A-391-79
Controlled Foods Corporation Limited (Appe-
lante) (Demanderesse)
c.
La Reine (Intimée) (Défenderesse)
Cour d'appel, les juges Heald et Urie et le juge
suppléant Kerr—Vancouver, 1e" octobre; Ottawa,
3 novembre 1980.
Douanes et accise — Taxe d'accise — «Fabricant» ou
«producteur» — Appel d'un jugement de la Division de pre-
mière instance rejetant l'action de l'appelante pour être
déclarée fabricant ou producteur — L'appelante, un
restaurateur, soutient qu'elle est un fabricant ou un produc-
teur car elle prépare de la nourriture et des boissons que
consomment sur les lieux ses clients — Il échet d'examiner si
le juge du fond a à tort jugé que les activités de l'appelante
n'équivalaient pas à une fabrication ou à une production et que
l'appelante n'était pas un fabricant ni un producteur — Appel
rejeté — Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, c. E-13,
modifiée, art. 27(1)a) et 29(1), annexe III, Partie XIII, art.
la)(i),(ii),(iii),b) et c).
Appel d'un jugement du premier juge rejetant l'action de
l'appelante pour être déclarée fabricant ou producteur. L'ap-
pelante, propriétaire de restaurants, soutient que la préparation
de la nourriture et des boissons que consomment sur les lieux
ses clients en fait un fabricant ou un producteur. Elle fait valoir
que les traitements et procédés dont elle se sert pour préparer
les repas et les boissons font que les matériaux bruts utilisés
acquièrent des formes, des qualités et des propriétés nouvelles.
Les témoins de l'intimée ont distingué les opérations des fabri-
cants d'aliments de celles d'un restaurant. Il échet d'examiner
si c'est à tort que le premier juge a jugé que les activités de
l'appelante ne constituaient pas de la fabrication ni de la
production et que l'appelante n'était ni un fabricant ni un
producteur.
Arrêt: l'appel est rejeté. Le premier juge a justement jugé
que, pour décider du litige, il pouvait prendre connaissance des
vues généralement acceptées dans le commerce sur la nature de
la fonction restauration aussi bien que des définitions des
termes «fabricant, et «producteur» dans les dictionnaires. Pour
connaître ces vues, il pouvait déduire de la preuve administrée
devant lui, comme il l'a d'ailleurs fait, que le traitement et le
procédé utilisés par l'appelante pour préparer les repas et les
boissons n'étaient pas habituellement considérés comme de la
«fabrication ou de [la] production». La préparation de nourri-
ture, particulièrement de boissons, pour vente immédiate, au
détail, sur les lieux du restaurant, ne constitue pas de la
fabrication ni de la production au sens de la Loi.
Arrêts mentionnés: La Banque Royale du Canada c. Le
sous-ministre du Revenu national pour les douanes et
l'accise 79 DTC 5263; R. c. Pedrick (1921) 21 R.C.É. 14;
R. c. Karson (1922) 21 R.C.E. 257; R. c. Shelly [1935]
R.C.É. 179. Distinction faite avec l'arrêt: R. c. York
Marble, Tile and Terrazzo Ltd. [1968] R.C.S. 140.
APPEL.
AVOCATS:
M. R. V. Storrow et D. Morley pour l'ap-
pelante (demanderesse).
W. B. Scarth pour l'intimée (défenderesse).
PROCUREURS:
Davis & Company, Vancouver, pour l'ap-
pelante (demanderesse).
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimée (défenderesse).
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE URIE: Ceci est l'appel d'un jugement
de la Division de première instance [[1979] 2 C.F.
825] rejetant l'action de l'appelante par laquelle
elle demandait qu'il soit déclaré qu'elle est, aux
termes des alinéas la),c) et d) de la Partie XIII de
l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C.
1970, c. E-13, modifiés, un fabricant ou produc-
teur, ce qui aurait pour effet que des machines, des
appareils et du matériel qu'elle a achetés soient
exempts des taxes de vente autrement payables en
vertu du paragraphe 29(1) de la Loi.
L'appelante exploite des restaurants dans cinq
provinces. Au cours de l'année 1976, elle construi-
sit un bâtiment à Richmond en Colombie-Britan-
nique dans le but d'y exploiter un restaurant
appelé «The Corkscrew». Pour s'en servir dans le
cours de cette exploitation, elle acheta et fit instal-
ler des machines, des appareils et du matériel dont
elle se sert depuis pour préparer la nourriture et les
boissons qu'elle sert à ses clients sur les lieux. Les
différents appareils, machines et matériel sont ras-
semblés sous trois rubriques dans l'exposé conjoint
des faits produit par les parties. Ceux de l'annexe
A de l'exposé, les parties en sont convenues, seront
exemptés du paiement des taxes de vente si l'appe-
lante a gain de cause. Ceux de l'annexe B, a-t-on
convenu, ne le seront pas. L'intimée par ailleurs ne
reconnaît pas que ceux de l'annexe C en seront
exempts même si l'appelante a gain de cause.
La preuve administrée nous apprend que la sur
face totale du restaurant est d'environ 12,000 pieds
carrés; deux tiers sont mis à la disposition du
public, le tiers restant étant réservé au personnel et
aux cuisines. Il y a 210 places dans la salle à
manger et 50 dans le salon-bar où l'on prépare et
sert des breuvages. Des 65 employés de l'appe-
lante, les deux-tiers sont au service du public, le
reste travaillant dans ce que l'on décrit comme le
côté [TRADUCTION] «transformation» de l'exploi-
tation.
Voici les articles de la Loi sur la taxe d'accise
qui nous importent en l'espèce:
27. (I) Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consom-
mation ou de vente de douze pour cent sur le prix de vente de
toutes marchandises,
a) produites ou fabriquées au Canada,
(i) payable, dans tout cas autre que celui mentionné au
sous-alinéa (ii), par le producteur ou fabricant à l'époque
où les marchandises sont livrées à l'acheteur ou à l'époque
où la propriété des marchandises est transmise, en choisis-
sant celle de ces dates qui est antérieure à l'autre, ...
29. (1) La taxe imposée par l'article 27 ne s'applique pas à
la vente ou à l'importation des articles mentionnés à l'annexe
III.
Les alinéas la),b),c) et d) de la Partie XIII de
l'annexe III importent dans le présent appel; les
voici:
1. Tous les articles suivants:
a) les machines et appareils vendus aux fabricants ou produc-
teurs ou importés par eux pour être utilisés par eux directe-
ment dans
(i) la fabrication ou la production de marchandises,
(ii) la mise au point de procédés de fabrication ou de
production devant être utilisés par eux, ou
(iii) la mise au point de marchandises devant être fa-
briquées ou produites par eux;
b) les machines et appareils vendus aux fabricants ou produc-
teurs ou importés par eux et destinés à être directement
utilisés par eux pour la détection, la mesure, le traitement, la
réduction ou l'élimination des polluants de l'eau, du sol ou de
l'air qui sont attribuables à la fabrication ou la production de
marchandises, ou pour la prévention de la pollution qu'ils
causent;
c) le matériel vendu aux fabricants ou aux producteurs ou
importé par eux et destiné à être utilisé par eux pour le
transport des déchets ou des rebuts des machines et appareils
qu'il utilisent directement pour la fabrication ou la produc
tion de marchandises ou destiné à être utilisé par eux pour
aspirer la poussière ou les émanations nocives produites par
leurs opérations de fabrication ou de production;
d) les dispositifs et matériels de sécurité vendus à des fabri-
cants ou producteurs ou importés par eux et destinés à être
utilisés par eux pour la prévention des accidents dans la
fabrication ou la production de marchandises;
Comme il a été dit fréquemment auparavant',
pour qu'il y ait exemption des taxes de vente
qu'autrement imposerait le paragraphe 27(1),
deux conditions doivent être remplies, comme le
paragraphe 29(1) et la Partie XIII de l'annexe III
l'indiquent clairement. Ce sont:
a) Les marchandises et appareils doivent avoir
été vendus à un fabricant ou producteur ou
importés par lui;
b) et le fabricant ou le producteur doit utiliser
directement les machines ou appareils pour la
fabrication ou la production de marchandises.
Le litige en l'espèce donc est de savoir si oui ou
non c'est à tort que le distingué juge de première
instance a statué, d'abord, que les activités de
l'appelante n'étaient pas «de la fabrication ni de la
production» et, en second lieu, que celle-ci n'était
ni «un fabricant ni un producteur».
Il est admis que c'est l'appelante qui s'est portée
acquéreur des machines, des appareils et du maté
riel en cause, que la nourriture et les breuvages
préparés et offerts constituent des marchandises
aux termes des exemptions prévues par la Loi. Cet
accord entre les parties toutefois ne s'étend pas
aux deux questions mentionnées ci-dessus. L'appe-
lante se dit «fabricant ou producteur», de repas et
de boissons et prétend avoir droit aux exemptions
prévues dans ces alinéas de la Partie XIII de
l'annexe III précités car:
1. les machines et appareils qu'elle a achetés,
dans la mesure où ceux-ci sont utilisés directe-
ment dans la production de repas et de boissons,
relèvent du sous-alinéa 1 a) (i);
2. le matériel destiné à être utilisé par elle et le
transport des déchets ou rebuts des machines et
appareils qu'elle utilise pour la fabrication de
repas et de boissons relève de l'alinéa l c);
3. le matériel destiné à être utilisé par elle pour
aspirer la poussière ou les émanations nocives
produites par la fabrication ou la production de
repas et de boissons relève aussi de l'alinéa lc);
4. les dispositifs et matériels de sécurité destinés
à être utilisés par elle pour la prévention des
V.g. La Banque Royale du Canada c. Le sous-ministre du
Revenu national pour les douanes et l'accise 79 DTC 5263, à
la p. 5264 (C.A.F.).
accidents dans la fabrication ou la production de
repas et de boissons relèvent de l'alinéa 1 d).
L'avocat de l'appelante s'est largement appuyé
dans son argumentation devant la Cour sur l'arrêt
de la Cour suprême du Canada La Reine c. York
Marble, Tile and Terrazzo Ltd. 2 Comme il
importe de replacer l'extrait de l'arrêt, que rédigea
le juge Spence au nom de la Cour, dans son
contexte, extrait sur lequel l'appelante, on le com-
prendra, s'appuie, je cite ci-après une large part de
ce texte, à compter de la page 144:
[TRADUCTION] Le distingué juge de la Cour de l'Échiquier,
dans ses motifs, a statué que lesdites activités n'avaient rien de
l'exercice d'un art ou d'un procédé qui aurait modifié la nature
du produit naturel importé en cause, de façon à ce qu'il tombe
dans l'acception des termes «produit ou fabriqué» de la Loi sur
la taxe d'accise, ce que conteste Sa Majesté la Reine en cet
appel.
On a cité une abondante jurisprudence, fort peu instructive à
mon avis. On doit toujours se rappeler que les décisions judi-
ciaires portant interprétation d'autres lois, particulièrement les
décisions judiciaires d'autres juridictions, ne peuvent apporter
qu'une aide limitée dans l'interprétation exacte des dispositions
d'une loi canadienne. Se référant aux expressions «toute mar-
chandise: a) produite ou fabriquée au Canada» le juge en chef
Duff, dans l'arrêt Sa Majesté le Roi c. Vandeweghe Limited
([1934] R.C.S. 244 la page 248, 3 D.L.R. 57), note:
Les termes «produit» et «fabriqué» n'ont pas un sens vraiment
précis et, en conséquence, nous devons regarder le contexte
pour déterminer leur sens et leur portée dans les dispositions
que nous avons à interpréter.
On se référera à nouveau à cet arrêt plus loin. Il fut prononcé
le 6 mars 1934, or le 2 décembre 1933 le juge Archambault,
dans Ministre du Revenu national c. Dominion Shuttle Com
pany Limited ((1 933), 72 Que. C.S. 15), prononca un jugement
fort intéressant en la Cour supérieure de la province de Québec.
Ces deux jugements ont examiné lesdits art. 85 et suivants de
la Loi spéciale des revenus de guerre où les mêmes termes
«produit ou fabriqué au Canada», étaient employés. Le juge
Archambault résume les faits comme suit:
La preuve administrée montre que ces grandeurs de bois
furent vendues et livrées par la scierie de Colombie-Britanni-
que aux défenderesses à Lachute, en longueur de 20', 16' et
25', tant le mille pieds.
Le bois fut traité par la défenderesse de la façon suivante:
premièrement, coupe, en longueur de 10' ou de 8'; deuxième-
ment, créosotage, ou plonge des billots dans des huiles créo-
sotées, pour les préserver contre les intempéries (les défende-
resses possèdent une usine spéciale pour effectuer ce
traitement); troisièmement, arrondissement, usinage ou taille
du bois pour lui donner une forme ronde; quatrièmement,
perçage de trous dans ceux-ci pour y insérer la tige de
l'isolateur et, une fois le travail terminé, vente à la Canadian
Pacific Railway au prix, non pas à tant le mille pieds mais à
tant les cents «traverses».
2 [1968] R.C.S. 140.
et il poursuivait:
Voici ce qu'il y a à décider: Premièrement, les défenderes-
ses sont-elles productrices ou fabricantes de ces «traverses»?
deuxièmement, le prix du transport depuis la Colombie-Bri-
tannique jusqu'à Lachute doit-il être inclus dans le prix de
vente?
D'abord qu'est-ce qu'un fabricant? Il n'y a aucune défini-
tion du terme «fabricant» dans la Loi et il est pratiquement
impossible de trouver une définition qui soit absolument
précise mais d'après toutes les définitions des principaux
dictionnaires, Corpus Juris, Encyclopédie, etc., la Cour com-
prend que fabriquer c'est confectionner; c'est l'acte où le
processus de faire que des objets puissent servir; c'est l'opéra-
tion consistant à faire des marchandises ou des produits de
toute sorte; c'est produire des objets utiles à partir de maté-
riaux bruts, ou préparés, en donnant à ces matériaux des
formes, des qualités et des propriétés nouvelles ou en les
combinant, que ce soit à la main ou à la machine.
C'est exactement ce que la compagnie défenderesse a fait.
Elles recevaient le matériau brut ou préparé, soit diverses
longueurs de bois, et leur faisaient subir le processus déjà
mentionné pour faire des «traverses» et les vendre au
consommateur.
Aux fins de l'espèce, je prends acte et je fais mienne l'une des
définitions citées par le savant juge, à savoir «la fabrication est
l'action de produire, à l'aide de matières premières ou transfor-
mées auxquelles on a donné des formes, des qualités et des
propriétés nouvelles, ou en les combinant, par des procédés
manuels ou mécaniques, des articles destinés à être utilisés».
(Italiques ajoutés.) Si l'on appliquait le dernier critère à la
question en l'espèce, il faudrait, à mon avis, conclure que les
dalles de marbre finies qui ont quitté l'usine de l'intimée
avaient reçu, tant par des procédés manuels que mécaniques,
des formes, des qualités et des propriétés nouvelles. [C'est moi
qui souligne.]
L'appelante a naturellement soutenu que la
preuve administrée voulant que tous les traite-
ments et procédés dont elle se servait pour prépa-
rer les repas et les boissons faisaient que les maté-
riaux bruts utilisés acquéraient des formes, des
qualités et des propriétés nouvelles et se trouvaient
substantiellement modifiés en leur essence entre le
début du traitement et l'apparition du produit fini.
Ainsi ce que faisait l'appelante, c'était fabriquer
ou produire des repas et des boissons.
Comme le distingué juge du fond l'a observé en
administrant la preuve destinée à supporter son
argumentation, l'expert de l'appelante a repris les
mots mêmes du juge Spence, disant que, dans la
préparation des repas et des boissons, ce qui était
fait avait pour résultat de conférer à leurs parties
composantes des formes, des qualités et des pro-
priétés nouvelles. Toutefois, ce fut aussi son avis
que, bien que ces changements aient effectivement
lieu, ils n'étaient pas concluants et ne permettaient
pas de juger que l'appelante, même si l'on pouvait
dire qu'elle fabriquait et produisait quelque chose,
était bel et bien un fabricant ou un producteur. Je
partage son opinion pour deux raisons.
Premièrement on remarquera que le juge
Spence adopta «aux fins de l'espèce» une seule des
définitions, uniquement, de «fabricant» cité par le
juge Archambault dans l'affaire Dominion
Shuttle. Manifestement il a choisi la définition à
la lumière des faits particuliers de l'espèce et n'a
donc pas exclu l'application d'autres définitions ni
la considération d'autres principes en d'autres cir-
constances. Le recours aux définitions d'un dic-
tionnaire usuel, qu'il n'est pas nécessaire de citer
ici, montre que celle choisie par le juge Spence ne
s'applique pas nécessairement dans tous les cas.
Deuxièmement une jurisprudence constante en
droit canadien, remontant à soixante ans, soutient
qu'«il faut tenir compte des usages du commerce.» 3
Le distingué juge analysa et se référa à la jurispru
dence sur laquelle le principe est fondé, y compris
certaines décisions des tribunaux américains, et
conclua, à bon droit, qu'il pouvait prendre en
compte, pour en arriver à sa décision, les vues
généralement acceptées des commerçants en sem-
blables matières sur la nature des opérations effec-
tuées dans un restaurant. Il statua comme suit [à
la page 832]:
Compte tenu de toutes les décisions étudiées et après avoir
examiné l'ensemble de la preuve, m'être guidé sur l'usage
commercial et limité aux faits de l'appel, j'estime que les
opérations que Controlled Foods a fait subir et continue de
faire subir aux matières premières dont elle se sert et qu'elle
traite et transforme à l'aide de machines, d'appareils et de
matériel, n'équivalent pas, en fait, et ne peuvent être générale-
ment reconnues comme équivalent à la «fabrication ou la
production de marchandises». En outre, Controlled Foods ne
peut être considérée et ne peut être généralement reconnue
comme un «fabricant» ou un «producteur» au sens de la Loi sur
la taxe d'accise, et en particulier, en vertu de l'annexe III y
afférente. [C'est moi qui souligne.]
Je suis d'avis qu'en droit il a justement jugé que,
pour décider du litige en cause, il pouvait prendre
connaissance des vues généralement acceptées
dans le commerce sur la nature de la fonction
3 La Banque Royale du Canada c. D.M.N.R., précitée, à la p.
5266. Voir aussi: Le Roi c. Pedrick (1921) 21 R.C.E. 14, la p.
17. Le Roi c. Karson (1922) 21 R.C.E. 257, aux pp. 260 263.
Le Roi c. Shelly [1935] R.C.E. 179.
restauration aussi bien que des définitions de ces
termes dans les dictionnaires. Pour les connaître, il
pouvait déduire de la preuve administrée devant
lui, comme il l'a d'ailleurs fait, que le traitement et
le procédé utilisés par l'appelante pour préparer les
repas et les boissons qu'elle servait à ses clients, ne
seraient pas habituellement considérés comme de
la «fabrication ou de [la] production» dans l'accep-
tion habituelle qu'ont ces termes, ni qu'elle ait été,
parce qu'effectuant ces opérations, un «fabricant
ou [un] producteur».
L'appelante a cité deux témoins dans l'unique
but de démontrer que [TRADUCTION] «tous les
traitements et les procédés dont s'est servie la
demanderesse, comme le décrit ce rapport, fai-
saient que le matériau brut traité et utilisé dans le
procédé acquérait des formes, des qualités et des
propriétés nouvelles et subissait une modification
substantielle entre le moment où la demanderesse
commençait le traitement et celui où il en sortait
un produit fini» 4 . En autant que je sache, l'appe-
lante n'a fourni aucune preuve portant sur les
usages commerciaux.
D'autre part l'intimée a fait témoigner à titre
d'expert J. A. Kitson, chef de la section Traite-
ment des aliments, du ministère fédéral de l'Agri-
culture. Il a admis que le changement apporté aux
divers aliments et breuvages préparés par l'appe-
lante pour consommation par ses clients sur les
lieux, au cours de la préparation, comme l'avait
décrit M. Richards, était véritable. Mais il a aussi
distingué les opérations des fabricants d'aliments,
comme les fabricants de conserves (produits
cannés, poissons et volailles) et de produits conge-
lés, de celles d'un restaurant. La tâche des pre
miers est essentiellement de préserver et de prolon-
ger la conservation des aliments devant être
consommés après un certain temps après leur pré-
paration. Un restaurant, d'autre part prépare ses
aliments pour consommation immédiatement après
la cuisson. Voici ce qu'il a dit en partie:
[TRADUCTION] Q. Bon, d'après votre expérience de l'indus-
trie de la transformation alimentaire, un restaurateur
est-il considéré comme un transformateur alimentaire?
R. Non pas du tout d'après mon expérience. Par exemple
nous avons ici en Colombie-Britannique une association
des fabricants d'aliments: la Western Food Processors
Association, laquelle a plusieurs membres, tous fabricants
4 Témoignage de M. James F. Richards, pp. 9 et 10.
de conserves ou de produits congelés, ou encore, une
association comme la Mushroom Growers Association,
impliquée elle aussi dans l'industrie de la transformation.
Q. Êtes - vous à même, M. Kitson, de dire que la préparation
de nourriture par un restaurant n'est pas en général
considérée par ceux qui œuvrent dans la transformation
alimentaire?
R. C'est exact; on considère généralement cela comme une
industrie différente.
Q. Et alors la différence essentielle entre la restauration et la
transformation alimentaire, c'est quoi?
R. Le restaurant qui prépare des pommes de terre, en ce cas
ci, ou tout autre produit, le fait pour qu'elles soient
conservées pendant un temps relativement court, un jour,
peut-être deux dans certains cas, la plupart du temps
quelques minutes ou une heure, alors que le transforma-
teur alimentaire prépare un produit qui devra se conser-
ver fort longtemps pendant qu'il parcourt la chaîne de
distribution jusqu'au consommateur final, lequel doit
pouvoir le conserver encore, aussi longtemps qu'il le
désirera, avant de le consommer.
rote SCARTH: Mon éminent collègue est-il prêt à accepter la
déposition de M. Kitson comme lue?
Me STORROW: Ah! d'accord.
LA COUR: En quoi cela s'applique-t-il ou a-t-il quelque chose
à voir avec la question de la transformation ou non de la
nourriture?
R. Ce à quoi je me réfère, votre seigneurie, c'est à l'accep-
tion généralement reconnue dans le commerce du terme
transformation alimentaire.
LA COUR: En quoi cela a-t-il quelque chose à voir avec le sens
des termes fabrication ou production de nourriture?
Est-ce synonyme?
R. Fabrication et production sont synonymes de —
LA COUR: Transformation?
R. Fabrication d'aliments penserait-on, je crois, de confec
tion d'aliments à partir d'un groupe d'ingrédients. En
transformation, selon l'acception généralement reconnue
dans le domaine où je travaille, nous parlons toujours de
conservation prolongée, d'un certain degré de stérilisa-
tion.
LA COUR: S'agit-il de fabricants alimentaires?
R. Oui.
LA COUR: Sont-ce des fabricants ou des producteurs à votre
avis?
R. Ce sont des producteurs.
LA COUR: Des producteurs?
R. Laissez-moi y penser. Je ne me sens pas qualifié pour
répondre.
LA COUR: Vous vous en tenez seulement à ce qu'un fabricant
alimentaire dans le commerce n'est pas habituellement
appelé — un restaurateur n'est pas considéré dans le
commerce comme un transformateur alimentaire; voilà
tout ce que vous dites?
R. Oui.
De tout ce qui précède il ressort clairement, à
mon avis, que la preuve administrée autorisait le
distingué juge du fond à en arriver aux conclusions
précitées en ce qui concerne l'acception habituelle
du traitement que l'appelante fait subir aux maté-
riaux bruts dont elle se sert.' En outre ses conclu
sions s'accordent aussi avec mon opinion: la prépa-
ration de nourriture, particulièrement de boissons,
pour vente immédiate, au détail, sur les lieux du
restaurant, ne constitue pas de la fabrication ni de
la production au sens de la Loi.
Étant donné que j'ai aussi exprimé l'opinion
qu'il était en droit de chercher à connaître l'opi-
nion généralement acceptée dans le commerce sur
ce que c'est que la restauration, il s'ensuit que ce
n'est pas à tort qu'il a statué que l'appelante
n'avait pas droit aux exemptions réclamées en
matière de taxe de vente imposée par le paragra-
phe 27(1) de la Loi sur la taxe d'accise. Vu cette
conclusion, il n'est pas nécessaire d'examiner quel
appareil, machine ou matériel en particulier, énu-
méré à l'annexe de l'exposé conjoint des faits, est
ou non exempt de droit.
Pour les motifs qui précèdent, l'appel devrait
être rejeté avec dépens.
* * *
LE JUGE HEALD: Je souscris à cet avis.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT KERR: Je partage cette
opinion.
5 A ce sujet, bien qu'il n'y ait dans le dossier aucune preuve
appuyant cette opinion, je crois qu'il est impensable qu'une
maîtresse de maison puisse concevoir qu'elle puisse être décrite
comme un fabricant ou un producteur lorsqu'elle prépare les
aliments pour sa famille, opération qui ne diffère qu'en degré
seulement de celle du chef d'un restaurant. Ce qui ne veut pas
dire que lorsqu'elle met en conserve ou fait mariner des fruits et
des légumes pour usage ultérieur et non pour consommation
immédiate, qu'elle ne puisse pas, peut-être, se considérer
comme un transformateur alimentaire.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.