A-429-80
Baljit Singh Gill (Requérant)
c.
Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration
(Intimé)
Cour d'appel, le juge en chef Thurlow, le juge
Ryan et le juge suppléant MacKay—Toronto, 18
et 19 septembre 1980.
Examen judiciaire — Immigration — Ordonnance d'exclu-
sion — Le requérant, qui était venu au Canada pour épouser
sa fiancée, avait en sa possession un billet de retour valide
pour 120 jours — L'arbitre a statué qu'il n'était pas un
véritable visiteur puisque aucun délai précis n'était fixé pour
son départ — Il y avait à déterminer si le requérant était un
véritable visiteur — Demande accueillie — Loi sur l'immigra-
tion de 1976, S.C. 1976-77, c. 52, art. 19(1)h) — Loi sur la
Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
Carter Hoppe pour le requérant.
G. R. Garton pour l'intimé.
PROCUREURS:
Abraham, Duggan, Hoppe, Niman, Stott,
Toronto, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: Le requérant
demande, en vertu de l'article 28 de la Loi sur la
Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.), c. 10,
l'examen et l'annulation d'une ordonnance d'exclu-
sion prononcée contre lui après qu'on l'eut déclaré
ne pas être un véritable visiteur.
Rien n'est venu contredire la déposition du re-
quérant et rien ne permet d'affirmer qu'il ait
cherché à représenter des faits sous un faux jour à
un stade quelconque de cette affaire. On a jugé
dignes de foi ses déclarations selon lesquelles, vu le
mauvais état de santé de la mère de sa fiancée, il
serait venu au Canada pour épouser celle-ci en
accomplissement d'une promesse de mariage faite
il y a trois ans par ses parents et ceux de sa fiancée
avant que cette dernière n'ait quitté l'Inde pour
venir au Canada. Nul ne conteste qu'à son arrivée
au Canada, le requérant avait en sa possession un
billet valide pour 120 jours. On avait antérieure-
ment refusé que la fiancée du requérant puisse se
porter répondante en vue de le faire admettre au
pays à titre d'immigrant. Il a déclaré qu'il aimerait
rester au Canada et qu'il y resterait aussi long-
temps qu'on le lui permettrait; il a d'ailleurs
affirmé sous serment n'avoir aucune intention de
demeurer au Canada plus longtemps que ne le lui
permet son statut de visiteur.
Voici un extrait de la page 25 de la
transcription:
[TRADUCTION] L'ARBITRE: Une autre chose, votre billet est
valide pour cent vingt jours, c'est-à-dire pour quatre mois. Je
vous le dis tout de suite, je ne peux vous accorder un visa de
séjour aussi long. Alors, pendant combien de temps pensez-vous
rester au Canada comme visiteur?
LA PERSONNE VISÉE: Cela dépend du nombre de jours que vous
allez me permettre d'y rester.
Dans ses motifs, après avoir admis la déposition
du requérant quant aux circonstances exigeant sa
visite au Canada, l'arbitre s'est exprimé en ces
termes:
[TRADUCTION] Compte tenu du fait qu'au cours de l'enquête,
vous avez répété à plusieurs reprises que vous souhaitez rester
au Canada aussi longtemps qu'on vous le permettra, et compte
tenu également de votre récent mariage, j'ai des doutes quant à
votre intention de vouloir rentrer en Inde. Je crois qu'au
moment de quitter l'Inde, vous aviez l'intention de rester ici
aussi longtemps que possible. Il y a de bonnes chances pour
que, par suite de votre mariage et des soucis que causent à votre
épouse la grave maladie de sa mère, vous ayez décidé de faire
tout en votre pouvoir pour rester au Canada.
Il m'est très difficile de conclure que vous êtes un véritable
visiteur alors que vous n'avez aucun délai déterminé pour
quitter le pays; je sais bien que votre billet est valide pour cent
vingt jours mais, au cours de l'enquête, vous avez dit ne pas
savoir exactement quand vous alliez rentrer en Inde. A mon
avis, dans le présent cas, la preuve n'a pas plus de poids d'un
côté que de l'autre; toutefois, quant au fardeau de la preuve, je
me dois de conclure que vous n'avez pas su vous en acquitter.
Par conséquent, compte tenu des dispositions de l'alinéa
19(1)h) de la Loi sur l'immigration, je dois ordonner votre
expulsion du Canada puisque vous en n'êtes pas un véritable
visiteur.
En toute déférence, je suis d'avis que l'arbitre a
commis une erreur lorsqu'il a vu la nécessité d'un
délai plus spécifique dans les circonstances du
présent cas.
Le requérant a exprimé le désir de rester au
Canada comme visiteur aussi longtemps qu'il en
aurait la permission. Il a d'ailleurs répété, à plu-
sieurs reprises, vouloir rester aussi longtemps que
l'arbitre le lui permettrait. Cette intention du re-
quérant ne nous empêche pas, à mon avis, de
l'admettre temporairement au Canada à titre de
«visiteur» au sens de la Loi ni de le considérer
comme un véritable visiteur. En effet, il nous a
suffisamment précisé qu'il n'a l'intention de rester
au Canada qu'aussi longtemps que les autorités
canadiennes le lui permettront. De plus, il ressort
clairement des propos de l'arbitre selon lesquels la
preuve n'avait pas plus de poids d'un côté que de
l'autre et du fait qu'il a dû s'en remettre au
fardeau de la preuve pour en arriver à une déci-
sion, que l'erreur susmentionnée constitue un élé-
ment important de sa décision.
A mon avis, l'ordonnance d'exclusion devrait
être annulée et l'affaire renvoyée devant un arbitre
pour qu'il en fasse un nouvel examen qui tiendrait
compte de la décision de cette Cour selon laquelle
le fait que le requérant n'avait aucun délai précis
pour quitter le Canada et le fait qu'il n'en a
demandé aucun ne prouvent d'aucune façon, dans
les circonstances du présent cas, que le requérant
n'est pas un véritable visiteur.
* * *
LE JUGE RYAN: Je souscris à ces motifs.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY: Je souscris à
ces motifs.
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