T-3881-77
La Reine (Demanderesse)
c.
Eric B. Appleby et Maritime Law Book Ltd.
(Défendeurs)
Division de première instance, le juge Addy—
Fredericton, 8 mai; Ottawa, 25 juin 1980.
Couronne — Loi sur la Bibliothèque nationale — Deman-
deresse demandant une ordonnance, en vertu de l'art. 11(1) de
la Loi, enjoignant aux défendeurs, éditeurs, de produire des
exemplaires de recueils — Sanction spécifique prévue à l'art.
11(4) de la Loi pour toute infraction à l'obligation créée par
l'art. 11(1) — Il échet de déterminer si cette sanction est
exclusive — Il échet de déterminer si la sanction empêche la
demanderesse de chercher à obtenir l'ordonnance qu'elle
demande — Loi sur la Bibliothèque nationale, S.R.C. 1970, c.
N-11, art. 11.
La demanderesse demande une ordonnance, en vertu de
l'article 11 de la Loi sur la Bibliothèque nationale, enjoignant
la production d'exemplaires de divers recueils de jurisprudence
publiés par les défendeurs avant le 1 » ' janvier 1977. Il échet de
déterminer si la sanction spécifique prévue à l'article 1 1(4) de
la Loi pour toute infraction à l'obligation créée par l'article
1 I (1), sous les réserves de l'article 11(2), est exclusive et si elle
empêche la demanderesse de chercher à obtenir l'ordonnance
qu'elle demande maintenant.
Arrêt: l'action est rejetée. Le législateur a choisi, dans la loi
considérée, d'édicter qu'il n'y aurait pas d'indemnisation en
décrétant que l'éditeur fournirait le livre «à ses propres frais» et
a prévu une sanction précise pour assurer l'exécution de cette
obligation légale et une peine spécifique en cas de défaut. ll
s'agit d'un cas patent où devrait s'appliquer le principe général
selon lequel la sanction prévue est réputée exclusive. 11 n'existe
aucune justification d'y déroger.
Arrêts mentionnés: Pasmore c. The Oswaldtwistle Urban
District Council [I898] A.C. 387; Vallance c. Falle (1884)
13 Q.B.D. 109. Arrêt appliqué: Manitoba Fisheries Ltd. c.
La Reine [ 1979] 1 R.C.S. 101.
ACTION.
AVOCATS:
L. S. Holland pour la demanderesse.
E. B. Appleby pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la
demanderesse.
E. B. Appleby, Fredericton, pour les défen-
deurs.
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE ADDY: Le défendeur, Eric B. Appleby,
était, jusqu'en 1974, éditeur de divers recueils de
jurisprudence. C'est alors qu'il a constitué la com-
pagnie Maritime Law Book Ltd. qui a assuré les
opérations d'édition à compter de cette date. La
demanderesse demande une ordonnance, en vertu
de l'article 11 de la Loi sur la Bibliothèque natio-
nale', enjoignant aux deux défendeurs de produire
des exemplaires des divers recueils de jurispru
dence qu'ils ont publiés à diverses dates.
L'article 11 de la Loi sur la Bibliothèque natio-
nale se lit ainsi:.
11. (I) Sous réserve du présent article et des règlements,
l'éditeur d'un livre publié au Canada, doit, à ses propres frais et
dans le délai d'une semaine à compter de la date de publication,
envoyer deux exemplaires du livre au directeur général de la
Bibliothèque nationale qui lui en donnera récépissé.
(2) Lorsque la valeur au détail d'un livre publié au Canada
excède cinquante dollars, l'éditeur du livre est censé s'être
conformé aux exigences du présent article s'il envoie au direc-
teur général de la Bibliothèque nationale, à ses propres frais et
dans le délai d'une semaine à compter de la date de publication,
un seul exemplaire du livre, pourvu que cet exemplaire soit de
qualité égale à la meilleure qualité produite.
(3) Le Ministre peut établir des règlements
a) concernant la qualité des exemplaires à envoyer au direc-
teur général de la Bibliothèque nationale pour tout livre dont
les exemplaires ne sont pas de qualité uniforme;
b) prescrivant les catégories ou genres de livres dont il suffit
d'envoyer un seul exemplaire au directeur général de la
Bibliothèque nationale; et
c) prescrivant les catégories ou genres de livres pour lesquels
l'envoi d'exemplaires au directeur général de la Bibliothèque
nationale n'est exigé qu'à la demande spéciale de ce dernier.
(4) Tout éditeur d'un livre publié au Canada qui enfreint
l'une quelconque des dispositions du présent article ou des
règlements ou qui ne s'y conforme pas est coupable d'une
infraction et passible, sur déclaration sommaire de culpabilité,
d'une amende d'au plus cent cinquante dollars. [Les passages
les plus pertinents de l'article sont soulignés.]
En considération d'un engagement de la compa-
gnie défenderesse de faire parvenir, conformément
à l'article 11, des exemplaires de tous les livres
publiés depuis le 1" janvier 1977, les parties ont
convenu que l'action ne porterait que sur les publi
cations parues avant cette date. Les parties se sont
entendues à l'audience sur les publications en
cause.
' S.R.C. 1970, c. N-11.
Les défendeurs avaient d'abord soulevé d'impor-
tantes questions dans les procédures écrites,
notamment à propos de la compétence législative
du Parlement du Canada en ce qui concerne
l'adoption de l'article 11 et à propos de la possibi-
lité que cet article soit contraire à la Déclaration
canadienne des droits, S.C. 1960, c. 44 [S.R.C.
1970, Appendice III], du fait qu'il permet une
expropriation sans indemnité. Ils ont abandonné
ces moyens à l'audience par suite des conclusions
unanimes de la Division d'appel de la Cour
suprême du Nouveau-Brunswick sur les mêmes
sujets, conclusions auxquelles je reviendrai plus
loin. Le seul point en litige qui reste à trancher est
celui-ci: l'article 11(4) de la Loi prévoyant une
sanction spécifique pour toute infraction à l'obliga-
tion créée par l'article 11(1), sous les réserves de
l'article 11(2), cette sanction est-elle en pratique
exclusive et empêche-t-elle la demanderesse de
chercher à obtenir l'ordonnance qu'elle demande
maintenant?
Il est évident que l'obligation créée par l'article
11 ne peut en aucune manière être considérée
comme une codification, ni une reformulation, ni
une remise en vigueur d'un droit, d'une obligation
ou d'un devoir issu de la common law; il s'agit
essentiellement et exclusivement d'une création du
législateur. C'est en outre une disposition qu'on
pourrait qualifier d'exceptionnelle dans les circons-
tances, puisqu'elle prévoit en pratique ce qui équi-
vaut à l'expropriation d'un bien sans prévoir d'in-
demnisation sous quelque forme que ce soit.
Le défendeur, Eric B. Appleby, a été accusé et
déclaré coupable, en vertu de l'article 11(4),
d'avoir, entre le 13 octobre 1973 et le 19 février
1974, illégalement omis d'envoyer deux exemplai-
res d'un livre qu'il avait publié. Il a été condamné
à $100 d'amende ou, à défaut, à dix jours d'empri-
sonnement. Il lui a aussi été ordonné de se confor-
mer à l'article 11 dans les trente jours. L'appel
qu'il a interjeté par procès de novo a été rejeté et
un autre appel à la Cour d'appel du Nouveau-
Brunswick a aussi été rejeté. L'affaire a été
publiée sous La Reine c. Appleby (N° 2) 2 .
Voici ce que dit la Cour au sujet de l'ordon-
nance de se conformer à l'article 11,à la page 118
du recueil:
2 (1977) 76 D.L.R. (3e) 110.
[TRADUCTION] L'avocat de Sa Majesté admet que l'ordon-
nance exigeant l'observation intégrale des dispositions de l'art.
11 n'aurait pu être exécutée que si le juge de première instance,
agissant en vertu de l'art. 663(1)b) du Code criminel, en avait
fait une condition d'une ordonnance de probation et il soutient
que la Cour devrait entendre la preuve ou les observations des
parties quant à la sentence si elle confirmait la déclaration de
culpabilité. Je crois qu'il faut considérer que la cause est
contestée dans le seul but de faire déterminer la validité de
l'article de la Loi sur la Bibliothèque nationale qui aurait été
enfreint et, en conséquence, j'infirmerais la partie de la sen
tence exigeant l'observation de l'art. 11 de la Loi et je confir-
merais le reste de celle-ci.
Même sans s'arrêter à savoir, si à cause de
l'expression «dans le délai d'une semaine» au para-
graphe (1), chaque infraction en est une qui se
continue et qui, passé le délai d'une semaine,
permettrait à la poursuite d'inculper le contreve-
nant d'une infraction distincte pour chaque jour de
défaut, il est clair que toute omission de produire
un livre publié constitue une infraction distincte.
On peut donc conclure que non seulement l'article
11(4) prévoit une sanction, mais qu'il en prévoit
une qui paraît être très efficace et très rigoureuse.
Cependant, pour trancher la question de droit
fondamentale en l'espèce, il ne faut pas, à mon
avis, tenir compte de la sévérité probable de la
peine en cas de poursuite criminelle ni de l'effica-
cité de la sanction par rapport à celles ordinaire-
ment disponibles au civil. Il est important, toute-
fois, de se rappeler qu'au cas où la violation d'un
droit donnerait lieu à des poursuites pénales contre
le contrevenant, la personne lésée n'aurait aucun
pouvoir quant à l'imposition de la peine ni aucun
droit effectif d'exiger l'imposition d'une certaine
peine, celle-ci relevant toujours de la discrétion du
tribunal, sauf dans la mesure où une peine mini
mum est prévue. Enfin, sauf, dans les cas, comme
celui-ci, où Sa Majesté elle-même est la partie
dont les droits sont violés, la partie lésée ne peut
normalement tirer quelque avantage ou compensa
tion pécuniaire de l'amende imposée. Il existe donc
en droit des différences substantielles et fondamen-
tales entre les deux, même du point de vue de la
partie lésée, c'est-à-dire, du point de vue de la
sanction même, bien que l'éventualité de poursui-
tes criminelles puisse, à certains moments, se révé-
ler, en pratique, tout aussi efficace et même plus
efficace pour la garantie de l'obligation imposée.
L'ouvrage intitulé Craies on Statute Law' con - ,
tient, aux pages 247 et 248, un excellent exposé du
droit et de la jurisprudence en ce qui concerne la
question de savoir si la sanction prévue par un
texte de loi a un caractère exclusif et je ne saurais
mieux l'exprimer. Sous le titre [TRADUCTION] «La
sanction spécifique exclut les autres sanctions», il
dit ceci:
[TRADUCTION] Si une loi crée un nouveau devoir ou impose
une nouvelle obligation et prescrit une sanction spécifique en
cas d'omission de remplir ce devoir ou de satisfaire à cette
obligation, la règle générale veut «qu'il ne puisse y avoir d'autre
sanction que celle qui est prescrite par la loi.» (Stevens c. Evans
(1761) 2 Burr. 1152, la p. 1157....) Dans l'affaire Doe d.
Bishop of Rochester c. Bridges, ((1831) 1 B. & Ad. 847, la p.
859) la cour dit: «Lorsqu'une Loi crée une obligation et qu'elle
en sanctionne l'exécution d'une manière spécifique, nous consi-
dérons comme une règle générale que l'exécution n'en peut être
sanctionnée d'une autre manière.» Dans l'affaire Stevens c.
Jeacocke, ((1848) 11 Q. B. 731, la p. 741) la cour dit aussi:
«C'est une règle de droit qu'il n'y a pas d'action en justice pour
la violation d'un droit créé par une loi, si cette loi prévoit une
autre sanction spécifique pour cette violation.» Dans l'affaire R.
c. County Court Judge of Essex, ((1887) 18 Q.B.D. 704, la p.
707 ...) lord Esher, Maître des rôles, dit encore: «La règle
ordinaire d'interprétation s'applique à cette affaire-ci, savoir
que quand le législateur a adopté une loi nouvelle dans laquelle
il prévoit une nouvelle sanction, cette sanction est la seule qui
puisse être recherchée.»
L'application de cette règle peut même avoir pour résultat de
rendre le tribunal incompétent comme dans l'affaire Barra -
dough c. Brown, ([1897] A.C. 615, la p. 622 ...) où il
s'agissait de déterminer s'il était possible de procéder par action
visant à faire reconnaître l'existence d'un droit en vertu d'une
loi qui accordait un droit nouveau d'obtenir dans un tribunal de
simple police, le remboursement de certaines dépenses de per-
sonnes qui n'en étaient pas autrement redevables. Lord Watson
dit: «Le droit et la sanction sont donnés d'un seul souffle et on
ne peut dissocier l'un de l'autre. Par ces mots, le législateur a, à
mon avis, donné compétence exclusive au tribunal de simple
police, non seulement pour fixer le montant des frais à rem-
bourser à l'entrepreneur, mais aussi pour déterminer par qui la
somme est payable et il a édicté par voie de conséquence
qu'aucun autre tribunal n'a compétence pour connaître ou
décider de ces choses.» A la Cour d'appel, où l'article 35 du
Local Government Superannuation Act de 1937 était en cause,
le lord juge Asquith dit ceci: «C'est sans nul doute une bonne
règle de droit que si une loi crée un droit, et en termes clairs
l'assortit d'une sanction spécifique ou désigne un tribunal déter-
miné pour en assurer la sanction, quiconque cherche à faire
valoir ce droit soit tenu d'avoir recours à cette sanction ou à ce
tribunal et à nul autre.» (Wilkinson c. Barking Corporation
[1948] I K.B. 721, la p. 724.) [C'est moi qui souligne.]
3 Septième édition, 1971.
Dans l'affaire Workmen's Compensation Board
c. White Motor Company of Canada 4 , à la page
573, le juge d'appel Hughes cite et adopte l'arrêt
Pasmore c. The Oswaldtwistle Urban District
Council 5 où le même principe est exprimé de la
façon suivante:
[TRADUCTION] C'est un principe familier qui se retrouve dans
tout le droit qu'une loi qui prévoit une sanction spécifique
refuse par le fait même à la personne qui demande une sanction
toute autre forme de sanction que celle que la loi prévoit.
Comme dans la plupart des cas, là où il existe
un principe général de droit, il y a également des
exceptions. En appréciant le texte de loi dans son
ensemble ou en considérant entre autres son objet
général, le mal que la sanction vise à prévenir ou
encore les personnes ou l'étendue de la catégorie
de personnes que la loi vise à protéger ou à sou-
mettre à l'obligation ou à l'interdiction considérée,
on pourrait bien arriver à la conclusion que le
législateur, s'écartant du principe général, n'a pas
voulu, dans un cas particulier, que la sanction soit
exclusive, bien qu'il ne l'ait pas déclaré expressé-
ment dans le texte de la loi. L'affaire Vallance c.
Falle 6 paraît être celle qui fait autorité sur la
question. La règle énoncée dans cette affaire a été
suivie dans les affaires Groves c. Wimborne 7 ,
Saunders c. The Holborn District Board of
Works 8 et Monk c. Warbey 9 . Comme le rapporte
l'ouvrage précité de Craies, à la page 249, le juge
Stephen a énoncé la règle de droit sur ce point,
dans l'affaire Vallance précitée, de la manière
suivante:
[TRADUCTION] «La règle générale ... paraît, en substance, être
la suivante: il faut examiner les dispositions et l'objet du texte
de loi considéré afin de découvrir si l'on a voulu conférer un
droit général qui pourrait être le fondement d'une action ou
créer une obligation sanctionnée uniquement par une peine
particulière, auquel cas la sanction du manquement à cette
obligation ne pourrait être recherchée que par la procédure
tendant à l'imposition de la peine.» Il a été jugé que la peine
prescrite par le Merchant Shipping Act de 1854 était exclusive.
La demanderesse a invoqué l'affaire Waghorn c.
Collison 1 ° à l'appui de la thèse voulant que le
principe général ne s'applique pas à la présente
4 (1971) 3 N.B.R. (2') 565.
5 [1898] A.C. 387, la p. 394.
6 (1884) 13 Q.B.D. 109.
[1898] 2 Q.B. 402.
8 [1 895] 1 Q.B. 64.
9 [1935] 1 K.B. 75.
10 (1922) 91 L.J.K.B. 735.
affaire. L'affaire Waghorn n'est absolument d'au-
cun secours à la demanderesse puisque la loi qui y
était en cause contenait une disposition expresse
énonçant que la sanction prévue ne serait pas
exclusive. Cette disposition était rédigée dans les
termes suivants [à la page 736]: [TRADUCTION]
«... la présente disposition ne [doit] aucunement
porter atteinte aux droits de l'ouvrier de recouvrer
des salaires par d'autres procédures.»
Dans la présente affaire, la personne qui tire
avantage de l'article 11 est Sa Majesté du chef du
Canada, par l'entremise d'une de ses institutions,
la Bibliothèque nationale, et seule Sa Majesté peut
en assurer le respect. Il n'y a ni question morale en
jeu, ni matière pressante d'importance ou d'intérêt
public. Compte tenu du fait que la Loi ne prévoit
pas de dédommagement, l'obligation qu'elle fait de
fournir des livres gratuitement, même si elle n'est
pas lourde financièrement, constitue néanmoins
une atteinte au droit à la propriété privée, droit
que le législateur protège normalement de façon
très attentive.
Dans un arrêt récent, Manitoba Fisheries Lim
ited c. La Reine", le juge Ritchie, qui expose les
motifs de jugement de la Cour, dit ce qui suit sur
le sujet, aux pages 109 et 110:
La Loi ne prévoit pas expressément que le gouvernement
fédéral doit verser une indemnité, mais l'appelante se fonde sur
un principe établi de longue date énoncé par cette formule
concise de lord Atkinson dans Attorney -General v. De Keyser's
Royal Hotel Ltd. [ 1920] A.C. 508, la p. 542:
[TRADUCTION] Pour interpréter les lois, la règle est la
suivante: sauf si ses termes l'exigent, une loi ne doit pas être
interprétée de manière à déposséder une personne de ses
biens sans indemnisation.
Cette règle d'interprétation est développée dans l'ouvrage de
Maxwell on Interpretation of Statutes, 1 l» éd., aux pp. 275 à
277, dont l'extrait pertinent est approuvé par le juge Wilson de
la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans l'arrêt B.C.
Power Corp. Ltd. c. Le procureur général de la Colombie-Bri-
tannique et autres (1962) 34 D.L.R. (2d) 25, la p. 44. Le juge
Collier ([1977] 2 C.F., à la p. 462) le cite intégralement et se
réfère également à la méthode retenue par lord Radcliffe dans
l'arrêt Belfast Corporation v. O.D. Cars Ltd. [1960] A.C. 490,
à la p. 523 (H.L.(N.I.)) pour déterminer si un texte de loi
envisage une «dépossession sans indemnisation». Voici ce que dit
lord Radcliffe:
[TRADUCTION] D'une part, il y a le principe général adopté
par le législateur et scrupuleusement défendu par les cours,
" [1979] 1 R.C.S. 101.
savoir qu'une personne ne doit pas être dépossédée d'un titre
de propriété ou de la jouissance d'un bien sans indemnisation
complète. L'acquisition du titre ou de la jouissance constitue
une «dépossession». Les divers aspects de ce principe figurent
dans les règles d'interprétation des lois établies par les cours
qui exigent la présence des mots les plus explicites pour
qu'une acquisition puisse être sanctionnée par une loi du
Parlement sans une indemnisation complète, ou qui introdui-
sent l'intention d'indemniser et les moyens de calculer l'in-
demnité dans une loi du Parlement qui ne l'exclut pas
positivement. Cette vigilance exercée sur la protection des
droits du citoyen, dans la mesure où elle est compatible avec
les exigences de l'expropriation des biens dont celui-ci jouis-
sait précédemment, a été considérée comme une garantie
importante de la liberté individuelle. Ce serait une erreur d'y
voir un conflit entre le législateur et les cours. En règle
générale, le principe est commun aux deux. [C'est moi qui
souligne.]
Le législateur a choisi, dans la loi considérée,
d'édicter qu'il n'y aurait pas d'indemnisation en
décrétant que l'éditeur fournirait le livre «à ses
propres frais» et a prévu une sanction précise pour
assurer l'exécution de cette obligation légale et une
peine spécifique en cas de défaut. Il n'y a pas de
motif de croire que, si, en l'espèce, Sa Majesté
avait décidé d'appliquer pleinement la sanction
prévue par le législateur à chaque manquement, le
résultat n'aurait pas été atteint.
Dans les circonstances, je ne puis concevoir de
cas plus patent où le principe général selon lequel
la sanction prévue est réputée exclusive devrait
s'appliquer et je ne puis trouver aucune justifica
tion d'y déroger.
L'action sera donc rejetée avec dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.