A-576-79
Samuel Badu Brempong (Requérant)
c.
Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration
(Intimé)
Cour d'appel, les juges Heald et Urie et le juge
suppléant Maguire—Winnipeg, ler mai; Ottawa, 9
juin 1980.
Examen judiciaire — Immigration — Demande d'examen et
d'annulation de la décision par laquelle l'intimé a refusé de
reconnaître au requérant la qualité de réfugié au sens de la
Convention — La question est de savoir si la présente Cour est
compétente pour connaître d'une demande d'examen judiciaire
d'une décision d'un ministre — Loi sur l'immigration de 1976,
S.C. 1976-77, c. 52, art. 45(1),(2),(4), 70(1), 71 — Loi sur la
Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28.
La présente demande, fondée sur l'article 28, tend à l'examen
et à l'annulation de la décision par laquelle l'intimé a refusé de
reconnaître au requérant la qualité de réfugié au sens de la
Convention. Le requérant, qui a été admis au Canada comme
visiteur, a fait l'objet d'une enquête de l'immigration, enquête
qui a été ajournée du fait qu'il a revendiqué le statut de réfugié
au sens de la Convention. Conformément à l'article 45(2) de la
Loi sur l'immigration de 1976, la revendication, accompagnée
d'une copie de l'interrogatoire intervenu conformément à l'arti-
cle 45(1) de la Loi, a été transmise à l'intimé qui, après avoir
obtenu l'avis du comité consultatif sur le statut de réfugié
conformément à l'article 45(4) de la Loi, a pris la décision
attaquée. Le point est de savoir si la présente Cour est compé-
tente pour connaître de cette demande d'examen judiciaire de
la décision du Ministre. Le requérant prétend que les disposi
tions de l'article 45(2) et (4) s'insèrent dans un processus
d'audition qu'il faut mener de façon quasi judiciaire.
Arrêt: la demande est rejetée. Le pouvoir conféré au Ministre
par l'article 45(2) et (4) de la Loi sur l'immigration de 1976
est purement administratif et n'a pas à être exercé de façon
quasi judiciaire. Ce pouvoir d'accorder le statut de réfugié au
sens de la Convention prend naissance quand le Ministre juge
qu'un requérant satisfait aux critères édictés par la Loi et il est
peu concevable qu'une audition (dans le sens large du terme)
soit nécessaire, ou qu'elle ait été même envisagée dans l'exer-
cice de ce pouvoir. Ayant prévu la façon de présenter la
revendication en question, le législateur a attribué au Ministre
la responsabilité de prendre la décision selon un processus qui
n'est pas judiciaire.
Arrêts mentionnés: Le ministre du Revenu national c.
Coopers and Lybrand [1979] 1 R.C.S. 495; Nicholson c.
Haldimand-Norfolk Regional Board of Commissioners of
Police [1979] 1 R.C.S. 311. Arrêt suivi: Le ministre de la
Main-d'oeuvre et de l'Immigration c. Hardayal [1978] 1
R.C.S. 470.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
D. Matas pour le requérant.
C. J. Henderson pour l'intimé.
PROCUREURS:
D. Matas, Winnipeg, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE URIE: La présente demande fondée sur
l'article 28 tend à l'examen et à l'annulation de la
décision du 13 septembre 1979 par laquelle l'in-
timé a refusé de reconnaître au requérant la qua-
lité de réfugié au sens de la Convention. Elle a été
présentée conjointement et se fonde sur les mêmes
motifs que celle de Taabea c. Le ministre de
l'Emploi et de l'Immigration, n° du greffe
A-577-79. La requérante dans cette dernière
affaire est l'épouse du requérant à l'instance.
Le requérant, qui est instituteur et citoyen du
Ghana, a été admis au Canada comme visiteur en
février 1977. Par suite de la prolongation de son
séjour après l'expiration de son visa de visiteur et
de l'occupation d'un emploi sans autorisation, il a
fait l'objet d'une enquête de l'immigration,
enquête qui a été ajournée, comme le veut l'article
45(1)' de la Loi sur l'immigration de 1976, S.C.
1976-77, c. 52, le requérant ayant revendiqué le
statut de réfugié au sens de la Convention. Un
agent d'immigration supérieur a procédé à l'inter-
rogatoire sous serment du requérant, qui était
assisté d'un conseil, au sujet de sa revendication.
La revendication, accompagnée d'une copie de l'in-
' 45. (1) Une enquête, au cours de laquelle la personne en
cause revendique le statut de réfugié au sens de la Convention,
doit être poursuivie. S'il est établi qu'à défaut de cette revendi-
cation, l'enquête aurait abouti à une ordonnance de renvoi ou à
un avis d'interdiction de séjour, elle doit être ajournée et un
agent d'immigration supérieur doit procéder à l'interrogatoire
sous serment de la personne au sujet de sa revendication.
terrogatoire a été transmise au Ministre pour déci-
sion, conformément à l'article 45(2) 2 de la Loi. Le
Ministre a soumis, conformément à l'article
45(4) 3 , la revendication, accompagnée d'une copie
de l'interrogatoire, à l'examen du comité consulta-
tif sur le statut de réfugié; «après réception de
l'avis du comité ...N, le Ministre a statué que le
requérant n'était pas un réfugié au sens de la
Convention. Le requérant et l'agent d'immigration
supérieur furent avisés de cette décision.
Dans les délais prescrits par la Loi, le requérant
et son épouse ont chacun saisi d'une demande de
réexamen de leur revendication la Commission
d'appel de l'immigration, en vertu de l'article
70(1) de la Loi.
Par la suite, le requérant a, en vertu de l'article
28, soumis la présente demande d'examen et d'an-
nulation de la décision par laquelle le Ministre lui
a refusé le statut de réfugié au sens de la Conven
tion. On nous a de plus informés que l'avocat du
requérant a intenté pour le compte de celui-ci une
action en Division de première instance contre le
comité consultatif sur le statut de réfugié, le minis-
tre de l'Emploi et de l'Immigration et le procureur
général du Canada, action demandant des ordon-
nances de mandamus contre les deux premiers
défendeurs nommés ci-dessus et, à l'encontre du
procureur général du Canada, une déclaration à
l'égard des droits revendiqués par le requérant aux
présentes.
Suite à cette demande du requérant, la Division
de première instance a émis une ordonnance enjoi-
gnant au ministre de l'Emploi et de l'Immigration
de faire parvenir ou délivrer au requérant ou à son
avocat, par écrit, les motifs de sa décision refusant
au requérant le statut de réfugié au sens de la
Convention. Je doute fort de l'opportunité d'exiger
ainsi du Ministre de fournir ces motifs. Quoi qu'il
en soit, nous ne sommes pas appelés à nous pro
2 45....
(2) Après l'interrogatoire visé au paragraphe (1), la revendi-
cation accompagnée d'une copie de l'interrogatoire, est trans-
mise au Ministre pour décision.
3 45....
(4) Le Ministre, saisi d'une revendication conformément au
paragraphe (2), doit la soumettre, accompagnée d'une copie de
l'interrogatoire, à l'examen du comité consultatif sur le statut
de réfugié institué par l'article 48. Après réception de l'avis du
comité, le Ministre décide si la personne est un réfugié au sens
de la Convention.
poncer sur cette question en la cause. L'ordon-
nance défend aussi à la Commission d'entendre la
demande du requérant tendant au réexamen de sa
revendication du statut de réfugié au sens de la
Convention jusqu'à ce qu'il ait, lui ou son avocat,
reçu les motifs concernés et qu'il ait eu la possibi-
lité de présenter à l'intimée la Commission d'appel
de l'immigration, ses arguments à l'encontre des
motifs du Ministre. Les avocats nous ont appris
que cette ordonnance a fait l'objet d'un appel, mais
que cet appel a été abandonné pour un motif
quelconque. Obéissant à l'ordonnance, le Ministre
aurait fourni les motifs de sa décision, mais ceux-ci
n'ont pas été versés au dossier de la présente
demande. Toutefois, ils auraient dû l'être s'il nous
faut nous prononcer sur le fond en connaissance de
cause, puisque ce qu'a dit le Ministre constitue le
fondement de la contestation de la décision qu'il a
rendue.
Il faut toutefois, avant d'examiner le fond de la
demande, déterminer si la Cour est compétente
pour connaître d'une demande d'examen judiciaire
d'une décision d'un ministre. Cette compétence, si
elle existe, ne peut venir que de l'article 28 (1) de la
Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.),
c. 10, dont voici le texte:
28. (1) Nonobstant l'article 18 ou les dispositions de toute
autre loi, la Cour d'appel a compétence pour entendre et juger
une demande d'examen et d'annulation d'une décision ou
ordonnance, autre qu'une décision ou ordonnance de nature
administrative qui n'est pas légalement soumise à un processus
judiciaire ou quasi judiciaire, rendue par un office, une com
mission ou un autre tribunal fédéral ou à l'occasion de procédu-
res devant un office, une commission ou un autre tribunal
fédéral, au motif que l'office, la commission ou le tribunal
[c'est moi qui souligne]
a) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a
autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
b) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une
erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du
dossier; ou
c) a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion
de fait erronée, tirée de façon absurde ou arbitraire ou sans
tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
Voici ce que le juge Dickson dit, dans l'arrêt
qu'a rendu récemment la Cour suprême dans l'af-
faire M.R.N. c. Coopers and Lybrand 4 , au sujet de
l'article 28(1):
4 [1979] 1 R.C.S. 495 aux pp. 499 et 500.
La compétence conférée par l'art. 28 à l'égard d'une
demande d'examen et d'annulation ne vaut que dans le cas:
... d'une décision ou ordonnance, autre qu'une décision ou
ordonnance de nature administrative qui n'est pas légalement
soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire, rendue
par un office, une commission ou un autre tribunal fédéral ou
à l'occasion de procédures devant un office, une commission
ou un autre tribunal fédéral ...
Le texte compliqué de l'art. 28 de la Loi sur la Cour fédérale a
soulevé de nombreuses difficultés, comme en témoigne la juris
prudence, mais il semble clair que la Cour d'appel fédérale est
compétente en vertu de cet article si l'on peut répondre affirma-
tivement à chacune de ces quatre questions:
(1) Est-ce que l'objet de la contestation est une «décision ou
ordonnance» au sens pertinent?
(2) Si c'est le cas, tombe-t-elle à l'extérieur de la catégorie
exclue, c'est-à-dire s'agit-il d'une décision ou d'une ordonnance
«autre qu'une décision ou ordonnance de nature administrative
qui n'est pas légalement soumise à un processus judiciaire ou
quasi judiciaire»?
(3) La décision ou ordonnance a-t-elle été rendue à l'occasion
de «procédures»?
(4) L'organisme, ou la personne, dont la décision ou ordon-
nance est contestée est-il un «office, commission ou autre
tribunal fédéral» au sens de l'art. 2 de la Loi sur la Cour
fédérale?
La difficulté réelle dans la présente affaire est
de répondre affirmativement à la question (2). La
décision par laquelle le Ministre tranche si un
demandeur a ou non le statut de réfugié au sens de
la Convention est-elle ou n'est-elle pas une «déci-
sion ou ordonnance de nature administrative qui
n'est pas légalement soumise à un processus judi-
ciaire ou quasi judiciaire?»
Dans un arrêt récent de la Cour suprême
dans l'affaire Nicholson c. Haldimand-Norfolk
Regional Board of Commissioners of Polices, la
majorité de la Cour a statué qu'il peut exister,
dans certaines circonstances, une obligation procé-
durale d'agir équitablement différente des exigen-
ces traditionnelles de la justice naturelle. De plus
l'existence de cette obligation ne tient pas à la
distinction entre les fonctions judiciaires ou quasi
judiciaires et les fonctions administratives. Même
si l'on accepte cet énoncé comme la tendance
actuelle de la pensée judiciaire, il n'en reste pas
moins que l'article 28 retient tout de même explici-
tement la distinction comme un des critères fonda-
mentaux qui servent à déterminer si la Cour fédé-
rale est compétente pour contrôler les décisions des
offices, commissions ou autres tribunaux fédéraux.
5 [1979] 1 R.C.S. 311.
Heureusement, pour ce qui est de la question qui
se pose ici, on peut recourir à un autre arrêt de la
Cour suprême, celui rendu dans l'affaire Le minis-
tre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration c.
Hardayal 6 . Dans cette affaire l'intimé avait
demandé à être admis au Canada à titre d'immi-
grant reçu, mais l'interrogatoire de l'agent d'immi-
gration avait fait ressortir qu'il ne répondait pas
aux conditions requises. Comme sa femme était
citoyenne canadienne, le Ministre lui accorda un
permis l'autorisant à demeurer temporairement au
Canada. Environ deux mois et demi avant la date
d'expiration du permis, le Ministre le révoqua et
ordonna l'expulsion de l'intimé. Comme ce dernier
ne quitta pas le pays, il y eut enquête. Cette
enquête fut cependant ajournée pour permettre à
l'intimé de présenter, en vertu de l'article 28, une
demande d'examen et d'annulation de l'ordon-
nance qui révoquait le permis, pour le motif qu'il
n'avait pas eu la possibilité, alors qu'il aurait dû
l'avoir, d'être entendu avant la révocation du
permis.
Le juge Spence dit ceci, à la page 478 du
recueil, sur le point de savoir si l'acte du Ministre
de révoquer le permis constituait une ordonnance
de nature administrative «légalement soumise à un
processus judiciaire ou quasi judiciaire*:
Compte tenu des directives précises qui régissent le droit
d'entrée des immigrants ou l'expulsion de ceux qui sont entrés
au Canada, énoncées dans les dispositions de la Loi sur l'immi-
gration, je suis nettement d'avis que le pouvoir du Ministre
d'accorder, de proroger ou d'annuler un permis en vertu de
l'art. 8 de la Loi sur l'immigration qui ne fixe aucune modalité
d'exercice de ce pouvoir et, aux fins des présentes, aucune
restriction quant aux bénéficiaires de tels permis, est censé être
un pouvoir purement administratif, qui n'est pas soumis à un
processus judiciaire ou quasi judiciaire. De fait, exiger du
Ministre qu'il n'accorde, ne proroge ou n'annule pareil permis
que selon un processus judiciaire ou quasi judiciaire ferait
échouer le but que visait le législateur en accordant ce pouvoir
au Ministre. Comme je l'ai dit, la preuve indique que ce pouvoir
est utilisé seulement dans des circonstances exceptionnelles et
principalement pour des raisons humanitaires. Le législateur a
estimé nécessaire de créer ce pouvoir afin d'assurer une applica
tion souple de la politique d'immigration et je ne peux conclure
que l'intention du législateur était d'en assujettir l'exercice au
droit à une audition équitable, comme l'a allégué l'intimé. Il est
vrai que dans l'exercice de ce qui constitue, à mon avis, un
pouvoir administratif, le Ministre doit agir équitablement et
pour des motifs légitimes, et l'omission de ce faire pourrait bien
donner le droit à l'intéressé d'entamer des procédures en vertu
de l'al. a) de l'art. 18 de la Loi sur la Cour fédérale. Mais, pour
6 [19781 1 R.C.S. 470.
les motifs déjà soulignés, je suis d'avis que cette décision ne fait
pas partie de celles qui peuvent faire l'objet d'un examen en
vertu de l'art. 28 de la Loi sur la Cour fédérale.
A mon avis, ce raisonnement s'applique intégra-
lement à la décision par laquelle le Ministre refuse
ou reconnaît à un requérant le statut de réfugié au
sens de la Convention. L'un des critères dont parle
le juge Dickson dans l'affaire Coopers and
Lybrand citée plus haut et qui servent à détermi-
ner s'il faut considérer une décision d'un tribunal
comme devant être prise selon un processus judi-
ciaire ou quasi judiciaire est la prescription qu'il y
aura audition ou non. L'avocat du requérant dans
la présente affaire a souligné que l'article 45(1) de
la Loi sur l'immigration de 1976 exige un interro-
gatoire sous serment et que l'article 45(6) accorde
au requérant le droit à un conseil. Cela constitue,
dit-il, une audition. Selon lui, la transmission de la
revendication et de l'interrogatoire par le Ministre
au comité consultatif sur le statut de réfugié en
vertu de l'article 45(4) et l'avis du comité au
Ministre font partie d'un processus d'audition qu'il
faut mener d'une façon quasi judiciaire. Il en
résulte, selon lui, que si le Ministre ou le comité
tient compte, pour rendre leur décision, de faits qui
n'étaient pas disponibles ou qui n'ont pas été
débattus à l'interrogatoire sous serment, le requé-
rant devrait avoir la possibilité de répliquer quant
aux conclusions tirées de ces faits.
Je ne suis pas d'accord. Même en supposant
pour les fins des présentes, mais sans nous pronon-
cer, que l'interrogatoire soit une audition', à mon
avis cette audition prend fin avec l'interrogatoire
lui-même. Ce qui survient par la suite est de
nature purement administrative et n'a pas à être
fait de façon quasi judiciaire. La Convention sur
les réfugiés a pour fondement des motifs humani-
taires, lesquels sont l'un des éléments dont le
Ministre devait tenir compte dans l'affaire Har-
dayal. Cependant, le pouvoir du Ministre d'accor-
der le statut de réfugié au sens de la Convention
prend naissance quand le Ministre juge qu'un
requérant satisfait aux critères édictés par la Loi
sur l'immigration de 1976, et je conçois difficile-
ment qu'une audition (dans le sens large du terme)
soit nécessaire, ou qu'elle ait été même envisagée
' S'il en est une, elle n'est pas contradictoire, puisque si le
droit d'être représenté par un avocat est reconnu au réclamant;
il ne l'est pas au Ministre.
dans l'exercice de ce pouvoir. Il va évidemment de
soi que le Ministre est tenu d'agir de manière
équitable, faute de quoi, comme le signale le juge
Spence dans l'affaire Hardayal, cela ouvre d'au-
tres recours au requérant. Cela n'autorise toutefois
pas le requérant à former devant cette Cour une
demande fondée sur l'article 28, puisque nous
sommes incompétents du fait que la décision con-
testée en est une qui n'est pas soumise à un
processus judiciaire ou quasi judiciaire.
A cet égard, je suis confirmé dans cette opinion
par le fait que les articles 70 et 71 de la Loi sur
l'immigration de 1976 accordent à celui dont la
revendication du statut de réfugié au sens de la
Convention a été rejetée le droit de faire réexami-
ner sa demande par la Commission d'appel de
l'immigration. La requête à la Commission doit
être accompagnée d'une déclaration sous serment
où le requérant énonce avec suffisamment de
détails les faits, renseignements et preuves sur
lesquels il compte s'appuyer. La requête peut ainsi
ajouter à la preuve apportée lors de l'interrogatoire
devant l'agent d'immigration supérieur. L'appel
peut être considéré comme une audition de novo.
Cette Cour a déjà statué que ce réexamen devant
avoir lieu de manière quasi judiciaire, il ouvre
droit à recours en vertu de l'article 28. Les droits
du requérant ne peuvent faire l'objet d'une déci-
sion définitive tant que ce dernier n'a pas épuisé
tous les autres recours qui lui sont ouverts. Le
requérant aux présentes reconnaît ce fait puisque,
comme je l'ai déjà dit, il a déjà déposé auprès
de la Commission d'appel de l'immigration une
demande de réexamen, se prévalant de tous les
droits qui découlent de cette demande, dont celui
de présenter une demande à cette Cour en vertu de
l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale.
Il faut aussi souligner que dans la Loi sur
l'immigration de 1976, le législateur a donné aux
personnes dont le statut doit être déterminé en
vertu de la Loi une protection contre les abus de la
bureaucratie en exigeant que les enquêtes et inter-
rogatoires se déroulent conformément aux règles
de la justice naturelle. En même temps, la Loi
comporte un certain nombre de dispositions qui
permettent au Ministre de prendre des décisions
qui ne sont pas assujetties à ces exigences. Ces
décisions doivent évidemment être équitables, et ne
pas être arbitraires, gratuites ou injustifiées. Mani-
festement la Loi exige, pour son application effi-
cace, qu'il en soit ainsi. La décision d'accorder ou
non le statut de réfugié au sens de la Convention à
un requérant est, à mon avis, une décision de cette
nature. Avant que la décision ne soit prise, le
requérant a eu l'occasion de soumettre sa revendi-
cation verbalement avec l'assistance d'un conseil.
Mais le législateur, après avoir prévu la façon de
présenter la revendication, a attribué au Ministre
la responsabilité de prendre la décision selon un
processus qui n'est pas judiciaire.
Par conséquent, je suis d'avis que la Cour est
incompétente à l'égard de la présente demande.
J'estime donc qu'il n'est ni nécessaire ni souhaita-
ble, vu les autres procédures encore en instance, de
se prononcer quant au fond de la demande.
Par ces motifs, j'estime qu'il y a lieu de rejeter
la demande.
* * *
LE JUGE HEALD: Je souscris à ces motifs.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT MAGUIRE: Je souscris à
ces motifs.
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