T-882-74
Motel 6, Inc. (Demanderesse)
c.
No. 6 Motel Limited et John Van Edmond Beach -
croft Hawthorne (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Addy—
Vancouver, 17, 18, 19, 20, 23, 24 et 25 février;
Ottawa, 3 avril 1981.
Marques de commerce — Passing off et caractère non
distinctif — La demanderesse est propriétaire d'une marque de
service américaine «Motel 60, sous laquelle elle exploite une
chaîne de motels fréquentés par des automobilistes canadiens
— La défenderesse a obtenu une marque semblable constituée
d'un symbole social comportant l'expression «Motel 6» —
Dans son action, la demanderesse sollicite la radiation de la
marque de commerce de la défenderesse, un jugement décla-
rant qu'elle est titulaire du droit d'auteur et une injonction
interdisant entre autres à la défenderesse d'appeler l'attention
du public sur ses services de manière à causer ou à vraisem-
blablement causer de la confusion au Canada entre ses services
et ceux de la demanderesse, en violation de l'art. 7b) de la Loi
sur les marques de commerce — Il y a lieu de déterminer si la
demanderesse a établi qu'elle est titulaire d'un droit d'auteur
— II échet d'examiner si la marque de la défenderesse manque
de caractère distinctif — Il y a à déterminer si l'art. 7b) est
ultra vires — Action rejetée en partie, la demande de la
demanderesse fondée sur l'art. 7b) étant rejetée uniquement
pour défaut de compétence — Loi sur les marques de com
merce, S.R.C. 1970, c. T-10, art. 4, 5, 7, 16, 17, 18, 49 — Loi
sur le droit d'auteur, S.R.C. 1970, c. C-30, art. 4, 12, 20.
La demanderesse exploite aux États-Unis une chaîne de
motels sous le nom de «Motel 6». Beaucoup de ses clients sont
des automobilistes canadiens. Elle n'exploite aucun motel au
Canada. La défenderesse a obtenu l'enregistrement au Canada
d'une marque constituée d'un symbole social qu'elle aurait
calquée sur la marque de service de la demanderesse. La
demanderesse sollicite une ordonnance portant radiation de la
marque de commerce de la défenderesse, un jugement décla-
rant qu'elle est titulaire du droit d'auteur et que la société
défenderesse a violé ce droit, et une injonction portant interdic
tion de toute nouvelle violation de droit d'auteur, de tout nouvel
emploi de la marque en liaison avec des services de motel et
interdisant à la défenderesse d'appeler l'attention du public sur
ses services ou son entreprise de manière à causer de la
confusion au Canada entre ses services et ceux de la demande-
resse, en contravention de l'article 7b) de la Loi sur les
marques de commerce. La défenderesse sollicite un jugement
déclaratoire reconnaissant que la demanderesse n'a aucun droit
d'auteur sur sa marque, et conteste aussi la compétence de la
Cour pour entendre toute demande fondée sur l'article 7b) de la
Loi sur les marques de commerce.
Arrêt: l'action est rejetée en partie, la demande de la deman-
deresse fondée sur l'article 7b) étant rejetée uniquement pour
défaut de compétence. La marque de commerce de la défende-
resse doit être radiée du registre au motif qu'elle ne distinguait
pas les services de celle-ci de ceux de la demanderesse. La
demanderesse n'ayant pas réussi à établir qu'elle aurait quelque
droit sur l'ceuvre, sa prétention selon laquelle il y aurait eu
violation du droit d'auteur est rejetée. Quant à la question de
l'absence de caractère distinctif d'une marque, bien qu'il doive
être établi que la marque rivale ou adverse est connue au moins
jusqu'à un certain point, il n'est pas nécessaire de prouver
qu'elle est bien connue ou qu'elle a été révélée uniquement par
les moyens limités prévus à l'article 5. Il suffit d'établir que
l'autre marque est devenue suffisamment connue pour annuler
le caractère distinctif de la marque attaquée. Le moyen tiré du
caractère non distinctif peut être fondé sur la preuve d'une
connaissance ou notoriété de la marque rivale acquise par le
bouche à oreille et sur la preuve d'une notoriété et d'une
renommée obtenues par voie d'articles de journaux ou de
magazines plutôt que par de la publicité. Peuvent être pris en
compte tous les éléments de preuve pertinents tendant à établir
le caractère non distinctif. Il a été prouvé que des résidents de
la Colombie-Britannique ont été très souvent amenés à croire
que les motels de la défenderesse étaient ceux de la demande-
resse. Il a aussi été établi que des directeurs de bureaux
d'associations d'automobilistes et d'agences de voyages ont été
eux-mêmes trompés. Un des principaux dirigeants de la défen-
deresse était pleinement conscient de l'existence de la marque
des motels de la demanderesse. Plusieurs années avant le dépôt
en 1972 par la défenderesse de la demande d'enregistrement de
sa marque, les motels de la demanderesse avaient acquis une
notoriété et une clientèle substantielles en Colombie-Britanni-
que; ce renom s'est maintenu jusqu'à ce jour, et les enseignes de
la demanderesse portant son nom, sa marque et son symbole
social étaient connues de toute une partie des automobilistes de
la Colombie-Britannique. La marque de la défenderesse n'était
pas distinctive au moment où les présentes procédures ont été
intentées. Quant à la question de passing off, si l'on veut
donner à l'article 7b) une certaine validité, celui-ci doit avoir
«une certaine relation ... [avec] la compétence fédérale ... sur
les marques de commerce et les noms commerciaux» découlant
de la deuxième rubrique de l'article 91 de l'Acte de l'Amérique
du Nord britannique. Même si le texte de l'article 7b) a, dans
une certaine mesure, élargi la portée de l'action de passing off
de la common law, il n'a pas changé la nature de cette action ni
l'un quelconque de ses autres éléments essentiels. Le droit qui
fait l'objet de cette action est toujours le droit de propriété sur
l'entreprise et l'achalandage susceptibles d'être lésés. L'action
porte toujours sur la violation d'un droit sur cette propriété et
non d'un droit sur la marque ou le nom abusivement employés.
Le fait que la portée de la disposition légale puisse être plus
étendue que celle de l'action de common law n'a pas pour effet
de la relier plus étroitement au «système général régissant les
marques de commerce». Le pouvoir législatif fédéral en ce qui
concerne les marques de commerce tient sa validité constitu-
tionnelle du pouvoir général du gouvernement fédéral de régle-
menter le trafic et le commerce dans les domaines des commer-
ces interprovincial et extérieur (rubrique 2 de l'article 91).
L'article 7b) lui-même ne porte certainement pas sur le com
merce interprovincial ou extérieur ni sur la réglementation du
trafic à travers le Canada; par conséquent, si cet article a
quelque validité constitutionnelle, celle-ci doit être fondée d'une
manière ou d'une autre sur le droit des marques de commerce.
Pour que l'autorité fédérale puisse, en vertu de la deuxième
rubrique de l'article 91, exercer valablement son pouvoir sur
une question qui relève clairement du domaine de la propriété
et des droits civils, domaine ordinairement réservé aux législa-
tures provinciales, cette question doit se rattacher nécessaire-
ment au pouvoir de réglementer le trafic et le commerce. Il
s'ensuit que, pour que puisse être prise une loi supplémentaire
qui ne traite pas directement des marques de commerce, mais
qui doit trouver son fondement dans le domaine de la législation
sur les marques de commerce, il faut qu'elle contribue, essen-
tiellement ou fondamentalement, à la réglementation ou au
contrôle des marques de commerce, ou, à tout le moins, qu'elle
y soit nécessairement ou intimement reliée. Dans une action de
passing off, l'»application en est laissée à l'initiative des parti-
culiers, sans contrôle public par un organisme qui surveillerait
de façon permanente l'application des règlements» et elle est
«sans lien avec un système général régissant les relations com-
merciales». Les domaines où il existe des différences considéra-
bles entre une action de passing off fondée sur l'article 7b) et
une action tendant à faire invalider une marque de commerce
pourraient être résumés comme suit: la «chose» ou le droit
protégé, la cause d'action, les motifs sur lesquels repose l'ac-
tion, la nature des preuves à produire et l'époque à laquelle
celles-ci doivent se rapporter. On ne saurait considérer une
action fondée sur l'article 7b), ou l'article 7b) lui-même,
comme «un complément de la loi fédérale sur les marques de
commerce». Lorsqu'une marque de commerce est déclarée inva-
lide, il s'agit d'une décision in rem. Dans une action de passing
off, le jugement ne saurait jamais être considéré comme une
décision in rem. L'article 7b) est ultra vires du pouvoir législa-
tif fédéral, et la Cour est incompétente pour juger la question
soit sur le fondement de cet article, soit sur la base de l'action
de passing off de la common law.
Arrêts mentionnés: King Features Syndicate Inc. c. O. and
M. Kleemann, Ltd. [1941] 2 All E.R. 403 (C.L.); Collins
c. Rosenthal (1974) 14 C.P.R. (2») 143; Porter c. Don The
Beachcomber [1966] R.C.E. 982; Williamson Candy Co.
c. W. J. Crothers Co. [1924] R.C.E. 183 [confirmé par
[1925] R.C.S. 377]; Moore Dry Kiln Co. of Canada Ltd.
c. U.S. Natural Resources Inc. (1977) 30 C.P.R. (2») 40;
Dubiner c. Cheerio Toys and Games Ltd. [1965] 1 R.C.E.
524; Aluminum Co. of Canada Ltd. c. Tisco Home Build
ing Products (Ontario) Ltd. (1978) 33 C.P.R. (2») 145;
Adidas (Canada) Ltd. c. Colins Inc. (1979) 38 C.P.R. (2»)
145; Imperial Dax Co., Inc. c. Mascoll Corp. Ltd. (1979)
42 C.P.R. (2 » ) 62; McCain Foods Ltd. c. C. M. McLean
Ltd. (1980) 45 C.P.R. (2») 150; Balinte c. DeCloet Bros.
Ltd. (1979) 40 C.P.R. (2») 157; De Cloet Bros. Ltd. c.
Balinte [1980] 2 C.F. 384; Weider c. Industries Beco Ltée
[1976] 2 C.F. 739; Dominion Mail Order Products Cor
poration c. Weider [1977] 1 C.F. 141; S. C. Johnson &
Son, Ltd. c. Marketing International Ltd. (1978) 32
C.P.R. (2») 15; Marketing International Ltd. c. S.C.
Johnson & Son, Ltd. [1979] 1 C.F. 65; Seiko Time
Canada Ltd. c. Consumers Distributing Co. Ltd. (1981)
29 O.R. (2») 221. Arrêts appliqués: Valle's Steak House c.
Tessier [1981] 1 C.F. 441; Marineland Inc. c. Marine
Wonderland and Animal Park Ltd. [1974] 2 C.F. 558; E.
& J. Gallo Winery c. Andres Wines Ltd. [1976] 2 C.F. 3;
MacDonald c. Vapor Canada Ltd. [1977] 2 R.C.S. 134;
Armstrong Cork Canada Ltd. c. Domco Industries Lim
ited [1981] 2 C.F. 510. Arrêts approuvés: Sund c. Beach
combers Restaurant Ltd. (1960) 34 C.P.R. 225; Re Han-
sard Spruce Mills Ltd. [1954] 4 D.L.R. 590; Erven
Warnink B.V. v. J. Townend & Sons (Hull) Ltd. [1980]
R.P.C. 31. Distinction faite avec l'arrêt: Great Lakes
Hotels Ltd. c. The Noshery Ltd. [1968] 2 R.C.E. 622.
Arrêt analysé: The Noshery Ltd. c. The Penthouse Motor
Inn Ltd. (1970) 61 C.P.R. 207.
ACTION.
AVOCATS:
D. Morrow pour la demanderesse.
R. H. Barrigar et L. Turlock pour les
défendeurs.
PROCUREURS:
Smart & Biggar, Ottawa, pour la demande-
resse.
Barrigar & Oyen, Vancouver, pour les
défendeurs.
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE ADDY:
OBSERVATIONS GÉNÉRALES
La demanderesse, constituée en 1968 sous le
régime des lois de l'État de Delaware, aux États-
Unis, exploite, dans presque tous les États de ce
pays, sous le nom de «Motel 60, une chaîne de
quelque 300 motels surtout concentrés dans la
partie occidentale du pays. Beaucoup de ses clients
sont des automobilistes canadiens. Elle n'exploite
aucun motel au Canada.
Elle est, par cession régulièrement intervenue en
1969, propriétaire d'une marque de service améri-
caine constituée du nom de «Motel 6» et d'un
symbole social qui revêt à peu près la forme d'un
trèfle à quatre feuilles, le terme «Motel» et un
chiffre «6» en plus gros étant tous deux placés au
centre de la feuille de trèfle (voir annexe «A» pour
illustration). Cette marque, en liaison avec des
services de motel, a été enregistrée aux États-Unis
le 17 janvier 1967, sous le numéro 822,563, sur la
base d'un emploi datant du l er juillet 1961.
La demanderesse prétend également que le sym-
bole social figurant à l'annexe «A» est une oeuvre
artistique, qu'elle est maintenant titulaire d'un
droit d'auteur valide sur cette œuvre et que les
droits découlant de ce droit d'auteur s'étendent et
existent au Canada en vertu de l'article 4 de la Loi
sur le droit d'auteur' et d'un avis publié dans la
Gazette du Canada 2 , lequel énonce que les États-
Unis doivent être traités comme s'ils étaient un
pays tombant sous l'application de la Loi sur le
droit d'auteur. L'effet juridique de ces dernières
dispositions n'a pas été contesté à l'instruction par
les défendeurs.
La défenderesse est une société de la Colombie-
Britannique. Le 4 février 1972, elle a demandé
l'enregistrement d'une marque de commerce cons-
tituée d'un symbole social, en liaison avec des
services de motel. Le 23 août 1974, l'enregistre-
ment a été fait sous le numéro 201,351. Cette
demande reposait sur un emploi proposé. Cette
marque est formée d'un grand cercle avec, au
centre, le terme «Motel» et le chiffre «6» en plus
gros (voir annexe «A» pour illustration). Elle a
actuellement des intérêts dans trois motels exploi
tés au Canada sous cette marque. Plus précisé-
ment, elle est propriétaire unique d'un de ces
motels et propriétaire pour moitié d'un autre. Le
troisième est exploité en vertu d'une concession
consentie par la société défenderesse. Elle avait
auparavant fait une concession de Motel 6 à deux
autres motels dont l'un se trouve à Hope, et l'autre
à Summerland, en Colombie-Britannique, et avait
signé un accord avec un autre exploitant de motel
de Cambridge, au nord de Victoria. Cet accord
prévoyait, entre autres, l'emploi par ce dernier de
la marque et du nom, sous réserve de certaines
dispositions et conditions. Les trois motels dans
lesquels la société défenderesse a une participation,
ainsi que le Hope Hotel, emploient depuis quelques
années le symbole et la marque faisant l'objet de
l'enregistrement 201,351. Les motels de Summer -
land et de Cambridge les ont également employés,
mais ne les emploient plus.
La demanderesse prétend que sa marque et son
nom commercial ont été largement employés aux
États-Unis par elle-même et son prédécesseur en
titre, en liaison avec des services de motel, qu'ils
sont devenus bien connus au Canada par des
annonces dans des publications distribuées ici
parmi les marchands et usagers éventuels de ses
services de motel et que, dès avant novembre 1968,
ce nom et cette marque ont été largement et
' S.R.C. 1970, c. C-30.
2 Volume 57, n° 26 daté du 29 décembre 1923, à la page
2157.
constamment employés au Canada en liaison avec
des réservations dans ses motels faites par des
clients et des agents de voyage.
En août 1970, le défendeur Hawthorne a obtenu
au Canada l'enregistrement, sous le numéro 170,-
826, d'une autre marque de commerce constituée
de l'expression Motel 6 et d'un dessin hexagonal.
Cette marque a été, par la suite, cédée à la société
défenderesse. Toutefois, immédiatement avant
l'instruction, la société défenderesse a déposé une
confession de jugement portant abandon de cette
marque. Le défendeur Hawthorne et la demande-
resse l'ont acceptée. Par la suite, et en raison d'un
désistement de l'action intentée contre le défen-
deur Hawthorne (sous réserve de certaines condi
tions quant aux dépens et à l'acquiescement par lui
à la teneur de l'injonction qui pourra être rendue
contre la société défenderesse), la radiation de
cette marque du registre sera ordonnée. Il ne sera
plus question ni de cette marque, ni de quelque
revendication contre le défendeur Hawthorne et la
société défenderesse sera ci-après appelée la
défenderesse.
A l'instruction, la demanderesse s'est bornée à
demander, à titre de redressement, des dommages-
intérêts et a abandonné toute demande de reddi-
tion de compte.
REVENDICATIONS
Les revendications restant à juger pourraient se
résumer comme suit:
1. Une ordonnance de radiation de l'inscription,
dans le registre des marques de commerce, de la
marque de commerce numéro 201,351 de la
défenderesse.
2. Une déclaration que la demanderesse est titu-
laire d'un droit d'auteur sur l'ceuvre artistique
constituée de son symbole social et du nom Motel
6, selon l'illustration figurant à l'annexe «AH, et
que la société défenderesse a violé ce droit.
3. Une injonction:
a) portant interdiction de toute nouvelle viola
tion de droit d'auteur par reproduction de son
symbole social et de sa marque;
b) portant interdiction de tout nouvel emploi de
la marque ou du nom commercial en liaison
avec des services de motel;
c) interdisant à la défenderesse d'appeler l'atten-
tion du public sur ses services ou son entre-
prise de manière à causer ou à vraisemblable-
ment causer de la confusion au Canada entre
ses services ou son entreprise et ceux de la
demanderesse, en contravention de l'article
7b) de la Loi sur les marques dé commerce 3 .
4. L'ordre habituel de remise de toutes enseignes,
brochures, étiquettes et de tous autres objets
incriminés.
5. Des dommages-intérêts pour le prétendu passing
off en contravention de l'article 7b) de la Loi sur
les marques de commerce.
La défenderesse rejette toutes les revendications
de la demanderesse, sollicite un jugement déclara-
toire reconnaissant que celle-ci n'a aucun droit
d'auteur sur sa marque et conteste la compétence
de la présente Cour pour entendre toute demande
fondée sur l'article 7b) de la Loi sur les marques
de commerce, puisque cet alinéa est ultra vires du
Parlement du Canada.
DROIT D'AUTEUR
Je me pencherai tout d'abord sur la prétendue
violation du droit d'auteur.
Le nom «Motel 6» fut employé pour la première
fois par une association ou entreprise à risques
partagés formée de deux sociétés privées califor-
niennes: Todric Inc. et Maranco Motels Inc.,
toutes deux constituées en 1961. L'entreprise était
exploitée sous le nom de Motel 6 of California.
Elle a été constituée le l er janvier 1964.
Avant la création de cette entreprise à risques
partagés, un certain Richard E. Barnes, alors qu'il
travaillait pour un certain Paul A. Greene de
Californie, faisant le commerce sous le nom com
mercial de Paul A. Greene Company, conçut le
symbole social comportant le nom de «Motel 6».
Barnes avait reçu de Greene l'ordre de concevoir
un dessin constitué de l'expression «Motel 6» aux
fins d'emploi en liaison avec l'entreprise de motel
que ce dernier voulait mettre sur pied sous le nom
de «Motel 6 of California». Il n'existe aucune
preuve de cession par Barnes à Greene du droit
d'auteur; rien ne prouve non plus qu'il y ait eu, en
3 S.R.C. 1970, c. T-10.
1964 ou plus tard, cession ultérieure par Greene à
l'entreprise à risques partagés Motel 6 of
California.
En 1968, la société demanderesse, constituée la
même année, absorba dix sociétés californiennes,
dont les deux sociétés privées formant l'entreprise
Motel 6 of California, acquérant ainsi tous leurs
actifs.
Le dessin conçu par Barnes fut conservé et fut
intégré au symbole social utilisé en liaison avec le
premier Motel 6, qui ouvrit ses portes en Califor-
nie en 1962. Il a depuis lors toujours été utilisé aux
États-Unis par tous les motels exploités par Motel
6 of California et son successeur, la société deman-
deresse. Il n'a pas été employé uniquement sur des
enseignes de motel, mais aussi sur une variété de
matériel et d'articles tels que cartes-guides, embal-
lages de savon, cartons d'allumettes, cartes, formu-
laires de réservation et diverses publicités. Le sym-
bole social lui-même faisait l'objet de la
susmentionnée marque de commerce américaine n°
822,563, enregistrée en 1967, qui fut cédée en
1968 la demanderesse par Motel 6 of California.
La défenderesse conteste le droit de la demande-
resse d'invoquer le droit d'auteur. Voici les disposi
tions pertinentes de la Loi sur le droit d'auteur:
20....
(3) Dans toute action pour violation du droit d'auteur sur
une oeuvre, si le défendeur conteste l'existence du droit d'auteur
ou la qualité du demandeur,
a) l'oeuvre est, jusqu'à preuve contraire, présumée être une
oeuvre protégée par un droit d'auteur; et
b) l'auteur de l'oeuvre est, jusqu'à preuve contraire, présumé
être le titulaire du droit d'auteur;
et dans toute contestation de cette nature, si aucune concession
du droit d'auteur ou d'un intérêt dans le droit d'auteur par
cession ou par licence n'a été enregistrée sous l'autorité de la
présente loi,
c) si un nom paraissant être celui de l'auteur de l'oeuvre y est
imprimé ou autrement indiqué, en la manière habituelle, la
personne dont le nom est ainsi imprimé ou indiqué est,
jusqu'à preuve contraire, présumée être l'auteur de ]'oeuvre;
et
d) si aucun nom n'est imprimé ou indiqué de cette façon, ou,
si le nom ainsi imprimé ou indiqué n'est pas le véritable nom
de l'auteur ou le nom sous lequel il est généralement connu,
et si un nom paraissant être celui de l'éditeur ou du proprié-
taire de ]'oeuvre y est imprimé ou autrement indiqué de la
manière habituelle, la personne dont le nom est ainsi imprimé
ou indiqué est, jusqu'à preuve contraire, présumée être le
titulaire du droit d'auteur sur l'oeuvre, aux fins de procédures
relatives à la violation du droit d'auteur sur cette oeuvre.
12. (1) Sous réserve de la présente loi, l'auteur d'une oeuvre
est le premier titulaire du droit d'auteur sur cette oeuvre.
(3) Lorsque l'auteur est employé par une autre personne en
vertu d'un contrat de louage de service ou d'apprentissage, et
que l'eeuvre est exécutée dans l'exercice de cet emploi, l'em-
ployeur est, à moins de stipulation contraire, le premier titulaire
du droit d'auteur; mais lorsque l'eeuvre est un article ou une
autre contribution, à un journal, à une revue ou à un périodique
du même genre, l'auteur, en l'absence de convention contraire,
est censé posséder le droit d'interdire la publication de cette
oeuvre ailleurs que dans un journal, une revue ou un périodique
semblable.
Le nom de la demanderesse n'ayant pas été
imprimé ou autrement indiqué sur l'oeuvre pour
paraître être celui de son propriétaire, j'estime
qu'elle ne saurait se prévaloir de la présomption de
propriété prévue à l'article 20(3)d) susmentionné.
Bien que l'expression «Motel 6» fasse partie de la
marque, aucun nom de personne paraissant être
soit celui du titulaire soit celui du propriétaire ne
figure sur la marque. Force est d'examiner la
preuve pour voir qui était le premier titulaire et
déterminer s'il existe une chaîne de mutations
allant du premier titulaire à la demanderesse.
Puisqu'en 1961 l'auteur Barnes était au service
de Greene, que c'est dans l'exercice de ses fonc-
tions et sur la demande expresse de Greene que le
dessin a été conçu et qu'il n'existe aucune preuve
contraire, il semble évident que l'employeur
Greene doit, en application de l'article 12(3), être
considéré comme le premier titulaire du droit d'au-
teur: la présomption de l'article 20(3)b) suivant
laquelle l'auteur de l'oeuvre est le titulaire du droit
d'auteur a clairement été repoussée, puisque la
preuve contraire a été pleinement rapportée.
Il convient ensuite de déterminer si Greene a
cédé au Motel 6 of California un droit quelconque
sur le dessin. L'expression «Motel 6» a été utilisée
pour la première fois par Greene et un certain
William W. Becker. Ils avaient estimé qu'il y avait
un besoin de chambres de motel de qualité, simples
mais sans surprise, à un bas prix de $6 par nuit,
d'où le nom de «Motel 6». Le premier ensemble de
motels fut ouvert en 1962 Santa Barbara. Ils
avaient constitué les deux sociétés privées susmen-
tionnées en 1961 et, en 1964, engagé ces dernières
dans l'entreprise à risques partagés connue sous le
nom de «Motel 6 of California», qui prit en charge
tous les motels exploités à l'époque sous le nom de
«Motel 6». Motel 6 of California continua d'être
l'utilisatrice exclusive du dessin et de la marque
jusqu'à l'absorption des deux sociétés considérées
et de leur entreprise à risques partagés par la
demanderesse en 1968, date à laquelle tous les
actifs ont été cédés à la demanderesse. De ces faits,
on pourrait tirer, du moins, trois conclusions: en
1964, Greene a ou bien formellement cédé son
droit sur le dessin à l'entreprise à risques partagés
ou bien simplement permis à cette dernière de
faire usage et de tirer profit du dessin sans se
donner la peine de rédiger un acte formel de
cession, présumant peut-être que cela n'était pas
nécessaire, ou bien simplement négligé ou oublié
de céder ce droit. Il n'existe aucune preuve qu'un
quelconque acte de cession ait jamais été passé.
Du simple fait que Greene ait eu des intérêts
personnels dans les sociétés formant l'entreprise à
risques partagés, je ne saurais conclure, comme le
souhaite l'avocat de la demanderesse, qu'il y a eu
cession formelle de Greene soit à l'entreprise à
risques partagés Motel 6 of California soit à l'une
ou à l'autre des sociétés formant cette dernière ou
à ces deux sociétés à la fois. De fait, il y aurait
beaucoup plus de chances pour qu'une cession soit
intervenue si Greene avait traité à distance avec
l'entreprise à risques partagés et n'avait eu aucun
intérêt dans les sociétés formant celle-ci.
L'article 12(4) de la Loi sur le droit d'auteur
est ainsi rédigé:
12....
(4) Le titulaire du droit d'auteur sur une oeuvre peut céder ce
droit, en totalité ou en partie, d'une manière générale, ou avec
des restrictions territoriales, pour la durée complète ou partielle
de la protection; il peut également concéder, par une licence, un
intérêt quelconque dans ce droit; mais la cession ou la conces
sion n'est valable que si elle est rédigée par écrit et signée par le
titulaire du droit qui en fait l'objet, ou par son agent dûment
autorisé. [C'est moi qui souligne.]
J'admets avec l'avocat de la demanderesse que
l'article 12(4) est une condition de fond et non une
règle de preuve. Par conséquent, l'acte de cession
lui-même n'a pas nécessairement à être produit si
la preuve établit son existence et sa conformité
avec cet article. Toutefois, la preuve est loin d'éta-
blir par prépondérance l'existence d'une cession
écrite, encore moins d'une cession signée par
Greene ou son agent, ou d'établir qui a bien pu
être le cessionnaire. Elle a simplement établi la
possibilité des trois conclusions tout aussi logiques
les unes que les autres que j'ai mentionnées. La
preuve qui donne lieu simplement à ce type de
suppositions sans pencher pour l'existence réelle
d'une cession conforme à la loi ne satisfait pas aux
exigences de l'article 12(4).
Si la demanderesse avait établi la propriété telle
qu'elle a été revendiquée, je n'aurais pas hésité à
statuer que l'oeuvre était susceptible de protection
sous le régime de la Loi sur le droit d'auteur: sa
revendication n'est en aucune façon dénuée d'ob-
jet, comme l'a prétendu la défenderesse. Cette
dernière n'a pas réussi à repousser la présomption
de l'article 20(3)a). J'aurais également conclu que
le plagiat de cette marque de la part de la défende-
resse, quoiqu'il ne s'agît point d'une copie exacte,
comportait une ressemblance suffisante pour cons-
tituer une contrefaçon. Le simple fait que le dessin
constitué d'une feuille de trèfle ait été évité et
remplacé par un cercle n'eût pas été suffisant pour
empêcher de conclure à la contrefaçon. Il y a une
étroite ressemblance. Cela constitue une présomp-
tion de plagiat contre laquelle aucune preuve de
création indépendante n'a été rapportée. (Voir
King Features Syndicate Inc. c. O. and M. Klee-
mann, Ltd. 4 , décision suivie dans l'affaire Collins
c. Rosenthal 5 .)
La demanderesse n'ayant toutefois pas réussi à
établir qu'elle aurait quelque droit sur cette oeuvre
en vertu d'une cession valide, sa prétention selon
laquelle il y aurait eu violation du droit d'auteur
doit être rejetée.
VALIDITÉ DE LA MARQUE DE LA DÉFENDERESSE
Généralités:
La demanderesse conteste sur trois points la
validité de l'enregistrement par la défenderesse de
la marque de commerce n° 201,351:
1. Un prétendu emploi antérieur, au Canada,
par la demanderesse de ses propres marque et
nom commercial.
2. Le nom commercial et la marque de la
demanderesse auraient été antérieurement révé-
lés au Canada; et
4 [1941] 2 All E.R. 403 (C.L.) à la page 414.
5 (1974) 14 C.P.R. (2') 143à la page 147.
3. Le caractère non distinctif, en se fondant sur
la preuve habituelle en la matière et, en outre,
sur le prétendu octroi non enregistré d'une
licence de la marque à des tiers.
Un autre grief, suivant lequel un faux affidavit
aurait été présenté au Bureau des marques de
commerce en vue de l'enregistrement, a été aban-
donné à l'instruction.
Les dispositions légales suivantes sont particuliè-
rement pertinentes à la question de la validité du
brevet de la défenderesse pour ce qui est des
susdits motifs 1 et 2, savoir les articles 4(2), 16(3)
et 5 de la Loi sur les marques de commerce, qui
sont ainsi rédigés:
4....
(2) Une marque de commerce est censée employée en liaison
avec des services si elle est employée ou montrée dans l'exécu-
tion ou l'annonce de ces services.
16....
(3) Tout requérant qui a produit une demande selon l'article
29 en vue de l'enregistrement d'une marque de commerce
projetée et enregistrable, a droit, sous réserve des articles 37 et
39, d'en obtenir l'enregistrement à l'égard des marchandises ou
services spécifiés dans la demande, à moins que, à la date de
production de la demande, cette marque ne créât de la confu
sion avec
a) une marque de commerce antérieurement employée ou
révélée au Canada par une autre personne;
b) une marque de commerce à l'égard de laquelle une
demande d'enregistrement a été antérieurement produite au
Canada par une autre personne; ou
c) un nom commercial antérieurement employé au Canada
par une autre personne.
5. Une personne est réputée faire connaître une marque de
commerce au Canada, seulement si elle l'emploie dans un pays
de l'Union, autre que le Canada, en liaison avec des marchandi-
ses ou services, et si
a) ces marchandises sont distribuées en liaison avec ladite
marque au Canada, ou
b) ces marchandises ou services sont annoncés en liaison avec
ladite marque dans
(i) toute publication imprimée et mise en circulation au
Canada dans la pratique ordinaire du commerce parmi les
marchands ou usagers éventuels de ces marchandises ou
services, ou
(ii) des émissions de radio, au sens de la Loi sur la radio,
ordinairement captées au Canada par des marchands ou
usagers éventuels de ces marchandises ou services,
et si la marque est bien connue au Canada par suite de cette
distribution ou annonce.
La révélation antérieure:
L'enregistrement d'une marque de commerce
découlant d'une demande en vue d'un emploi pro-
jeté n'est pas valide si, à la date du dépôt de cette
demande, cette marque crée de la confusion avec
une autre qui avait été antérieurement employée
ou révélée au Canada. Les concepts d'emploi et de
révélation dans ce contexte sont assujettis à certai-
nes restrictions légales précises.
Une personne est réputée faire connaître une
marque de commerce américaine au Canada si elle
l'emploie aux États-Unis en liaison avec des servi
ces, si ces services sont annoncés dans toute publi
cation imprimée et mise en circulation au Canada
dans la pratique ordinaire du commerce ou dans
des émissions de radio, et si la marque est bien
connue au Canada par suite de cette annonce. Il
s'ensuit nécessairement que seule la notoriété
acquise par suite de l'annonce prévue à l'article 5
peut être prise en compte et qu'il doit résulter de
cette notoriété que la marque est «bien connue» au
Canada.
Aucun recours à des émissions de radio n'a été
prouvé. Les seules publications imprimées conte-
nant de l'annonce sont certaines brochures d'indi-
cations avec carte donnant des renseignements tels
que les adresses et les numéros de téléphone des
motels. Celles-ci étaient envoyées à certains
bureaux locaux de la DAA et de la BCAA et à un
nombre limité d'agences de voyages, en réponse à
des demandes de brochures de ces associations et
agences. Ces requêtes découlaient des demandes de
renseignements d'automobilistes canadiens qui,
ayant voyagé aux États-Unis ou entendu parler
par leurs amis de l'existence des Motel 6 aux
Etats-Unis, se renseignaient sur leur situation,
leurs prix, les manières de réserver, etc. Dans
certains cas, l'agence ne conservait qu'un exem-
plaire de la brochure pour fins de renseignements.
Il a été établi que vers la fin des années 60, les
motels de la demanderesse étaient devenus bien
connus en Colombie-Britannique grâce au nombre
d'automobilistes canadiens de l'ouest qui, voya-
geant aux États-Unis avec des ressources limitées,
logeaient dans ses motels. Cette notoriété s'est,
semble-t-il, maintenue jusqu'à la date du procès.
Mais c'est en raison de la fréquentation par des
automobilistes canadiens des motels de la deman-
deresse aux États-Unis, du bouche à oreille et des
recommandations de certaines agences et associa-
tions au Canada que les motels de la demanderesse
sont devenus connus, et non en raison de la distri
bution des brochures. De plus, la demanderesse n'a
pas encouragé activement la distribution de ces
brochures et n'a pris aucune mesure à ce sujet en
ce qui concernait les clients canadiens, mais a
simplement répondu à des demandes d'agences ou
de particuliers.
Le fait pour une marque de devenir «bien
connue au Canada» par voie orale, en raison de sa
notoriété et de son emploi aux États-Unis, ne suffit
pas pour répondre aux exigences de l'article 5 de la
Loi sur les marques de commerce. La condition
imposée par cet article que la marque soit bien
connue par suite de «cette distribution ou annonce»
est essentielle et constitue une question de fond et
non de preuve, comme l'a dit mon collègue le juge
Marceau dans l'affaire Valle's Steak House c.
Tessier 6 . Par conséquent, ce moyen invoqué par la
demanderesse doit être repoussé.
L'emploi antérieur:
Comme dans le cas de la révélation, pour déter-
miner si la marque de la demanderesse a été
antérieurement employée, la date avant laquelle
cet emploi doit être pris en compte est celle du
dépôt de la demande d'enregistrement de la
marque de commerce en litige, soit en l'espèce le 4
février 1972 (voir article 16(3) précité), et non
quelque autre date antérieure comme l'a prétendu
la défenderesse.
La preuve établit que cette marque n'a jamais
été employée au Canada en liaison avec des servi
ces de motel à proprement parler. Elle a toutefois
été employée en liaison avec des réservations de
motel. Elle n'a jamais été employée au Canada par
la demanderesse, qui n'avait au Canada aucun
agent ou établissement ni aucun service de réserva-
tion. En fait, elle n'avait aucun service central de
réservation aux Etats-Unis. A partir de n'importe
quel endroit du Canada, on pouvait téléphoner ou
écrire à tout Motel 6 pour y réserver une chambre.
La chambre était alors réservée jusqu'à 18 h le
jour indiqué. Si l'intéressé n'arrivait pas avant
cette heure, la réservation pouvait être annulée, à
moins que le prix n'ait été payé d'avance. Si la
chambre était retenue par lettre, ou encore par
téléphone et que le temps le permît, une carte de
6 [1981] 1 C.F. 441 aux pages 449 et 450.
confirmation portant la marque et le symbole
social Motel 6, ainsi que les détails de la réserva-
tion, était envoyée à l'éventuel client canadien.
Tout chèque envoyé devait être stipulé payable à
Motel 6.
Dans le cas d'au moins deux associations d'auto-
mobilistes, un appel téléphonique était fait par
l'association lorsqu'un de ses membres le lui
demandait. Aucune commission n'était payée par
la demanderesse pour les clients envoyés à ses
motels.
La correspondance ou la communication télé-
phonique avec les clients, les clients éventuels ou
leurs agents au Canada, dans le seul dessein de
recevoir et de confirmer des réservations de cham-
bres de motel aux États-Unis ne constituent pas un
emploi de cette marque au Canada en liaison avec
des services de motel; et à plus forte raison lorsque
l'initiative du contact n'était pas prise par la per-
sonne ou l'entreprise fournissant les services de
motel. Dans de tels cas, il doit y avoir à tout le
moins quelque installation commerciale au
Canada. (Voir Porter c. Don The Beachcomber 7 et
aussi Marineland Inc. c. Marine Wonderland and
Animal Park Ltd. 8 ) La demanderesse ne saurait,
par conséquent, obtenir gain de cause sur ce point.
L'absence de caractère distinctif:
Les dispositions relatives à la question du carac-
tère distinctif sont les suivantes (Loi sur les mar-
ques de commerce):
2. Dans la présente loi
«distinctive», par rapport à une marque de commerce, désigne
une marque de commerce qui distingue véritablement les
marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est
employée par son propriétaire, des marchandises ou services
d'autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer
ainsi;
18. (1) L'enregistrement d'une marque de commerce est
invalide si
b) la marque de commerce n'est pas distinctive à l'époque
où sont entamées les procédures contestant la validité de
l'enregistrement; ou
L'enregistrement d'une marque de commerce est
invalide si la marque n'est pas distinctive à l'épo-
' [1966] R.C.É. 982.
8 [1974] 2 C.F. 558 aux pages 572 et 573.
que oit sont entamées les procédures contestant la
validité de l'enregistrement. En l'espèce, ce serait
le 2 novembre 1979. La définition de «distinctive»
se trouve à l'article 2 précité. Une marque de
commerce ne peut distinguer ni être propre à
distinguer les services d'une personne si une autre
personne a employé cette marque dans un pays
étranger et que celle-ci soit devenue connue au
Canada comme la marque de cette dernière per-
sonne en liaison avec des services similaires. Quant
à la question de l'absence de caractère distinctif
d'une marque, bien qu'il doive être établi que la
marque rivale ou adverse est connue au moins
jusqu'à un certain point, il n'est pas nécessaire de
prouver qu'elle est bien connue ou qu'elle a été
révélée uniquement par les moyens limités prévus à
l'article 5 cité plus haut. Il suffit d'établir que
l'autre marque est devenue suffisamment connue
pour annuler le caractère distinctif de la marque
attaquée. Le juge Thurlow (tel était alors son
titre), qui rendait le jugement de la Cour d'appel
fédérale dans l'affaire E. & J. Gallo Winery c.
Andres Wines Ltd.', dit ceci à la page 7:
La question que soulève ce moyen est donc de savoir si la
marque «SPAÎVADA» était, à l'époque en question, adaptée à
distinguer le vin de l'intimée des vins existants. Comme la
marque semble présenter un caractère proprement distinctif, il
reste seulement à déterminer, selon moi, si la preuve établit que
cette marque proprement distinctive n'est pas adaptée à distin-
guer le vin de l'intimée. Pour faire cette preuve, on a allégué
que cette marque est déjà connue comme celle employée par
l'appelante en liaison avec des marchandises semblables. Pour
qu'on puisse conclure que la marque n'est pas ainsi adaptée, il
n'est pas nécessaire, selon moi, que la preuve démontre que la
marque est bien connue ou qu'on l'a bien fait connaître au
Canada au sens de l'article 5 ou qu'on a eu recours aux
méthodes qui y sont mentionnées. Une telle preuve et le fait de
l'emploi de la marque aux .États-Unis suffiraient à donner à
l'appelante le droit à l'enregistrement et à un monopole de
l'emploi de la marque. Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit.
L'intimée cherche à monopoliser l'emploi de la marque et il
s'agit de savoir si elle en a le droit. Que quelqu'un d'autre en ait
le droit n'a rien à voir. Seul importe le fait que la marque soit
adaptée ou non à distinguer les marchandises de l'intimée sur le
marché. De toute évidence, elle ne serait pas ainsi adaptée s'il y
avait six ou sept marchands de vin qui l'employaient déjà sur
leurs étiquettes et, pour la même raison, elle ne le serait pas si
on la savait déjà employée par un autre commerçant du même
type de marchandises. [C'est moi qui souligne.]
Il a également cité et confirmé la décision Wil-
liamson Candy Co. c. W. J. Crothers Co. 10 Voir
9 [1976] 2 C.F. 3.
10 [1924] R.C.É. 183, confirmée par [1925] R.C.S. 377.
aussi Moore Dry Kiln Co. of Canada Ltd. c. U.S.
Natural Resources Inc."
Le moyen tiré du caractère non distinctif n'est
pas limité à l'exécution réelle des services au
Canada comme le cas d'une revendication en
emploi antérieur sous le régime de l'article 4. Il
peut être aussi fondé sur la preuve d'une connais-
sance ou notoriété de la marque rivale acquise par
le bouche à oreille et sur la preuve d'une notoriété
et d'une renommée obtenues par voie d'articles de
journaux ou de magazines plutôt que par de la
publicité. Peuvent être pris en compte tous les
éléments de preuve pertinents tendant à établir le
caractère non distinctif.
Les motels de la demanderesse sont concentrés
le long des deux principales autoroutes nord-sud
qu'utilisent les Canadiens voyageant vers le sud à
partir de la Colombie-Britannique et de l'Alberta,
savoir l'Interstate Highway No. 5 et la Coastal
Highway No. 101. Des citoyens de la Colombie-
Britannique fréquentent depuis de nombreuses
années les motels de la demanderesse et en ont
parlé à d'autres citoyens de leur province. Beau-
coup d'entre eux sont membres des associations
d'automobilistes canadienne et de Colombie-Bri-
tannique et ont demandé des renseignements par
l'entremise des bureaux locaux de ces organismes.
Des renseignements relatifs aux motels de la
demanderesse ont été régulièrement fournis par les
associations d'automobilistes et les agences de
voyages servant ces derniers. Quelques-unes de ces
agences et associations, en raison des demandes de
renseignements reçues, téléphonaient ou écrivaient
à la demanderesse pour se procurer des brochures
d'indications avec carte afin de les mettre à la
disposition de ceux de leurs membres ou clients qui
se renseignaient sur des questions telles que l'em-
placement des motels de la demanderesse, les prix,
les modalités de réservation, etc.
Ces motels étaient destinés aux familles et aux
automobilistes qui désiraient avoir un logement de
qualité et sûr, à un prix modeste. Depuis la fin des
années 60, les motels de la demanderesse étaient
très populaires auprès de cette partie des automo-
bilistes canadiens. Il a été établi qu'en pleine
saison, dans quelques-uns de ces motels, jusqu'à
50% des clients sont des automobilistes canadiens.
" (1977) 30 C.P.R. (2') 40 à la page 49.
Les réservations, fréquemment faites à partir du
Canada, par téléphone ou par lettre, par des parti-
culiers ou par la BCAA, la DAA ou une agence de
voyages pour le compte de leurs membres ou
clients. Dans ces communications, le nom commer
cial était employé et dans la réponse de Motel 6,
on se servait du nom et de la marque. Les chèques
étaient stipulés payables à Motel 6.
Il est aussi prouvé que des résidents de la
Colombie-Britannique ont été très souvent amenés
à croire que les motels de la défenderesse étaient
ceux de la demanderesse. Il a même été établi que
des directeurs de bureaux d'associations d'automo-
bilistes et d'agences de voyages ont été eux-mêmes
trompés. Il s'agit là d'une preuve importante, puis-
qu'on s'attend à ce que des personnes œuvrant
dans le domaine du tourisme automobile et ayant,
par conséquent, une connaissance et une expé-
rience spéciales de ce domaine, soient davantage
conscientes des différences entre le nom et la
marque de la demanderesse et ceux de la défende-
resse et soient moins susceptibles de s'y laisser
tromper que le public en général. L'article 5 de la
Loi parle de «marchands ou usagers éventuels de
ces marchandises ou services». Je fais miens les
propos tenus par le juge Ruttan dans la décision
Sund c. Beachcombers Restaurant Ltd. 12 , citée à
la page 228 du recueil:
[TRADUCTION] Le risque de tromperie s'apprécie non pas
par rapport au spécialiste, mais bien par rapport au profane:
Singer Mfg. Co. c. Loog (1882), 8 App. Cas. 15 la p. 18, par
le lord Chancelier Selborne. Mais la preuve sera beaucoup plus
difficile à faire lorsque même le spécialiste s'est laissé tromper.
La preuve a également été rapportée qu'un des
principaux dirigeants de la défenderesse était plei-
nement conscient de l'existence de la marque et du
symbole social des motels de la demanderesse,
puisqu'en donnant des instructions à la personne
qui devait concevoir le symbole social de la défen-
deresse, il l'a mise en garde contre l'emploi des
mêmes couleurs que celles utilisées dans le sym-
bole social de la demanderesse.
Les articles sur les motels de la demanderesse
ont été publiés dans les périodiques suivants:
12 (1960) 34 C.P.R. 225.
1. Saskatoon Star-Phoenix —27 mai 1972
2. Winnipeg Free Press —20 mai 1972
3. Newsweek —9 octobre 1967 et
19 février 1973
4. New York Times —15 janvier 1967
5. Business Man's Week —27 août 1965
6. Advertising Age —4 décembre 1972
7. Wall Street Journal —26 décembre 1972
8. Hospitality —février 1973
9. Advertising Age —11 février 1971
Bien entendu, les deux premières publications sont
des journaux canadiens. Bien qu'il n'ait pas été
prouvé que les autres publications sont distribuées
au Canada, il est de notoriété publique qu'au
moins le New York Times, le Newsweek et le Wall
Street Journal le sont, puisqu'on peut se les procu
rer dans presque tous les grands kiosques du pays.
J'estime donc que plusieurs années avant le
dépôt en 1972 par la défenderesse de la demande
d'enregistrement de sa marque, fondée sur un
emploi projeté, les motels de la demanderesse
avaient acquis une notoriété et une clientèle subs-
tantielles en Colombie-Britannique, que ce renom
s'est maintenu jusqu'à ce jour et que les enseignes
de la demanderesse portant son nom, sa marque et
son symbole social étaient connues de toute une
partie des automobilistes de la Colombie-Britanni-
que.
Le dessin et la marque de la défenderesse res-
semblent beaucoup à ceux de la demanderesse,
l'expression «Motel 6» étant identique.
La défenderesse soulève la question du caractère
distinctif local en se fondant principalement sur le
témoignage de témoins résidant dans les environs
immédiats de ses motels et qui ignorent l'existence
de la chaîne de motels de la demanderesse. Il est
évident que certaines personnes résidant à proxi-
mité d'un motel de la défenderesse peuvent ne pas
connaître l'existence des Motel 6 américains. Mais
la véritable question est de savoir si les résidents de
la Colombie-Britannique qui, à l'occasion de leurs
voyages en automobile, fréquentent généralement
des motels de ce genre ne pourraient pas être
amenés à croire que ceux-ci appartiennent à la
demanderesse plutôt qu'à la défenderesse. Or, la
demanderesse a clairement établi par témoins que
tel était le cas.
Les faits ne sont pas les mêmes que ceux sur la
base desquels mon collègue le juge Cattanach a
statué dans l'affaire Great Lakes Hotels Limited
c. The Noshery Limited 13 . Dans cette affaire, le
juge Cattanach a autorisé un restaurant de
Toronto nommé «The Penthouse» à garder sa
marque en raison du caractère distinctif local,
malgré l'objection de The Penthouse Motor Inn,
un autre établissement de la région torontoise. Au
vu des faits de l'espèce, il a statué que dans la zone
limitée de la ville où le restaurant The Penthouse
était exploité, ce dernier pouvait acquérir et avait,
en fait, acquis un caractère distinctif.
De toute évidence, un caractère distinctif local
peut s'acquérir et être reconnu en droit dans cer-
tains cas. Mais les circonstances de fait de la
présente cause sont tout à fait différentes. Il ne
s'agit pas en l'espèce de clients locaux, mais de
voyageurs. La Colombie-Britannique tout entière,
ou du moins toute la partie sud de cette province,
constitue le marché de la demanderesse, et sa
marque y est bien connue. Aucun caractère dis-
tinctif ne saurait s'attacher, dans une partie limi-
tée de cette région, aux services de la défenderesse
qui sont identiques à ceux de la demanderesse et
destinés à la même catégorie d'automobilistes
canadiens y résidant. Ainsi les faits de l'affaire
Great Lakes se distinguent-ils nettement de ceux
de l'espèce. Coïncidence étonnante, j'ai été saisi
l'année suivante, devant la Cour suprême de l'On-
tario, en vertu de l'article 7b) de la Loi sur les
marques de commerce d'un cas de passing off où
les parties étaient les mêmes que dans l'affaire
Great Lakes entendue par mon collègue le juge
Cattanach, qui siégeait alors à la Cour de l'Echi-
quier du Canada. Dans cette affaire, The Noshery
était la demanderesse. J'ai trouvé la défenderesse
Great Lakes coupable de concurrence déloyale.
Cette affaire est citée comme The Noshery Ltd. c.
The Penthouse Motor Inn Ltd. 14
Sur la base des éléments de preuve et des cons-
tatations qui précèdent ainsi que des autres élé-
ments de preuve mentionnés, j'estime, pour ce qui
est des allégations d'emploi et de révélation anté-
rieurs, que la marque utilisée en liaison avec les
services de la défenderesse n'était pas distinctive à
l'époque où les présentes procédures ont été inten-
13 [1968] 2 R.C.É. 622.
14 (1970) 61 C.P.R. 207.
tées, et ne l'aurait pas été même plusieurs années
avant la date à laquelle l'enregistrement de cette
marque a été demandé.
La demanderesse fait aussi valoir que la marque
de la défenderesse a perdu son caractère distinctif
en raison de l'octroi de licences à d'autres usagers
sans enregistrement. L'emploi par un usager non
inscrit entraîne la perte du caractère distinctif de
la marque. Ce principe sous-tend toute notre Loi
sur les marques de commerce 15 , qui diffère à cet
égard de la loi britannique.
Les dispositions relatives à l'enregistrement doi-
vent être strictement observées. (Voir Fox, The
Canadian Law of Trade Marks and Unfair Com
petition, troisième édition, 1972, aux pages 283 et
284.) Dans l'affaire Moore Dry Kiln Co. of
Canada Ltd. c. U.S. Natural Resources Inc. 16 , le
juge Urie dit ceci à la page 49:
[TRADUCTION] Étant donné que le caractère distinctif d'une
marque est attaché, entre autres choses, à sa source de fabrica
tion, lorsqu'une marque est attachée à plus d'une source, elle ne
peut avoir de caractère distinctif.
L'article 49(2) et (3) de la Loi sur les marques de
commerce est ainsi conçu:
49....
(2) L'emploi d'une marque de commerce déposée, par un
usager inscrit de cette marque, selon les termes de son enregis-
trement à ce titre, en liaison avec les marchandises par lui
fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou avec les
services qu'il a loués ou exécutés, ou l'usage d'une marque de
commerce projetée, ainsi que le prévoit le paragraphe 39(2),
par une personne agréée comme usager inscrit de la marque, est
dans le présent article appelé «l'emploi permis».
(3) L'emploi permis d'une marque de commerce a le même
effet, à toutes fins de la présente loi, qu'un emploi de cette
marque par le propriétaire inscrit.
L'emploi permis de l'article 49(3) de la Loi sur
les marques de commerce est une exception à
l'ancienne règle selon laquelle une marque ne pou-
vait être employée que par son propriétaire. Cet
article doit par suite être strictement interprété
tant au point de vue du fond qu'au point de vue des
modalités d'application qu'il prévoit. (Voir l'histo-
rique du concept d'usager inscrit fait par le juge
Noël (tel était alors son titre), aux pages 538 541
du recueil, dans la décision Dubiner c. Cheerio
Toys and Games Ltd. 17 )
15 S.R.C. 1970, c. T-10.
16 (1977) 30 C.P.R. (2e) 40.
17 [1965] 1 R.C.É. 524.
Étant donné que j'ai conclu au caractère non
distinctif de cette marque sur la base des autres
motifs que je viens d'énoncer, je m'abstiendrai de
commenter en détail la preuve soumise sur la
question des usagers non autorisés. Toutefois, cer-
taines constatations de fait applicables au point
litigieux seront faites. Outre les trois motels dans
lesquels la défenderesse a des intérêts, les motels
suivants étaient exploités sous le nom et la marque
de «Motel 6» durant les périodes indiquées:
1. Le 30 novembre 1975, la défenderesse a vendu
la moitié de ses intérêts dans le Courtenay Motel à
quatre personnes et, depuis lors, a continué de
l'exploiter pour les propriétaires en vertu d'un
contrat de gestion. Ces quatre personnes et la
défenderesse ont été enregistrées en avril 1976
comme des usagers faisant le commerce sous le
nom de «Courtenay No. 6 Motel». Rien ne prouve
que ces usagers aient exercé leurs activités com-
merciales sous ce nom.
2. Un motel, situé à Summerland, en Colombie-
Britannique, a été exploité, du 28 juin 1973 au 6
avril 1974, par deux particuliers sous la marque et
le nom de «Motel 6», en vertu d'une licence ou
d'une concession consentie par la défenderesse. Ils
n'ont jamais été inscrits comme usagers. Toutefois,
une demande d'inscription comme usager a été
présentée en octobre 1973, mais abandonnée lors
de la vente du motel en avril 1974. Le nouveau
propriétaire a été inscrit comme usager en septem-
bre de la même année.
3. Trois particuliers sont propriétaires d'un motel
situé à Hope, en Colombie-Britannique, depuis
novembre 1975. C'est la défenderesse qui adminis-
tre ce motel en vertu d'un contrat de gestion
qu'elle a signé avec ses propriétaires. Aucun enre-
gistrement n'a été fait quant à l'usager.
4. De 1971 à 1976, un certain Maurice Laprise a
exploité un motel à Cambridge, en Colombie-Bri-
tannique, et employé la marque et le nom «Motel
6», probablement en vertu de la marque de com
merce n° 170,826, qui est maintenant abandonnée.
La défenderesse a autorisé cet emploi et inspecté
de temps à autre ce motel.
5. C'est avec la connaissance, le consentement et,
sauf dans le cas du motel de Summerland, la
participation de la défenderesse comme contrôleur
ou gestionnaire que tous les emplois précédents ont
eu lieu.
On ne saurait, bien entendu, imputer à l'usager
ou au propriétaire d'une marque le retard causé
par le Bureau des marques de commerce dans
l'examen d'une demande d'enregistrement. Toute-
fois, cette demande doit être faite sur-le-champ
après que le propriétaire et l'usager sont convenus
de l'octroi d'un droit d'utilisation.
Mes constatations de fait, en ce qui concerne au
moins le Hope Motel et le Cambridge Motel (voir
les paragraphes 3 et 4 précités) confirment ample-
ment la prétention voulant que la marque de la
défenderesse doive être rayée comme non distinc
tive.
Le point de savoir si la marque de la défende-
resse devrait être rayée du registre a toutefois
amené la défenderesse à soulever une question de
procédure: l'action en radiation de sa marque de
commerce n'aurait pas, selon elle, été intentée
dans le délai prescrit par l'article 17(2) de la Loi.
Cet article est ainsi conçu:
17....
(2) Dans des procédures ouvertes après l'expiration de cinq
ans à compter de la date d'enregistrement d'une marque de
commerce ou à compter du ler juillet 1954, en prenant celle
des deux dates qui est postérieure à l'autre, aucun enregistre-
ment ne doit être rayé, modifié ou jugé invalide pour le motif de
l'utilisation ou révélation antérieure que mentionne le paragra-
phe (1), à moins qu'il ne soit établi que la personne qui a
adopté au Canada la marque de commerce déposée l'a fait alors
qu'elle était au courant de cette utilisation ou révélation
antérieure.
La présente action a été intentée le 1" mars
1974, date à laquelle la marque de commerce de la
défenderesse n'était pas encore enregistrée. L'ac-
tion en radiation de cette marque ne pouvait, par
conséquent, être intentée à cette date. L'enregis-
trement est intervenu le 23 août 1974. C'est seule-
ment le 2 novembre 1979 que la déclaration a été
finalement modifiée pour y inclure une demande
de radiation, c'est-à-dire plus de cinq ans après
l'enregistrement de la marque. Jusque-là, l'action
n'était que pour violation du droit d'auteur et pour
concurrence déloyale aux termes de l'article 7b) de
la Loi sur les marques de commerce. Malgré qu'il
y ait eu précédemment une action entre les parties,
la demande de radiation de la marque est une
cause d'action entièrement étrangère au droit d'au-
teur et à la concurrence déloyale; cette demande
doit dès lors être considérée comme ayant été faite
au moment de la modification de la déclaration,
soit en novembre 1979.
Sous réserve de la question de savoir si la défen-
deresse, lorsqu'elle a adopté sa marque de com
merce, était au courant de l'utilisation ou révéla-
tion antérieure de la marque de la demanderesse,
l'article 17(2) exclut toute contestation de la vali-
dité de la marque pour utilisation ou révélation
antérieure. Toutefois, cette marque ne sera pas
déclarée invalide pour aucun de ces deux motifs,
mais bien pour défaut de caractère distinctif. L'ar-
ticle 17(2) ne s'applique pas à ce cas en raison de
son texte très clair qui limite le délai aux cas
d'utilisation et de révélation antérieures, et aussi
en raison du fait que dans le cas d'absence de
caractère distinctif, l'époque pertinente est celle de
l'introduction des procédures (voir l'article 18(1)b)
précité), et non la date d'enregistrement de la
marque comme le prescrit l'article 17(2). Si je
n'avais pas jugé cet article non applicable pour le
motif précédent, j'aurais en tout état de cause, sur
le fond, débouté la défenderesse. La défenderesse,
par son dirigeant Harrison, était bien au courant
de l'existence de la marque de la demanderesse
avant d'adopter la sienne.
Conformément à la demande de la demande-
resse, il sera donc ordonné que la marque de
commerce n° 201,351 de la défenderesse soit rayée
du registre au motif qu'elle ne distinguait pas, à
l'époque considérée, les services de la défenderesse
de ceux de la demanderesse ou de ceux des autres
usagers non inscrits.
LA QUESTION DE PASSING OFF
La demanderesse soutient que la défenderesse a
contrevenu à l'article 7b) de la Loi sur les mar-
ques de commerce en appelant l'attention du
public sur ses services ou son entreprise de manière
à vraisemblablement causer de la confusion au
Canada entre ses services et ceux de la
demanderesse.
La constitutionnalité de l'article 7b ):
La défenderesse, pour contester la compétence
de la présente Cour à connaître de cette partie de
l'action, allègue que l'article 7b) de la Loi sur les
marques de commerce est inconstitutionnel. Si tel
est le cas, il est évident que la présente Cour n'a
pas compétence pour juger la question de passing
off, puisqu'en common law, ce délit est incontesta-
blement une question de droits civils relative à un
litige entre des particuliers, et n'est pas une cause
d'action fondée sur une loi fédérale. Elle ne pour-
rait être jugée que devant un tribunal provincial. A
ma demande, les procureurs généraux du Canada
et de la Colombie-Britannique ont été informés
qu'ils pourraient intervenir et être entendus sur la
question de la constitutionnalité, mais ils ont
décliné l'invitation.
L'article 7 de la Loi sur les marques de com
merce est ainsi rédigé:
7. Nul ne doit
a) faire une déclaration fausse ou trompeuse tendant à
discréditer l'entreprise, les marchandises ou les services d'un
concurrent;
b) appeler l'attention du public sur ses marchandises, ses
services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisem-
blablement causer de la confusion au Canada, lorsqu'il a
commencé à y appeler ainsi l'attention, entre ses marchandi-
ses, ses services ou son entreprise et ceux d'un autre;
c) faire passer d'autres marchandises ou services pour ceux
qui sont commandés ou demandés;
d) utiliser, en liaison avec des marchandises ou services, une
désignation qui est fausse sous un rapport essentiel et de
nature à tromper le public en ce qui regarde
(i) les caractéristiques, la qualité, la quantité ou la
composition,
(ii) l'origine géographique, ou
(iii) le mode de fabrication, de production ou d'exécution
de ces marchandises ou services; ni
e) faire un autre acte ou adopter une autre méthode d'affai-
res contraire aux honnêtes usages industriels ou commer-
ciaux ayant cours au Canada.
L'arrêt de principe sur cette question, arrêt qui a
fait tomber dans l'oubli plusieurs décisions anté-
rieures de tribunaux inférieurs, est celui rendu à
l'unanimité par la Cour suprême du Canada dans
l'affaire MacDonald c. Vapor Canada Ltd.' 8 Dans
cette affaire, l'article 7e) de la Loi sur les marques
de commerce a été déclaré ultra vires du Parle-
ment du Canada, du moins dans les cas où on ne
peut le considérer «comme un complément des
systèmes de réglementation établis par le Parle-
ment dans l'exercice de sa compétence à l'égard
des brevets, du droit d'auteur, des marques de
commerce et des noms commerciaux». Pour tran-
' 8 [1977] 2 R.C.S. 134.
cher cette question, la Cour s'est toutefois penchée
sur l'article 7 tout entier, ou, du moins, l'a com
menté assez longuement. Quatre juges de cette
Cour ont souscrit aux longs motifs du juge en chef
Laskin. Et puisque les opinions divergent sensible-
ment sur la question de savoir si le même sort
serait réservé à l'article 7b), il convient tout
d'abord de citer d'assez larges extraits de ces
motifs du juge en chef Laskin:
à la page 147:
L'alinéa b) de l'art. 7 n'est que la formulation de l'action pour
une espèce de concurrence déloyale en common law, que Flem-
ing on Torts, supra, décrit à la p. 626 comme [TRADUCTION]
«une autre forme de tromperie préjudiciable au commerce du
demandeur ... qui diffère de la fausse déclaration préjudiciable
en ce qu'elle tend à réduire la clientèle du demandeur non pas
par des remarques désobligeantes mais en usurpant sa réputa-
tion en faisant croire que des marchandises ou services viennent
de lui ou d'une firme associée ou qu'il les garantit». Contraire-
ment aux fausses déclarations préjudiciables [TRADUCTION] «il
suffit que l'opération soit destinée ou de nature à induire en
erreur même sans intention d'induire en erreur».
aux pages 156 et 157:
En définitive, soit que l'on considère l'al. e) de l'art. 7
isolément ou mieux, comme partie d'un petit système visé par
l'art. 7 dans son ensemble, la conclusion doit être que le
Parlement du Canada a, par une loi, embrassé ou élargi des
droits d'action reconnus en matière civile relevant de la juridic-
tion des tribunaux provinciaux et touchant des questions de
compétence législative provinciale. En l'absence d'organisme
administratif pour contrôler l'observation des interdictions
décrétées à l'art. 7 (et sans conclure que l'existence d'un tel
organisme serait un facteur important ou décisif de constitu-
tionnalité), je ne puis rien trouver dans les pouvoirs fédéraux
qui fournisse un fondement incontestable à l'art. 7 dans son
ensemble ou à l'al. e) considéré isolément. Le fait que la loi
s'applique dans tout le Canada ne saurait constituer un point
d'appui suffisant lorsque rien d'autre ne justifie sa validité.
Les décisions que j'ai mentionnées font voir qu'il y a une
certaine relation entre les al. a), b) et d) de l'art. 7 et la
compétence fédérale sur les brevets et le droit d'auteur qui
découle de certains chefs spéciaux de pouvoir législatif ainsi que
la compétence sur les marques de commerce et les noms
commerciaux qui viendrait, comme on le verra plus loin, du
deuxième chef de l'art. 91 de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique. Même si cela suffit à donner à ces alinéas un
certain champ d'application valable, il n'en résulte pas qu'ils
attirent dans le champ de la compétence fédérale les autres
matières qu'ils visent et qui ne relèvent pas autrement de
l'autorité exclusive du pouvoir fédéral. Cet effet ne peut certai-
nement pas se produire à l'égard de l'al. e) de l'art. 7 qui,
comme on l'interprète dans la jurisprudence, n'a pas avec la
protection des marques de commerce, des noms commerciaux,
des brevets d'invention ou du droit d'auteur le lien qu'on
prétend trouver dans les al. a), b) et d). Même s'il était possible
de donner à tous les alinéas de l'art. 7 une portée restreinte à la
réglementation fédérale dans le domaine des brevets, des mar-
ques de commerce, des noms commerciaux et du droit d'auteur,
la présente affaire ne tombe pas dans ce domaine parce qu'elle
concerne un abus de confiance par un employé et l'appropria-
tion de renseignements confidentiels.
aux pages 158 et 159:
La Loi sur les marques de commerce dans son ensemble n'est
pas contestée et la validité de ses dispositions sur les marques
de commerce n'est pas mise en question. Puisque l'al. e) de
l'art. 7 n'a pas trait aux marques de commerce, sa présence
dans la Loi sur les marques de commerce n'est pas une garantie
de validité simplement parce que les principales dispositions
n'en sont pas attaquées.
aux pages 165 et 166:
C'est en vain qu'on cherche dans l'art. 7, à plus forte raison
dans l'al. e), un système de réglementation. L'application en est
laissée à l'initiative des particuliers, sans contrôle public par un
organisme qui surveillerait de façon permanente l'application
des règlements, ce qui donnerait au moins quelque apparence
de fondement à la prétention que l'al. e) de l'art. 7 est de portée
nationale ou qu'il vise tout le Canada. L'objet de la disposition
n'est pas le commerce mais l'éthique des personnes qui s'adon-
nent au commerce ou aux affaires, et, à mon avis, on ne peut
maintenir une semblable disposition seule et sans lien avec un
système général régissant les relations commerciales dépassant
l'intérêt local. Même en disant qu'elle vise des pratiques com-
merciales, son application pour action civile à l'instance des
particuliers lui donne un caractère local parce qu'elle vise, dans
ses termes, des concurrents locaux ou à l'intérieur d'une même
province aussi bien que des concurrents au niveau interprovin-
cial.
On dit toutefois que l'art. 7, ou l'al. e) en particulier, peut
être considéré comme une partie d'un système général de
réglementation englobant la loi même où il est inséré ainsi que
des lois connexes comme la Loi sur les brevets, S.R.C. 1970, c.
P-4, la Loi sur le droit d'auteur, S.R.C. 1970, c. C-30 et la Loi
sur les dessins industriels, S.R.C. 1970, c. I-8.
La Loi sur les marques de commerce et la Loi sur les
brevets, qui sont les pivots du système se distinguent par des
registres publics et un contrôle administratif que ne prévoit
aucunement l'art. 7. Cela est également vrai de la loi sur le
droit d'auteur mais, on le sait, les brevets et le droit d'auteur
sont expressément mentionnés dans la liste des matières de
compétence fédérale et le pouvoir fédéral exclusif y exclut toute
compétence provinciale. Ce n'est pas le cas pour la concurrence
déloyale visée à l'art. 7 de la Loi sur les marques de commerce.
Dans Attorney -General of Ontario v. Attorney -General of
Canada ([1937] A.C. 405), le Conseil privé a, non sans précau-
tion, rattaché la loi sur les marques de commerce (ce qui
vaudrait pareillement pour la loi sur les dessins industriels qui
prévoit également un régime d'enregistrement) à la compétence
fédérale en la matière d'échanges et de commerce.
à la page 167:
Lorsque la Cour suprême du Canada a entendu cette der-
nière affaire (Renvoi sur la Loi sur la Commission fédérale du
commerce et de l'industrie, 1935 ([1936] R.C.S. 379)) elle n'a
pas examiné seulement les art. 18 et 19 visant la marque C.S.
(qu'elle a jugés ultra vires, décision infirmée par le Conseil
privé), elle a aussi étudié l'art. 14 qui prescrivait que le
gouvernement pouvait approuver des ententes conclues en vue
de contrôler et de réglementer les prix, entre personnes enga
gées dans des industries particulières au sein desquelles aurait
existé une concurrence ruineuse ou démoralisante. On a jugé
cette disposition ultra vires parce qu'elle pouvait s'appliquer à
des ententes qui pourraient avoir trait à un commerce absolu-
ment local. La Cour suprême du Canada a ajouté (à la p. 382):
S'il se limitait au commerce extérieur et au commerce
interprovincial, ledit article pourrait bien ressortir à la rubri-
que n° 2 de l'art. 91; et si la loi portait, en substance, sur un
commerce de ce genre, une loi accessoire relative au com
merce local et nécessaire pour empêcher l'échec des disposi
tions régulières pourrait également être constitutionnelle;
mais nous estimons que, dans son texte actuel, cet article est
invalide.
Il n'y a pas eu d'appel au Conseil privé à l'égard de cette
opinion et la Cour suprême, à mon avis, n'a pas jugé que l'art.
14 pouvait être maintenu comme partie d'un système de
réglementation.
Je crois qu'en l'espèce, on en arrive a fortiori à la même
conclusion puisque non seulement l'art. 7 ne vise pas essentielle-
ment le commerce interprovinciaf ou extérieur mais de plus il
n'est pas relié à un organisme de surveillance rattaché au
système de contrôle public qui s'exerce sur les marques de
commerce. Parler de réglementation relative aux marques de
commerce comme d'un système pour prévenir la concurrence
déloyale et vouloir de la sorte faire tomber l'art. 7 dans le
domaine de la compétence fédérale équivaut à rémplacer l'ana-
lyse par la nomenclature.
aux pages 172 et 173:
En l'espèce, j'en viens à la conclusion suivante. Ni l'art. 7
dans son ensemble, ni l'al. e) considéré seul ou en relation avec
l'art. 53, n'est une loi fédérale valide relative à la réglementa-
tion des échanges et du commerce ou une autre rubrique de
compétence fédérale. Il y a empiètement sur la compétence
législative provinciale dans la situation comme elle se présente.
Toutefois l'art. 7 comprend des dispositions visant les fins de la
loi fédérale dans la mesure où l'on peut les considérer comme
un complément des systèmes de réglementation établis par le
Parlement dans l'exercice de sa compétence à l'égard des
brevets, du droit d'auteur, des marques de commerce et des
noms commerciaux. Si les alinéas de l'art. 7 se limitaient à cela,
ils seraient valides et, si l'al. e) qui est le seul dont la constitu-
tionnalité soit contestée en l'espèce, pouvait être ainsi restreint,
je serais certainement prêt, à maintenir dans cette mesure sa
validité. Je suis toutefois d'avis (et ici je m'inspire de l'étude de
l'al. e) dans l'affaire Eldon Industries [Eldon Industries Inc. c.
Reliable Toy Co. Ltd. (1965), 48 C.P.R. 109, 54 D.L.R. (2e)
97, [1966] 1 O.R. 409]), que l'al. e) n'a plus d'objet à l'égard
des brevets, du droit d'auteur, des marques de commerce et des
noms commerciaux après que ces rubriques du pouvoir législa-
tif ont été appliquées aux alinéas précédents. De toute façon, en
l'espèce, les faits ne soulèvent aucune question de contrefaçon
de brevet ou d'usurpation de droit d'auteur ou de marque de
commerce ni aucun délit relié à ces matières ou à un nom
commercial. Il n'y a rien d'autre que l'allégation d'une violation
de contrat par un ex-employé, un abus de confiance et d'une
appropriation frauduleuse de renseignements confidentiels. Une
législation ayant pour objet un droit d'action statutaire à cet
égard n'est pas de compétence fédérale. [Tous les souligne-
ments dans ces passages sont de moi.]
A la lecture de ce qui précède, il semble clair
que non seulement l'article 7e) a été désavoué,
mais que la Cour a aussi statué qu'on ne saurait
reconnaître à l'article 7, pris dans son ensemble,
une validité absolue, et que si l'on veut donner à
l'article 7b) une certaine validité, celui-ci doit
avoir «une certaine relation . .. [avec] la compé-
tence fédérale ... sur les marques de commerce et
les noms commerciaux» découlant de la deuxième
rubrique de l'article 91 de l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique, 1867, 30 & 31 Victoria, c. 3
(R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice II], savoir, La
réglementation du trafic et du commerce. Il n'est
certainement pas question d'essayer de justifier sa
validité seulement en se fondant uniquement sur le
pouvoir du gouvernement fédéral de réglementer le
trafic et le commerce sans l'associer, d'une façon
essentielle et fondamentale, à la législation sur les
marques de commerce.
La Cour d'appel fédérale n'a jamais eu à se
prononcer sur la constitutionnalité de l'article 7b).
En Division de première instance, les avis sont
partagés sur le sujet.
A trois reprises, le juge Walsh a, non sans
hésitation, dit que cet article était constitutionnel
et relevait de la compétence de la présente Cour. Il
s'agit des décisions Aluminum Co. of Canada Ltd.
c. Tisco Home Building Products (Ontario) Ltd. 19 ,
Adidas (Canada) Ltd. c. Colins Inc. 20 et Imperial
Dax Co., Inc. c. Mascoll Corp. Ltd. 21 Dans l'af-
faire Adidas, il dit à la page 174 du recueil:
[TRADUCTION] J'ai eu l'occasion d'analyser la décision
Vapour Canada dans l'arrêt Aluminum Co. of Canada Ltd. et
al. c. Tisco Home Building Products (Ontario) Ltd. et al.
(1977), 33 C.P.R. (2') 145 et de faire des commentaires à ce
sujet et j'ai conclu, avec quelque réserve, que cette Cour était
compétente pour entendre une action en passing off qui a été
intentée aux termes de l'art. lb) de la Loi sur les marques de
commerce. Je conclus que l'action en passing off de la deman-
deresse, relativement aux vêtements en cause, est bien fondée et
qu'une injonction doit être décernée pour lesdits vêtements.
Dans l'affaire Imperial Dax, il s'exprime en ces
termes à la page 64:
19 (1978) 33 C.P.R. (2') 145.
20 (1979) 38 C.P.R. (2') 145.
21 (1979) 42 C.P.R. (2') 62.
[TRADUCTION] Par conséquent, jusqu'à ce que la Cour
suprême se prononce de nouveau sur les autres alinéas de l'art.
7, je conclus que les procédures intentées devant cette Cour en
vertu de ces alinéas ne peuvent être rejetées pour défaut de
compétence.
D'autre part, dans l'affaire plus récente McCain
Foods Ltd. c. C. M. McLean Ltd. 22 , à propos d'une
requête fondée sur la Règle 474 en vue d'obtenir
de la Cour une décision préliminaire sur un point
de droit, il s'est refusé à trancher cette question
pour la laisser à l'appréciation du juge de première
instance. Cependant, s'il a été procédé ainsi c'est
que chacune des deux parties avait, semble-t-il, ses
raisons de voir l'article considéré comme valide.
Le juge Dubé a rejeté une demande interlocu-
toire fondée sur l'article 7e) et tendant à la radia
tion d'un paragraphe d'une déclaration au motif
que, dans l'affaire MacDonald c. Vapor Canada
Ltd., précitée, il semble que le juge en chef Laskin
ait eu des doutes sur la validité de cet article en
matière de brevets et de marques de commerce. Le
juge Dubé a préféré laisser cette question à l'ap-
préciation du juge du fond (voir Balinte c. DeCloet
Bros. Ltd. 23 ). La Cour d'appel a confirmé sa déci-
sion, déclarant que sur requête interlocutoire, une
déclaration ne devait être radiée que dans des cas
clairs et évidents (voir De Cloet Bros. Ltd. c.
Balinte 24 pour le compte rendu de l'appel).
D'autre part, dans l'affaire Weider c. Industries
Beco Ltée 25 , le juge Mahoney a radié de la décla-
ration des demandeurs la partie fondée sur l'article
7b) au motif que ce dernier était ultra vires du
gouvernement fédéral et ne relevait pas, par consé-
quent, de la compétence de la présente Cour. Il dit
ceci aux pages 742 et 743 du recueil susmentionné:
Appliqué aux faits allégués dans la déclaration, on ne peut
considérer l'article 7b) de la Loi sur les marques de commerce
comme un complément du système de réglementation prévu par
le Parlement dans l'exercice de la compétence que lui accorde
l'article 91(22) de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique
de légiférer en matière de brevets. La Loi sur les brevets
[S.R.C. 1970, c. P-4] fournit aux demandeurs des causes
d'action et des recours pour faire valoir et pour protéger les
droits qu'elle leur accorde. Ils ne servent en rien l'esprit de la
Loi sur les brevets en cherchant une cause d'action à l'article
7b) de la Loi sur les marques de commerce ou un redressement
à l'article 53.
22 (1980) 45 C.P.R. (2') 150.
23 (1979) 40 C.P.R. (2') 157.
24 [1980] 2 C.F. 384.
25 [1976] 2 C.F. 739.
Ultérieurement, dans l'affaire Dominion Mail
Order Products Corporation c. Weider 26 , quoiqu'il
n'ait pas tranché directement la question, il a
exprimé des doutes sur l'article 7b). Voici les
propos qu'il tient à ce sujet à la page 142 du
recueil:
... l'action qu'il a intentée en Ontario en vue d'obtenir des
dommages-intérêts pour un passing off qui, à mon avis, ne
pourraient être obtenus devant cette Cour par suite de la
décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire
MacDonald c. Vapor Canada Ltd.
Mon collègue le juge Cattanach a également
fait de sérieuses réserves sur l'article 7b) dans
l'affaire S. C. Johnson & Son, Ltd. c. Marketing
International Ltd. 27 , où il dit à la page 31:
Vu les remarques du juge en chef dans l'affaire MacDonald
et Vapour, j'hésite à admettre que cette Cour soit compétente
pour connaître d'une action en contrefaçon ou d'un recours
fondé sur l'art. 7b) et c). Je comprends difficilement comment
une action en contrefaçon qui découle de la common law puisse
être partie intégrante d'un système de réglementation, surtout
lorsque la loi ouvre le recours en usurpation de marque. Toute-
fois, ce point avec tout ce qu'il entraîne n'a pas été plaidé en
l'espèce; c'est pourquoi je ne me prononce pas là-dessus.
Il rejeta alors la demande d'injonction fondée sur
l'article 7b), mais la demanderesse obtint néan-
moins gain de cause et une injonction portant
interdiction de l'emploi de sa marque fut accordée.
Dans l'affaire Valle's Steak House c. Tessier 28 ,
mon collègue le juge Marceau a accueilli une
demande fondée sur l'article 7b), mais la question
de la constitutionnalité de cet article n'a jamais été
soulevée devant lui au procès ni abordée dans ses
motifs. En revanche, dans la décision qu'il a
rendue dans l'affaire Rocois Construction Inc. c.
Quebec Ready Mix Inc. 29 , où il était question non
de brevets, mais d'une action fondée sur l'article
31.1 de la Loi relative aux enquêtes sur les
coalitions 30 , il a clairement affirmé qu'il y a lieu
de mettre des limites très strictes à la législation
fondée sur la deuxième rubrique de l'article 91 de
l'A.A.N.B.
Le juge en chef Jackett, siégeant alors à la Cour
d'appel fédérale, dans l'affaire Marketing Interna-
26 [1977] 1 C.F. 141.
27 (1978) 32 C.P.R. (2') 15.
28 [1981] 1 C.F. 441.
29 [1980] 1 C.F. 184.
3o S.R.C. 1970, c. C-23.
tional Ltd. c. S.C. Johnson & Son, Ltd. 31 , dit ceci
à la page 70 du recueil:
Me référant à l'article 7b), je ne crois pas nécessaire d'exa-
miner les preuves. Il s'agit, pour la plupart, de preuves qui
s'expliquent d'elles-mêmes. Si l'on concluait, cependant, que,
selon les preuves, ce cas tombe dans la catégorie prévue par
l'article 7b), je ferais observer que, tenant compte du raisonne-
ment sur lequel est fondée la décision MacDonald c. Vapor
Canada Limited ([1977] 2 R.C.S. 134), la réclamation qui y
est faite aurait pu être rejetée au motif que l'article 7b) est
ultra vires. Comme nous n'avons pas entièrement analysé cet
aspect de la matière, je serais enclin à offrir aux parties
l'occasion d'une discussion supplémentaire à cet égard, avant de
disposer de cette partie du litige sur ce fondement.
Après avoir examiné en détail l'arrêt MacDo-
nald c. Vapor Canada, précité, le juge J. Holland,
de la Cour suprême de l'Ontario, dans l'affaire
Seiko Time Canada Ltd. c. Consumers Distribu
ting Co. Ltd. 32 , a estimé que la Cour suprême du
Canada avait déclaré l'article 7 tout entier complè-
tement ultra vires. Toutefois, selon le juge de
première instance lui-même, il s'agissait là nette-
ment d'un obiter dictum, puisque la décision
repose sur d'autres motifs.
En raison non pas de la règle du précédent, mais
d'une saine administration judiciaire, je me dois,
sauf dans des cas exceptionnels qui ont été, dans
une large mesure, soigneusement déterminés par la
jurisprudence traitant de ce sujet, de suivre les
décisions antérieures de la Division de première
instance de la présente Cour. Par conséquent, je
souscris à la décision rendue par le juge Wilson
dans l'affaire Re Hansard Spruce Mills Ltd. 33 et
me considère lié par les principes mentionnés par
le juge Urie dans l'arrêt qu'il a rendu au nom de la
Cour d'appel fédérale dans l'affaire Armstrong
Cork Canada Limited c. Domco Industries
Limited 34 , dans la mesure où ces principes sont
applicables à un tribunal de première instance.
Mais puisqu'il existe actuellement des points de
vue divergents, publiquement exprimés, et des
décisions opposées de la Division de première ins
tance sur le point litigieux dont je suis saisi, je me
sens libre de statuer sur la question sans être
moralement lié par ces bons principes d'adminis-
tration judiciaire.
31 [1979] 1 C.F. 65.
32 (1981) 29 O.R. (2e) 221.
33 [1954] 4 D.L.R. 590.
34 [1981] 2 C.F. 510.
Pour déterminer si l'action en concurrence
déloyale fait bien partie ou relève de la législation
sur les marques de commerce, il convient d'exami-
ner, dans une certaine mesure, la nature de cette
action, et plus particulièrement les principes sur
lesquels elle repose, ainsi que les droits qu'elle vise
à protéger. Après avoir examiné soigneusement et
d'une façon très intéressante l'historique et le déve-
loppement des actions de passing off dans l'affaire
Erven Warnink B.V. c. J. Townend & Sons (Hull)
Ltd. 35 , lord Diplock s'exprime en ces termes à la
page 92:
[TRADUCTION] A ce sujet, il y a lieu de se référer aux propos
tenus par lord Parker dans l'affaire Spalding c. Gainage (1915)
32 R.P.C. 273. Dans un discours qui a rencontré l'agrément des
autres membres de cette Chambre, il a assimilé le droit dont la
violation donne lieu à l'action de passing off au «droit de
propriété sur l'entreprise ou l'achalandage susceptible d'être
affecté par la fausse déclaration». Le concept d'achalandage
est, en droit, un concept large, et lord MacNaghten l'a sans
doute assez bien défini dans l'affaire C.LR. c. Muller [1901]
A.C. 217, à la page 223: «C'est le bénéfice et l'avantage tirés du
renom, de la réputation et des relations d'une entreprise. C'est
ce qui attire la clientèle.» [C'est moi qui souligne.]
Dans la même affaire, lord Fraser of Tullybelton
dit ceci aux pages 102 et 103 du même recueil:
[TRADUCTION] Comme mon noble et savant ami lord Diplock
l'a dit dans l'affaire Star Industrial Co. Ltd. c. Yap Kwee Kor
[1976] F.S.R. 256, à la page 269,
«Quels qu'aient été les doutes sur la nature juridique des
droits protégés par une action de passing off devant les
tribunaux de common law ou d'equity, ces doutes ont été
dissipés voilà plus de 60 ans par les propos tenus par lord
Parker of Waddington dans A. G. Spalding & Bros. c. A. W.
Gamage Ltd. et auxquels les autres membres de la Chambre
des lords ont souscrit. L'action de passing off est une voie de
recours contre la violation d'un droit de propriété non pas sur
la marque, le nom ou la présentation abusivement employés,
mais sur l'entreprise ou l'achalandage susceptible d'être
affecté par la déclaration fausse consistant à faire passer les
marchandises d'une personne pour celles d'une autre. L'acha-
landage, en tant qu'objet du droit de propriété, ne saurait
subsister isolément. Il n'a pas d'existence propre en dehors de
l'entreprise à laquelle il se rattache. Il est, par nature, local et
divisible; si le commerce est exercé dans plusieurs pays, un
achalandage distinct s'y rattache dans chacun de ces pays.
Ainsi, lorsqu'une entreprise est abandonnée dans un pays où
elle a acquis une clientèle, celle-ci disparaît avec elle, quoique
l'entreprise puisse continuer d'être exploitée dans d'autres
pays.» [C'est moi qui souligne.]
L'article 7b) a codifié les dispositions de la
common law, mais celles-ci ont été, en fait, quel-
que peu élargies par cet article et aussi par son
35 [1980] R.P.C. 31.
prédécesseur, l'article 11 de l'ancienne Loi sur la
concurrence déloyale 36. Voici ce qui est dit dans
Fox, The Canadian Law of Trade Marks and
Unfair Competition 37 , aux pages 504 et 505:
[TRADUCTION] L'action légale: L'action de l'art. 7b) et c) de
la Loi sur les marques de commerce, comme dans le cas de
l'art. 11b) de la Loi sur la concurrence déloyale, correspond à
l'action de common law dite de passing off. (Canadian Con
verters Co. Ltd. c. Eastport Trading Co. Ltd. (1968), 39 Fox
Pat. C. 148, à la page 150.) Le critère fondamental imposé par
l'art. 7b) consiste dans l'appel de l'attention du public sur les
marchandises, les services ou l'entreprise d'une personne, de
manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confu
sion entre ces derniers et ceux d'une autre. ( ... Old Dutch
Foods Ltd. c. W. H. Malkin Ltd. et al. (1969), 42 Fox Pat. C.
124,à la page 131.) Tout ce qui équivaudrait en Angleterre, à
du passing off tomberait dans les interdictions de cet article.
Dans Coca-Cola Co. of Canada Ltd. c. Bernard Beverages
Ltd., (8 Fox Pat. C. 194, à la page 209, [1949] R.C.É. 119, à la
page 135, 9 C.P.R. 121) le président Thorson a estimé qu'il
pourrait même avoir un champ d'application plus grand. Il a
souligné que la cause d'action sous le régime de cet article est
plus étendue que dans le cas de la contrefaçon, puisque la
contrefaçon n'est qu'une des formes de concurrence déloyale
qu'interdit cet article. Cette concurrence peut comporter d'au-
tres formes n'impliquant aucune contrefaçon de marque de
commerce. Par conséquent, même si un demandeur échouait
dans une action en contrefaçon, il pourrait peut-être obtenir
quand même gain de cause sur le fondement de l'art. 7.
Réciproquement, le fait qu'un défendeur soit trouvé coupable
de contrefaçon ne le rend pas ipso facto responsable selon cet
article, puisqu'il pourrait rapporter la preuve que sa conduite,
nonobstant la contrefaçon, ne tombe pas dans l'interdiction de
cet article.
A ce sujet, je cite un passage de mon jugement
dans l'affaire The Noshery Ltd. c. The Penthouse
Motor Inn Ltd., précitée, à la page 214:
[TRADUCTION] Il importe également de se rappeler que les
actions de passing off, qui sont intentées en vertu de la loi
actuelle, diffèrent de celles autrefois fondées sur la common
law. La loi actuelle et la common law diffèrent quant à
l'importance attribuée à la coïncidence de marchandises ou
services. En common law, les parties devaient être des concur-
rentes. Dans l'action moderne intentée sous le régime de la Loi
sur les marques de commerce, telle qu'elle existe depuis 1953,
la plainte porte sur la confusion entre les marchandises et les
services du demandeur et ceux d'un autre. A cet égard, le
remplacement de l'expression «d'un concurrent», qui se trouvait
auparavant à l'art. 11b) de la Loi sur la concurrence déloyale,
S.R.C. 1952, c. 274, par l'expression «d'un autre» dans ce qui
est maintenant l'art. 7b) de la Loi sur les marques de com
merce, est une modification des plus importantes. La confusion
de nature à tromper le public est l'élément essentiel à prendre
en compte; il n'existe plus de condition restrictive de coïnci-
dence des marchandises ou services. Cette confusion de nature
à induire en erreur pourrait parfois survenir lors même que les
services n'appartiennent pas à la même catégorie générale.
36 S.R.C. 1952, c. 274.
37 1972, troisième édition.
Les remarques précédentes s'appliquent très
bien au point litigieux. Si je me suis permis de
citer un passage de mes propres motifs, c'est que la
Cour suprême du Canada, en commentant l'affaire
Noshery dans l'arrêt MacDonald c. Vapor
Canada, précité, m'a bien à tort attribué une vue
diamétralement opposée du champ d'application
de l'article 7b). Le juge en chef Laskin s'exprime
en ces termes à ce sujet à la page 152:
Dans The Noshery Ltd. v. The Penthouse Motor Inn Ltd.
((1969), 61 C.P.R. 207) le juge Addy, alors juge de la Cour
suprême de l'Ontario, a, au contraire*, décidé que l'al. b) de
l'art. 7 ne s'applique qu'entre concurrents.
( * NOTE: Les deux causes auxquelles il songeait
sont Building Products Ltd. c. B.P. Canada Ltd.
(1959) 31 C.P.R. 29, (1962) 21 Fox Pat. C. 130 et
Greenglass c. Brown (1964) 40 C.P.R. 145, (1963)
24 Fox Pat. C. 21.)
Nulle part dans l'affaire Noshery, n'ai-je dit ou
laissé entendre que l'article 7b) ne s'applique
qu'entre concurrents. J'ai lu la décision Greenglass
et, loin d'être en désaccord avec ce qu'a dit le juge
Kearney de l'article 7b), je me suis, dans l'affaire
Noshery, pleinement rallié à son opinion. J'ai lu
aussi l'affaire Building Products. Dans cette
affaire, le juge Cameron n'était pas saisi d'une
action de passing off intentée sous le régime de
l'article 7b), mais d'une demande tendant au pro-
noncé d'une injonction interdisant l'emploi d'un
nom commercial et d'une marque de commerce et
la continuation de la contrefaçon d'une marque
enregistrée. L'action ne portait pas sur les mar-
chandises ou services eux-mêmes, mais seulement
sur la marque ou le nom. Il n'était nullement
question de l'article 7b). La question précise qu'a-
vait à examiner la Cour était de savoir si un exposé
des preuves et un rapport, tous deux relatifs à une
procédure entièrement différente engagée en vertu
de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions,
S.R.C. 1952, c. 314, pouvaient servir de preuve
dans l'action concernant la marque de commerce
et le nom commercial de la demanderesse.
Il n'est pas courant que les rôles soient inversés
et qu'un juge de première instance ait le rare
privilège de trancher définitivement une question.
Quoiqu'à première vue d'une importance relative-
ment secondaire, la modification faite en 1953 par
la substitution de l'expression «services d'un autre»
à l'expression «services d'un concurrent» pourrait,
si cet article était en fin de compte déclaré consti-
tutionnel, influer directement sur l'issue de la pré-
sente cause, puisque, tous les motels de la deman-
deresse se trouvant aux États-Unis et tous ceux de
la défenderesse étant situés au Canada, les parties
ne sauraient, à mon avis, être considérées comme
concurrentes.
Même si le texte de l'article 7b) a, dans une
certaine mesure, élargi la portée de l'action de
passing off de la common law, il n'a pas changé la
nature de cette action ni l'un quelconque de ses
autres éléments essentiels. D'ailleurs, je ne connais
aucune décision publiée qui ait donné à entendre le
contraire. Le droit qui fait l'objet de cette action
est toujours le droit de propriété sur l'entreprise et
l'achalandage susceptibles d'être lésés. L'action
porte toujours sur la violation d'un droit sur cette
propriété et non d'un droit sur la marque ou le
nom abusivement employés. Le fait que la portée
de la disposition légale puisse être plus étendue que
celle de l'action de common law n'a pas pour effet
de la relier plus étroitement au «système général
régissant les marques de commerce». Au contraire,
plus la portée de cette disposition est grande,
moins cette dernière est susceptible de s'adapter,
malgré toute l'habileté de celui qui l'utilise, aux
dispositions étroites et soigneusement délimitées
sur l'enregistrement et le contrôle des marques de
commerce.
Après avoir examiné la nature d'une action
intentée en vertu de l'article 7b), on doit replacer
celui-ci dans le contexte de notre constitution.
Les brevets et les droits d'auteur sont des sujets
sur lesquels compétence est expressément dévolue
au fédéral par les rubriques 22 et 23 de l'article 91
de l'A.A.N.B. Il en va tout autrement des marques
de commerce. Comme il a été dit précédemment,
le pouvoir législatif fédéral à ce sujet tient sa
validité constitutionnelle du pouvoir général du
gouvernement fédéral de réglementer le trafic et le
commerce dans les domaines des commerces inter-
provincial et extérieur (rubrique 2 de l'article 91).
En tout cas, l'article 7b) lui-même ne porte certai-
nement pas sur le commerce interprovincial ou
extérieur ou sur la réglementation du trafic à
travers le Canada; par conséquent, vu les circons-
tances de fait de l'espèce, si cet article a quelque
validité constitutionnelle, celle-ci doit être fondée
d'une manière ou d'une autre sur le droit des
marques de commerce.
Pour que l'autorité fédérale puisse, en vertu de
la deuxième rubrique de l'article 91, exercer vala-
blement son pouvoir sur une question qui relève
clairement du domaine de la propriété et des droits
civils, domaine ordinairement réservé aux législa-
tures provinciales, cette question doit se rattacher
nécessairement au pouvoir de réglementer le trafic
et le commerce.
Il s'ensuit que, pour que puisse être prise une loi
supplémentaire qui ne traite pas directement des
marques de commerce, mais qui doit trouver son
fondement dans le domaine de la législation sur les
marques de commerce, il faut qu'elle contribue,
essentiellement ou fondamentalement, à la régle-
mentation ou au contrôle des marques de com
merce, ou, à tout le moins, qu'elle y soit nécessai-
rement ou intimement reliée. A mon avis, c'est
dans ce sens que la Cour suprême du Canada a
déclaré que la disposition doit avoir un «lien avec
un système général régissant les marques de com
merce» ou appuyer «la réglementation fédérale
dans le domaine des brevets, des marques de com
merce, des noms commerciaux et du droit d'auteur
. . .ü ou avoir «une certaine relation ... [avec] la
compétence fédérale ... sur les marques de com
merce et' les noms Icommerciaux ....1n Le lien doit
être intime et important, l'appui, réel et substan-
tiel, et le rapport, celui de frères de sang (on
n'oserait pas, de nos jours, dire de ce rapport qu'il
doit être aussi étroit que celui qui unit des camara-
des de lit). Un rapport purement accidentel ou une
question qui n'est rien d'autre qu'une chose acces-
soire, un complément, un appendice ou un orne-
ment ne saurait suffire. Autrement, l'accessoire
l'emporterait sur le principal alors qu'il est destiné
à compléter ce dernier.
Quant à la validité de la loi sur les marques de
commerce elle-même, j'estime que les remarques
du juge en chef Laskin dans la décision MacDo-
nald c. Vapor Canada, précitée, nous sont d'un
secours considérable. Après avoir examiné beau-
coup des arrêts du Conseil privé qui, rendus après
l'arrêt bien connu Parsons, ont, semble-t-il, tour à
tour élargi et restreint le pouvoir du Parlement du
Canada de légiférer en matière de trafic et de
commerce, il dit ceci aux pages 163 et 164:
Ils [les arrêts du Conseil privé] ont toutefois pour effet d'indi-
quer qu'il faut qu'il s'agisse d'échanges commerciaux ou étran-
gers: si l'on veut qu'une loi fédérale imposant la réglementation
par une autorité publique et la soustrayant à l'initiative indivi-
duelle soit valide ou, si l'on considère la réglementation du
crédit (pour reprendre l'opinion exprimée par le juge en chef
Duff dans le renvoi relatif aux lois de l'Alberta ([19381 R.C.S.
100)), la loi doit prévoir une réglementation publique applica
ble à la poursuite des activités commerciales dans tout le
Canada. [C'est moi qui souligne.]
Dans une action de passing off, pour citer
encore le juge en chef du Canada [à la page 165],
l'«application en est laissée à l'initiative des parti-
culiers, sans contrôle public par un organisme qui
surveillerait de façon permanente l'application des
règlements» et elle est «sans lien avec un système
général régissant les relations commerciales», alors
que la Loi sur les marques de commerce se carac-
térise par des registres publics et un contrôle admi-
nistratif nullement applicables à l'article 7b).
En l'espèce, l'action de passing off a été intro-
duite par une partie qui attaque également la
marque de commerce de la défenderesse. Non
seulement cette action n'est pas nécessaire pour
invalider l'enregistrement de cette marque, mais
elle n'atteindrait pas ce but si la preuve portait
uniquement sur la question de passing off de
services. Une marque ne peut être déclarée inva-
lide Ore pour les motifs précis et sur la base des
éléments de preuve expressément prévus aux arti
cles de la Loi traitant de la validité des marques, et
pour nul autre motif ou preuve. Il convient égale-
ment de souligner que l'époque à laquelle doit se
rapporter la 'preuve est différente. Lorsque la vali-
dité d'une marque est attaquée sur la base d'un
emploi ou d'une révélation antérieure, l'époque
décisive est la date de production de la demande
d'enregistrement (voir article 16(3) de la Loi sur
les marques de commerce, précité); quand elle est
attaquée en raison de l'absence de caractère dis-
tinctif, c'est l'époque où ont été engagées les procé-
dures qui importe (voir Loi sur les marques de
commerce, article 18(1)b), précité); par contre,
dans le cas de l'action de passing off, c'est le
moment où les actes reprochés ont eu lieu pour la
première fois qu'il convient de prendre en compte.
Les trois principaux motifs pour lesquels une
marque peut être attaquée ont été discutés plus
haut dans les présents motifs. Ils sont tout à fait
différents de ceux pour lesquels une action de
passing off fondée sur l'article 7b) ou sur la
common law peut être engagée. De même, la
marque pourrait être déclarée invalide pour l'un
quelconque des trois motifs principaux ou pour
tous les trois prévus par la Loi, et la radiation de
l'enregistrement être ordonnée, lors même qu'une
action de passing off serait rejetée sur le fond.
Les domaines où il existe des différences consi-
dérables entre une action de passing off fondée sur
l'article 7b) et une action tendant à faire invalider
une marque de commerce pourraient être résumés
comme suit: la «chose» ou le droit protégé, la cause
d'action, les motifs sur lesquels repose l'action, la
nature des preuves à produire et l'époque à
laquelle celles-ci doivent se rapporter. D'autre
part, je ne trouve rien de vraiment commun entre
une action de passing off fondée sur l'article 7 et
l'une quelconque des actions susmentionnées. Par
conséquent, je ne vois pas comment on peut consi-
dérer une action fondée sur l'article 7b), ou l'arti-
cle 7b) lui-même, comme [TRADUCTION] «un com-
plément de la loi fédérale sur les marques de
commerce». Enfin, lorsqu'une marque de com
merce est déclarée invalide, il s'agit d'une décision
in rem. Dans une action de passing off, le juge-
ment, de par sa nature même, ne saurait en aucun
cas être considéré comme une décision in rem.
J'estime donc que l'article 7b) de la Loi sur les
marques de commerce est ultra vires du pouvoir
législatif fédéral, et que la présente Cour est
incompétente pour juger la question soit sur le
fondement de cet article, soit, a fortiori, sur la
base de l'action de passing off de la common law.
Cette partie de la demande de la demanderesse
sera, par conséquent, rejetée.
CONSTATATIONS DE FAIT RELATIVES À L'ARTI-
CLE 7b)
Les avocats des deux parties ont déclaré que
quelle que soit ma décision sur la question de la
constitutionnalité de l'article 7b), il en sera fait
appel. C'est pour cette raison qu'ils m'ont
demandé de procéder aux constatations de fait qui
permettront de statuer au fond et d'éviter un nou-
veau procès, au cas où cet article serait en fin de
compte déclaré intra vires.
Ayant examiné mes motifs, j'estime qu'à l'ex-
ception de quelques constatations secondaires aux-
quelles je vais maintenant procéder, toutes les
constatations de fait requises pour statuer au fond
sur une action de passing off fondée sur l'article
7b) ont été faites lorsque j'ai abordé les diverses
autres questions soulevées par la présente action.
Je constate que la défenderesse a toujours agi en
connaissance de cause: par son dirigeant Harrison,
elle connaissait bien l'existence de la marque, du
nom et de l'entreprise de la demanderesse lors-
qu'elle a décidé d'adopter son propre nom et sa
propre marque. Au vu de tous les éléments de
preuve, j'estime que, selon la prépondérance de la
preuve, c'est précisément à cause de l'existence du
nom, de la marque et de la réputation de la
demanderesse que la défenderesse a adopté le nom
«Motel 6» comme partie de sa marque et que la
marque choisie ressemble tant à celle de la deman-
deresse. Il est permis de conclure que la conduite
de la défenderesse touche à la pratique commer-
ciale répréhensible, puisque je suis convaincu
qu'elle voulait amener les automobilistes à croire
qu'il existait des rapports entre les deux sociétés
considérées. Elle voulait tirer parti de la bonne
réputation que s'était faite la demanderesse sur ce
marché. A partir du ler juin 1973, date à laquelle
la défenderesse a ouvert son motel à Vernon, il est
très probable que quelques automobilistes aient
cru que ce motel appartenait à la chaîne améri-
caine. Il existe des preuves quant à l'existence d'un
«Big 6 Motel» à Revelstoke, en Colombie-Britanni-
que, mais il n'existe, semble-t-il, aucune autre
preuve quant à l'emploi du chiffre «6» en liaison
avec des motels au Canada.
Pour ce qui est du nom de la défenderesse et de
son intention de profiter de la clientèle de la
demanderesse, la première a originairement essayé
de se constituer exactement sous le même nom que
la dernière. Le nom «No. 6 Motel Ltd.» a été
adopté parce que les autorités compétentes de la
province ont rejeté «Motel 6 Ltd.» comme dénomi-
nation sociale. A cet égard, j'attribue peu d'impor-
tance et peu de foi à la preuve que le public n'est
pas trompé sur l'identité de la demanderesse puis-
que les téléphonistes de la défenderesse ont reçu
l'ordre d'identifier, et identifient effectivement, ses
motels comme «No. 6 Motel» et non comme
«Motel 6». Finalement, je ne suis certainement pas
disposé à dire que la marque de la demanderesse
est faible. Elle a été imitée d'une manière flagrante
par la défenderesse.
Les constatations précédentes ainsi que celles
que j'ai faites en jugeant les autres points soulevés
sont, à mon avis, toutes celles propres à permettre
de trancher la question de passing off Je m'abs-
tiens délibérément de statuer au fond, puisqu'il est
toujours possible que la demanderesse intente
devant la Cour suprême de la Colombie-Britanni-
que une action de passing off en se fondant sur la
common law si elle n'a pas eu gain de cause après
avoir épuisé tous les recours dans la présente
action. Si une telle action était intentée, se pose-
rait, bien entendu, la très importante question de
savoir si l'action de common law a évolué au point
où les parties n'ont pas besoin d'être des concur-
rentes, et dans l'affirmative, celle de savoir si cette
action est ouverte lorsque la demanderesse n'a pas,
au Canada, d'existence matérielle, de représenta-
tion, d'organisation ou de système de quelque
nature.
DOMMAGES-INTÉRÊTS
Les seuls dommages-intérêts réclamés, et les
seuls qui, en fait, sont susceptibles d'être accordés
eu égard aux faits de l'espèce, sont ceux qui se
rapportent au prétendu délit de passing off.
Aucun préjudice spécial n'a été établi et il
n'existe aucune preuve de préjudice général à la
clientèle de la demanderesse. Rien ne prouve, par
exemple, que les services et le logement fournis par
la défenderesse soient d'une qualité inférieure à
ceux de la demanderesse, ce qui pourrait causer un
préjudice à l'achalandage de celle-ci. Puisqu'elles
exercent leurs activités sur des marchés différents,
c'est-à-dire dans des pays différents, la défende-
resse ne saurait enlever des clients à la demande-
resse. La société défenderesse a, lors de l'achat de
«Motel 6» en 1973 aux trois particuliers Haw-
thorne, Harrison et Mitchell, attribué une valeur
de $75,000 à son achalandage dans le prospectus
émis pour la vente des actions de la société. Il
s'agissait toutefois d'un chiffre purement arbitraire
et le prospectus émis à l'époque portait la mention
suivante:
[TRADUCTION] Ces actions ont été émises au prix de $0.10
chacune pour un total de $75,000.00, montant qui n'a pas
nécessairement de rapport avec la valeur de la marque de
commerce originairement acquise par les vendeurs à un prix
estimatif de $5,000.00.
Je constate aussi qu'en novembre 1972, la
demanderesse a déposé une demande d'enregistre-
ment de sa marque de commerce au Canada. Cette
demande ne reposait ni sur un emploi actuel ni sur
un emploi projeté au Canada, mais bien sur une
utilisation et un enregistrement américains.
JUGEMENT
Sera rendu un jugement ordonnant que soient
radiées du registre des marques de commerce la
marque de la société défenderesse enregistrée le 23
août 1974 sous le n° 201,351, et aussi celle du
défendeur Hawthorne enregistrée le 28 août 1970
sous le n° 170,826. Toutes les autres demandes de
la demanderesse seront rejetées, la demande
fondée sur l'article 7b) de la Loi sur les marques
de commerce étant toutefois rejetée uniquement
pour défaut de compétence. La requête par
laquelle la défenderesse demande un jugement
déclarant que la demanderesse n'a aucun droit
d'auteur sur sa marque ne sera pas accueillie,
puisqu'un tel jugement n'aurait eu d'effet qu'entre
les parties et serait inutile étant donné les motifs
par lesquels la réclamation que fait valoir la
demanderesse contre la défenderesse pour violation
de droit d'auteur est rejetée.
FRAIS
Un jugement en bonne et due forme sera rendu
en ce sens. Toutefois, je réserve ma décision sur les
dépens, puisque les avocats des deux parties ont
demandé à présenter des observations sur la ques
tion au cas où le succès ne serait pas entier.
ANNEXE «A»
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.