A-24-81
La Reine, au droit du Canada, représentée par le
Conseil du Trésor (Requérante)
c.
L. Thoral et M. Ross, employés s'estimant lésés,
représentés par le Syndicat des postiers du
Canada (Intimés)
Cour d'appel, les juges Pratte et Marceau et le
juge suppléant Hyde—Montréal, 14 mai 1981.
Examen judiciaire — Relations du travail — Demande
d'annulation d'une décision prononcée par un arbitre accordant
aux intimés, lesquels avaient travaillé suivant leur horaire
normal de travail un jour de repos, une pause repas rémunérée
— Silence de l'art. 17 de la convention collective sur le droit à
une pause repas dans des cas semblables — Décision de
l'arbitre fondée sur l'art. 15 de la convention collective portant
sur le travail supplémentaire — Il y a-t-il eu fausse interpré-
tation par l'arbitre des art. 15 et 17? — Demande accueillie —
Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique,
S.R.C. 1970, c. P-35, art. 91 — Loi sur la Cour fédérale,
S.R.C. 1970 (2' Supp.), c. 10, art. 28.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
Robert Lee pour la requérante.
Paul Lesage pour les intimés.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la
requérante.
Trudel, Nadeau, Lesage, Cleary & Ménard,
Montréal, pour les intimés.
Voici les motifs du jugement de la Cour pro-
noncés en français à l'audience par
LE JUGE PRATTE: La requérante demande l'an-
nulation d'une décision prononcée par un arbitre
agissant en vertu de la Loi sur les relations de
travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c.
P-35. Cette décision a fait droit à deux griefs
qu'avaient présentés les intimés.
Les intimés étaient employés par le ministère
des Postes à Rivière-du-Loup. Le samedi, 21 juin
1980, était pour eux un jour de repos. Ils ont
néanmoins travaillé suivant leur horaire normal de
travail ce jour-là: chacun d'eux travailla sept
heures et demie et prit une pause repas d'une
demi-heure. Ils furent rémunérés à taux double
pour ces sept heures et demie de travail comme
l'exigeait le sous-alinéa 17.01a)ii) de la convention
collective, aux termes duquel:
ii) Un employé à plein temps est rémunéré à taux double (2)
durant toutes les heures travaillées un jour de repos.
Les intimés ont prétendu avoir également droit
d'être rémunérés pour la pause repas d'une demi-
heure qu'ils avaient prise. C'est à cette prétention
qu'a fait droit la décision attaquée.
L'article 17.01 ne contient aucune disposition
autre que celle que j'ai déjà citée relativement à la
rémunération de l'employé qui travaille un jour de
repos. Il ne prévoit même pas qu'un tel employé ait
droit à une pause repas. Si l'arbitre a néanmoins
fait droit aux griefs des intimés, c'est en raison de
l'alinéa c) de l'article 17.01 de la convention. Cet
alinéa se lit comme suit:
c) Lorsque les employés à plein temps sont obligés de travail-
ler un jour de repos, les principes figurant dans l'article 15
s'appliquent.
L'arbitre a considéré que l'article 15, qui con-
cerne le travail supplémentaire, établissait le prin-
cipe que l'employé permanent qui travaille plus de
trois heures à un moment où il n'est pas normale-
ment tenu de le faire a droit à une pause repas
rémunérée d'une demi-heure. Il a conclu que les
intimés, ayant travaillé plus de trois heures le
samedi, 21 juin 1980, devaient bénéficier de ce
droit.
Cette conclusion de l'arbitre nous semble fondée
sur une fausse interprétation des articles 17 et 15
de la convention collective. L'article 17 rend appli-
cables «les principes figurant dans l'article 15». Or,
le principe invoqué par l'arbitre n'est pas contenu
dans l'article 15. Les seules dispositions de cet
article concernant les pauses repas sont contenues
dans les alinéas 15.02d) et e). Ces alinéas pré-
voient que l'employé qui, dans une même journée,
effectue un certain nombre d'heures de travail
supplémentaire en sus de son travail régulier, a
droit à une pause repas rémunérée. C'est fausser le
sens de ces dispositions que d'en extraire la règle
qu'une personne qui travaille pendant trois heures
à un moment où elle n'est pas normalement censée
travailler a droit à une pause repas rémunérée.
D'ailleurs, si l'article 15 établissait ce principe, on
devrait dire que les intimés, ayant travaillé plus de
six heures un jour de repos, avaient droit non pas à
une mais à deux pauses repas rémunérées.
La décision attaquée est donc fondée sur une
mauvaise interprétation de la convention collec
tive. A cause de cela, elle doit être cassée et
l'affaire doit être renvoyée à l'arbitre pour qu'il la
décide en prenant pour acquis que, suivant les
articles 17 et 15 de la convention collective, l'em-
ployé permanent qui travaille un jour de repos n'a
pas le droit de bénéficier d'une pause repas
rémunérée.
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