T-3725-79
Unipeixe-Exportadora de Peixe Limitada
(Demanderesse)
c.
J. Gaspar et Fils Inc. (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Walsh—
Toronto, 26 mai; Ottawa, 29 mai 1980.
Pratique — Requête en radiation des plaidoiries — La
déclaration n'établit pas que la demanderesse a droit à la
protection du droit d'auteur au Canada ou la manière dont
elle aurait acquis ce droit — Requête en radiation de la
déclaration accueillie — Loi sur le droit d'auteur, S.R.C.
1970, c. C-30, art. 4, 12(3),(4), 20(3).
REQUÊTE.
AVOCATS:
Ivor M. Hughes pour la demanderesse.
Roger Hughes pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Antflyck & Harrison, Toronto, pour la
demanderesse.
Lapointe Rosenstein, Montréal, pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Il s'agit d'une requête, fondée
sur la Règle 419(1)a),d) et f), en radiation de la
déclaration de la demanderesse. D'après la décla-
ration modifiée, la demanderesse a été constituée
sous le régime des lois du Portugal où elle est
établie, où elle y exploite dès 1964 une entreprise
d'exportation de denrées alimentaires, dont du
poisson et des fruits de mer frais, congelés et en
conserve, et que pour la commercialisation de ces
produits, elle se sert d'une marque originale où les
lettres composant son nom commercial Unipeixe
sont arrangées de telle manière qu'elles représen-
tent un poisson. Toujours selon sa déclaration, elle
s'est assurée le droit d'auteur sur cette marque,
dont elle s'est continuellement servie pour l'expor-
tation de ses produits. Il ressort encore de la
déclaration qu'en mai 1972, elle a signé avec la
défenderesse un accord faisant de cette dernière le
distributeur exclusif de ses produits au Canada et
aux États-Unis, et qu'elle lui a donné des directives
pour faire enregistrer, conformément à la Loi sur
les marques de commerce, S.R.C. 1970, c. T-10, le
nom et la marque pour le compte de la demande-
resse. La défenderesse s'étant assurée l'enregistre-
ment en son nom propre, la demanderesse a
dénoncé l'accord de distribution. La défenderesse a
refusé de retirer l'enregistrement de la marque de
commerce en son nom et a continué de s'en servir
pour la vente de ses produits alimentaires, dont le
conditionnement du poisson et des fruits de mer
frais, congelés ou en conserve. Dans l'action princi-
pale en violation de son droit d'auteur sur l'oeuvre
artistique désignée «Unipeixe and Design», la
demanderesse conclut à une injonction et aux dom-
mages-intérêts, ou au compte rendu des bénéfices.
Il manque à l'acte introductif d'instance certains
éléments essentiels à défaut desquels nul jugement
ne saurait être rendu en faveur de la demande-
resse, indépendamment de la question de la compé-
tence de la Cour. Selon l'article 4 de la Loi sur le
droit d'auteur', le droit d'auteur n'existe au
Canada que si, à l'époque de la création de l'aeu-
vre, l'auteur était sujet britannique, citoyen ou
sujet d'un pays étranger ayant adhéré à la Conven
tion et au Protocole additionnel de cette même
Convention, publiés dans l'annexe II de la Loi, ou
avait son domicile dans les royaumes et territoires
de Sa Majesté. La protection peut s'étendre aux
citoyens d'autres pays si le Ministre certifie par
avis publié dans la Gazette du Canada que ces
pays, qui n'ont pas adhéré à la Convention et à son
Protocole additionnel, accordent ou se sont enga-
gés à accorder aux citoyens du Canada les avanta-
ges du droit d'auteur aux conditions sensiblement
les mêmes qu'à leurs propres citoyens ou une
protection équivalente à celle que garantit cette
Loi.
La déclaration n'indique nulle part si le Portugal
a adhéré à la Convention ou si le Ministre lui en a
accordé les avantages. Par ailleurs, tout en affir-
mant que le droit d'auteur et la marque ont été
transférés à la demanderesse, elle ne fait état ni du
nom du titulaire initial de ce droit d'auteur ni le
mode de transfert des droits qui en découlent. La
demanderesse invoque l'article 12(3) de la Loi,
suivant lequel lorsque l'auteur est employé par une
autre personne en vertu d'un contrat de louage de
service ou d'apprentissage, et que l'oeuvre est exé-
cutée dans l'exercice de cet emploi, l'employeur est
' S.R.C. 1970, c. C-30.
le premier titulaire du droit d'auteur. Rien dans la
déclaration n'établit que le premier titulaire du
droit d'auteur était employé par la demanderesse,
ni, à titre subsidiaire, qu'il y a eu cession du droit
d'auteur conformément à l'article 12(4) de la Loi.
Selon les autres allégations de la déclaration, la
défenderesse aurait violé ses obligations contrac-
tuelles en faisant enregistrer pour son propre
compte et au mépris des directives de la demande-
resse, la marque de commerce désignée «Unipeixe
& Design» dont la demanderesse affirme qu'elle
est la sienne. Dans la mesure où elle est fondée sur
une inexécution de contrat, cette action ne relève
pas de la compétence de la Cour, mais il ne s'agit
pas là d'un point à trancher dans le cadre de cette
requête. L'action de la demanderesse porte exclusi-
vement sur une violation du droit d'auteur et non
sur l'usurpation d'identité.
La demanderesse soutient que le seul moyen
ouvert à la défenderesse, c'est de demander des
détails. Elle invoque également l'article 20(3) de la
Loi, d'après lequel, dans toute action en violation
du droit d'auteur sur une oeuvre, si le défendeur
conteste l'existence du droit d'auteur ou la qualité
du demandeur, l'oeuvre est présumée être une
oeuvre protégée par un droit d'auteur, et l'auteur
de l'oeuvre est, jusqu'à preuve contraire, présumé
être le titulaire du droit d'auteur. En conséquence,
la demanderesse soutient qu'il incombe à la défen-
deresse d'établir que le droit d'auteur en cause
n'existe pas au Canada ou que la demanderesse
n'en est pas titulaire. Je ne saurais souscrire à ce
raisonnement. Comme les plaidoiries ne sont pas
encore présentées, la défenderesse ne peut, en cet
état de la cause, contester l'existence du droit
d'auteur ou la qualité de la demanderesse. Il
incombe à la demanderesse de présenter ses con
clusions de telle manière que, si tous les faits
invoqués étaient exacts, comme ils doivent l'être
dans une requête de ce genre, jugement puisse être
rendu en sa faveur. La défenderesse n'est pas tenue
de substituer à la requête en radiation, une requête
en communication de détails afin d'obliger la
demanderesse à corriger ses conclusions. Telles
qu'elles ont été présentées, ces conclusions n'éta-
blissent pas que la demanderesse a droit à la
protection du droit d'auteur au Canada, ni ne font
ressortir la manière dont elle prétend avoir acquis
ce droit; de ce fait, elles sont radicalement défec-
tueuses en l'état. En conséquence, la requête en
radiation de la déclaration modifiée de la deman-
deresse est accueillie avec dépens, sous réserve du
droit de cette dernière de la modifier dans un délai
de 30 jours ou dans tout autre délai convenu entre
les avocats en présence ou fixé par la Cour.
ORDONNANCE
La déclaration modifiée de la demanderesse est
déclarée irrecevable avec dépens, sous réserve du
droit de cette dernière de la modifier dans un délai
de 30 jours ou dans tout autre délai convenu entre
les avocats en présence ou fixé par la Cour.
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