A-587-80
Remington Arms of Canada Limited (Requérante)
c.
Les Industries Valcartier Inc. (Intimée)
et
Le Tribunal antidumping (Tribunal)
Cour d'appel, les juges Urie et Ryan et le juge
suppléant MacKay—Toronto, 16 mars; Ottawa,
25 mai et 8 juin 1981.
Examen judiciaire — Antidumping — Demande d'annula-
tion de la décision par laquelle le Tribunal antidumping a jugé
que le dumping au Canada de munitions pour le sport était
susceptible de causer un préjudice sensible à la production au
Canada de marchandises semblables — Le Tribunal a consi-
déré la marge moyenne pondérée de dumping déposée par le
sous-ministre du Revenu national comme un facteur pour la
détermination de la possibilité de préjudice sensible — Le
Tribunal a demandé et reçu l'explication relative à la révision
de la marge après la clôture des audiences publiques — I1
échet d'examiner si le Tribunal a violé les règles de justice
naturelle en prenant en considération la marge de dumping
sans donner aux parties l'occasion d'examiner l'exactitude des
calculs — Demande rejetée — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C.
1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28 — Loi antidumping, S.R.C.
1970, c. A-15, art. 8, 9, 13, 14(1),(2)a),c). 16, 17, 18, 19, 20—
Règles de procédure du Tribunal antidumping, C.R.C. 1978,
Vol. III, c. 300, règle 9.
Demande d'examen et d'annulation de la décision par
laquelle le Tribunal antidumping a jugé que le dumping au
Canada de munitions pour le sport était susceptible de causer
un préjudice sensible à la production au Canada de marchandi-
ses semblables. Antérieurement aux audiences publiques qui
furent tenues du 14 au 17 juillet 1980, le ministère du Revenu
national avait réduit la marge de dumping. Le 17 juillet 1980,
le Tribunal se renseigna auprès du Ministère sur la raison pour
laquelle ce dernier avait révisé sa marge de dumping. La
réponse fut donnée le 22 juillet 1980. Le Tribunal considéra la
marge moyenne pondérée de dumping, telle qu'elle avait été
déterminée par le sous-ministre, comme un facteur pour la
détermination de la possibilité de préjudice sensible. La requé-
rante fait valoir que les parties auraient dû avoir l'occasion
d'examiner, au moyen d'un contre-interrogatoire, l'exactitude
de la marge retenue. On soutient donc que le Tribunal a violé
les règles de justice naturelle en fondant sa décision en partie
sur la marge de dumping. On prétend en outre que même si le
Tribunal était autorisé à prendre en considération la marge de
dumping, il n'aurait pas dû le faire, puisqu'il disposait d'élé-
ments de preuve selon lesquels les calculs étaient sujets à
caution et qu'il ne fallait donc pas en tenir compte. La question
est de savoir si le Tribunal a commis une erreur de droit.
Arrêt: la demande est rejetée. La loi ne confère nullement au
Tribunal le pouvoir de déterminer la marge de dumping. Il n'est
nullement obligé de rechercher comment le sous-ministre l'a
calculée. Si le Tribunal juge approprié de prendre en considéra-
tion cette marge dans son enquête sur le préjudice sensible, il
est en droit de s'enquérir de la raison pour laquelle il y a eu
modification de la marge entre la détermination préliminaire et
la date de l'audience. Cette raison peut être importante dans
l'appréciation par le Tribunal du poids à attacher à la marge de
dumping. Une telle enquête ne met pas en cause la valeur de
cette marge. Les parties ne sauraient prétendre qu'il y a eu
violation des règles de justice naturelle, puisqu'il s'agit d'une
question à laquelle celles-ci ne s'appliquent pas, le calcul ayant
été fait par le sous-ministre dans l'accomplissement d'un acte
administratif.
Arrêt mentionné: In re la Loi antidumping et in re Sabre
International Ltd. [1974] 2 C.F. 704. Distinction faite
avec l'arrêt: Magnasonic Canada Ltd. c. Le Tribunal
antidumping [1972] C.F. 1239.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
John T. Morin et Richard J. McClosky pour
la requérante.
John Richard, c.r., pour l'intimée.
J. L. Shields pour le Tribunal.
T. Kerzner, c.r., pour Olin Corporation et
Winchester Canada.
PROCUREURS:
Campbell, Godfrey & Lewtas, Toronto, pour
la requérante.
Gowling & Henderson, Ottawa, pour l'inti-
mée.
Soloway, Wright, Houston, Greenberg,
O'Grady, Morin, Ottawa, pour le Tribunal.
Perry, Farley & Onyschuk, Toronto, pour
Olin Corporation et Winchester Canada.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE URIE: La Cour statue sur une demande
fondée sur l'article 28 tendant à l'examen et à
l'annulation de la décision que le Tribunal anti-
dumping a rendue après une audience publique et
par laquelle ce dernier a, entre autres, décidé que:
le dumping au Canada de munitions pour le sport (percussion
annulaire, percussion centrale et cartouches) originaires ou
exportées des États-Unis d'Amérique et fabriquées par ou pour
le compte de Olin Corporation de Stamford (Connecticut) et de
Remington Arms Company de Bridgeport (Connecticut) est
susceptible de causer un préjudice sensible à la production au
Canada de marchandises semblables.
La requérante, appuyée par les intervenantes,
Olin Corporation et Winchester Canada, une divi
sion d'Olin Holdings Ltd., a, pour contester la
décision, invoqué un certain nombre de moyens
qui, à l'exception d'un seul, exigeraient de la pré-
sente Cour qu'elle réévalue les éléments de preuve
et, en fait, qu'elle juge à nouveau l'affaire. Comme
il a été dit à maintes occasions, ce n'est pas là le
rôle de la Cour. Le Tribunal antidumping a été
légalement constitué et doté des pouvoirs légaux et
des ressources lui permettant d'évaluer les élé-
ments de preuve produits devant lui et de faire les
constatations exigées par sa loi constitutive. Il ne
sera touché à celles-ci que lorsqu'elles ne sont
fondées sur aucun élément de preuve ou reposent
sur un principe erroné'.
Si l'on fait abstraction de la qualification d'er-
reurs de droit attachée par la requérante et les
intervenantes à divers actes du Tribunal, l'essentiel
de chacun des moyens (à l'exception d'un seul dont
je parlerai plus tard dans les présents motifs)
invoqués par la requérante et les intervenantes
pour attaquer la décision du Tribunal consiste
dans le fait que ce dernier, pour décider qu'il y
avait possibilité de préjudice sensible pour les pro-
ducteurs canadiens de marchandises semblables,
aurait faussement apprécié les divers aspects des
éléments de preuve produits devant lui ou n'aurait
pas tenu compte de faits importants. A mon avis,
ces moyens ne sont pas fondés, puisqu'il ressort du
dossier que le Tribunal a apprécié tous les élé-
ments de preuve dont il disposait, qu'ils fussent
favorables ou défavorables aux positions adoptées
par la requérante et les intervenantes (ci-après
appelées «Winchester»), et a fondé sa décision sur
ceux-ci. A mon sens, le Tribunal n'a commis
aucune erreur dans l'application des principes;
aucune de ses conclusions n'a été tirée sans qu'elle
soit fondée sur quelque élément de preuve. Sans
exposer en détail les moyens invoqués, j'estime, par
conséquent, qu'il y a lieu de les rejeter tous.
Toutefois, un des moyens invoqués exige une
certaine analyse. Dans ses motifs de décision, après
avoir conclu que le dumping de munitions pour le
sport n'avait pas, à la date de la décision, causé un
préjudice sensible à la production au Canada de
marchandises semblables, le Tribunal dit ceci:
' Comparer: In re la Loi antidumping et in re Y.K.K. Zipper
Co. of Canada Ltd. [1975] C.F. 68; Sarco Canada Limited c.
Le Tribunal antidumping [1979] 1 C.F. 247; PPG Industries
Limited c. Le Tribunal antidumping (1978) 22 N.R. 263;
Hetex Garn A.G. c. Le Tribunal antidumping [1978] 2 C.F.
507; Rohm and Haas Canada Ltd. c. Le Tribunal antidumping
(1978) 22 N.R. 175.
Toutefois, la menace ou la possibilité de préjudice sensible à
Valcartier, si le dumping se poursuit, est réelle et imminente.
La marge moyenne pondérée de dumping déterminée prélimi-
nairement à l'égard des importations en provenance des États-
Unis de Winchester Canada et de Remington Canada est de
25%.
L'avocat de Remington, la requérante à l'ins-
tance, fait valoir que le Tribunal a commis une
erreur de droit en considérant la marge moyenne
pondérée de dumping, telle qu'elle a été détermi-
née par le sous-ministre du Revenu national,
Douanes et Accise, comme un facteur pour la
détermination de la possibilité de préjudice sensi
ble. D'après lui, en effet, le calcul de la marge de
dumping faisait partie de la détermination prélimi-
naire de dumping, qui était une décision adminis
trative rendue par le sous-ministre. Toutefois,
selon lui, dès lors que cette marge devenait un
facteur dont le Tribunal tenait compte pour procé-
der aux constatations requises par la loi, les parties
devaient avoir l'occasion d'examiner, au moyen
d'un contre-interrogatoire, l'exactitude de la
marge retenue. Puisque le Tribunal est un orga-
nisme quasi judiciaire, il ne pouvait, selon l'avocat,
ni examiner des faits non établis devant lui et non
vérifiés par un contre-interrogatoire, ni entendre
sur ceux-ci. Fonder sa décision en partie sur la
marge de dumping constituait dans ces circons-
tances une violation des règles de justice naturelle.
Même si le Tribunal était autorisé à prendre en
considération la marge de dumping, dit-il, il n'au-
rait pas dû le faire en l'espèce, puisqu'il disposait
d'éléments de preuve produits selon lesquels les
calculs étaient sujets à caution et qu'il ne fallait
donc pas en tenir compte.
L'avocat de Winchester a adopté une position
différente pour ce qui est de l'utilisation qu'aurait
faite le Tribunal de la marge de dumping pour
rendre sa décision. D'après lui, non seulement le
Tribunal pouvait examiner, dans son enquête, la
marge de dumping, mais il devait le faire. L'erreur
qu'il aurait commise ne serait donc pas d'avoir
examiné la marge, mais plutôt de n'avoir pas
permis l'examen ou la contestation du pourcentage
de la marge de dumping, ce qui, selon l'avocat,
constitue un déni de justice naturelle. Une telle
contestation aurait dû conduire, pour diverses rai-
sons, à des conclusions favorables au moins à
Winchester, et entraîner le rejet par le Tribunal de
la marge établie par le sous-ministre.
Pour apprécier le bien-fondé des arguments pré-
cédents, il y a lieu de rappeler brièvement l'écono-
mie de la Loi antidumping, S.R.C. 1970, c. A-15,
modifiée.
L'article 13 de la Loi autorise le sous-ministre à
faire ouvrir une enquête concernant le dumping de
marchandises, soit de sa propre initiative, soit sur
réception d'une plainte écrite portée par des pro-
ducteurs de marchandises semblables au Canada
ou en leur nom.
L'article 14(1) prévoit que le sous-ministre doit,
lorsque, par suite de l'enquête, il est convaincu que
les marchandises ont été ou sont sous-évaluées, et
que la marge de dumping des marchandises .sous-
évaluées et le volume réel ou éventuel du dumping
ne sont pas négligeables, faire une détermination
préliminaire du dumping spécifiant les marchandi-
ses ou la sorte de marchandises auxquelles cette
détermination s'applique.
L'article 8 dispose qu'aux fins de la Loi, «la
marge de dumping de toutes marchandises est
l'excédent de la valeur normale des marchandises
sur le prix à l'exportation des marchandises.»
L'article 9 prescrit la signification à donner à
l'expression «valeur normale».
L'article 14(2)a) prévoit que lorsque le sous-
ministre a fait une détermination préliminaire du
dumping, il doit faire donner à l'exportateur et au
plaignant, entre autres, un avis de la détermina-
tion, énonçant les motifs de celle-ci. Le juge en
chef Jackett, qui rendait l'arrêt de la Cour dans
l'affaire In re la Loi antidumping et in re Sabre
International Ltd. 2 , a jugé que la détermination
préliminaire est une décision ou ordonnance de
nature administrative qui n'est pas soumise à un
processus judiciaire ou quasi judiciaire, et n'est
donc pas susceptible d'examen en vertu de l'article
28 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e
Supp.), c. 10.
L'article 14(2)c) exige du sous-ministre qu'il
fasse produire au Tribunal un avis écrit de la
détermination «... énonçant les motifs de cette
détermination, ainsi que tout ce que les règles du
Tribunal peuvent exiger de produire au sujet de la
détermination ...». La règle 9 des Règles de pro-
cédure du Tribunal antidumping, C.R.C. 1978,
2 [1974] 2 C.F. 704, la p. 707.
Vol. III, c. 300, exige du sous-ministre qu'il pro-
duise, entre autres, les marges de dumping. Même
sans cette règle, j'aurais cru que les motifs
devaient nécessairement énoncer la marge de dum
ping pour pouvoir constater qu'était satisfaite,
dans les circonstances, la condition préalable selon
laquelle cette marge ne doit pas être négligeable.
Aux termes de l'article 16, le Tribunal doit tenir
l'enquête y prévue. Le paragraphe (3) de cet arti
cle exige du Tribunal qu'il rende sa décision dans
un délai de 90 jours à compter de la date de la
réception d'un avis d'une détermination prélimi-
naire de dumping.
L'article 17 quant à lui prévoit que le sous-
ministre fait une détermination définitive de dum
ping dans le cas de toutes marchandises décrites
dans l'ordonnance ou les conclusions du Tribunal.
Il fait sa détermination «... en se fondant sur les
faits et les renseignements dont il dispose et, après
avoir fait cette détermination, il doit immédiate-
ment faire évaluer le droit payable ...». L'avis de
cette détermination doit être publié dans la
Gazette du Canada.
En vertu de l'article 18, l'importateur peut, à la
suite d'une ordonnance ou de conclusions du Tri
bunal, en appeler de l'évaluation de la valeur
normale et du prix normal à l'exportation de toutes
marchandises qui sont entrées au Canada.
Les articles 19 et 20 créent un droit d'appel à la
Commission du tarif et à la Cour fédérale sur une
question de droit relativement à l'une quelconque
des marchandises décrites dans l'ordonnance.
Compte tenu de ce qui précède, je ne pense pas
qu'on puisse douter que le calcul de la marge de
dumping relève du sous-ministre aux stades tant
préliminaire que définitif. C'est un fait que le
Tribunal doit accepter comme faisant partie des
motifs du sous-ministre dans sa détermination pré-
liminaire de dumping. Il ne s'agit pas d'une déci-
sion que le Tribunal peut modifier ou au sujet de
laquelle il peut admettre des éléments de preuve
aux fins de modification au cours de son enquête
visant à s'assurer, en application de l'article 16 de
la Loi, de l'existence d'un préjudice sensible. En
contrepartie toutefois, il s'agit d'un fait qui, rap-
proché d'autres faits régulièrement constatés, peut
être retenu par le Tribunal dans l'appréciation de
la question du préjudice sensible aux producteurs
canadiens de marchandises semblables. De plus, à
mon sens, ce fait peut être particulièrement utile
pour déterminer s'il y a possibilité de préjudice
sensible à l'avenir. Doivent donc être repoussées les
prétentions de la requérante sur ce point. A mon
avis, le fait que le Tribunal ait pris en considé-
ration la marge de dumping sans entendre les
parties à ce sujet ne constitue pas un déni de
justice naturelle. Si, après que le Tribunal a rendu
sa décision, l'évolution des événements fait dispa-
raître la marge ou rend celle-ci négligeable, les
articles 17 20 de la Loi sont là pour éviter que
l'exportateur ne soit injustement assujetti à des
droits de dumping.
L'avocat fait toutefois valoir que l'affaire n'est
pas pour autant vidée dans les circonstances parti-
culières de l'espèce. Pour saisir l'autre fait qui,
selon l'avocat de Winchester constituerait un déni
de justice naturelle, il convient de rappeler briève-
ment les événements dans leur chronologie:
a) le sous-ministre a fait sa détermination préli-
minaire de dumping le 21 mai 1980;
b) un avis écrit de cette détermination a été
déposé au Tribunal le même jour;
c) le Tribunal a ouvert son enquête le 23 mai
1980;
d) le 17 juin 1980, les représentants de Winches-
ter ont rencontré ceux du sous-ministre pour
tenter de démontrer qu'il y avait des erreurs
dans le calcul de la marge de dumping;
e) le 11 juillet 1980, Winchester et le Tribunal
ont été informés que la marge de dumping avait
été ramenée de 40% à 25%;
f) les audiences publiques ont été tenues devant
le Tribunal du 14 au 17 juillet 1980;
g) il appert que, le 17 juillet 1980, le secrétaire
du Tribunal s'est renseigné auprès du ministère
du Revenu national sur la raison pour laquelle
ce dernier avait révisé sa marge de dumping à
l'égard de Winchester;
h) le 22 juillet 1980, le Ministère a adressé au
secrétaire du Tribunal une lettre l'informant du
fondement de la réduction de la marge de
dumping;
i) le Tribunal a fait connaître ses conclusions et
prononcé ses motifs le 19 août 1980, soit un jour
avant l'expiration du délai de 90 jours imparti.
L'intervenante, Winchester, se plaint de ce que
la demande de renseignements du Tribunal en date
du 17 juillet et la réponse afférente datée du 22
juillet sont intervenues sans qu'elle en soit avisée.
Si elle avait été avisée, et si on lui avait donné la
possibilité d'analyser la réponse afin de produire
des éléments de preuve pertinents et de faire valoir
ses prétentions, elle aurait pu établir qu'il y avait
d'autres erreurs dans les calculs. Selon l'avocat, le
défaut de fournir â Winchester une telle possibilité
constitue un déni de justice naturelle.
A l'appui de cette prétention, l'avocat invoque
deux passages du jugement rendu par le juge en
chef Jackett dans l'affaire Magnasonic Canada
Limited c. Le Tribunal antidumping 3 . Aux pages
1246 et 1247, le juge en chef dit ceci:
Le Tribunal a pour seule fonction de mener des enquêtes en
vertu de l'article 16 relativement aux marchandises auxquelles
s'appliquent des déterminations préliminaires du dumping et de
rendre ensuite l'ordonnance ou de prendre les conclusions qui
s'imposent (article 16(3)).
Quant à la conduite de ces enquêtes, la loi a prévu le système
des audiences que j'ai mentionné et a conféré aux «parties» (qui,
à notre avis, doivent inclure l'«importateur» et les autres person-
nes précisées dans la loi et qui ont droit à l'avis de détermina-
tion préliminaire) le droit de comparaître à ces audiences ou d'y
être représentées. En l'absence de toute indication claire à
l'effet contraire dans la loi, nous n'avons aucun doute qu'un tel
droit implique que la partie a droit à une audition qui com-
prend à tout le moins une possibilité équitable de répondre à
tout ce qui va à l'encontre de son intérêt et un droit de
présenter ses prétentions relativement aux preuves sur lesquel-
les le Tribunal se propose de fonder sa décision. Le droit d'une
partie de «comparaître» à une «audience» n'aurait pas de portée
réelle si la décision ne devait pas être fondée sur ladite
«audience» ou si la partie n'avait pas le droit fondamental d'y
être entendue.
A la page 1249, il s'exprime en ces termes:
En conséquence, nous sommes d'avis que le Tribunal a pris la
décision attaquée sans avoir mené l'enquête exigée par la loi,
dans la mesure où il a agi sur des renseignements qui ne lui
avaient pas été communiqués au cours des audiences du Tribu
nal ou par un seul membre du Tribunal ainsi que le prévoit la
loi; il s'ensuit que les parties n'ont pas eu la possibilité de
répondre à ces renseignements (soit tels qu'ils avaient été
obtenus ou, lorsqu'ils étaient fondés sur des communications
confidentielles, tels que communiqués conformément à l'article
29(3)) ni de faire valoir leurs prétentions à cet égard.
Bien entendu, il n'y a rien â redire aux passages
cités. Toutefois, le point litigieux en l'espèce dif-
fère considérablement, quant aux faits, de ce que
3 [1972] C.F. 1239.
la Cour de céans a jugé être une erreur du Tribu
nal dans l'affaire Magnasonic. Le passage suivant,
extrait de la page 1244 de la décision, relate ce que
le Tribunal avait fait dans cette affaire:
Lors de la présente «enquête», il y a eu d'une part une
audience publique devant laquelle la Magnasonic et les autres
parties, toutes représentées par des avocats, ont apporté des
éléments de preuve et ont eu la possibilité de faire valoir leurs
prétentions à l'égard des preuves présentées. Toutefois il était
entendu que, lors de cette audience, nul ne serait tenu de
témoigner contre sa volonté s'il estimait qu'il devait divulguer
des éléments «confidentiels». D'autre part, durant l'enquête un
ou plusieurs membres du Tribunal ou le personnel du Tribunal,
en dehors des séances, ont reçu la preuve confidentielle exigée
par le Tribunal ou envoyée volontairement par le sous-ministre
ou d'autres personnes. Enfin, durant l'enquête, un ou plusieurs
membres de la Commission ou de son personnel se sont rendus
dans les locaux des fabricants canadiens. Ils ont également fait
une ou plusieurs entrevues au cours desquelles ils ont obtenu
des éléments de preuve et des renseignements.
Il faut remarquer que le trait caractéristique de ce genre
d'enquête» est que, bien que les «parties» aient eu une connais-
sance complète de la preuve apportée lors de l'audience pu-
blique, elles n'avaient pas la possibilité de connaître quelles
autres preuves ou renseignements le Tribunal avait acceptés et
n'avaient pas la possibilité d'y répondre ou de faire valoir leurs
prétentions à cet égard. [C'est moi qui souligne.]
Ce que le Tribunal n'avait pas révélé aux parties
dans l'affaire Magnasonic, c'était des renseigne-
ments dont il avait besoin pour s'acquitter de ses
obligations légales, mais qui devaient être portés à
la connaissance des parties pour leur permettre d'y
répondre. Une telle obligation diffère nettement de
celle dont il s'agit en l'espèce. Comme je l'ai
indiqué plus haut, la loi ne confère nullement au
Tribunal le pouvoir de déterminer la marge de
dumping. Il lui appartient d'accepter celle-ci telle
qu'elle a été déterminée. Il n'est nullement obligé
de rechercher comment le sous-ministre l'a calcu-
lée. Toutefois, par prudence, il me semble que si le
Tribunal juge approprié de prendre en considé-
ration cette marge dans son enquête sur le préju-
dice sensible, et je crois qu'il convient de le faire, il
est en droit de s'enquérir de la raison pour laquelle
il y a eu modification de la marge entre la détermi-
nation préliminaire et la date de l'audience lorsque
le fait a été produit en preuve, comme c'était le
cas. Cette raison peut être importante dans l'ap-
préciation par le Tribunal du poids à attacher à la
marge de dumping. Une telle enquête ne met pas
en cause la valeur de cette marge. Cela sortirait du
champ de l'enquête. Les parties ne sauraient donc,
à mon avis, prétendre qu'il y a eu violation des
règles de justice naturelle, puisqu'il s'agit d'une
question à laquelle celles-ci ne s'appliquent pas, le
calcul ayant été fait par le sous-ministre dans
l'accomplissement d'un acte administratif. Le
moyen pris en cette branche ne saurait donc
davantage être accueilli.
Il y a donc lieu de rejeter la demande fondée sur
l'article 28.
* * *
LE JUGE RYAN: J'y souscris.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY: J'y souscris.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.