T-4266-79
La Reine (Demanderesse)
c.
Air Age Distributors Ltd. (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Cattanach—
Ottawa, 20 janvier 1981.
Pratique — La demanderesse demande de savoir si la
défenderesse peut continuer d'agir sans être représentée par
avocat — La défenderesse est présumée une personne morale
— La Règle 300(2) prévoit qu'une personne morale ne peut
ester que par procureur — Le procureur de la défenderesse a
déposé une notification qu'il cessait d'occuper — La notifica
tion était adressée au greffier de la Cour et au procureur de la
demanderesse — L'examen de la requête est prématuré, aussi
y a-t-il ajournement jusqu'à ce que les Règles 300(7) et 324
aient été respectées — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970
(2e Supp.), c. 10, art. 11 — Règles 2, 300(2),(3),(5),(7) et 324 de
la Cour fédérale.
REQUÊTE sur le fondement de la Règle 324.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la
demanderesse.
Mark A. Henbury, Calgary, pour la défende-
resse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement et de l'ordonnance rendus par
LE JUGE CATTANACH: La demanderesse, par
son avis de requête, daté du 8 janvier 1981,
Edmonton (Alberta), demande un avis et des
directives à la Cour pour savoir si la défenderesse
en l'instance peut continuer d'agir sans être repré-
sentée par avocat.
La déclaration n'allègue pas expressément que
la défenderesse en l'espèce est une personne morale
ni, si cela était, quelle juridiction lui aurait conféré
ce statut. La raison sociale de la défenderesse, telle
qu'elle apparaît dans l'intitulé de cause, se termine
par l'abréviation du mot «Limited» (Limitée), soit
«Ltd.» (Ltée). Il y eut un temps où la législation
fédérale prévoyait qu'une compagnie constituée
selon le droit fédéral devait avoir une raison sociale
se terminant par le terme «Limitée» ou son abré-
viation. C'était vrai en général aussi de la plupart
des législations provinciales sur ce sujet. Toutefois,
cette exigence aurait été supprimée dans plusieurs
juridictions. Il n'en reste pas moins qu'il découle
logiquement de l'emploi par la défenderesse d'une
raison sociale se terminant par «Ltd.» dans la
déclaration et dans la défense, et la reconnaissance
tacite que cela implique, ainsi que dans les pièces
justificatives de la demande en l'instance, que la
défenderesse est une personne morale.
La Règle 300(2) prévoit qu'une personne morale
ne peut ester en notre juridiction que par procu-
reur: selon les Règles, celui que vise l'article 11 de
la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e
Supp.), c. 10.
La Règle 300(2) prévoit une exception: lors-
qu'un texte législatif ou réglementaire le permet.
Aucune exception de ce genre ne paraît applicable
en l'espèce.
Une défense, datée du 6 novembre 1979, a été
déposée le 7 novembre 1979. Elle est signée Mark
A. Henbury et endossée comme produite au nom
de la défenderesse, Air Age Distributors Ltd.,
[TRADUCTION] «par Me Mark A. Henbury,
avocat, procureur de la défenderesse, auquel toute
signification à celle-ci devra être faite au 310
Marlborough Professional Building, 624-36e Rue
nord-est, Calgary, Alberta, T2A 5H5».
En vertu de la Règle 300(3), Me Henbury est
présumé procureur, c'est-à-dire «solicitor inscrit au
dossier», au sens de la Règle 2, et le demeure aussi
longtemps qu'aucune modification n'est faite de la
manière prévue soit par l'alinéa (5) de la Règle
300, sur l'initiative de la partie, ce qui n'a pas été
fait, soit de l'initiative du procureur, sur le fonde-
ment de l'alinéa (7) de la Règle 300.
Voici le texte de la Règle 300(7):
Règle 300... .
(7) Lorsqu'un procureur ou solicitor qui a agi pour une
partie dans une procédure a cessé d'agir à ce titre et que la
partie n'a pas donné avis du changement en conformité de la
présente règle, le procureur ou solicitor peut, sur avis à son
ancien client ainsi qu'à la partie adverse (la Cour, lors de la
présentation de la requête, décidera si l'avis donné est raison-
nable dans les circonstances), demander à la Cour une ordon-
nance déclarant que le procureur ou solicitor a cessé d'être le
procureur ou solicitor agissant pour la partie dans la procédure,
et la Cour peut rendre une ordonnance à cet effet, mais, tant et
aussi longtemps que le procureur ou solicitor n'a pas signifié à
chacune des parties à la procédure une copie de l'ordonnance et
n'a pas déposé la preuve de cette signification, il continue, sous
réserve des autres dispositions de la présente règle, d'être
considéré comme le procureur ou solicitor de la partie inscrit
au dossier.
La note en marge de la Règle 300(7) se lit
comme suit: «Demande de constatation de
cessation».
Le 1" février 1980, le procureur de la défende-
resse déposa une notification, datée du 31 janvier
1980, qu'il [TRADUCTION] «cessait d'occuper».
Sur cet acte, on a inscrit qu'il est destiné au
greffier de la Cour et au procureur de la
demanderesse.
Il ne s'agissait que d'une simple notification
adressée apparemment auxdits destinataires, rien
de plus.
Il ne s'agit pas d'une demande à la Cour de
rendre une ordonnance déclarant que le procureur
de la défenderesse a cessé d'occuper pour celle-ci,
appuyée des dépositions sous serment ou affidavits
requis, y inclus celui de la signification et, comme
aucune demande n'a été faite, aucune ordonnance
n'a été rendue.
Il s'ensuit que Me Mark A. Henbury doit tou-
jours être considéré comme le procureur inscrit au
dossier pour la défenderesse tant que ne sera pas
lancée une ordonnance déclarant le contraire.
Me Henbury en a été d'ailleurs avisé, sur récep-
tion de la notification du préposé adjoint au greffe,
une lettre datée du 14 février 1980; le procureur
inscrit au dossier a apparemment jugé bon d'igno-
rer cet avis.
La présente requête est faite au nom de la
demanderesse, conformément à la Règle 324. En
vertu de la Règle 324, la partie qui le demande,
par lettre adressée au greffe, peut voir sa requête
jugée sur pièces et, de l'agrément de la partie
adverse, sans comparution personnelle. Aucune
lettre, pièce ni consentement n'accompagnait la
demande; on peut probablement, à la lumière des
faits allégués et établis, considérer la déposition
sous serment, l'affidavit fourni à l'appui de la
demande, et l'avis de requête, comme des «observa-
tions écrites», des pièces au sens large.
Toutefois, lorsqu'une demande est faite pour
qu'une affaire soit jugée sur pièces, une copie des
observations écrites et de l'avis de requête doit être
signifiée à toutes les parties adverses ainsi que la
requête.
Il n'y a aucune preuve, en la forme de la déposi-
tion sous serment habituelle, l'affidavit de signifi
cation, que cela fut fait.
On peut comprendre que la demanderesse ait été
dans l'embarras quant à savoir à quelle personne
ou personnes la signification devait être faite.
Mais, de toute façon, il ne peut être connu d'une
demande tant que les personnes aux intérêts des-
quelles on porte atteinte n'ont pas eu la possibilité
raisonnable de répliquer par écrit ou de demander
une audience sur l'affaire.
Vu ces faits, l'examen de la requête est préma-
turé à l'heure actuelle.
Comme M' Henbury demeure toujours procu-
reur inscrit au dossier, tant que la partie qu'il
représente ne lui intime pas l'ordre de cesser de le
faire, puis fait inscrire un autre procureur au
dossier, selon la Règle 300(5), et tant que M'
Henbury lui-même ne demande pas à la Cour de
rendre une ordonnance déclarant qu'il n'occupe
plus pour la défenderesse, la signification de cet
avis de requête sera faite à ce procureur inscrit au
dossier, avec toutes les autres pièces requises à
l'appui.
A mon avis, il est obligatoire que la signification
soit ainsi faite.
Les Règles prévoient aussi de quelle façon une
signification doit être faite à une personne morale.
Ex abundanti cautela, signification sera aussi
faite à la compagnie défenderesse. Que significa
tion soit faite à la compagnie ne change rien au
libellé clair, non ambigu, de la Règle 300(2): une
personne morale ne peut ester que par procureur à
moins qu'il ne soit établi qu'une exception expresse
prévue par la loi existe, permettant le contraire; la
signification à la compagnie défenderesse ne doit
pas être interprétée comme autorisant d'ester au
nom d'une compagnie autrement que par procu-
reur.
Il serait aussi utile, une fois les conditions de la
requête respectées et la requête elle-même renou-
velée et appuyée comme indiqué dans les présen-
tes, qu'on précise qui, y compris le procureur
inscrit au dossier personnellement, devra en sup
porter les dépens.
ORDONNANCE
L'examen de la requête est prématuré, aussi y
aura-t-il ajournement jusqu'à ce que soient respec-
tées les conditions et fournies les pièces justificati-
ves indiquées dans les présentes, et la requête
renouvelée.
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