T-2116-80
Catalyst Research Corporation (Demanderesse)
c.
Medtronic, Inc., et Medtronic of Canada Ltd.
(Défenderesses)
Division de première instance, le juge Mahoney—
Ottawa, 8 et 21 janvier 1981.
Pratique — Signification — Requête de la défenderesse en
annulation de la signification de la déclaration ainsi que de
l'ordonnance ex parte autorisant la signification ex juris — Il
échet d'examiner si la requérante n'a pas renoncé à son droit
de présenter la requête par le simple fait de se joindre à une
requête en cautionnement judicatum solvi — Il échet d'exami-
ner si la requérante, qui a commencé par acquiescer, peut à
présent objecter.
La défenderesse Medtronic, Inc. demande la permission de
déposer un acte de comparution conditionnelle et sollicite une
ordonnance portant annulation de la signification de la déclara-
tion à elle faite ainsi que de l'ordonnance ex parte autorisant la
signification ex juris. Il échet d'examiner si la requérante n'a
pas renoncé à son droit de présenter la requête par le simple fait
de se joindre à une requête en cautionnement judicatum solvi.
En d'autres termes, la requérante qui a commencé par acquies-
cer, cherche à présent à objecter, ce qu'elle n'a pas fait dès
l'abord. La requérante soutient que de toute façon, rien ne
permet d'alléguer de manière défendable qu'elle a contrefait les
brevets de la demanderesse. L'invention dont s'agit porte sur
des piles électriques employées dans les stimulateurs. La requé-
rante les vend à Medtronic of Canada Ltd. qui fabrique les
stimulateurs.
Arrêt: la requête est rejetée. Ayant invoqué la compétence de
cette Cour à son propre profit, la requérante ne peut plus
contester cette même compétence. Par le simple fait d'avoir
acquiescé, elle a renoncé à ses moyens d'exception. Une cour de
justice doit présumer qu'un avocat ne souffre d'aucune incapa-
cité cachée quant à son pouvoir de représenter une partie, ou à
sa connaissance des affaires de son client, dans la mesure où
cette connaissance est nécessaire à la représentation du client
en justice. Quoi qu'il en soit, le transfert de propriété à l'aéro-
port international de Toronto, prouvé par la facture effective
que la requérante envoyait à Medtronic of Canada Ltd., consti-
tue une vente faite par la requérante au Canada, donc une
contrefaçon de sa part des brevets canadiens de la
demanderesse.
Distinction faite avec les arrêts: Antares Shipping Corp. c.
Le «Capricorn» [1977] 2 R.C.S. 422; The Dunbar and
Sullivan Dredging Co. c. Le «Milwaukee» (1907) 11
R.C.E. 179.
REQUÊTE.
AVOCATS:
Ross G. Gray, c.r. et Glen A. Bloom pour la
demanderesse.
George E. Fisk pour les défenderesses.
PROCUREURS:
Herridge, Tolmie, Ottawa, pour la demande-
resse.
Gowling & Henderson, Ottawa, pour les
défenderesses.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MAHONEY: La défenderesse Med-
tronic, Inc. demande la permission de déposer un
acte de comparution conditionnelle afin de s'oppo-
ser à la signification de la déclaration à elle faite,
et sollicite une ordonnance portant annulation de
cette signification comme de l'ordonnance rendue
ex parte le 13 mai 1980 et autorisant la significa
tion ex juris. Cette requête est fondée sur le motif
que ni les allégations de la déclaration, à supposer
qu'elles soient avérées, ni les autres documents
produits devant la Cour ne permettent d'alléguer
[TRADUCTION] «de manière défendable» que la
requérante a contrefait les brevets de la demande-
resse'. Il échet de trancher une question préalable,
savoir si, Medtronic, Inc. n'a pas renoncé à son
droit de présenter la requête par le simple fait de
se joindre à une requête en cautionnement judica-
tum solvi. Les avocats en présence n'ont pu citer
aucune jurisprudence en la matière, et je n'ai pu en
trouver aucune moi-même.
Il n'est pas nécessaire d'examiner en détail les
faits extrêmement compliqués de la cause Antares
Shipping Corp. c. Le «Capricorn» 2 . Il s'agissait
d'une affaire de droit maritime alors qu'il s'agit en
l'espèce d'une action en contrefaçon de brevets
canadiens, dont le forum conveniens est sans con-
teste la Cour de céans. Eu égard à cette très
grande différence, le passage suivant emprunté au
jugement prononcé par le juge Ritchie, à la page
450, jette quelque lumière sur cette question:
Lorsque l'on considère tous ces faits de concert avec la partici
pation active de la Portland à l'action, il me semble qu'il
faudrait prouver de façon irréfutable l'existence d'un tribunal
devant lequel l'affaire en cause pourrait être jugée de façon
plus commode pour que la Cour fédérale refuse à bon droit
d'exercer son pouvoir discrétionnaire de rendre une ordonnance
portant signification de l'avis de la déclaration aux compagnies
intimées à l'extérieur du Canada.
Composers Authors and Publishers Association of Canada
Ltd. c. International Good Music, Inc. [1963] R.C.S. 136.
2 [1977] 2 R.C.S. 422.
La participation de Portland est examinée à la
page 454. Au coeur du problème se trouvait le fait
que, avant même que la demanderesse n'eût
demandé l'autorisation de signification ex juris,
Portland avait déjà obtenu la mainlevée du Capri-
corn par une comparution sous réserve et une
demande de détermination du cautionnement par
la Cour. La substitution du cautionnement au
navire, à la demande de Portland,
[TRADUCTION] constitue une intervention dans la cause et
partant, une renonciation à la réserve apportée.
Cette dernière phrase a été empruntée telle quelle
à l'arrêt The Dunbar and Sullivan Dredging Com
pany c. Le «Milwaukee» 3 de la Cour de
l'Echiquier.
Ce qui distingue l'espèce des affaires Capricorn
et Milwaukee, c'est que dans ces deux dernières, la
partie opposante a commencé par contester la
compétence de la Cour, puis a invoqué cette com-
pétence à son profit, c'est-à-dire en vue de la
mainlevée du navire, pour faire valoir de nouveau,
mais sans succès, l'exception d'incompétence. En
d'autres termes, la partie perdante a objecté puis
acquiescé, et enfin objecté de nouveau. En l'espèce,
la requérante qui a commencé par acquiescer,
cherche à présent à objecter, ce qu'elle n'a pas fait
dès l'abord. On pourrait dire que sa position est
plus faible que celle des défendeurs réticents dans
ces affaires de droit maritime, car, contrairement à
ces derniers, elle n'a même pas protesté auprès de
la Cour ni de la demanderesse avant d'acquiescer.
Elle ne l'a pas fait parce que son avocat ne l'a
pas fait, avant qu'il ne fût entré en rapport avec sa
cliente à Minneapolis et n'ait obtenu d'elle des
informations sur ses activités qui l'ont conduit à
conclure à la nécessité de la requête en l'espèce. La
requérante ne peut pas se prévaloir de cette expli
cation ou excuse. Une cour de justice ne peut
fonctionner que si elle peut présumer qu'un avocat
ne souffre d'aucune incapacité cachée quant à son
pouvoir de représenter une partie, ou à sa connais-
sance des affaires de son client, dans la mesure où
cette connaissance est nécessaire à la représenta-
tion du client en justice. La requérante ne saurait
faire valoir que, au moment où l'avocat demanda
et obtint une ordonnance de cautionnement judi-
catum solvi contre la demanderesse, il n'était pas
pleinement au courant de tous les faits pertinents.
3 (1907) 1 l R.C.É. 179, la p. 202.
Je conviens avec la requérante que tout défen-
deur est légitimement fondé à obtenir une ordon-
nance de cautionnement judicatum solvi lorsque le
demandeur réside à l'étranger. Et il en sera de
même, quand bien même le défendeur aurait une
raison valable pour s'opposer à la signification de
la déclaration, car il doit escompter qu'il aura
droit aux dépens si son opposition est accueillie, et,
en l'absence de tout cautionnement, la cour n'au-
rait aucun moyen pour faire exécuter son jugement
en matière de dépens. Il n'en demeure pas moins
que, ayant invoqué la compétence de cette Cour à
son propre profit, la requérante ne peut plus con-
tester cette même compétence. Par le simple fait
d'avoir acquiescé, elle a renoncé à ses moyens
d'exception.
Quand bien même je ne serais pas parvenu à
cette conclusion, je rejetterais la demande parce
que, les documents portés à ma connaissance per-
mettent d'alléguer de manière défendable que la
requérante a contrefait des brevets canadiens de la
demanderesse. L'invention dont s'agit porte sur des
piles électriques employées dans les stimulateurs.
Ceux-ci sont montés au Canada par la défende-
resse Medtronic of Canada Ltd., filiale possédée
en propriété exclusive par la requérante. Les sti-
mulateurs sont montés à partir d'éléments dont les
piles arguées de contrefaçon, achetées à la
requérante.
La facture intitulée [TRADUCTION] «Facture
pour les douanes canadiennes», qui accompagne les
envois, porte la mention «F.O.B. Minneapolis».
Toutefois, la facture effective, envoyée par la
requérante à Medtronic of Canada Ltd. dans les
cas d'envoi aérien exprès, porte la mention
suivante:
[TRADUCTION] Medtronic, Inc. conserve le droit de propriété
en common law et en equity, le droit de possession et de
contrôle des marchandises, ainsi que les risques y afférents,
jusqu'à l'arrivée de ces marchandises au port d'entrée du pays
de destination ou du territoire américain, et jusqu'à la remise à
l'acheteur de tous les documents relatifs aux marchandises,
nonobstant toute autre condition de prix ou d'expédition. [C'est
moi qui souligne.]
On peut dire que c'est la facture effective qui
régit cette opération, et que de ce fait, le transfert
de propriété à l'entrepôt douanier, à l'aéroport
international de Toronto, constitue une vente faite
par la requérante au Canada, donc une contrefa-
çon de sa part des brevets canadiens de la deman-
deresse. Vu cette conclusion, il ne m'est plus néces-
saire d'examiner l'argument de la demanderesse
voulant que les documents produits devant moi
révèlent une contrefaçon de la part de la requé-
rante, ce qui a entraîné Medtronic of Canada Ltd.
à faire de même, et que la requérante et Medtronic
of Canada Ltd. se soient convenues ou aient agi de
concert pour contrefaire ces brevets, pas plus que
je n'ai à examiner l'argument voulant que les
employés de la requérante aient pris part à la
campagne publicitaire au Canada.
ORDONNANCE
La requête est rejetée avec dépens.
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