A-418-80
Société pour l'Avancement des droits en audiovi-
suel (SADA) Ltée (Demanderesse) (Intimée)
c.
Collège Édouard-Montpetit (Défenderesse) (Ap-
pelante)
Cour d'appel, les juges Pratte et Ryan et le juge
suppléant Lalande—Montréal, 12 novembre 1980.
Pratique — Injonction interlocutoire — Contrefaçon de
droits d'auteur — Appel contre la décision portant rejet de la
requête de l'appelante en annulation de l'ordonnance rendue ex
parte sur requête en injonction — Requête en injonction intro-
duite sans que la partie adverse en fat prévenue — L'appelante
soutient que l'ordonnance a été illégalement prononcée parce
qu'elle constitue une injonction prononcée ex parte pour une
durée de plus de 10 jours, cela contrairement aux Règles 469
et 470 — L'intimée cite la Règle 321 pour soutenir que le
premier juge pouvait la dispenser de donner avis de sa requête
en injonction — Appel accueilli — Règles 321, 330, 469, 470
de la Cour fédérale.
APPEL.
AVOCATS:
R. Trudeau et C. Décarie pour la demande-
resse (intimée).
G. Trépanier et F. Brissette pour la défende-
resse (appelante).
J. Laurent pour les intervenantes Collège de
Rosemont, Collège de Lévis-Lauzon, Collège
de Limoilou, Collège de Shawinigan, Collège
Régional du Saguenay-Lac St-Jean, Collège
de Chicoutimi, Collège Régional du Sague-
nay-Lac St-Jean, Collège de Jonquière, Col-
lège François-Xavier Garneau, Collège de
Maisonneuve, Collège de Valleyfield, Collège
du Vieux-Montréal, Collège Ahuntsic, Col-
lège de Ste-Foy, Collège de Montmorency.
PROCUREURS:
Martineau Walker, Montréal, pour la deman-
deresse (intimée).
Brissette & St-Jacques, Longueuil, pour la
défenderesse (appelante).
Guy, Vaillancourt, Mercier, Bertrand, Bour
geois & Laurent, Montréal, pour les interve-
nantes Collège de Rosemont, Collège de
Lévis-Lauzon, Collège de Limoilou, Collège
de Shawinigan, Collège Régional du Sague-
nay-Lac St-Jean, Collège de Chicoutimi, Col-
lège Régional du Saguenay-Lac St-Jean, Col-
lège de Jonquière, Collège François-Xavier
Garneau, Collège de Maisonneuve, Collège de
Valleyfield, Collège du Vieux-Montréal, Col-
lège Ahuntsic, Collège de Ste-Foy, Collège de
Montmorency.
Voici les motifs du jugement prononcés en fran-
çais à l'audience par
LE JUGE PRATTE: Le 26 mai 1980, l'intimée
intentait contre l'appelante une action en contrefa-
çon de droits d'auteur. Le même jour, elle présen-
tait à la Division de première instance une requête
demandant l'émission d'une ordonnance enjoi-
gnant à l'appelante:
(1) de conserver certains rubans magnétoscopi-
ques et autres objets que l'intimée se proposait
d'utiliser comme preuve au procès,
(2) de permettre aux représentants de l'intimée
de pénétrer chez l'appelante pour y dresser un
inventaire des œuvres cinématographiques con-
trefaites par l'appelante, et
(3) de cesser de violer les droits d'auteur de
l'intimée.
L'intimée présenta cette requête sans en prévenir
l'appelante. La requête fut néanmoins accordée
séance tenante par monsieur le juge Decary qui
précisa que son ordonnance resterait en vigueur
«jusqu'à ce que le jugement final soit rendu, à
moins que la défenderesse ne fasse valoir les
moyens et raisons pour lesquels celle-ci devrait être
annulée, modifiée ou suspendue.»
Quelques jours plus tard, l'appelante se prévalait
de la Règle 330 et demandait à monsieur le juge
Decary d'annuler l'ordonnance qu'il avait rendue
ex parte le 26 mai 1980*. Le juge rejeta cette
requête. C'est ce dernier jugement qui est aujour-
d'hui frappé d'appel.
Il faut dire tout de suite que l'avocat de l'inti-
mée a déclaré à l'audience qu'il convenait que
l'appel devait être accueilli en partie. Il a admis
que le premier juge, plutôt que de rejeter la
requête de l'appelante, aurait dû y faire droit
partiellement en rescindant cette partie de son
ordonnance concernant la prise d'un inventaire et
* [Aucun motif écrit de l'ordonnance n'a été fourni—
l'arrêtiste.]
l'interdiction de continuer à violer les droits d'au-
teur de l'intimée. L'avocat de l'intimée a cepen-
dant soutenu que le premier juge avait eu raison de
refuser de rescinder les paragraphes A) et B) de
son ordonnance du 26 mai par lesquels il ordonnait
à l'appelante de conserver la preuve dont l'intimée
voulait se servir au procès.
Le seul problème que soulève cette affaire est
donc celui de savoir si le premier juge aurait dû
annuler les paragraphes A) et B) de son ordon-
nance du 26 mai. Le texte de ces paragraphes est
le suivant:
CETTE COUR ORDONNE À LA DÉFENDERESSE, SES REPRÉSEN-
TANTS LÉGAUX ET AYANTS DROIT DE:
A) GARDER, détenir et conserver, jusqu'à ce que jugement
soit rendu en la présente instance, les supports audiovisuels,
les rubans magnétoscopiques ou autres organes à l'aide des-
quels les oeuvres cinématographiques faisant partie du réper-
toire de SADA et de ses mandants et, sans restreindre la
portée de ce qui précède, les oeuvres cinématographiques
mentionnées aux paragraphes 5, 7, 9 et 11
de la déclaration, laquelle doit être signifiée avec la présente
ordonnance, peuvent être exécutées, représentées ou débitées
mécaniquement;
B) GARDER, détenir et conserver, jusqu'à ce que jugement
soit rendu en la présente instance, toutes fiches, catalogues,
cardex, index, moyens d'informatique et tous documents et
moyens d'enregistrement de données relatifs à sa vidéothèque
et aux oeuvres cinématographiques ou autres qu'elle possède;
Suivant l'avocat de l'appelante, cette ordon-
nance a été illégalement prononcée parce qu'elle
constitue une injonction prononcée «ex parte» pour
une durée de plus de 10 jours, cela contrairement
aux Règles 469 et 470. Il s'ensuit, suivant l'appe-
lante, que le premier juge aurait dû la rescinder.
La seule réponse que l'avocat de l'intimée a pu
offrir à cet argument' est que le premier juge
pouvait, suivant la Règle 321, dispenser l'intimée
de donner avis de sa requête. Cette réponse me
semble dépourvue de fondement. La Règle 321
édicte le principe général qu'une requête ne peut
être présentée qu'après avis à la partie adverse à
moins que la Cour n'en décide autrement. Les
Règles 469 et 470, elles, édictent des règles spécia-
les aux demandes d'injonction: elles doivent être
présentées après avis à la partie adverse sauf dans
les cas prévus au deuxième alinéa de ces deux
L'avocat de l'intimée a convenu à l'audience que l'appel
devait réussir si, comme le prétendait l'appelante, l'ordonnance
du 26 mai avait été illégalement prononcée pour une période de
plus de 10 jours.
Règles, et, dans ces cas exceptionnels où il est
permis de procéder ex parte, la Cour ne peut
prononcer qu'une ordonnance provisoire pour une
durée n'excédant pas 10 jours.
Je suis donc d'avis que l'injonction du 26 mai
1980 a été prononcée au mépris des exigences des
Règles 469 et 470. L'appel doit donc réussir.
Pour ces motifs, je ferais droit à l'appel avec
dépens, je casserais la décision du premier juge et,
prononçant le jugement qu'il aurait dû rendre, je
ferais droit à la requête de l'appelante avec dépens
et j'annulerais en entier l'ordonnance du 26 mai
1980.
* * *
LE JUGE RYAN y a souscrit.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT LALANDE y a souscrit.
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