Il a soutenu sur la base des
dispositions transitoires de la Loi sur le pilotage,
qui prévoient l'applicabilité, à plusieurs égards, du
système précédemment en vigueur en attendant
l'adoption d'un nouveau règlement en vertu de la
nouvelle Loi, que le recours au pays d'immatricu-
lation comme critère applicable en matière de
pilotage obligatoire doit avoir été jugé compatible
par le Parlement avec l'objet et les principes de la
nouvelle législation. Il a également fait observer
que non seulement le gouverneur en conseil a-t-il
approuvé l'article 9 du Règlement sur le pilotage
dans la région du Pacifique, mais il a également
approuvé le Règlement des trois autres Adminis
trations de pilotage (c.-à-d. des Grands Lacs, des
Laurentides et de l'Atlantique) qui toutes se fon-
dent, dans une certaine mesure, sur le pays d'im-
matriculation comme critère d'assujettissement au
pilotage obligatoire. Bien sûr, cela n'est pas déter-
minant mais c'est certainement une raison d'abor-
der la question de l'ultra vires avec une certaine
prudence. Quels qu'aient pu être les principes sous-
jacents du système antérieur de paiement obliga-
toire des droits de pilotage, qui paraît avoir consti-
tué dans une certaine mesure un système de taxa-
tion pour renflouer le service de pilotage, qu'un
navire en ait eu besoin ou non, je suis d'avis, étant
donné les termes de l'article 12 de la Loi, que le
recours au pays d'immatriculation comme critère
d'assujettissement au pilotage obligatoire doit
désormais être lié à la sécurité et non à des consi-
dérations de nature économique ou financière.
Bien que la meilleure façon d'assurer la sécurité
soit de vérifier et de certifier la compétence d'un
officier pour la conduite d'un navire dans une zone
de pilotage déterminée, je suis d'avis que le pays
d'immatriculation ou le pavillon d'un navire ne
peut être, en principe, complètement dissocié de la
question de la sécurité de la navigation puisque le
pilotage des navires influe sur cette sécurité. A
part des facteurs tels que la dimension, la maniabi-
lité et les aides à la navigation—facteurs liés aux
caractéristiques physiques d'un navire et à son
équipement—les facteurs essentiels qui influent
sur la sécurité de la navigation, pour autant que le
pilotage des navires soit concerné, sont la compé-
tence du capitaine ou de l'officier chargé de piloter
le navire et sa connaissance des eaux locales. Le
pays d'immatriculation peut engendrer une pré-
somption de compétence et de connaissance des
eaux locales. Cela n'est peut-être pas un critère
suffisant en soi, mais ça ne peut toutefois être
complètement dissocié de la question de sécurité.
Par contre, je suis d'avis que dans le contexte de
l'article 9(2)a)(iii) du Règlement, le pays d'imma-
triculation n'est pas lié à la question de sécurité.
En effet, puisque la sécurité est assurée par les
autres conditions qui s'y trouvent spécifiées,
notamment celles touchant la compétence du capi-
taine ou de l'officier de quart à la passerelle et sa
connaissance des eaux locales, le pays d'immatri-
culation devient alors une exigence superflue et qui
ne peut figurer que pour servir d'autres buts non
autorisés par la Loi. Il est notoire qu'à part la
condition du pays d'immatriculation, le S.S.
Alaska se qualifie nettement pour bénéficier de
cette exception au pilotage obligatoire. J'approuve
l'argument des propriétaires et exploitants du
navire suivant lequel cette disposition discrimine
contre eux dans un sens qui, dans ce contexte
particulier, n'est pas autorisé par la Loi. On peut
en dire de même, je pense, de l'article 10(1)a) du
Règlement qui traite des dispenses. Là, la réfé-
rence à l'immatriculation aux États-Unis peut
servir à révéler la nature du certificat de compé-
tence requis, mais je pense que le même principe
doit s'appliquer. Là où les conditions de dispense
s'expriment par la compétence spécifique et la
connaissance des eaux locales, le pays d'immatri-
culation est sans importance.
Étant donné que l'on a soulevé au cours du
débat la question des mesures disciplinaires ratta-
chées aux certificats de compétence, j'ai examiné
si la référence au pays d'immatriculation dans le
contexte de l'article 9(2)a)(iii) et de l'article
10(1)a) fournit une mesure de contrôle supplémen-
taire justifiable pour des motifs de sécurité. Je ne
vois pas quelle justification l'on pourrait, sur cette
base, invoquer à son appui. Il paraît très évident
que, dans le cas de l'article 9(2)a)(iii) un certificat
de capacité canadien ou un certificat reconnu
comme équivalent par le ministre des Transports
en vertu de l'article 130 de la Loi sur la marine
marchande du Canada pourrait se voir suspendu
ou annulé par les autorités canadiennes, ce qui
reviendrait, pour autant que l'officier titulaire de
ce certificat est concerné, à supprimer une condi
tion essentielle du droit à la délivrance d'une
exemption. Dans le cas de l'article 10(1)a) qui
oblige le capitaine ou l'officier de quart à la passe-
relle à être dûment breveté pour un navire imma-
triculé aux États-Unis, la question du contrôle par
autorités canadiennes ne se pose pas.
Toutefois, je ne suis pas prêt à conclure que la
référence au pays d'immatriculation est sans rap
port avec la sécurité dans le contexte de l'exemp-
tion établie à l'article 9(2) du Règlement en faveur
des navires affectés à la pêche commerciale. C'est
pourquoi je ne puis souscrire à la conclusion du
savant juge de première instance selon laquelle
l'expression «immatriculés au Canada» doit être
biffée de l'ensemble de l'article 9(2)a). J'ai aussi
une autre raison pour ne pas souscrire à sa conclu
sion, celle-là ayant trait au caractère dissociable de
cette disposition. Étant parvenu à sa conclusion
pour les motifs qu'il a dégagés, le juge de première
instance a élagué l'article 9(2)a)(iii) du Règlement
dans la mesure requise pour permettre au , S.S.
Alaska d'avoir droit à une exemption. Bien que
cela constitue une solution éminemment pratique
au problème, je n'en vois pas clairement le fonde-
ment juridique. Plusieurs décisions judiciaires ont
traité du critère de dissociation, mais ce sont les
propos du vicomte Simon tenus alors qu'il s'expri-
mait au nom du Conseil privé dans Le procureur
général de l'Alberta c. Le procureur général du
Canada [1947] A.C. 503, la p. 518, qui font le
plus autorité: [TRADUCTION] «La véritable ques
tion est de savoir si ce qui reste est tellement
intimement lié à la partie déclarée invalide que la
partie restante ne puisse subsister indépendam-
ment ou, comme on l'a parfois exprimé, si après
examen équitable de toute l'affaire on peut suppo-
ser que le législateur aurait promulgué ce qui
subsiste sans promulguer du tout la partie qui est
ultra vires.» Ces propos du vicomte Simon se rap-
portaient à une loi, mais le même principe régit les
règlements établis en vertu des lois. La dissociation
ne doit pas servir à circonvenir ou frustrer l'inten-
tion du législateur. A la lumière de ce que nous
savons de l'adoption de ces Règlements, je ne vois
pas comment on peut raisonnablement supposer
que l'Administration aurait promulgué le sous-ali-
néa (iii) de l'article 9(2)a) sans les mots «immatri-
culés au Canada» pour en limiter l'application. En
conséquence, je pense que le sous-alinéa est à
supprimer dans son ensemble même si cela ne
convient pas aux intimés. Et il en va de même pour
l'article 10(1)a). Ces dispositions qui visent à limi-
ter la délivrance d'exemptions et de dispenses pour
un motif qui, dans le contexte, est sans rapport
avec la sécurité sont défectueuses dans leur ensem
ble. C'est pourquoi je déclare le sous-alinéa (iii) de
l'article 9(2)a) et l'article 10(1)a) du Règlement
ultra vires des pouvoirs de l'Administration de
pilotage du Pacifique. A mon avis, toute la ques
tion de la délivrance d'exemptions ou de dispenses
aux navires dont le capitaine ou les officiers de
quart à la passerelle ont la compétence et la con-
naissance des eaux locales, à l'instar de ceux du
S.S. Alaska, a été examinée sur une fausse base
légale et doit être réétudiée.
Les intimés demandent, à titre subsidiaire, au
cas où serait infirmée la déclaration limitée d'ultra
vires prononcée par la Division de première ins
tance, que le Règlement sur le pilotage dans la
région du Pacifique soit déclaré ultra vires dans
son ensemble. Rien ne permet à cette Cour d'ac-
quiescer à cette demande. A l'appui de celle-ci, les
intimés invoquent divers moyens. A mon avis, ils
doivent tous échouer. Quelques brèves remarques
les concernant suffiront.
Les intimés soutiennent instamment que l'en-
semble du Règlement est nul en raison de la
participation à sa rédaction de pilotes actifs mem-
bres de l'Administration. Tel qu'exposé, ce moyen
comporte deux branches. Premièrement, même si
le fait d'établir un règlement peut être considéré,
dans ce cas, comme un acte législatif, les pilotes
membres de l'Administration étaient en conflit
d'intérêts qui non seulement les disqualifiait pour
toute participation à l'élaboration dudit Règle-
ment, mais avait également pour effet d'entacher
ce dernier de nullité. Deuxièmement, étant donné
le litige suscité par le cas du S.S. Alaska, l'élabo-
ration du Règlement et la procédure aboutissant à
son adoption ont revêtu le caractère d'une fonction
quasi judiciaire dont l'exercice s'est trouvé vicié
par la crainte raisonnable d'une certaine partialité
du fait de la participation des pilotes membres. A
mon avis, ces arguments sont sans valeur. Les
membres de l'Administration ont été désignés par
le gouverneur en conseil conformément à l'article 3
de la Loi sur le pilotage, qui ne contient aucune
restriction ni condition relative aux activités ou
aux intérêts des membres, ni de disposition exi-
geant qu'un membre se consacre à plein temps à sa
tâche. Au moins un des membres de l'Administra-
tion, D. M. MacKay, est président d'une compa-
gnie de navigation et à ce titre représentant, pré-
sume-t-on, d'intérêts relatifs au transport
maritime. Comme l'Administration est un orga-
nisme d'exploitation autant que de réglementation,
on a bien pu juger souhaitable qu'elle soit compo
sée de représentants des divers intérêts en cause.
Lorsque, ce qui est ici le cas, le prétendu conflit
d'intérêts ou motif de partialité est fondé sur l'em-
ploi qu'occupe ce membre, ce conflit ou motif est
alors inhérent à la désignation même et ne peut à
mon avis constituer une cause de disqualification à
tous égards. Cela revient à un intérêt légalement
autorisé dans la mesure où la Loi peut s'interpréter
comme autorisant une telle désignation. L'attaque
est dirigée en réalité contre la désignation elle-
même. Son effet, si elle est bien fondée, serait
d'empêcher complètement un membre d'agir, puis-
que non seulement le Règlement dans sa totalité
mais chacun des actes en vue de son administra
tion ou application pourrait être considéré comme
ayant un effet tant soit-il indirect sur le revenu des
pilotes. Je n'estime pas nécessaire d'envisager dans
quelle mesure la doctrine des conflits d'intérêts
relative aux actes de fonctionnaires municipaux
électifs est applicable à l'élaboration d'un règle-
ment statutaire, surtout lorsqu'il doit être soumis à
l'approbation du gouverneur en conseil. Je doute
qu'il soit justifié de conclure qu'un tel conflit
donnerait lieu automatiquement à disqualification
ou nullité en l'absence d'une preuve que le Règle-
ment a effectivement été élaboré dans un but autre
que celui autorisé par la Loi en vigueur. Quant à la
crainte raisonnable de partialité, soulignons que la
fonction d'établir le Règlement, fonction essentiel-
lement législative, ne devenait pas à mon avis
judiciaire ou quasi judiciaire en raison du problè-
me ou de la question particulière soulevée par le
S.S. Alaska, et de la manière dont l'Administra-
tion avait permis d'examiner ce problème au cours
des audiences et autres occasions où les propriétai-
res et exploitants du navire avaient été invités à
exprimer leur avis. L'Administration n'avait
aucune obligation ni en vertu de la Loi sur le
pilotage ou d'autres Règles ou Règlements y affé-
rents, ni en vertu des principes de la common law,
d'entendre quiconque dont les intérêts pourraient
être lésés par le Règlement proposé. Le faire était
certainement une bonne pratique, mais de par sa
nature le pouvoir réglementaire ne pouvait être
affecté par cette procédure que l'Administration a
adopté de son plein gré sans aucune obligation
légale. En l'absence de preuve démontrant que
l'Administration a effectivement adopté l'ensemble
du Règlement sur le pilotage dans la région du
Pacifique dans un but autre que celui pour lequel
le pouvoir réglementaire lui est conféré, l'intérêt
possible des pilotes actifs membres de cette Admi
nistration, découlant de leur adhésion à la B.C.
Coast Pilots Ltd. et à la Guilde de la marine
marchande du Canada, ne peut affecter la validité
de ce Règlement.
Le juge de première instance a constaté que
l'Administration avait été motivée par des considé-
rations étrangères aux objets de la Loi lorsqu'elle a
choisi de limiter, aux articles 9 et 10 du Règle-
ment, la délivrance d'exemption et de dispenses
aux seuls navires immatriculés au Canada et aux
États-Unis. C'était là un motif supplémentaire, ou
peut-être une autre variante du même motif, pour
déclarer ultra vires les articles 9(2)a) et 10(1)a).
Dès qu'il a été constaté que le recours au pays
d'immatriculation comme condition supplémen-
taire dans le contexte particulier de l'article
9(2)a)(iii) et de l'article 10(1)a) du Règlement
n'est pas autorisé par la Loi, il importe peu com
ment on qualifie les considérations ou mobiles qui
inspirent son utilisation. Mais cette conclusion du
juge de première instance ne visait pas la validité
du Règlement dans son ensemble. D'ailleurs, j'es-
time que la preuve est insuffisante pour étayer une
telle conclusion.
Les motifs de jugement de la Division de pre-
mière instance donnent fortement à entendre que
l'Administration a agi de mauvaise foi en refusant
de prévoir dans le Règlement une disposition
réglant le cas du S.S. Alaska par exemption ou
dispense. Encore une fois, il est clair que cela
attaque la validité des articles 9(2)a) et 10(1)a) du
Règlement et non celle du Règlement dans son
ensemble. J'ajouterais même qu'à mon avis, la
preuve ne renforce aucunement la conclusion que
l'Administration a usé de malveillance envers les
propriétaires et exploitants du S.S. Alaska et
qu'elle n'a pas délibérément et sciemment exercé
ses pouvoirs dans le but de leur nuire. Il appert que
cette allégation de mauvaise foi aurait été fondée
sur l'affirmation répétée par l'Administration que
la solution au problème du S.S. Alaska consistait
à obtenir des certificats de pilotage pour ses offi-
ciers de quart à la passerelle alors qu'elle savait
qu'en raison de la politique de la Guilde de la
marine marchande du Canada, il était peu proba
ble que les officiers puissent être persuadés de
solliciter de tels certificats. Cela soulève, par ail-
leurs, la question de la pertinence de l'attitude de
la Guilde.
Peu importe les autres recours auxquels elle peut
donner lieu, l'opposition de la Guilde de la marine
marchande du Canada à l'égard des certificats de
pilotage ne peut, à mon avis, affecter la validité du
Règlement. La Loi sur le pilotage prévoit expres-
sément la délivrance de certificats de pilotage. Les
dispositions réglementaires afférentes à ces certifi-
cats donnent effet à cette disposition de la Loi.
Toutes ces dispositions sont un aspect essentiel de
la Loi et du Règlement que l'Administration est
tenue de respecter et d'appliquer sans leur attri-
buer un caractère inopérant du fait de l'attitude de
la Guilde de la marine marchande du Canada. Je
pense que l'Administration a soutenu à bon droit
qu'elle ne pourrait exercer ses pouvoirs d'accorder
une exemption ou une dispense s'il n'était pas
possible, en pratique, d'obtenir des certificats de
pilotage. Le règlement doit être établi dans la
perspective qu'il pourra s'appliquer. La plainte en
l'espèce est que, sachant qu'il serait pratiquement
impossible d'obtenir des certificats de pilotage,
l'Administration n'a pas jugé bon de prévoir une
exemption ou une dispense dans des termes pou-
vant couvrir le cas du S.S. Alaska. L'Administra-
tion n'était aucunement tenue, dans les circons-
tances, de prévoir une catégorie d'exemptions ou
de dispenses de cette nature. Son refus de le faire
ne peut être taxé de mauvaise foi. Elle était libre
de s'en remettre, dans toute la mesure qu'elle
jugeait utile, à l'exigence de certificats de pilotage.
Par contre, comme je l'ai dit, elle n'avait pas le
droit d'essayer de limiter une catégorie proposée
d'exemptions ou de dispenses d'après un critère
sans rapport avec la sécurité. Selon mon interpré-
tation de la Loi, l'Administration n'est pas tenue
de vérifier si des navires particuliers devraient
bénéficier d'une exemption ou d'une dispense
parce qu'en réalité, compte tenu de la compétence
et de l'expérience de leurs officiers, ils ne présen-
tent aucun danger pour la sécurité de la naviga
tion. Le devoir de l'Administration est d'établir un
système efficace de pilotage pour assurer la sécu-
rité. Nous savons que le danger vient des eaux
particulières de la zone de pilotage. L'Administra-
tion pourrait certes choisir, comme méthode visant
à assurer un contrôle efficace dans l'intérêt de la
sécurité, d'astreindre tous les navires d'un certain
type et de certaines dimensions au pilotage obliga-
toire, la seule exception à cela étant la disposition
relative au certificat de pilotage. Je ne vois pas
comment l'on pourrait qualifier d'ultra vires pareil
exercice du pouvoir réglementaire. Pour considérer
la présente affaire dans une bonne perspective,
j'estime essentiel de garder à l'esprit que l'Admi-
nistration n'était pas obligée de prévoir une exemp
tion ou une dispense pour le S.S. Alaska pour
résoudre le problème créé par la politique de la
Guilde de la marine marchande du Canada.
Pour ces motifs, j'estime que rien dans l'attitude
tant de l'Administration que de ses membres ne
permet de conclure que le Règlement sur le pilo-
tage dans la région du Pacifique est, dans son
ensemble, ultra vires.
Je rejette l'appel, mais en rendant le jugement
qu'il convient de rendre dans les circonstances, je
déclare le sous-alinéa 9(2)a)(iii) et l'alinéa
10(1)a) du Règlement sur le pilotage dans la
région du Pacifique ultra vires des pouvoirs de
l'Administration.
J'en viens maintenant à l'appel A-597-77 contre
le jugement rejetant la réclamation de droits de
pilotage, déposée par l'Administration de pilotage
du Pacifique, pour la période du 1" février 1974 au
30 avril 1974. Soulignons que l'Administration a
abandonné sa réclamation pour la période du 1"
février 1974 au 9 avril 1974 puisqu'elle reconnaît
qu'il n'y avait, pendant cette période, aucun règle-
ment de pilotage en vigueur sur lequel elle pourrait
fonder une réclamation de droits de pilotage. Par
conséquent, l'appel porte sur la somme $3,594.04
pour la période du 10 au 30 avril. Ayant conclu
que l'Administration avait outrepassé ses pouvoirs,
la Division de première instance a donc rejeté la
réclamation afférente à cette somme car selon elle,
le S.S. Alaska devait bénéficier de l'exemption
prévue à l'article 9(2)a)(iii). Mais un résultat
opposé découle de la conclusion à laquelle je suis
arrivé sur la question de la validité du Règlement:
puisque l'article 9(2)a)(iii) tombe dans son ensem
ble, le S.S. Alaska était donc assujetti au pilotage
obligatoire pour la période du 10 au 30 avril 1974.
Par conséquent, l'appel est accueilli et la réclama-
tion de l'Administration confirmée pour la somme
de $3,594.04.
Examinons maintenant l'appel A-623-77 contre
le jugement rejetant la demande reconventionnelle
des appelants en remboursement de la somme de
$74,247.66 qui représente les droits de pilotage
afférents à la période du l er février 1972 au 1"
février 1974, prétendument versée par suite d'une
erreur mutuelle de droit mais en résultat d'une
contrainte afin d'aligner la demande sur le prin-
cipe affirmé dans Eadie c. La Corporation du
canton de Brantford [1967] R.C.S. 573. L'objet
du litige consiste à déterminer si le paiement des
droits de pilotage était obligatoire au cours de
cette période dans ce qui était autrefois la circons-
cription de pilotage de la Colombie-Britannique,
établie conformément aux dispositions de la Loi
sur la marine marchande du Canada. Cette ques
tion est axée sur l'effet qui doit être donné à un
décret du conseil de 1929 et à des dispositions
réglementaires ultérieures sur le pilotage établies
par la circonscription, auxquels il a été fait réfé-
rence au début des présents motifs.
L'article 412 de la Loi de la marine marchande
du Canada, S.R.C. 1927, c. 186, dispose que: «Le
gouverneur en son conseil peut, quand il y a lieu,
rendre obligatoire ou facultatif le paiement des
droits de pilotage dans les limites de toute circons-
cription établie par lui en vertu de la présente
Partie.» Conformément à cet article, le gouverneur
en conseil a ordonné, par décret C.P. 493 en date
du 22 mars 1929, établissant la circonscription de
pilotage de la Colombie-Britannique, [TRADUC-
TION] «Qu'en vertu des dispositions de l'article 412
de ladite Loi, le paiement de droits de pilotage
dans les limites de ladite circonscription de pilo-
tage de la Colombie-Britannique soit facultatif.»
L'article 316 de la Loi de la marine marchande
du Canada, 1934 (S.C. 1934, c. 44) reprend l'es-
sentiel des termes de l'article 412 du chapitre 186
des Statuts revisés de 1927 susmentionnés. Quant
à l'article 319 de la Loi de 1934, il dispose que:
«Subordonnément aux dispositions de la présente
Partie de la présente loi, ou de toute loi pour lors
en vigueur dans sa circonscription, toute adminis
tration de pilotage, dans les limites de sa circons-
cription et à l'occasion, par règlement approuvé
par le Gouverneur en conseil, aura pouvoir de ...»;
suit alors une longue liste de sujets qu'il n'y a pas
lieu de citer ici mais qui, on peut le dire avec
assurance, ne contient aucune disposition prescri-
vant le paiement obligatoire ou facultatif de droits
de pilotage dans la circonscription. Nonobstant les
limites au pouvoir de réglementation conféré par
l'article 319, le ministre des Transports a, en sa
qualité d'Administration de pilotage pour la cir-
conscription de pilotage de la Colombie-Britanni-
que, modifié en vertu d'un règlement en date du 12
mars 1949 les règlements sur le pilotage de cette
circonscription de manière à prévoir à l'article 3 le
paiement obligatoire des droits de pilotage. Ce
règlement a été approuvé le 14 avril 1949 (C.P.
1618) [DORS/49-137] par le gouverneur en con-
seil avec renvoi exprès à cette disposition et ce, en
exécution apparemment de l'article 319 de la Loi
de 1934. Une disposition instituant le paiement
obligatoire de droits de pilotage dans la circons-
cription de pilotage de la Colombie-Britannique a
revu le jour à l'article 6 du Règlement général de
la circonscription de pilotage de la Colombie-Bri-
tannique établi par le ministre des Transports en
vertu de l'article 329 de la Loi sur la marine
marchande du Canada, S.R.C. 1952, c. 29 le 25
mai 1965 et confirmé par le gouverneur en conseil
en vertu du même article le 10 juin 1965 (C.P.
1965-1084) [DORS/65-241]. L'article 329 est
libellé dans les mêmes termes que l'article 319 de
la Loi de 1934. Le pouvoir exprès conféré au
gouverneur en conseil par l'article 412 de la Loi de
la marine marchande du Canada, S.R.C. 1927, c.
186 et par l'article 316 de la Loi de 1934 figure à
l'article 326 du chapitre 29 des Statuts revisés de
1952.
Je conclus de ces dispositions qu'une Adminis
tration de pilotage n'avait aucun pouvoir en vertu
de la Loi sur la marine marchande du Canada
d'instituer par règlement le paiement obligatoire
de droits de pilotage, et que la confirmation du
règlement par le gouverneur en conseil ne pouvait
valider ce qui, à l'origine, était invalide. Mais cela
ne met pas un terme à la question. Effectivement,
il est nécessaire d'examiner l'effet des dispositions
transitoires de l'article 43 de la Loi sur le pilotage
sur la validité et l'application de la disposition du
Règlement de la circonscription de pilotage de la
Colombie-Britannique, qui prévoit le paiement
obligatoire de droits de pilotage.
Voici le libellé de l'article 43(1):
43. (I) Pour plus de certitude,
a) tout règlement qui a été établi ou déclaré avoir été établi
avant l'entrée en vigueur du présent article par une autorité
de pilotage en application de l'article 319 de la Loi de la
marine marchande du Canada, 1934 ou de l'article 329 de la
Loi sur la marine marchande du Canada, chapitre 29 des
Statuts revisés du Canada de 1952, et
b) tout décret du gouverneur en conseil qui a été établi ou
déclaré avoir été établi avant l'entrée en vigueur du présent
article en application de l'article 319 de la Loi de la marine
marchande du Canada, 1934 ou de l'article 329 de la Loi sur
la marine marchande du Canada, chapitre 29 des Statuts
revisés du Canada de 1952 afin de ratifier un règlement visé
à l'alinéa a),
sont, à toutes fins, censés avoir été applicables et avoir eu tout
leur effet au même titre que si, à la date à laquelle ils ont été
déclarés avoir été établis, ils avaient été établis en application
d'une loi du Parlement du Canada qui donnait pouvoir de les
établir.
Pour les besoins de la présente cause, les mots
«au même titre que si, à la date à laquelle ils ont
été déclarés avoir été établis, ils avaient été établis
en application d'une loi du Parlement du Canada
qui donnait pouvoir de les établir» ont pour effet
que les Règlements qui prévoyaient le paiement
obligatoire de droits de pilotage dans la circons-
cription de pilotage de la Colombie-Britannique et
les décrets du gouverneur en conseil confirmant
ces Règlements sont censés avoir été valides depuis
le jour de leur établissement. A ce titre, ils sont
censés avoir abrogé et remplacé le texte du décret
de 1929, pour ce qui est du paiement obligatoire de
droits de pilotage. Les décrets confirmatifs, s'ils
sont valides, représentent certainement un exercice
suffisant de l'autorité conférée au gouverneur en
conseil pour rendre, quand il y a lieu, obligatoire
ou facultatif le paiement de droits de pilotage dans
les limites d'une circonscription de pilotage.
L'effet du paragraphe 43(1) est qu'à l'époque de
l'entrée en vigueur de la Loi sur le pilotage, la
circonscription de pilotage de la Colombie-Britan-
nique devait être tenue pour l'une de celles dans
lesquelles le paiement de droits de pilotage est
obligatoire. Cela fait donc du district (circonscrip-
tion) de pilotage de Colombie-Britannique l'un de
ceux considérés comme une zone de pilotage créée
en conformité de la Loi sur le pilotage, comme il
est prescrit à l'article 43(7) que voici:
43....
(7) Tout district de pilotage, qui est créé aux termes ou en
vertu de la Partie VI de la Loi sur la marine marchande du
Canada et dans lequel le paiement des droits de pilotage est
obligatoire au moment de l'entrée en vigueur de la présente loi,
est censé être une zone de pilotage obligatoire établie en
application de la présente loi jusqu'au moment où l'Administra-
tion compétente établit, en application de l'alinéa a) du para-
graphe (1) de l'article 14, un règlement général relatif aux eaux
en question.
Par ailleurs, en vertu de l'article 43(4) de la Loi
sur le pilotage, modifié par S.C. 1973-74, c. 1,
article 1, les Règlements du district (circonscrip-
tion) de pilotage du Pacifique de la Colombie-Bri-
tannique instituant le paiement obligatoire de
droits de pilotage sont restés en vigueur jusqu'au
1" février 1974.
Par conséquent, le S.S. Alaska était assujetti au
paiement obligatoire de droits de pilotage pendant
la période du 1" février 1972 au 1" février 1974.
L'appel du jugement de la Division de première
instance qui a rejeté la demande reconventionnelle
doit donc être rejetée.
* * *
LE JUGE HEALD: Je suis d'accord.
* * *
LE JUGE URIE: •Je suis d'accord.
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