T-2248-74
Camp Robin Hood Limited (Demanderesse)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Cattanach—
Toronto, 26 janvier; Ottawa, 13 février 1981.
Pratique — Dépens — Procédures d'expropriation — Une
transaction a mis fin à l'action de la demanderesse en complé-
ment d'indemnité d'expropriation — Le protonotaire a réduit
les honoraires des avocats et rejeté certains débours — La
demanderesse sollicite la modification de la taxation de ses
dépens — Il échet d'examiner si le protonotaire a commis une
erreur de droit et de principe en n'accordant pas, comme
l'exige l'art. 36(2) de la Loi sur l'expropriation, la totalité des
«frais des procédures et des frais accessoires,,, dont les frais
extrajudiciaires, réclamés par la demanderesse — Demande
accueillie — Loi sur l'expropriation, S.R.C. 1970 (Pt Supp.),
c. 16, art. 36(2) — Règles 346(2), 349(2) de la Cour fédérale.
L'action principale avait été intentée par la demanderesse qui
n'était pas satisfaite de l'indemnité offerte pour des terrains
expropriés par la Couronne. Une transaction est intervenue. La
demanderesse sollicite maintenant la modification de ses dépens
relatifs à l'action, dépens taxés par le protonotaire qui a réduit
les honoraires des avocats et rejeté certains débours. Il échet
d'examiner si le protonotaire a commis une erreur de principe
et de droit en n'accordant pas, comme l'exige l'article 36(2) de
la Loi sur l'expropriation, la totalité des «frais des procédures
et des frais accessoires», y compris les frais extrajudiciaires,
réclamés par la demanderesse.
Arrêt: la demande est accueillie. L'article 36(2) de la Loi sur
l'expropriation, aux termes duquel la «totalité des frais des
procédures et des frais accessoires encourus par» la partie dont
le bien a été exproprié, «y compris les frais extrajudiciaires que
le tribunal détermine, soit payée à cette partie par la Cou-
ronne», signifie que la totalité des frais taxés sur la base
avocat-client doit être payée par la Couronne et rien de plus. Ce
qui revient à la partie gagnante, ce sont les frais des procédures
et accessoires et non les frais d'expropriation et accessoires. Ces
derniers peuvent à bon droit être inclus dans l'indemnité
allouée. Les principes établis en matière de taxation demeurent
applicables et, l'article 36(2) n'y apporte aucune modification.
Le premier principe veut que la partie réclamante ait droit aux
frais qu'elle a dû engager pour la bonne opération et présenta-
tion de sa cause. Le second principe est que s'il s'agit simple-
ment d'une question de montant et non d'une question de
principe, il n'y a pas lieu d'intervenir pour modifier le montant
alloué par l'officier taxateur dans l'exercice de son pouvoir
d'appréciation, à moins que ce montant ne soit si déraisonnable
qu'il porte à croire à une erreur de principe. Voici les facteurs
qu'il convient de prendre en considération lorsqu'il s'agit de
trancher la question des frais taxés sur la base avocat-client: le
montant de l'offre dans les affaires d'expropriation, le montant
alloué, la complexité des questions litigieuses, l'habileté et la
compétence requises pour présenter les questions litigieuses, le
degré d'expérience des avocats, le temps consacré à la prépara-
tion et les honoraires prévus au tarif applicable.
Arrêt analysé: Le Bureau de fiducie de l'Église presbyté-
rienne au Canada c. La Reine [1977] 2 C.F. 107. Arrêts
mentionnés: McCain Foods Limited c. C. M. McLean
Limited [1981] 1 C.F. 534; Re Solicitors (1921) 20
O.W.N. 84.
DEMANDE de modification de taxation.
AVOCATS:
L. Morphy, c.r. pour la demanderesse.
T. L. James pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Campbell, Godfrey & Lewtas, Toronto, pour
la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE CATTANACH: Par requête datée du 14
janvier 1981, la demanderesse sollicite la modifica
tion de ses dépens relatifs à l'action dont il s'agit,
dépens taxés par M. J. A. Preston, en sa qualité de
protonotaire, à $32,097.76 comme entre avocat et
client.
Le mémoire de frais présenté par les avocats à
leur cliente comportait $16,850 au titre des hono-
raires, soit $3,850 pour la période de mai 1973 à
mars 1977 et $13,000 pour la période allant d'oc-
tobre 1977 au 21 avril 1980 (l'interruption de mars
1977 octobre 1977 étant, selon toute vraisem-
blance, attribuable au fait qu'aucun service n'a été
rendu pendant cette période) ainsi que $35,406.04
au titre des débours suivant l'énumération à la
page 4 du mémoire de frais de la demanderesse.
Le protonotaire, en taxant les frais de la deman-
deresse, a réduit de $3,850 $3,000 le montant des
honoraires figurant au premier compte des avocats
pour la période de mai 1973 mars 1977, soit une
réduction de $850, et à $11,400 le montant de
$13,000 paraissant au second compte, soit une
réduction de $1,600.
Le compte des avocats pour services rendus a
donc été ramené de $16,850 $14,400, soit une
réduction de $2,450.
Quant aux débours réclamés, les parties sont
convenues d'un montant de $2,493.55.
Pour ce qui est du reste des débours, il y a eu
contestation tant sur le montant que sur l'opportu-
nité de les accorder.
Les débours litigieux étaient les suivants:
(1) Robert L. Sachter, c.r., l'avocat habituel de
la demanderesse, réclamait des honoraires au
montant de $8,914.46; le protonotaire n'a
accordé que $3,600, soit une réduction de
$5,314.46;
(2) Woods Gordon, une société de conseillers en
administration rattachée à une société de comp-
tables agréés, retenue pour estimer les pertes
d'exploitation subies par la demanderesse du fait
de l'expropriation, pour en faire un rapport et
pour en témoigner, réclamait le montant de
$16,793.82; le protonotaire n'a accordé que
$7,500, soit une réduction de $9,293.82;
(3) par l'intermédiaire de Robert M. Robson,
évaluateur immobilier, furent réclamés deux
comptes au montant total de $5,454.21;
$3,804.21 ont été accordés, soit une réduction de
$1,650;
(4) Wm. Eisenberg & Co., les vérificateurs
nommés par la société demanderesse, récla-
maient $1,500 au titre des services supplémen-
taires, réclamation rejetée en totalité par le
protonotaire;
(5) General Urban Systems, à laquelle était
associé un architecte dont la demanderesse avait
déjà retenu les services, s'était occupée du rezo-
nage de la propriété achetée par cette dernière
afin de continuer ses opérations. La General
Urban Systems a présenté à la demanderesse, à
l'égard des services ainsi rendus, un compte de
$172 et, tardivement, lors de la taxation des
frais, un compte complémentaire de $743. Ces
deux comptes ont été rejetés en totalité par le
protonotaire.
Il en résulte donc qu'un montant de $14,904.21
a été accordé à l'égard de ces débours litigieux. Ce
montant vient s'ajouter aux débours de $2,493.55
dont les parties sont convenues, pour porter à
$17,397.76 le total des débours accordés.
Ainsi les frais de la demanderesse ont été taxés à
$32,097.76, dont $14,400 au titre des honoraires
des avocats, $17,397.76 au titre des débours et
$300 l'égard des frais de taxation.
On a fait valoir pour la demanderesse que le
protonotaire, en n'accordant pas, comme l'exige le
paragraphe 36(2) de la Loi sur l'expropriation,
S.R.C. 1970 (l er Supp.), c. 16, la totalité des «frais
des procédures et des frais accessoires», y compris
les frais extrajudiciaires, réclamés, a commis une
erreur de principe et de droit. Il a plus particuliè-
rement été prétendu que le protonotaire a fait une
erreur de principe et de droit:
[TRADUCTION] (1) en réduisant, compte tenu de leurs taux
horaires usuels, le montant des honoraires des avocats;
(2) en réduisant le montant des honoraires réclamés par les
conseillers en administration ainsi que par l'évaluateur immobi-
lier; et
(3) en rejetant le compte de Wm. Eisenberg & Co.
Depuis 1965, la demanderesse exploitait, sur ses
terrains situés à quatre milles de la ville de Mark-
ham en Ontario, près de Toronto, un camp de jour
offrant des services à la fois récréatifs et éducatifs.
Le 30 janvier 1973, la Couronne a procédé à
l'expropriation, pour l'aéroport de Pickering, de la
propriété de la demanderesse.
La Couronne a offert, conformément à la Loi
sur l'expropriation, une indemnité de $127,320
pour la valeur marchande du droit détenu par la
demanderesse sur l'immeuble (il y avait une hypo-
thèque de $112,000 avec intérêt au taux annuel de
8 1 / 4 %), le trouble de jouissance, y compris le démé-
nagement, et la perte d'un taux d'intérêt préféren-
tiel sur l'hypothèque. La demanderesse a accepté
cette offre mais sans préjudice de son droit de
solliciter un complément d'indemnité.
Par la suite, soit le 6 août 1973, l'offre d'indem-
nité fut augmentée de $25,950, portant ainsi le
montant global à $153,270.
La demanderesse n'étant bien sûr pas satisfaite
de l'indemnité offerte a, comme c'est son droit,
introduit le 31 mai 1974 la présente action sollici-
tant: (1) un complément d'indemnité pour ses
terrains et les immeubles y afférents, (2) une
indemnité suffisante pour trouble d'exploitation de
ce camp de jour ou subsidiairement, une indemnité
suffisante pour cessation d'exploitation de cette
entreprise, (3) une indemnité pour la perte de
l'avantage pécuniaire spécifique rattaché à la pro-
priété exploitée comme camp de jour, (4) une
indemnité pour le coût d'élaboration, avant l'ex-
propriation, d'un plan directeur pour l'aménage-
ment des terrains considérés comme camp de jour,
les travaux d'aménagement, qui devaient être
effectués en cinq étapes, ayant été interrompus par
l'expropriation et (5) le remboursement des frais
de déménagement et autres dépenses connexes à
l'acquisition, au prix total de $500,000, d'une
autre propriété destinée à l'exploitation de son
camp de jour.
La date de l'audience fut fixée au 25 février
1980.
Mais une transaction est intervenue et une
requête a été présentée tendant au prononcé du
jugement sur le fondement d'une preuve par affi
davit déclarant juste et raisonnable le montant
dont le paiement devait être ordonné par ledit
jugement.
Mon collègue Walsh a donc, dans un jugement
prononcé le 25 février 1980, déclaré que le mon-
tant global à payer était de $449,858.94, soit
$336,359 pour indemniser la demanderesse du
droit exproprié et $113,499.94 titre d'intérêts
conformément aux alinéas a) et b) du paragraphe
33(3) de la Loi sur l'expropriation.
Avant de procéder à l'examen de la décision
rendue en l'espèce par le protonotaire, je tiens pour
acquis certains principes bien connus.
J'accepte les observations suivantes sur l'objet
du paragraphe 36(2) de la Loi sur l'expropriation
faites par mon collègue Walsh dans l'affaire Le
Bureau de fiducie de l'Église presbytérienne au
Canada c. La Reine ([1977] 2 C.F. 107, la page
108):
Le but de l'article 36(2) semblerait être d'indemniser la per-
sonne dont le bien a été exproprié de tous les «frais des
procédures et des frais accessoires» encourus par elle de sorte
que les frais judiciaires qui lui seront réclamés ne viennent pas
réduire le montant de l'indemnité allouée.
Il faut se rappeler qu'il ne s'agit nullement, au
paragraphe 36(2) de la Loi, de cas où le client doit
lui-même payer les frais taxés comme entre avocat
et client (frais dont le client est dans une certaine
mesure maître), mais plutôt de cas où \ la partie
adverse doit les payer. Par conséquent, les 'observa-
fions précitées ne peuvent être interprétées de
façon à conférer carte blanche à la partie dont le
bien a été exproprié, mais doivent être lues à la
lumière des principes de base bien établis dans le
domaine.
L'un de ces principes veut qu'il soit abusif de
taxer contre la partie adverse nombre de frais
pouvant à bon droit être réclamés au client. La
taxation, lorsque faite contre la partie adverse, est
moins généreuse que dans les cas où c'est le client
qui paie. Dans le premier cas, il s'agit strictement
de taxer les frais de l'action entre parties comme
entre avocat et client. Il ressort de la lecture de ses
motifs de jugement (plus particulièrement aux 8e
et 9e lignes à la page 4) que c'est sur ce fondement
que le protonotaire a procédé.
Un autre de ces principes bien établis est celui
selon lequel, lors de la taxation des frais comme
entre avocat et client, la partie qui les réclame a
droit aux justes frais engagés pour une bonne
préparation et présentation de la cause. Lorsque
taxés contre la partie adverse, les frais sont norma-
lement restreints à ceux engagés après l'introduc-
tion de l'action. J'estime qu'en matière d'expro-
priation, l'avis d'expropriation est assimilable à un
acte introductif d'instance.
Donc, à mon avis, le paragraphe 36(2) de la Loi
sur l'expropriation, qui prévoit que la «totalité des
frais des procédures et des frais accessoires encou-
rus par» la partie dont le bien a été exproprié, «y
compris les frais extrajudiciaires que le tribunal
détermine, soit payée à cette partie par la Cou-
ronne», signifie que la totalité des frais taxés
comme entre avocat et client doit être payée par la
Couronne et rien de plus. Les propos du juge
Walsh sur l'objet du paragraphe 36(2), lorsqu'il
dit que les honoraires qui seront réclamés à la
partie dont le bien a été exproprié ne viennent pas
réduire le montant de l'indemnité allouée, signi-
fient uniquement que les honoraires réclamés à
cette partie peuvent à bon droit être taxés comme
entre avocat et client. Cela ne veut pas dire que si
l'avocat réclame à son client, à titre d'honoraires,
un montant dépassant celui qui peut être taxé ou
qui l'a été, la Couronne doit payer l'excédent.
Il s'ensuit donc que les principes établis en
matière de taxation trouvent toujours application
et que le paragraphe 36(2) n'y apporte aucune
modification. Je ne crois d'ailleurs pas que le juge
Walsh ait voulu laisser entendre le contraire.
De plus, ce à quoi la partie qui obtient gain de
cause a droit c'est la totalité des «frais des procé-
dures et des, frais accessoires», taxés comme entre
avocat' et client. Il s'agit là des frais des procédures
et des frais accessoires aux procédures et non des
frais de l'expropriation et des frais accessoires à
l'expropriation. Ces derniers peuvent à bon droit
être inclus dans l'indemnité allouée, mais non au
titre des frais des «procédures».
Le premier principe qui doit me guider est celui
voulant que la partie réclamante ait droit aux frais
qu'elle a dû engager pour la bonne préparation et
présentation de la cause. Exclure des frais admissi-
bles quelque chose d'essentiel à la bonne présenta-
tion de la cause constituerait une erreur de prin-
cipe, tout comme c'en serait une que d'inclure
quelque chose qu'il aurait fallu exclure. Et il y
aurait dans l'un et l'autre cas lieu d'intervenir.
Le second grand principe qui doit me guider est
celui-ci: s'il s'agit simplement d'une question de
montant et non d'une question de principe, il n'y a
pas lieu d'intervenir pour modifier le montant
alloué par l'officier taxateur dans l'exercice de son
pouvoir d'appréciation, à moins que ce montant ne
soit à ce point déraisonnable qu'il laisse supposer
qu'il est attribuable à une erreur de principe.
La question du montant est laissée à l'apprécia-
tion de l'officier taxateur. Il y a plus d'un siècle, le
baron Pollock, baron en chef de la Cour de l'Échi-
quier, la juridiction de common law que j'estime
toujours être celle de laquelle descend la Cour
fédérale du Canada, a dit que les protonotaires ont
une expérience beaucoup plus vaste de l'exercice
de ce pouvoir d'appréciation en matière de taxa
tion des frais que celle qu'un juge pourra jamais
acquérir.
En ce qui me concerne, compte tenu de la règle
établie voulant que la cour ne se préoccupe pas de
simples questions de montant ou de la manière
dont l'officier taxateur a exercé son pouvoir d'ap-
préciation, je ne suis pas sans être conscient des
propos, souvent cités, tenus par le juge Middleton
dans l'affaire Re Solicitors ((1921) 20 O.W.N.
84). Ces propos ont été repris et approuvés derniè-
rement par la Division d'appel dans l'arrêt qu'elle
a rendu le 12 septembre 1980 dans l'affaire
McCain Foods Limited c. C. M. McLean Limited
([1981] 1 C.F. 534) [à la page 537].
Le juge Middleton a dit:
[TRADUCTION] Dans tous ces cas, il est extrêmement diffi-
cile pour un juge d'intervenir, lors d'un appel, â propos du
montant alloué par un taxateur expérimenté. Néanmoins, il est
important de comprendre que la règle, énoncée dans plusieurs
affaires, selon laquelle il n'y a pas lieu de réviser, à l'occasion
d'un appel, le montant d'honoraires, ce dernier étant à la
discrétion du taxateur, n'est pas absolue. Dans nombre de cas,
il est impossible de substituer le pouvoir discrétionnaire de la
cour d'appel à celui de l'officier taxateur en étant certain que
l'un est préférable à l'autre. II est des cas où la somme accordée
est si excessive qu'il faut la modifier. Il faut aussi se rappeler
que la loi accorde un droit d'appel qui permet au juge
d'apprécier.
Je n'oublie pas non plus que dans les affaires
McCain Foods Limited c. C. M. McLean Limited
et Re Solicitors, précitées, la taxation s'est effec-
tuée entre parties et qu'il y avait un tarif (bien que
sujet à des augmentations discrétionnaires), tandis
qu'en l'espèce il s'agit de taxation comme entre
avocat et client.
Lorsque la généralité des frais tombe sous le
régime d'un tarif autorisé, mais que certains se
trouvent hors du champ d'application dudit tarif
ou qu'il est accordé un montant dépassant celui
prévu au tarif, la valeur des services rendus par
l'avocat devrait être allouée suivant le principe du
quantum meruit. La valeur des services rendus
devient alors une question de fait susceptible
d'examen au même titre que toute autre question
de fait.
Une Cour d'appel n'infirmera pas une conclu
sion sur un point de fait à moins que cette dernière
ne soit déraisonnable et contraire à ce qui ressort
de la preuve au point de constituer une
dénaturation.
Que le véritable fondement du contrôle soit une
erreur de principe ou une conclusion sur un point
de fait, cela ne change rien à la règle, applicable
aux conclusions sur des points de fait, selon
laquelle, s'il s'agit d'une simple question de mon-
tant, la décision rendue par l'officier taxateur dans
l'exercice de son pouvoir d'appréciation ne doit pas
être modifiée s'il n'y a eu erreur de taxation
manifeste.
On a soulevé la question de savoir si la présente
demande tendait à la révision de la taxation ou s'il
s'agissait d'un appel de la taxation.
La Règle 346(2) prévoit que les frais entre
parties doivent être taxés par un officier taxateur
«sous réserve d'être révisés par la Cour sur
demande d'une partie». Cette Règle confère à l'of-
ficier taxateur le pouvoir de taxer les frais entre
parties, mais il est loisible à la partie insatisfaite de
la taxation d'en demander la «révision».
La Règle 349(2) prévoit que l'officier taxateur
peut taxer les frais lorsqu'une partie est tenue, en
vertu d'un texte législatif, de payer à une autre les
frais à être taxés comme entre avocat et client. Tel
est le cas en l'espèce par l'opération du paragraphe
36(2) de la Loi sur l'expropriation.
Il peut, aux termes de l'alinéa (4) de la Règle
349, être interjeté «appel» de toute taxation de
frais effectuée en vertu de ladite Règle.
Je n'estime pas qu'il y ait lieu de trancher la
question de savoir s'il s'agit, en l'espèce, d'un
«appel» ou d'une demande de «révision» car, à mon
avis, dans l'un et l'autre cas, les principes de base
applicables que j'ai énoncés plus haut demeurent
essentiellement les mêmes.
La seule différence que je puisse entrevoir en est
une de procédure, puisque s'il s'agit d'une «révi-
sion», je ne pourrais, advenant le cas où ma déci-
sion serait différente de celle du protonotaire, con-
trairement à ce qui arriverait s'il s'agissait d'un
«appel», rendre l'ordonnance que je considérerais
comme ayant dû être rendue par le protonotaire; je
serais plutôt tenu de renvoyer l'affaire à ce dernier
avec des directives sur ce qu'il conviendrait de
faire.
Cette distinction, si elle existe, n'a pas, à ma
connaissance, été observée par mes collègues et,
dans la mesure où il y a lieu de modifier la
taxation, l'usage dominant, autant que je sache, est
de rendre l'ordonnance qui, de l'avis du juge,
aurait dû être rendue par l'officier taxateur. Et
tant la Règle 346 que la Règle 349 ont été invo-
quées pour ce faire.
Outre les principes de base précités, il existe
plusieurs autres facteurs qu'il convient de prendre
en considération lorsqu'il s'agit de trancher la
question des frais comme entre avocat et client.
Sans prétendre en dresser une liste exhaustive,
voici les facteurs les plus importants:
(1) dans les cas d'expropriation, le montant de
l'offre,
(2) le montant alloué,
(3) la complexité des questions litigieuses,
(4) l'habileté et la compétence requises pour
présenter les questions litigieuses,
(5) le degré d'expérience des procureurs et des
avocats,
(6) le temps consacré à la préparation, et
(7) les honoraires prévus au tarif applicable (en
l'espèce, il est possible de recourir au tarif B, le
tarif applicable entre parties, comme guide pos
sible quant à l'usage dans certaines circons-
tances comparables).
Il convient maintenant d'examiner un à un les
éléments litigieux de la taxation.
Prenons d'abord les honoraires des avocats con-
tenus dans deux comptes, le premier au montant
de $3,850 et le second au montant de $13,000 pour
un total de $16,850, montants réduits de $850 et
de $1,600 respectivement, soit une réduction glo-
bale de $2,450. Les chiffres figurant aux comptes
représentent le nombre d'heures consacrées à l'af-
faire par les associés principaux et par les derniers
associés de l'étude à un taux horaire variant en
fonction de l'ancienneté.
Il y a eu erreur manifeste dans le nombre d'heu-
res attribuées par le protonotaire à Claude R.
Thomson, c.r.
L'avocat de la demanderesse a eu l'obligeance
de me fournir une ventilation, dont l'exactitude est
incontestée, des comptes des avocats pour services
rendus. Je la reprends ici:
[TRADUCTION] Ventilation de deux (2) comptes pour services
rendus par les avocats
1) Compte pour services rendus—de mai 1973 mars 1977
Les Rose
(étudiant) 17.8 heures @ $20 $ 356.00
P. Griffin 6.8 heures @ $45 274.50
S. Barker .8 heure @ $45 36.00
S. Rickett 19.3 heures @ $60 1,158.00
G. MacKenzie 25.7 heures @ $75 1,927.50
$3,751.50
C.R. Thomson
1973 5.3 heures @ $ 75 $ 397.50
1974 .5 heure @ $ 75 37.50
1975 3.8 heures @ $110 418.00
1976 3.9 heures @ $110 429.00
1977 2.2 heures @ $125 275.00 $1,557.00
TOTAL $5,308.50
MONTANT RÉCLAMÉ $3,850.00
2) Compte pour services rendus—d'octobre 1977
au 21 avril 1980
C.R. Thomson 16.70 heures @ $150 $2,505.00
G. MacKenzie 122.70 heures @ $ 75 9,205.00
Cornwall,
Catherine 23.60 heures @ $ 20 475.00
J.F. Voege 5.80 heures @ $ 25 145.00
Alan Winter 13.40 heures @ $ 25 335.00
Solde
d'ouverture 306.00 heures @ $ 1 310.00
TOTAL $12,975.00
MONTANT RÉCLAMÉ $13,000.00
Pour les motifs qu'il a donnés, lesquels sont
confirmés par la Cour d'appel dans l'arrêt McCain
Foods Limited c. C. M. McLean Limited (précité),
le protonotaire a refusé, à bon droit, les taux
horaires exigés à l'égard des services rendus par
des étudiants en droit.
Il reste donc 65.4 heures de services rendus à des
taux horaires différents. Le taux moyen exigé par
M. Thomson de 1973 à 1977 revient à $104
l'heure.
Le protonotaire a accordé 50 heures à $60
l'heure, pour un total de $3,000.
Les heures de travail sont ainsi réduites de 65.4
à 50, soit une réduction de 15.4 heures.
Le taux horaire moyen de M. Thomson pendant
la période visée était de $104 tandis que celui des
autres était de $72, donnant une moyenne globale
de $88 l'heure, qui a été réduite à $60 l'heure, soit
une réduction de $28 l'heure.
L'aspect le plus important du premier compte,
cependant, c'est qu'il s'élève à $5,308.50. De ce
total il faut déduire le montant de $356 exigé à
l'égard des services rendus par l'étudiant, ce qui
laisse un solde de $4,952.50 volontairement réduit
par les avocats à $3,850, soit une réduction de
$1,102.50 ou d'un peu plus de 20%.
Je ne crois pas, compte tenu des circonstances,
que la réduction de $3,850 $3,000 soit justifiée et
j'estime qu'il y a lieu de laisser ce compte tel quel.
Pour ce qui est du second compte, M. Thomson
n'a facturé que 16.7 heures à raison de $150
l'heure pour un total de $2,505, mais le protono-
taire lui a accordé 30 heures au taux de $100 ou
$3,000, soit $495 de plus que le montant effective-
ment exigé.
Le protonotaire a également indiqué dans ses
motifs qu'il accordait à S. Rickett $60 l'heure pour
18 heures, c'est-à-dire $1,080. Mais dans la venti
lation du second compte ne figure aucun montant
correspondant à des services rendus par S. Rickett.
Cela équivaudrait à une allocation dépassant de
$595 le montant effectivement réclamé.
Le protonotaire, dans ses motifs, a fait mention
d'étudiants en droit, au pluriel. Pourtant, dans la
ventilation des comptes qui m'a été fournie, seul
Les Rose est ainsi désigné. Je tiens donc pour
établi que Catherine Cornwall, J. F. Voege et Alan
Winter ont été dûment admis au barreau et ce, en
dépit du fait que $20 l'heure ont été exigés à
l'égard du travail effectué par Catherine Cornwall
et $25 l'heure à l'égard de celui de Voege et de
Winter.
Pour arriver au montant de $11,400 accordé au
titre des honoraires des avocats portés au second
compte, le protonotaire a accordé les sommes
suivantes:
[TRADUCTION]
C.R. Thomson 30 heures @ $100.00 $3,000.00
G. MacKenzie 122 heures @ $ 60.00 7,320.00
S. Rickett 18 heures @ $ 60.00 1,080.00
Total $11,400.00
Si l'on récapitulait les heures de travail accom-
plies par les personnes nommées dans la ventilation
reprise plus haut et si l'on y appliquait les formules
mathématiques adoptées par le protonotaire, les
résultats seraient les suivants:
[TRADUCTION]
C.R. Thomson 16.70 heures @ $100.00 $1,670.00
G. MacKenzie 122.70 heures @ $ 60.00 7,362.00
$9,032.00
Je présume que les heures et les chiffres attri-
bués à Cornwall, Voege, Winter et au solde d'ou-
verture seraient, après traitement par ordinateur,
restés inchangés à $1,305, lequel montant ajouté à
$9,032 donne un total de $10,337.
Or, de ce total il faut déduire la somme de
$1,080, soit le produit de 18 heures au taux de
$60, attribuée à S. Rickett, dont le nom ne figure
pas au second compte. Il reste donc $9,257.
Ainsi, selon l'état des heures qui est devant moi
et que je tiens pour exact, le protonotaire n'aurait
accordé que $9,257 au titre des honoraires des
avocats.
Je remarque qu'en mars 1977, M. Thomson
demandait $125 l'heure pour ses services, mais
qu'entre octobre 1977 et avril 1980, il a porté ce
taux horaire à $150. Je ne crois pas que dans les 7
ou 12 mois écoulés depuis mars 1977 le taux
d'inflation soit passé à 20%.
Mon collègue Walsh a souligné que le tarif de
cette Cour prévoit $400 au maximum à l'égard des
honoraires d'avocat pour la première journée de
l'audition. La journée normale d'audition est de 5
heures (mais cette norme n'est pas souvent respec-
tée), ce qui donne un maigre $20 l'heure. Il s'agit
là, bien sûr, d'honoraires taxés entre parties. Je
suis porté à croire que si la taxation se faisait
comme entre avocat et client, le montant serait
sensiblement plus élevé.
Prenant en compte tous ces facteurs, j'estime
qu'il y a lieu d'accorder $2,350 M. Thomson.
Je ne suis pas d'avis de modifier le taux horaire
de $60 retenu par le protonotaire, à l'égard des
122.70 heures fournies par M. MacKenzie, pour
arriver au chiffre de $7,362.
Quant aux quatre postes qui restent au second
compte, le montant accordé demeurera inchangé à
$1,305.
Il en résulte donc, pour ce qui est du second
compte, un total de $11,025 que j'accorderai.
Le total des deux comptes pour les honoraires
des avocats serait donc de $14,875, soit $11,025
plus $3,850, lequel montant (comme disent les
évaluateurs immobiliers) j'arrondirai à $15,000.
Le compte de Robert L. Sachter, compris à titre
de débours dans le mémoire de frais, s'avère parti-
culièrement ennuyeux.
M. Sachter avait été l'avocat de la demande-
resse mais, à cause de sa connaissance des affaires
de sa cliente, lorsque cette dernière a retenu les
services des avocats chargés de la conduite du
présent litige, il a continué à la représenter.
Il a présenté quatre comptes datés respective-
ment:
[TRADUCTION]
1. Du 6 avril 1976 pour services rendus
relativement à la location des terrains
sis à Markham $ 1,202.50
2. Du 9 novembre 1976 3,784.25
3. Du 21 décembre 1978 805.46
4. Du 28 février 1980 3,122.25
Total $ 8,914.46
Le compte daté du 6 avril 1976 au montant de
$1,202.50 porte sur la négociation et la rédaction
des baux de la propriété expropriée pour les sai-
sons de 1974, 1975, 1976 et 1977.
Comme ce compte est pour services découlant
vraisemblablement de l'expropriation, il doit être
inclus dans l'indemnité. Ne s'agissant pas, à pro-
prement parler, d'un compte pour frais des procé-
dures et frais accessoires, il doit, aux fins de
taxation, être rejeté en totalité.
Le même raisonnement s'applique au compte
daté du 21 décembre 1978 au montant de $805.46,
qu'il y a également lieu de rejeter intégralement.
Pour ce qui est du compte daté du 9 novembre
1976 au montant de $3,784.25, il en est fait men
tion au mémoire de frais à titre de débours effec-
tué, à cette date.
Dans l'affidavit de Robert L. Sachter, un
compte du même montant est daté du 31 août
1976 et porte la mention [TRADUCTION] «tous les
services rendus relativement à Camp Robin Hood
Limited—expropriation entre le 18 juillet 1972 et
le 31 août 1976».
Bien que cette description puisse suffire lorsqu'il
s'agit de présenter un état de frais à un client, elle
ne fournit pas assez de détails aux fins de la
taxation dudit état de frais. Et si j'avais eu à le
taxer en première instance, je n'aurais pas hésité à
ordonner que soient fournis de plus amples rensei-
gnements sur les services rendus. Je note égale-
ment que le compte s'applique à des services
rendus à partir du 18 juillet 1972, soit avant
l'expropriation de la propriété, qui a eu lieu le 30
janvier 1973. Il ne peut donc, à moins d'autres
circonstances comme un gel des terrains, être ques
tion de frais des procédures, celles-ci n'ayant été
engagées que le 30 janvier 1973.
A défaut des détails voulus, j'estime qu'il y a
lieu de rejeter ce compte en son entier car, rappe-
lons-le, il incombe à l'avocat de justifier l'état qu'il
cherche à faire taxer.
Le dernier compte, daté du 28 février 1980,
porte sur des services rendus entre le 31 août 1976
et le 28 février 1980. Il est suffisamment précis
pour établir son rapport avec les procédures
d'expropriation.
Ce compte est au montant de $3,122.25 exigé à
l'égard de pas moins de 29 heures du temps de M.
Sachter. Cela revient à environ $104 l'heure. Or, le
taux horaire demandé par l'avocat principal dans
l'affaire pour la période de, 1976 1980 était de
$125 l'heure, taux que le protonotaire a cru bon de
réduire à $100 l'heure. Il suffirait, pour éviter
toute absurdité, d'accorder à M. Sachter $75
l'heure pour 30 heures ou $2,250.
Les deux comptes, c'est-à-dire celui daté du 31
août 1976 au montant de $3,784.25 et l'autre daté
du 28 février 1980 au montant de $3,122.25, tota-
lisent $6,906.50.
J'aurais été prêt à rejeter les comptes datés du 6
avril 1976 et du 21 décembre 1978, qui représen-
tent au total $2,007.96, laissant ainsi la somme de
$6,906.50.
Le protonotaire a jugé bon de ramener de
$8,914.46 à $3,600 le total des comptes, une
réduction globale de $5,314.46.
Il a indiqué que les comptes se rapportaient à
des demandes de zonage ainsi qu'à des baux et
qu'il n'y avait donc pas lieu de les admettre. Je
partage son avis.
Il a dit toutefois que l'examen des pièces du
dossier révélait des services rendus relativement
aux procédures, services à l'égard desquels il a
accordé le montant de $3,600.
Bien que je n'eusse point hésité à rejeter en
totalité, pour les motifs indiqués, le compte de
$3,784.25 et que j'eusse considéré la possibilité de
taxer le compte de M. Sachter à $2,250, j'estime
que le protonotaire a exercé pleinement et raison-
nablement son pouvoir d'appréciation, et qu'il n'y
a lieu de modifier le montant de $3,600 par lui
accordé à l'égard de ce compte.
Le compte suivant est celui de la Woods Gordon
& Co., les conseillers en administration chargés
d'estimer les pertes d'exploitation subies par la
demanderesse du fait de l'expropriation et d'en
témoigner. C'était là un point litigieux qui ne
pouvait qu'être soulevé lors du procès et un élé-
ment dont il pouvait à bon droit être tenu compte
pour fixer l'indemnité.
Une contestation était imminente, puisque l'ex-
pert de la Couronne, sans doute tout aussi compé-
tent, estimait qu'il n'y avait pas eu de pertes
d'exploitation.
Je ne comprends pas en quoi cette affaire peut
être d'une grande complexité pour des personnes
versées dans le domaine. Il me semble que ce qui
s'impose c'est d'examiner le bilan du rendement de
la demanderesse par le passé et, à partir des états
financiers et autres, des installations qu'elle possé-
dait et du revenu susceptible d'être produit par
celles-ci, de prévoir le rendement futur.
Quatre comptes ont été présentés:
[TRADUCTION]
1) un compte daté du 19 juin 1974
décrivant de façon générale les services
rendus mais ne donnant pas le détail
des heures effectuées $3,013.82
2) un compte provisoire daté du 30
janvier 1976 semblable au premier
compte $2,500.00
3) un compte provisoire additionnel daté
du 9 novembre 1976 semblable aux
deux comptes précédents $2,500.00
4) un dernier compte daté du 18 janvier 1978 $1,400.00
Total $9,413.82
J'aurais cru, compte tenu de ce que le deuxième
et le troisième comptes sont provisoires et que le
quatrième est le dernier, que cela représentait la
totalité du compte.
Mais il ne semble pas en être ainsi.
En effet, dans une lettre datée du 18 mars 1980
désignée comme étant le dernier compte, il est fait
allusion à la ventilation de ce dernier compte.
Toutefois, on n'a pas présenté d'autre «dernier
compte» que celui en date du 18 janvier 1978.
La lettre poursuit en nommant deux employés
de la Woods Gordon et deux de la Clarkson
Gordon (la firme de comptables agréés à laquelle
est rattachée la Woods Gordon) qui ont consacré
au total 103 heures à l'affaire ainsi qu'un conseil-
ler de l'extérieur qui y a consacré deux journées et
demie. Ces deux journées et demie équivalent,
d'après moi, à 20 heures donnant ainsi, pour les
cinq personnes, un total de 123 heures. Je m'inter-
roge sur la nécessité pour des personnes elles-
mêmes expertes d'engager, au coût de $625, un
conseiller de l'extérieur. Le total de ce compte est
de $7,380, ce qui revient à une moyenne de $60
l'heure. Les 123 heures représentent, à mon
avis, 15 journées de huit heures. Le coût quotidien
est donc de $492.
Contrairement à ce qui peut d'abord sembler, le
compte total n'est pas de $9,413.80 mais de
$9,413.80 plus $7,380, soit de $16,793.80.
Le mémoire de frais indique au titre des débours
un montant de $16,793.80.
A mon sens, cela est nettement excessif.
Le rapport requis n'est pas d'une grande com-
plexité. J'ignore le nombre d'heures ou de jours
qu'a pu exiger sa préparation, mais que ce soit 123
heures ou 15 jours, cela ne se peut pas puisque ce
temps fait l'objet du compte de $7,380 et il ne peut
donc pas se rapporter à l'autre montant de
$9,413.80. Il se trouve joint à l'affidavit sur le
témoignage des experts un rapport de cinq pages
avec quatre pièces jointes en annexe.
L'absurdité la plus frappante dans ce compte
c'est qu'il n'est inférieur que de $56.20 celui de
l'un des plus importants cabinets d'avocats de
Toronto, en Ontario, qui, lui, était chargé de la
conduite de toutes les procédures, alors que le
rapport de la Woods Gordon & Co. ne concernait
qu'un seul aspect de celles-ci.
Autant que je puisse en juger à partir des infor-
mations devant moi, deux seulement des personnes
qui ont participé à la préparation du rapport possé-
daient des qualifications à peu près comparables à
celles des avocats retenus.
L'estimation définitive des pertes d'exploitation
présentée par cette firme était de $55,000. Pour
cela, elle a demandé à titre d'honoraires, et ce sans
aucune garantie que l'élément de preuve ainsi
fourni aurait l'effet voulu, la somme de
$16,793.80, soit le tiers environ du montant de
l'indemnité que cette expertise prétendait établir.
Selon l'estimation des experts de la Couronne, il
n'y avait pas eu de pertes. Dans l'affidavit déposé à
l'appui de la transaction intervenue, la réclamation
à l'égard des pertes d'exploitation a été fixée à
$4,477.
Horace dans son Ars Poetica a décrit avec jus-
tesse le résultat des efforts de ces experts lorsqu'il
écrivit: «Parturient montes, nascetur ridicules
mus», ce qui, traduit librement, signifie «Du travail
de la montagne naîtra une unique et ridicule petite
souris». D'où l'adage «La montagne en travail
enfante une souris».
Compte tenu de ce qui a été accompli, les
honoraires exigés pour le rapport sont exorbitants
et manifestement injustes.
Le montant de $7,500 fixé par le protonotaire
est, à mon avis, juste et raisonnable. Par consé-
quent, pour les motifs donnés par ce dernier et
auxquels je souscris, il n'y a pas lieu de modifier la
décision rendue par lui dans l'exercice de son
pouvoir d'appréciation.
Il convient d'examiner le débours relatif au
compte de la Wm. Eisenberg & Co., nommée
vérificateur de la société demanderesse, immédia-
tement après le compte de la Woods Gordon &
Co.
Il est avancé, dans l'affidavit déposé à l'appui de
la demande de taxation, que le compte des vérifi-
cateurs daté du 25 août 1978 au montant de
$1,500 est pour des services rendus en sus des
services relevant de leurs fonctions de vérificateurs
de la demanderesse, soit pour [TRADUCTION] «la
détermination, conjointement avec la Woods,
Gordon & Co., du montant de la réclamation de la
demanderesse à l'égard des pertes d'exploitation.»
Le compte proprement dit, bien que suffisam-
ment explicite pour présentation au client, manque
de détails aux fins de la taxation, particulièrement
en ce qui concerne le travail qu'auraient effectué
les vérificateurs au-delà de leurs fonctions ordinai-
res. Il m'a été dit que la Woods Gordon & Co.
avait réalisé d'importantes économies en obtenant
des renseignements et des documents financiers
qu'elle aurait dû, sans cela, se procurer elle-même.
Je croyais sincèrement que c'est ce qu'avait entre-
pris de faire la Woods Gordon & Co. et qu'elle
avait présenté un compte à la demanderesse pour
les services ainsi rendus. Les seuls renseignements
financiers qui ont cependant été obtenus des vérifi-
cateurs et utilisés pour étayer l'estimation des
pertes d'exploitation dérivaient d'états financiers
dressés par les vérificateurs pour les actionnaires
de leur cliente.
Dans chacun des quatre tableaux financiers
joints au rapport, il est fait mention du fait que les
renseignements invoqués à certaines fins provien-
nent de l'état financier de Camp Robin Hood
Limited vérifié par la Wm. Eisenberg & Co.
Il est du devoir de celui qui est nommé vérifica-
teur d'une société de préparer de tels états finan
ciers. On ne m'a donc pas convaincu de la néces-
sité qu'il y avait de recourir aux vérificateurs et de
leur payer $1,500 d'honoraires en échange de
documents qui pouvaient être obtenus facilement
et directement de la demanderesse.
Conscient du fardeau reposant sur celui qui
demande la taxation et pour les motifs que je viens
d'énoncer, je souscris à la conclusion du protono-
taire que cela faisait [TRADUCTION] «double
emploi avec les services fournis à la demanderesse
par la Woods Gordon & Co.»
La décision, prise par le protonotaire dans
l'exercice de son pouvoir d'appréciation, de rejeter
le compte comme étant un débours inutile ou
déraisonnable n'étant pas, selon moi, entachée
d'une erreur de principe ou de fait établi, elle doit
donc être maintenue.
Un autre compte contesté est celui de Robert M.
Robson au montant total de $5,454.21, compte
pour lequel le protonotaire a accordé $3,804.21,
soit une réduction de $1,650.
Robert M. Robson est l'évaluateur immobilier
qui a effectué l'évaluation de la valeur marchande,
au 30 janvier 1973, des terrains expropriés.
Il y a en réalité deux comptes. Le premier, daté
du 29 décembre 1978, de la Metropolitan Trust
Company, son employeur à l'époque, est au mon-
tant de $3,689.57, soit $3,500 plus $189.57 de
dépenses. Le second, daté du 1" avril 1980, au
montant de $1,764.64, soit $1,650 plus $114.64 de
dépenses, est de Mashke, Robson Limited, société
dont, comme l'indique la dénomination sociale, M.
Robson fait partie.
L'un des critères permettant d'apprécier jusqu'à
quel point peuvent être raisonnables les honoraires
d'un témoin expert est le rapport qui peut exister
entre l'opinion de l'expert et le montant qui a été
alloué et la mesure dans laquelle on s'est fondé sur
son témoignage pour tirer les conclusions sur les-
quelles repose la décision. Dans une cause, l'un de
mes collègues a déjà refusé de retenir le témoi-
gnage d'un témoin expert. Les honoraires de l'ex-
pert, au lieu d'être taxés au tarif majoré, furent
limités au montant prévu au tarif. (Voir Capus
Developments Limited c. La Reine, T-1116-74,
inédit.)
Aux termes de la Règle 482, aucune preuve d'un
expert ne doit être reçue à moins qu'un exposé
complet de la preuve sur examen en chef que
l'expert entend établir n'ait été fait dans un affida
vit déposé avant l'instruction. La preuve du témoin
peut alors être présentée à l'instruction par la
lecture de l'affidavit.
Un certificat de M. MacKenzie, auquel était
joint le rapport d'évaluation de M. Robson indi-
quant quelle serait sa déposition lors de l'instruc-
tion, a été déposé.
Si ce rapport avait été présenté à l'instruction, je
l'aurais déclaré irrecevable, car il fut préparé aux
seules fins précisées par l'auteur dans le rapport
même. La publication en est interdite et il ne doit
servir à d'autres fins que celles pour lesquelles il a
été établi, c'est-à-dire l'estimation de la valeur
marchande des terrains considérés. Seule la per-
sonne qui a demandé l'évaluation (en l'occurrence
la demanderesse, je présume) peut s'en servir sans
le consentement écrit de l'évaluateur ou de la
personne qui a demandé l'évaluation, et une telle
utilisation est en tout état de cause limitée au
rapport intégral.
La déposition d'un témoin peut être acceptée ou
rejetée intégralement ou en partie. Il est loisible de
faire usage d'extraits du rapport écrit qui a été
présenté. Nul témoin, et je présume que M.
Robson était prêt à témoigner, ne peut dicter au
juge l'usage qui sera fait de sa déposition. Dès lors,
étant assujettie aux conditions susmentionnées, la
preuve en question est totalement irrecevable.
Puisqu'il est irrecevable, ce rapport ne saurait
être utilisé et, compte tenu de ce que je viens de
dire, il est sans intérêt. Le débours de $5,454.21
réclamé à cet égard doit donc être intégralement
rejeté.
Ces propos inconvenants qui, entravant la bonne
administration de la justice et prétendant détermi-
ner ce que celle-ci doit être, constituent un
outrage, pourraient sans doute être radiés avant
que ce témoin ne dépose.
S'il devait en être ainsi, le témoin éventuel devra
exposer en détail le temps consacré à réunir les
données requises pour le rapport et à préparer
celui-ci. Le premier rapport, l'ouvrage principal, a
demandé 184 heures, dont les quatre cinquièmes
ont été fournies par M. Holborn. Le coût en est de
$3,500 plus $189.57 de dépenses, soit environ $19
l'heure. Il a dû être achevé avant le 28 décembre
1978, la date du compte.
Le second compte, daté du 1" avril 1980, soit
environ quinze mois plus tard, est au montant de
$1,650 et de $114.64 pour les dépenses. Deux
personnes ont travaillé pendant un total. de 67
heures afin de mettre à jour les données et les
préparatifs de M. Robson en vue de l'éventuelle
comparution de ce dernier comme témoin.
Toutes ces informations étaient devant le proto-
notaire qui, ayant pris en compte tous les facteurs
usuels (sauf le fait que le rapport, en sa rédaction
actuelle, est irrecevable), en est venu à la conclu
sion [TRADUCTION] «que la somme de $3,500 plus
les dépenses était une allocation raisonnable à
l'égard des services rendus relativement à cette
affaire». Il a par conséquent taxé le compte global
à $3,804.21.
Je ne vois pas en cette taxation le rejet du
second montant de $1,650. Le protonotaire a bien
dit que la somme de $3,500 constituait une alloca
tion raisonnable à l'égard des services rendus; cela
veut dire les services rendus aux deux étapes. Il a
d'ailleurs accordé les dépenses faites et réclamées
relativement aux deux étapes. Que la réduction de
$1,650 équivaille au montant du second compte
moins les dépenses n'est qu'une simple coïncidence.
J'estime que le protonotaire était en droit de
conclure que le plein montant réclamé était exces-
sif et il n'y a donc pas lieu de modifier la décision
ainsi prise dans l'exercice de son pouvoir
d'appréciation.
Le dernier débours est composé des comptes de
la General Urban Systems. L'un, daté du 1"
décembre 1972, est au montant de $172; l'autre,
en date du 17 mars 1975, est au montant de $743
et se rapporte aux services rendus à la demande-
resse en 1974.
Stephen G. McLaughlin est architecte. C'est en
cette qualité qu'il fut, en 1969, chargé par la
demanderesse d'élaborer un plan directeur pour
l'aménagement de ses terrains comme camp de
jour. L'aménagement devait s'effectuer par étapes
sur une période de cinq ans, de 1971 1976.
En 1973, donc bien avant l'exécution intégrale
du plan directeur, les terrains furent expropriés.
Compte tenu du gel des terrains et de ladite expro
priation, M. McLaughlin a rédigé un rapport en
supplément au plan directeur. Le coût du rapport
est de $130, montant inclus au mémoire de frais à
titre de débours et qui n'est pas contesté. Bien que
j'entretienne des doutes sur la légitimité de l'inclu-
sion de ce montant dans les frais des procédures,
cette question ne fut point discutée devant le pro-
tonotaire et elle ne l'est donc pas devant moi.
M. McLaughlin s'est alors associé à la General
Urban Systems Corporation.
Cette société a, par l'intermédiaire de M.
McLaughlin, rendu des services relativement au
rezonage de la propriété achetée par la demande-
resse et destinée à remplacer celle qui avait été
expropriée comme emplacement du camp de jour.
Le montant exigé pour les services ainsi rendus par
la General Urban Systems Corporation a fait l'ob-
jet d'un premier compte, au montant de $172, qui
fut payé le 1" décembre 1976 et réclamé comme
frais des procédures, et d'un second compte daté
du 17 mars 1975 et portant sur des services analo
gues, tardivement présenté, au montant de $743.
Le protonotaire a refusé ces deux comptes
comme frais des procédures ouvrant droit à taxa
tion et, selon moi, il n'a, ce faisant, violé aucun
principe. Les services rendus relativement au rezo-
nage avaient pour objet la propriété destinée à
remplacer la propriété expropriée.
Voilà donc les frais découlant de l'expropriation
qui, à ce titre, ouvrent droit à indemnisation. Mais
il ne s'agit pas là des frais des procédures d'expro-
priation ou de frais accessoires.
Par conséquent, vu l'erreur manifeste dans le
calcul des honoraires des avocats (le protonotaire
ne bénéficiait pas, comme moi, de la ventilation
des deux comptes), j'ai porté de $14,400, montant
accordé par le protonotaire, à $15,000 l'allocation
au titre de ces honoraires, cela suivant les calculs
détaillés que j'ai effectués plus haut.
Quant au reste, il n'y a pas lieu de modifier la
taxation du protonotaire. Les débours admis par ce
dernier demeurent inchangés à $17,397.76, de
même que les $300 accordés à l'égard des frais de
taxation.
La requête sera donc accueillie et la taxation du
protonotaire portée de $32,097.76 $32,697.76.
Suivant ce que j'estime toujours être le grand
principe applicable aux appels d'une décision de
l'officier taxateur, il ne sera pas accordé de dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.