T-5812-79
Apotex Inc. (Demanderesse)
c.
Hoffman -La Roche Limited (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Cattanach—
Ottawa, 8 et 17 avril 1980.
Brevets — Pratique — Action en invalidation — Cautionne-
ment judicatum solvi — Dépôt de cautionnement judicatum
solvi autorisé par ordonnance — La demanderesse n'a déposé
le cautionnement judicatum solvi qu'à l'introduction de la
requête de la défenderesse — Requête de la défenderesse en
radiation de la requête et en rejet de l'action pour inobserva-
tion de l'ordonnance de la part de la demanderesse ou, subsi-
diairement, en augmentation du cautionnement judicatum
solvi — Il échet d'examiner si le défaut de cautionnement
judicatum solvi anéantit la procédure — 1l échet d'examiner
s'il y a lieu d'augmenter le montant du cautionnement judica-
tum solvi — La requête est accueillie et le montant du
cautionnement est augmenté — Loi sur les brevets, S.R.C.
1970, c. P-4, art. 62(3) — Règles 2(1), 302b), 314, 315, 402,
446(1)a),b), 700(3) de la Cour fédérale — Règle 13 de la Cour
de l'Echiquier.
REQUÊTE.
AVOCATS:
J. G. Fogo pour la demanderesse.
R. Scott Jolliffe pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Malcolm Johnston, Toronto, pour la deman-
deresse.
Gowling & Henderson, Ottawa, pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE CATTANACH: Dans sa déclaration
datée du 30 novembre 1979 et déposée le 3 décem-
bre 1979, la demanderesse demande à la Cour de
déclarer l'invalidité d'un brevet d'invention dont la
défenderesse est titulaire. En vertu de l'article 20
de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e
Supp.), c. 10, une action intentée en vue de faire
invalider un brevet d'invention relève de la compé-
tence exclusive de la Division de première instance.
Le paragraphe 62(3) de la Loi sur les brevets,
S.R.C. 1970, c. P-4, est ainsi conçu:
62....
(3) A l'exception du procureur général du Canada ou du
procureur général d'une province du Canada, le plaignant dans
une action exercée sous l'autorité du présent article doit, avant
de s'y engager, fournir un cautionnement pour les frais du
breveté au montant que la cour peut déterminer; mais le
défendeur dans toute action en contrefaçon de brevet a le droit
d'obtenir une déclaration en vertu du présent article sans être
tenu de fournir un cautionnement.
En même temps que le dépôt de la déclaration
au greffe de Toronto (Ontario), l'avocat de la
demanderesse a déposé un avis de requête daté du
lundi 3 décembre 1979 en vue d'obtenir l'autorisa-
tion de fournir un cautionnement de $1,000 pour
les dépens de la présente action, sans préjudice du
droit de la défenderesse de demander l'augmenta-
tion du cautionnement. Cette requête a été intro-
duite conformément à la Règle 324, c'est-à-dire
par écrit, sans comparution de l'avocat. Le jeudi 6
décembre 1979, le greffe de la Cour à Ottawa
(Ontario) a reçu cette requête, me l'a présentée et
j'ai rendu ce même jour l'ordonnance selon les
termes de la demande.
En vertu de la Règle 13 des Règles de la Cour
de l'Échiquier, le demandeur à une action en
invalidité d'un brevet d'invention devait, au
moment du dépôt de son exposé de demande,
fournir un cautionnement de $1,000.
Ainsi, cette Règle prévoyait tant le montant du
cautionnement que le délai imparti pour le
déposer.
La Règle 13 n'a pas été reprise dans les Règles
de la Cour fédérale.
Par conséquent, il échet de prendre en considé-
ration le paragraphe 62(3) de la Loi sur les
brevets.
D'après le paragraphe 62(3), le plaignant dans
une action en invalidité d'un brevet d'invention
doit, avant de s'y engager, fournir un cautionne-
ment pour les frais du breveté au montant que la
Cour peut déterminer. Je ne pense pas que la
formulation de ce paragraphe puisse être interpré-
tée comme autorisant la Cour à dispenser de cons-
tituer un cautionnement pour frais.
Il s'ensuivrait donc que le cautionnement doit
être constitué au moment du dépôt de la déclara-
tion. Toutefois, contrairement à la Règle 13 des
Règles de la Cour de l'Échiquier, les Règles de la
Cour fédérale ne fixent pas le montant du caution-
nement dans une action en invalidité. Par consé-
quent, le demandeur doit demander que soit fixé ce
montant.
C'est ce qu'a fait la demanderesse et ce, au
moment du dépôt de sa déclaration.
D'après l'alinéa (1) de la Règle 2 des Règles de
la Cour fédérale, le terme «action» désigne une
procédure devant la Division de première instance,
à l'exception d'un appel, d'une demande ou d'une
requête introductive d'instance.
La Règle 400 prévoit que l'action est intentée
par le dépôt d'un acte introductif d'instance,
c'est-à-dire une déclaration ou un statement of
claim.
Si l'on attribue le même sens au terme «action»
dans le paragraphe 62(3) de la Loi sur les brevets,
il s'ensuit qu'on ne peut parler d'«action» qu'après
le dépôt d'une déclaration et que, d'après ce même
paragraphe, un demandeur ne peut faire quelque
autre démarche avant d'avoir constitué un caution-
nement pour les dépens.
Ceci est confirmé par la Règle 700(3) qui doit
être rapprochée du paragraphe 62(3) de la Loi sur
les brevets. Cette Règle prévoit ce qui suit:
Règle 700. .. .
(3) Dans une action intentée en vue de faire invalider un
brevet d'invention, la Cour pourra à tout moment et à sa
discrétion, ordonner que le demandeur ... fournisse une garan-
tie pour les dépens avant de faire toute autre démarche.
En l'espèce, sur requête de la demanderesse, en
vertu du paragraphe 62(3) de la Loi sur les bre-
vets, la Cour a ordonné le jeudi 6 décembre 1979
le dépôt d'un cautionnement pour les dépens.
Compte tenu de ce qui précède, les procédures
ont été, jusqu'à cette date, suivies conformément à
la Loi et aux Règles de la Cour.
Toutefois, au vu des documents versés au
dossier, je constate que la demanderesse a signifié
à la défenderesse la déclaration et les détails de
son opposition le 7 décembre 1979.
Je constate également que ce n'est que le 28
mars 1980 que la demanderesse a consigné à la
Cour la somme de $1,000 comme garantie pour les
dépens en la forme et de la manière prescrites par
les Règles 314 et 315, comme il avait été ordonné
le 6 décembre 1979.
J'ai été informé que cela était imputable à une
omission du bureau du procureur de la demande-
resse et je serais porté à croire que le cautionne-
ment ainsi oublié a été fourni sur-le-champ après
la signification de la présente requête.
La présente requête, qui doit être présentée le ler
avril 1980, est datée du 26 mars 1980. Elle tend à
la radiation de la déclaration et au rejet de l'action
du fait du défaut de la demanderesse de se confor-
mer au paragraphe 62(3) de la Loi sur les brevets
et, subsidiairement, à une augmentation de $5,000
du cautionnement.
A l'examen du dossier, rien n'indique que la
requête de la défenderesse ait été signifiée à la
demanderesse. Il n'y a ni affidavit de signification
ni accusé de réception de la signification. Je soup-
çonne qu'il y a eu signification parce que la pré-
sentation de la requête, prévue au début pour le l er
avril 1980, a été reportée au 8 avril 1980 par les
parties, d'un commun accord.
Par ces motifs, je suis d'avis que, jusqu'au 6
décembre 1979, la demanderesse a observé le para-
graphe 62(3) et les Règles.
A partir du 6 décembre 1979, la demanderesse a
violé l'ordonnance rendue à cette même date, par
suite de la signification de la déclaration et des
détails de l'opposition.
Ainsi, il y a eu inobservation d'une ordonnance
rendue en vertu des Règles, même si la seule
précision quant au délai était l'expression «sans
retard», qui signifie dans les meilleurs délais.
En vertu de la Règle 302b), une telle inobserva-
tion n'entraîne la nullité d'une procédure que si la
Cour le déclare. Or, à mon avis, étant donné les
circonstances de l'espèce, rien ne justifie une telle
déclaration puisque aucun préjudice n'a été causé
à la défenderesse.
Subsidiairement, la défenderesse requiert la
Cour d'augmenter de $5,000 le montant de la
garantie pour les dépens, c'est-à-dire de le porter
de $1,000 $6,000.
La pratique consistant en l'imposition d'une
garantie pour les dépens est d'origine ancienne et
visait le demandeur résidant hors du ressort d'une
juridiction et n'ayant pas de biens susceptibles
d'être l'objet d'une saisie-exécution dans le ressort
en vue de garantir le défendeur des frais mis à la
charge du demandeur. Cette pratique est reprise
dans la Règle 446(1)a) et b).
De telles considérations ne sont pas à l'origine
de l'adoption du paragraphe 62(3) de la Loi sur
les brevets. L'intention du législateur était sans
doute plutôt d'empêcher des actions inconsidérées
en invalidité des brevets d'invention.
En l'espèce, la demanderesse réside au Canada,
ayant été constituée conformément à la législation
ontarienne, et il est établi qu'elle a des actifs
importants au Canada.
D'autre part, la défenderesse a affirmé dans une
déposition écrite que les coûts probables dépasse-
ront vraisemblablement de beaucoup $5,000. Je
veux bien.
Il n'en reste pas moins que ni la résidence au
Canada du demandeur, ni l'importance des actifs,
ni les dépens de l'action n'entrent en compte pour
la fixation du cautionnement prévu au paragraphe
62(3).
Dans l'ordonnance datée du 6 décembre 1979, la
possibilité d'une demande d'augmentation des
dépens a été prévue par la demanderesse. D'après
la Règle 13 des Règles de la Cour de l'Échiquier,
le dépôt minimum était de $1,000. La demande-
resse a offert un cautionnement de $4,000, qui a
été refusé. Les raisons du refus ne sont pas claires,
mais il est évident que la demanderesse voulait
augmenter la garantie jusqu'à (mais non de)
$5,000.
Compte tenu de toutes les circonstances, et
notamment de l'inobservation par la demanderesse
de l'ordonnance datée du 6 décembre 1979, il sera
ordonné que le montant à déposer par la demande-
resse pour garantir la défenderesse des dépens soit
porté de $1,000 à $5,000 par un dépôt additionnel
de $4,000.
La défenderesse aura droit aux dépens de sa
requête, quelle que soit l'issue de la cause.
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