A-298-80
La Reine (Requérante)
c.
H. Khan, D. F. Marchand, S. S. Martucci, F. Ott,
L. Purvey et I. J. Williams (Intimés)
Cour d'appel, les juges Ryan et Le Dain, le juge
suppléant MacKay—Toronto, 8 et 11 décembre
1980.
Examen judiciaire — Fonction publique — Les intimés
furent recalés à un concours restreint, en raison des résultats
obtenus dans l'épreuve d'aptitude administrative générale
Demande d'examen et d'annulation de la décision du Comité
d'appel qui a conclu que la plupart des questions n'avaient
aucun rapport avec les aptitudes requises pour le poste — Il
échet d'examiner si le Comité d'appel a commis une erreur de
droit — Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C.
1970, c. P-32, art. 10, 21 — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C.
1970 (2 e Supp.), c. 10, art. 28.
Demande fondée sur l'article 28 et tendant à l'examen et à
l'annulation de la décision du Comité d'appel qui a fait droit
aux appels des intimés, candidats recalés à un concours res-
treint en raison des résultats obtenus dans l'épreuve d'aptitude
administrative générale. Le Comité a conclu que la plupart des
questions posées n'avaient aucun rapport avec les deux sous-
facteurs d'aptitude que ces questions étaient censées faire res-
sortir, compte tenu des attributions du poste faisant l'objet du
concours. Il échet d'examiner si le Comité a commis une erreur
de droit dans sa décision.
Arrêt: la demande est rejetée. La convenance d'un processus
de sélection donné, pour ce qui est de l'appréciation du mérite
des candidats au regard des exigences du poste, est soumise au
contrôle d'un comité d'appel saisi d'un appel formé sous le
régime de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction
publique. Le comité d'appel peut accueillir un appel par ce
motif que l'ensemble ou une partie importante du processus de
sélection n'est pas propre à permettre l'appréciation du mérite
au regard de certaines exigences du poste. C'est une question de
fait que de savoir si une partie quelconque du processus de
sélection constitue un test véritable du mérite. Il n'appartient
pas à la Cour de substituer son avis à celui du Comité d'appel.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
W. L. Nisbet, c.r. pour la requérante.
M. W. Wright, c.r. pour H. Khan.
Personne n'a comparu pour le compte des
autres intimés.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la
requérante.
Soloway, Wright, Houston, Greenberg,
O'Grady, Morin, Ottawa, pour H. Khan.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE LE DAIN: Il s'agit d'une demande,
faite en vertu de l'article 28, tendant à l'examen et
à l'annulation d'une décision rendue par un
Comité d'appel conformément à l'article 21 de la
Loi sur l'emploi dans la Fonction publique,
S.R.C. 1970, c. P-32. Ce Comité a accueilli les
appels des intimés, candidats recalés à un concours
restreint au poste de surveillant d'équipe de triage
du courrier postal dans la conurbation de Toronto,
parce qu'ils avaient été recalés sur la base d'une
épreuve n'ayant aucun rapport avec les aptitudes
que cette épreuve était censée déterminer. La Cou-
ronne a invoqué l'article 28 en faisant valoir que,
dans sa décision, le Comité d'appel a commis une
erreur de droit.
Les fonctions de surveillant d'équipe étaient
décrites dans l'avis de concours. Un énoncé de
qualités énumérait certaines [TRADUCTION] «exi-
gences fondamentales», lesquelles ne nous intéres-
sent pas en l'espèce, et certaines [TRADUCTION]
«exigences cotées» en matière de connaissance,
d'aptitude et de qualité personnelle. Les exigences
en matière d'aptitude, qui font l'objet du présent
litige, s'énoncent ainsi:
[TRADUCTION] Aptitude
1. Aptitude de surveillance en matière de répartition du travail,
de formation et de perfectionnement du personnel, d'orientation
et d'évaluation du rendement, et de recommandation des mesu-
res disciplinaires.
2. Aptitude à prévoir, à planifier et à organiser le travail, à
établir les priorités et à répartir le personnel.
3. Aptitude à analyser les situations difficiles dans l'unité de
travail et à proposer des solutions.
4. Aptitude à communiquer efficacement, de vive voix ou par
écrit, avec les surveillants, les pairs, les subordonnés, les clients
et les fonctionnaires de différents organismes, qui peuvent avoir
affaire avec le ministère.
Le processus de sélection se déroulait en plu-
sieurs étapes. Au premier stade, un comité de
présélection a conclu que sur les 135 candidats, 69
d'entre eux, dont les intimés, satisfaisaient aux
exigences fondamentales du poste. On fit passer à
ces 69 candidats l'Examen E-280A d'aptitude
administrative générale de la Commission de la
Fonction publique, afin d'évaluer leur aptitude au
regard des deuxième et troisième exigences sus-
mentionnées, appelées [TRADUCTION] «sous-fac-
teurs» dans les motifs de la décision du Comité
d'appel. La note maximum pour ces sous-facteurs
était 28. Les deux autres sous-facteurs avait
chacun 6 pour note maximum, ce qui faisait un
maximum de 40 pour l'ensemble des exigences en
matière d'aptitude. Pour réussir, il fallait obtenir
24 points, soit 60 p. 100 de ce maximum. Seuls les
candidats ayant obtenu 12 points au moins pour
les deuxième et troisième sous-facteurs faisaient
l'objet d'une évaluation relative aux deux autres
sous-facteurs. Vingt-quatre candidats répondirent
correctement à 27 au moins des 65 questions de
l'épreuve d'aptitude administrative générale et
obtinrent 12 points au moins sur le maximum de
28 points prévus pour les deuxième et troisième
sous-facteurs d'aptitude. Ils furent alors évalués
par un jury de notation à l'égard des exigences de
connaissance, et ceux d'entre eux qui obtinrent 60
p. 100 au moins du maximum des points prévus
furent évalués par un autre jury de notation à
l'égard des deux autres sous-facteurs et de l'exi-
gence de qualité personnelle. A l'issue du processus
de sélection, sept candidats se sont qualifiés et ont
été inscrits sur une [TRADUCTION] «liste d'admis-
sibilité» par ordre de mérite. Étant donné que les
intimés avaient obtenu moins de 12 points pour les
deuxième et troisième sous-facteurs d'aptitude par
leurs réponses à l'épreuve d'aptitude administra
tive générale et que de ce fait, ils n'auraient pas pu
atteindre le minimum de 60 p. 100, soit 28 points,
pour l'ensemble des exigences d'aptitude quand
bien même ils auraient obtenu le maximum de 6
points pour chacun des deux autres sous-facteurs,
ils n'ont pas été évalués au regard des autres
exigences cotées et ont été, en fait, éliminés du
concours.
Dans leur appel, les intimés soutiennent que 58
des 65 questions posées à l'examen d'aptitude
administrative générale n'étaient pas de nature à
faire ressortir les renseignements grâce auxquels le
comité de sélection aurait pu évaluer les candidats
quant à leur «aptitude à prévoir, à planifier et à
organiser le travail, à établir les priorités et à
répartir le personnel» et quant à leur «aptitude à
analyser les situations difficiles dans l'unité de
travail et à proposer des solutions.» Les intimés
soutiennent que certaines de ces questions se rap-
portaient à d'autres aptitudes, et qu'un très grand
nombre [TRADUCTION] «n'avaient aucun rapport
avec les attributions et responsabilités du poste
faisant l'objet du concours». Cette allégation des
intimés a été essentiellement accueillie par le
Comité d'appel.
Les épreuves de l'examen d'aptitude administra
tive générale étaient tenues confidentielles par le
Comité d'appel à la demande de la Commission de
la Fonction publique, et dans cette procédure
basée sur l'article 28, la Cour a ordonné que les
documents relatifs à ces épreuves soient extraits du
dossier, mis sous pli séparé, marqués «Confiden-
tiel» et qu'ils ne soient mis à la disposition des
avocats que sur engagement d'en respecter le
caractère confidentiel, sauf dispositions contraires
de l'ordonnance et sauf permission de la Cour
pendant les débats. On ne peut donc parler de ces
épreuves qu'en termes vagues. Selon les notes
explicatives de ces épreuves, lesquelles notes ne
font pas partie des documents confidentiels, ces
épreuves ont été conçues pour la Commission de la
Fonction publique par le Centre de psychologie du
personnel (CPP) pour servir [TRADUCTION]
«d'épreuve de sélection pour l'admission au niveau
d'entrée de certains postes de la catégorie de l'ad-
ministration et du service extérieur (AFSC) de la
Fonction publique du Canada.» Elles servent à
évaluer certaines [TRADUCTION] «aptitudes requi-
ses» que je reproduis ci-dessous, puisque les motifs
de décision du Comité d'appel en font état:
• [TRADUCTION] aptitude à classer les renseignements dans
l'ordre logique (c'est-à-dire aptitude à analyser et à évaluer,
aptitude à planifier et à organiser)
• aptitude à sélectionner et à organiser les éléments d'informa-
tion propres à la solution d'un problème (c.-à-d. aptitude à
analyser et à évaluer)
• aptitude à tirer des conclusions d'éléments d'information
donnés (c.-à-d. aptitude à analyser et à évaluer, aptitude à
contrôler)
• aptitude à prévoir les besoins et les conséquences découlant
d'une situation donnée (c.-à-d. aptitude à planifier et à orga
niser, aptitude à diriger)
• aptitude à appliquer les directives et à évaluer des éléments
d'information suivant des critères déterminés (c.-à-d. aptitude
à contrôler)
• aptitude à rédiger et à interpréter les communications effica-
ces faites par écrit (c.-à-d. aptitude à communiquer par écrit)
Le dossier ne permet pas d'affirmer si le poste
de surveillant d'équipe postale est considéré
comme «poste au niveau d'entrée de la catégorie de
l'administration et du service extérieur», quoique
l'on pourrait conclure des motifs de la décision du
Comité d'appel que tel n'est pas le cas. Le comité
de sélection est libre de se servir ou non de l'exa-
men d'aptitude administrative générale, mais en
cas d'usage, les notes explicatives précisent que ces
épreuves, qui se composent de 65 questions à choix
multiples, doivent être utilisées en bloc. Il ressort
de ces notes [TRADUCTION] «qu'en aucun cas, les
éléments constitutifs de ces tests ne doivent servir
séparément de moyens d'évaluation.» En l'espèce,
les candidats ont été requis de répondre à toutes
les questions.
La conclusion du Comité d'appel quant à la
convenance des épreuves pour l'évaluation des
deuxième et troisième sous-facteurs d'aptitude se
trouve dans les passages suivants des motifs pro-
noncés par son président:
[TRADUCTION] Vu la preuve produite au sujet de la première
allégation, je conclus que la plupart des questions posées à
l'examen E-280A d'aptitude administrative générale de la
Commission de la Fonction publique ne font pas ressortir les
renseignements grâce auxquels le comité de sélection aurait pu
évaluer les candidats quant aux deux sous-facteurs des «Aptitu-
des» cotées, savoir leur «aptitude à prévoir, à planifier et à
organiser le travail, à établir les priorités et à répartir le
personnel» et leur «aptitude à analyser les situations difficiles
dans l'unité de travail et à proposer des solutions». Ainsi que l'a
affirmé à juste titre le Ministère, ces «aptitudes» sont requises
pour l'accomplissement des attributions propres aux postes
faisant l'objet du concours. En conséquence, toute question
posée doit faire ressortir les éléments d'information permettant
au comité de sélection d'evaluer les candidats au regard de ces
deux sous-facteurs relatifs aux attributions à accomplir.
Les questions posées à l'examen, qu'à la demande du Minis-
tère je m'abstiens de reproduire ici, peuvent très bien faire
ressortir les éléments d'information permettant d'évaluer les
candidats quant aux éléments constitutifs d'aptitude, mais cette
question ne nous intéresse pas en l'espèce. En conséquence, je
me prononcerai seulement sur les questions relatives aux sous-
facteurs et aux attributions des postes faisant l'objet du con-
cours, et portant sur leur convenance ou applicabilité.
En fin de compte, le Comité d'appel a conclu
que sept seulement des 65 questions de l'examen
[TRADUCTION] «se rapportent à ces `aptitudes'
dans le contexte des attributions à accomplir». Le
Comité a souligné qu'en accueillant les appels sur
cette base, il ne met pas en doute la validité de
l'examen d'aptitude administrative générale au
regard de sa destination. Le président s'est ainsi
prononcé sur ce point:
[TRADUCTION] En conclusion, je tiens à souligner que, le
litige ne portant pas sur la validité de l'examen E-280A d'apti-
tude administrative générale de la Commission de la Fonction
publique en tant qu'outil de sélection pour l'évaluation des
candidats à des postes au niveau d'entrée de la catégorie de
l'administration et du service extérieur, la présente décision ne
doit nullement s'interpréter comme indiquant que cet examen
est défectueux en quoi que ce soit à cet égard.
Il échet d'examiner si le Comité d'appel a
commis une erreur pour laquelle sa décision peut
être annulée en vertu de l'article 28 de la Loi sur
la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10,
parce qu'il a accueilli les appels des intimés par ce
motif qu'à part sept d'entre elles, les 65 questions
posées à l'examen d'aptitude administrative géné-
rale ne font ressortir aucun élément d'information
permettant au comité de sélection d'évaluer les
candidats quant à leur «aptitude à prévoir, à plani-
fier et à organiser le travail, à établir les priorités
et à répartir le personnel» et quant à leur «aptitude
à analyser les situations difficiles dans l'unité de
travail et à proposer des solutions», compte tenu
des attributions des postes faisant l'objet du
concours.
Selon l'article 10 de la Loi sur l'emploi dans la
Fonction publique, les nominations à des postes de
la Fonction publique «doivent être faites selon une
sélection établie au mérite» à la suite d'un con-
cours ou selon telle autre méthode de sélection
«établie afin de déterminer le mérite des candi-
dats». Il appartient à la Commission de la Fonction
publique ou à ceux qui la représentent de fixer le
processus de sélection dans un cas donné, mais la
convenance d'un processus de sélection donné pour
ce qui est de l'appréciation du mérite des candidats
au regard des exigences du poste, est soumise au
contrôle d'un comité d'appel saisi d'un appel formé
sous le régime de l'article 21 de la Loi. Le comité
d'appel peut accueillir un appel par ce motif que
l'ensemble ou une partie importante du processus
de sélection n'est pas propre à permettre l'appré-
ciation du mérite au regard de certaines exigences
du poste. En se prononçant en l'espèce sur ce point,
le Comité d'appel n'a donc pas excédé sa compé-
tence et n'a commis aucune erreur de droit. C'est
une question de fait que de savoir si une partie
quelconque du processus de sélection constitue un
test véritable du mérite au regard de certaines
qualités requises pour le poste. Le Comité d'appel
a conclu que sept seulement des 65 questions
posées à l'examen d'aptitude administrative géné-
rale sont de nature à faire ressortir les éléments
d'information permettant au comité de sélection
d'évaluer les candidats relativement au regard des
deux aptitudes dont s'agit. L'avocat de la Cou-
ronne a soutenu, à l'audience, qu'au moins 30 des
65 questions, soit moins de la moitié, convenaient à
cette fin. Sur cette question de fait contestée, il
n'appartient pas à la Cour de substituer son avis à
celui du Comité d'appel. La Cour ne saurait con-
clure du dossier produit que la requérante a établi
que la décision du Comité d'appel était fondée sur
une conclusion erronée sur le fait, au sens de
l'article 28(1)c) de la Loi sur la Cour fédérale ou
sur une conclusion qui constituerait à d'autres
égards une erreur de droit. En conséquence, je
rejetterais la demande basée sur l'article 28.
* * *
LE JUGE RYAN y a souscrit.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY y a souscrit.
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